• Journaliste, Allemande, l'auteur avait une trentaine d'années au moment de la chute de Berlin à la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle a tenu son journal de ces journées difficiles.

    D'abord, alors que les Soviétiques sont aux portes de la ville, les Berlinois se terrent dans les caves par peur des bombardements. L'auteur qui loge sous les toits est hébergée par une veuve qui habite plus bas, ce qui lui permet de gagner rapidement la cave en cas d'alerte. Chacun a descendu avec soi ses objets les plus précieux. Quand on peut sortir on en profite pour faire la queue pour l'eau, pour la nourriture. Tous les efforts sont organisés dans l'optique de la survie.

    Le 27 avril les premiers Soviétiques arrivent dans le quartier de l'auteur. Les bombardements sont terminés, les viols commencent. On estime à plus de    100 000 le nombre de Berlinoises victimes de viols en cette fin de guerre. Viols collectifs, viols à répétition, viols devenus presque banals puisque la première question entre deux femmes qui se rencontrent est à cette époque : "Alors, combien de fois?"

    Aussi l'auteur du journal se met en quête d'un protecteur, un officier qui fera barrage aux autres hommes et qui l'approvisionnera en nourriture. Elle a des rudiments de Russe qui lui permettent de nouer des relations plus facilement avec les vainqueurs. Après le départ du premier officier, elle en recrute un deuxième.

    A partir du 9 mai les Soviétiques quittent l'immeuble et l'auteur peut enfin dormir seule. A ce moment là elle est réquisitionnée, avec d'autres, pour participer à divers travaux : déblaiement des ruines, récupération de matériaux et de machines qui peuvent encore servir et qui sont expédiés vers l'URSS, lavage du linge de l'occupant...
    Petit à petit un rationnement se remet en place : on touche des tickets, on peut acheter de la nourriture. L'eau revient dans l'immeuble.

    Le journal s'arrête le 22 juin, juste après le retour de Gerd qui fut le compagnon de l'auteur. Gerd qui ne comprend pas ce qu'elle a vécu en son absence et qui le lui reproche : "Vous êtes devenues aussi impudiques que des chiennes, toutes autant que vous êtes dans cette maison. (...) C'est épouvantable d'avoir à vous fréquenter. Vous avez perdu tout sens des normes et des convenances."

    Quand cet ouvrage est paru pour la première fois en Allemand, en 1957, il a suscité le même genre de réactions et l'auteur a été accusée d'immoralité éhontée. Ce qui a choqué, c'est la façon presque froide dont les faits sont racontés. L'auteur est un témoin qui ne cache rien : les compromissions et la lâcheté mais aussi la solidarité. Elle-même apparaît comme une personne qui réfléchit, prête à beaucoup pour survivre mais pas à n'importe quoi. Je la trouve admirable car très courageuse. Un document frappant qui me donne envie d'en lire plus sur ces événements.

     

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  • En 1991, à Los Angeles, Maximilen Ophuls, ancien héros de la résistance française, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Inde, chef des services américains de lutte anti-terroriste est assassiné devant chez sa fille India par son chauffeur qui répond au pseudonyme de Shalimar le clown. Shalimar est connu pour être un terroriste islamiste international aussi on pense d'abord à un crime politique. La réalité est en fait toute autre.

    Pour la découvrir, Salman Rushdie nous emmène sur les traces de quatre personnages dont il nous raconte les histoires : Maximilien Ophuls, Shalimar, India et Boonyi, la femme qui fait le lien entre eux tous. Derrière eux nous voyageons jusqu'au nord de l'Inde, au Cachemire, où se croisent tous les fils de l'existence des protagonistes de ce roman.

    Nous découvrons ce paradis terrestre sans précédent que, dit un personnage "nous avons décidé, afin de ne pas avoir l'air de nous vanter devant des étrangers, d'appeler Cachemire !" où musulmans et hindous vivaient en paix, les musulmans priant des saints et les hindous mangeant de la viande. Salman Rushdie nous montre comment, petit à petit, tout cela a disparu après la partition. Le Cachemire se retrouve déchiré entre l'Inde et le Pakistan; l'armée indienne s'installe pour maintenir l'ordre; le terrorisme islamiste se développe, soutenu par les services secrets pakistanais, alimenté par la guérilla afghane financée par les Etats-Unis. L'engrenage de la violence touche chaque village et chaque famille et bientôt tous ont de bonnes raisons de vouloir se venger. Au besoin les ressentiments et les haines personnels servent d'excuse.

