• Emile Legris était un admirateur de Charles Fourier (théoricien socialiste, il préconisa une organisation sociale fondée sur de petites communautés autonomes, les phalanstères. Fourier souhaitait que les membres de ses phalanstères soient solidaires. Pour cela il avait prévu de les vêtir de chemises boutonnées dans le dos. Ainsi ils étaient obligés de s'entraider pour s'habiller). Célibataire, Emile Legris utilisa une partie de sa fortune à aider des personnes rencontrées par hasard : leur trouver un emploi, financer leur installation dans la vie. Avec ces personnes il avait fondé une société baptisée "A cloche-pied". Après la mort d'Emile, les membres d'A cloche-pied continuent de se réunir une fois par an en sa mémoire. Le souvenir de leur bienfaiteur est bien tout ce qui les lie.

    La librairie d'Emile est revenue en héritage à son neveu Victor Legris, héros de cette série dont voici le septième épisode. A l'automne 1895 des membres d'A cloche-pied sont assassinés les uns après les autres. Découvrant fortuitement la chose, Victor sent son goût pour le mystère se réveiller. Avec son beau-frère et associé Joseph Pignot ils vont mener l'enquête.

    Une lecture agréable, des aventures dans le Paris de la fin du 19° siècle, chez les boutiquiers, les cocottes et les artistes.
     

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  • Raoul Thibaut de Mézières est conseiller du Président de la République Armand Fallières. Ce n'est pas que Raoul soit vraiment républicain mais dans la noblesse on sert la France. En cette année 1910 on parle de nommer Marie Curie membre de l'académie des sciences. Il est question aussi qu'elle reçoive un second prix Nobel. Ces éventualités contrarient beaucoup l'extrême-droite nationaliste. Car Marie Curie est femme, elle est étrangère. Et ne serait-elle pas juive aussi, un peu ?
    Alors certains commencent à murmurer que la mort accidentelle de Pierre Curie, quatre ans auparavant, pourrait bien ne pas être un accident. Et s'il avait été assassiné ? Et s'il avait été poussé au suicide ? En toute discrétion Raoul doit mener l'enquête. La République veut savoir si elle peut faire de Marie la sainte laïque dont elle a besoin ou si ce choix risque de se retourner contre elle.

    Je n'ai pas beaucoup apprécié ce premier épisode d'une nouvelle série de la collection Grands détectives. Je n'ai pas trouvé le héros très attachant. D'un côté c'est un progressiste convaincu que les femmes sont aussi capables que les hommes et intéressé aux découvertes techniques sans s'aveugler sur leurs dangers potentiels. Ca devrait être plutôt sympathique. Mais c'est aussi quelqu'un d'un peu trop imbu de sa classe et qui regarde le peuple de haut. Chacun à sa place et c'est bien comme ça. Par ailleurs l'auteur s'amuse à mettre dans la bouche de ses personnages des prémonitions de ce que sera l'avenir. "Je fais et je défais les gouvernements, mais je n'en ferai jamais partie." dit la cousine de Raoul. "Peut-être, un jour, sera-ce une fille de Marie Curie !" J'ai trouvé ça plutôt agaçant. Ce qui m'a le plus intéressé c'est l'ambiance politique de cette époque, les intrigues de la presse d'extrême-droite.
     

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    Promue à la tête du service de la protection du patrimoine historique, Flavia di Stefano se retrouve avec une affaire délicate sur les bras. Un tableau prêté par la France à l'Italie pour une exposition a été volé et une rançon est réclamée. Le gouvernement italien souhaite que l'échange se fasse dans la plus grande discrétion, que l'affaire ne soit pas éventée et que l'on puisse prétendre qu'il ne s'est rien passé. Mais quand le présumé voleur est retrouvé mort  Flavia décide, pour son compte, d'en apprendre plus. Son enquête la ramène dans les années 1970 quand des terroristes d'extrême gauche ensanglantaient l'Italie. Elle découvre que de vieux comptes n'ont toujours pas été réglés avec des coupables aujourd'hui très haut placés et prêts à tout pour que rien ne change.

    Dans ce septième épisode des aventures de Flavia di Stefano et Jonathan Argyll nos héros voient leur situation personnelle évoluer rapidement, d'autant plus que des hommes politiques corrompus veulent les faire taire. Iain Pears là-dessus occupe une position plutôt désabusée : on ne peut lutter contre la corruption des puissants, mieux vaut donc penser d'abord à soi et s'assurer une retraite tranquille. En même temps il fustige le monde contemporain opposé à l'âge d'or des années 1960 : "C'a été une courte période durant laquelle la richesse n'avait pas encore apporté la vulgarité, où la liberté ne s'était pas encore dégradée en nombrilisme, et durant laquelle le désir de nouveauté était empreint d'espoir au lieu d'être une quête obsessionnelle du changement". Un peu contradictoire, non ?
     

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    Zhu Xiao-Mei est née en 1950. Elle joue du piano depuis son plus jeune âge et à 11 ans elle entre au conservatoire de Pékin où elle peut se consacrer à sa passion. Mais petit à petit les séances d'autocritique et de dénonciation prennent le pas sur l'enseignement de la musique, les élèves sont emmenés en vacances à la campagne pour aider les paysans dans leur travail et Xiao-Mei s'éloigne de sa famille. Bien qu'elle soit devenue une révolutionnaire convaincue elle n'en reste pas moins suspecte aux yeux du régime car chushen buhao : de mauvaise origine (bourgeoise).

    En 1969, avec la plupart de ses camarades du conservatoire, elle est envoyée en camp de rééducation. Elle va y rester cinq ans. Enfin libre il lui faut énormément travailler pour rattraper le temps perdu et reprendre une carrière brutalement interrompue. A 30 ans elle quitte la Chine pour les Etats-Unis puis émigre ensuite vers la France. Le succès vient finalement, non sans difficultés et périodes de vaches maigres. Aujourd'hui elle est professeur au conservatoire national de musique et donne des récitals en France et à l'étranger.

    Ce que j'ai trouvé le plus intéressant dans La rivière et son secret (par contre, pourquoi ce titre ?) c'est le récit de l'adolescence et de la jeunesse de l'auteur sous la dictature de Mao, pendant la Révolution culturelle. Zhu Xiao-Mei montre bien comment toute une génération d'artistes et d'intellectuels a été sacrifiée. Même parmi ceux qui ont survécu la plupart de ses camarades n'ont pas connu la carrière qu'ils auraient pu. Ils ont finalement laissé de côté la musique pour assurer le matériel : "La Révolution culturelle a