    L'imagination du romancier se greffe sur des situations historiques et politiques réelles ce qui rend le tout très convainquant. Salman Rushdie manie l'ironie et l'humour, de plus en plus noir à mesure qu'on avance. J'ai beaucoup aimé ce livre. Je crois que je vais relire du Salman Rushdie prochainement.

     

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  • L'occasion fait le larron : j'étais en vacances pour une semaine à Mende, Lozère et justement Jacques Higelin y passait en concert cette même semaine. Nous décidons d'y aller en famille. Le concert a lieu au théâtre municipal de Mende. Ouverture des portes à 20 heures. Il pleut. Une petite queue de spectateurs s'abrite en attendant de pouvoir entrer. Nos enfants font plutôt baisser la moyenne d'âge.  Par une fenêtre Jacques Higelin salue les gens mais là où nous sommes nous ne pouvons voir que sa main. cependant ça met déjà un peu de mouvement dans la file.

    La salle est petite et guère remplie à notre arrivée. Nous nous installons juste sous la scène. Entrée de l'artiste vers 21 heures 15 et c'est parti pour plus de 2 heures 30 de spectacle. Il tient la forme le Jacques ! C'est dynamique et sans temps mort du début à la fin. Et nous sommes particulièrement bien placés, ce qui nous permet d'en profiter en gros plan.

    Ambiance chaleureuse. La salle reprend en coeur les classiques, particulièrement "tombé du ciel". Jacques Higelin joue du piano et de la guitare, il chante et il raconte des histoires, il plaisante à propos des prochaines élections présidentielles. Il apparaît comme une personne sympathique, proche du public et de son équipe, musiciens et régisseurs. C'est véritablement un artiste qui mérite d'être vu. Le spectacle apporte un plus que les seuls disques ne peuvent pas rendre. (Peut être que c'est vrai pour tous les chanteurs ce que je dis ? En fait je n'ai pas été souvent à des concerts). Je suis rentrée chez moi un peu moulue mais bien contente de ma soirée.
     

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  • Née à Sarajevo, Zlata Filipovic a tenu son journal pendant la guerre qui a frappé son pays à partir de 1991. En 1993 ce journal est publié et Zlata connaît la célébrité. Avec sa famille elle quitte Sarajevo à ce moment-là. Depuis elle s'est engagée avec l'ONU pour la préservation de la paix.

    Avec Melanie Challenger elles présentent dans ce recueil des journaux d'enfants ou de jeunes gens pris dans différents conflits du 20° et du début du 21° siècle dans le monde. Cela va de Piete Kuhr, une petite Allemande témoin de la première guerre mondiale à Hoda Thamir Jehad jeune Irakienne au moment de l'intervention américaine contre Saddam Hussein. Il y a aussi des journaux de très jeunes combattants (20 ans) pendant la deuxième guerre mondiale, au Vietnam.

    Cela semble une évidence de dire que la guerre raccourcit les enfances et fait mûrir prématurément. C'est bien ce que montre chacun de ces journaux, parfois de façon poignante quand les petits rédacteurs n'ont pas survécu aux événements qu'ils relatent.

    A sa mère qui la réprimande parce qu'elle pleure à l'annonce de la mort d'un jeune soldat de leurs connaissances et qui lui demande de ne pas oublier qu'il est mort en héros, Piete Kuhr répond : "Je ne l'oublierai sûrement pas. En fait, si je pleure, ce n'est pas parce que nos soldats meurent en héros, mais simplement parce qu'ils meurent tout court. Plus de matin, plus de soir, ils sont morts. Quand le fils d'une mère meurt, elle sanglote à fendre l'âme, non parce qu'il est mort en héros, mais parce qu'il est parti, et qu'il est sous terre. Il ne s'assoira plus à table, elle ne lui coupera plus une tranche de pain, elle ne raccommodera plus ses chaussettes. Elle ne peut pas dire "merci" sous prétexte qu'il est mort en héros. (S'il te plaît, maman, ne te fâche pas contre moi)."

    L'auteur de ces lignes avait 12 ans. J'ai particulièrement apprécié les extraits de son journal. Elle montre une grande ouverture d'esprit et le courage de ses opinions. Le résumé de sa vie qui suit ces extraits nous apprend qu'elle n'a pas changé en devenant adulte.

    Autre guerre, autre témoin. Ed Blanco est un jeune Américain. En 1967, à l'âge de 19 ans, il s'est engagé pour un an au Vietnam. Il tue et il voit ses camarades mourir autour de lui. La note qui suit son journal nous apprend que "au moment même où il retrouvait le sol américain, en Californie, Ed Blanco se vit refuser un verre de bière dans un bar, au prétexte qu'il n'était pas majeur, bien qu'il soit en uniforme et vétéran du Vietnam." Assez âgé pour se battre mais trop jeune pour boire de l'alcool. Cette anecdote montre bien toute l'absurdité de la guerre et l'hypocrisie de systèmes qui prétendent protéger la jeunesse (bien sûr qu'au Vietnam on ne lui a pas demandé ses papiers pour lui servir à boire).

    La postface nous rappelle qu'aujourd'hui plus de 250 000 enfants soldats combattent à travers le monde. Que depuis 2003 plus de 11.5 millions d'enfants ont été déplacés à l'intérieur de leur pays et 2 400 000 contraints à l'exil. Que les mines antipersonnel blessent ou tuent 8 à 10 000 enfants chaque année. C'est donc un sujet d'actualité. Et un livre intéressant car les auteurs ont choisi des journaux représentatifs des conflits abordés.
     

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  • Née le 25 décembre 1918 à Moscou, Nina Lougovskaïa a tenu un journal intime entre octobre 1932 et janvier 1937. Son père est un socialiste révolutionnaire inquiété par le régime de Staline. A partir de mars 1933 son passeport intérieur lui est retiré et il ne peut plus résider à Moscou ; en novembre 1935 il est arrêté ; le 4 janvier 1937 l'appartement familial est perquisitionné et le journal intime de Nina fait partie des objets confisqués à cette occasion. S'en suit l'arrestation de la mère et des trois filles et leur condamnation à cinq ans de goulag suivie de cinq ans d'assignation à résidence dans la Kolyma. Réhabilitée en 1963 pour "manque de preuves" Nina Lougovskaïa est devenue artiste peintre. Elle est morte en 1993. Son journal intime a été retrouvé après sa mort dans les archives du NKVD ouvertes au public après la chute de l'URSS. Il est un témoignage de la vie quotidienne d'une adolescente à Moscou, au milieu des années 30.

    Tout d'abord, les préoccupations de Nina sont celles, intemporelles, de nombre d'adolescentes. Elle se trouve laide, voire repoussante et envie ses soeurs aînées et ses camarades de classe. Elles, sont si mignonnes, et bien dans leur peau, et à l'aise avec les garçons. Car Nina est obnubilée par les garçons. Tour à tour elle tombe amoureuse de plusieurs garçons de sa classe, elle a le béguin pour des étudiants, camarades de ses soeurs. Elle les observe, détaillant leurs attraits physiques et leur caractère. En classe elle fait circuler des petits mots en direction de ses amies pour échanger leurs opinions sur tel ou tel.

    L'école est aussi un grand souci de Nina. Elle n'a pas de très bons résultats, est âgée de deux ans de plus que ses camarades et cherche un moyen d'en finir au plus vite avec sa scolarité secondaire. Elle alterne les périodes de découragement où elle cesse d'aller en cours et les périodes d'enthousiasme où elle décide de travailler d'arrache-pied (bien souvent, semble-t-il, cela ne dépasse pas ce stade de la décision).

    Cet aspect du journal est intéressant car il montre une permanence des sentiments de l'adolescence. De plus Nina écrit plutôt bien. Cependant, au bout d'un moment, j'ai commencé à trouver que cela devenait répétitif et lassant.

    L'aspect le plus intéressant du journal, c'est celui qui attiré l'oeil de la police politique : des passages entiers en ont été soulignés par un inspecteur du NKVD et ont servi de preuves confirmant les opinions contre-révolutionnaires de Nina. Quand elle écrit au sujet de Staline :
    "J'ai rêvé à la façon dont je le tuerais, ce dictateur. Les promesses qu'il fait à la Russie, ce salaud, cette ordure, alors qu'il la mutile, ce vil Géorgien ! " On comprend qu'un régime totalitaire ne puisse pas laisser passer de tels propos. Mais est aussi retenu contre elle le fait qu'elle dise que, bien qu'ayant pitié d'eux, elle ne se sent aucun point commun avec le peuple et les masses ouvrières. Où les nombreux moments où elle pense plus ou moins sérieusement au suicide.

    C'est au moment où le journal s'arrête, où sa vie va prendre un tour dramatique que j'aimerais le plus pouvoir suivre Nina dans sa déportation.
     

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  • Daya Pawar est un intouchable de la caste des Mahâr. Il est né vers 1935. Dans ce récit écrit en 1978, il se souvient de sa jeunesse jusque vers l'âge de 25 ans. Après avoir passé sa petite enfance à Bombay, il grandit ensuite à Dhâmangâv, le village de sa famille, dans le mahârvâdâ, le quartier réservé aux Mahâr.

    Dans la société villageoise traditionnelle, les Mahâr ont une obligation de service coutumier aux castes supérieures : "Porter les impôts au chef-lieu, courir devant le cheval des hauts-fonctionnaires en tournée au village puis soigner et nourrir leur monture, faire le garde-champêtre, s'il y avait un décès, aller l'annoncer dans les autres villages, débarrasser des bêtes mortes, couper du bois, jouer de la musique à la foire annuelle, accueillir le marié à l'entrée du village, etc.".
    Pour leur peine, ils reçoivent le balute, une part de la récolte de grain des cultivateurs du village, qu'ils doivent mendier et qui fait d'eux les obligés de ces hautes castes d'agriculteurs. Cependant, bien qu'ils soient méprisés par ceux qu'ils servent, ils leur sont nécessaires aussi car ils ont un rôle religieux (ils allument les feux de holi). Daya Pawar montre bien l'extrême complexité des relations entre castes et sous-castes.

    Ce qui frappe aussi, c'est la violence des relations dans cette société traditionnelle. Au village on vit sous l'oeil des autres, famille élargie et voisins. Pas de vie privée, très peu de possibilités de choix personnels. La plupart des hommes Mahâr sont rongés par l'alcoolisme.

    Dans cet extrême dénuement, le jeune Daya Pawar grandit avec le goût de l'étude. Il est poussé dans cette voie par sa mère, veuve de bonne heure, prête à se sacrifier pour ce fils adoré. C'est ainsi que nous le voyons s'éloigner du village pour poursuivre sa scolarité, souffrant du mépris de ses condisciples de meilleure origine.

    Si le contenu sociologique et historique est fort intéressant, ce récit souffre de son style chaotique. Daya Pawar saute du coq à l'âne par associations d'idées et j'ai eu parfois du mal à suivre le cours de sa pensée. Pourtant, dans la préface, l'éditeur nous informe qu'il a regroupé "des épisodes de la même période éparpillés au hasard".
    L'autre chose qui m'a déconcertée ce sont les comparaisons inhabituelles ("Il s'est abattu comme quelqu'un qu'on jette dans une cascade"). Je me suis demandée s'il s'agissait d'un défaut de traduction. Ou d'une tentative pour rendre la langue marathie ? Pas de réponse à cette question dans la préface.
    Malgré ce style pas toujours agréable l'ouvrage se lit facilement grâce à son contenu.
     

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  • Une histoire d'amour contrarié sur fond de révolte des cipayes.
    Winter de Ballesteros est née en Inde mais, orpheline de bonne heure, elle a ensuite été élevée en Grande-Bretagne, dans la famille de sa mère. Là, la seule affection qu'elle reçoit est celle de son arrière-grand-père. Le plus souvent elle est en butte à la jalousie et au mépris de sa tante et de sa cousine aussi elle se réfugie dans la nostalgie de son pays natal et elle rêve que quand elle sera enfin adulte elle pourra y retourner pour épouser Conway Barton, résident de Lunjore auquel elle est promise depuis l'âge de onze ans.

    Quand Winter atteint 17 ans, son fiancé envoie son assistant, le capitaine Alex Randall pour la ramener en Inde. Hélas, quand elle y arrive son beau rêve s'écroule : Conway ne s'intéresse qu'à sa fortune, la vie dissolue qu'il mène depuis vingt ans en a fait un alcoolique bouffi et elle est amoureuse d'Alex Randall ! Comble de malchance nous sommes en 1857 et la révolte des cipayes se profile à l'horizon.

    De cet épisode historique M. M. Kaye a choisi de nous montrer les aspects les plus tragiques. Elle met l'accent sur l'incapacité et l'aveuglement de nombre de dirigeants et officiers britanniques, surs de leur bon droit et de leur supériorité, persuadés que nul ne songerait à contester leur domination. Enfin elle nous fait trembler avec l'horreur des massacres de civils à l'arme blanche.

    Cela se lit facilement et c'est palpitant mais c'est avant tout une histoire romantique où l'Inde et la révolte des cipayes apportent la touche exotique et pathétique.
     

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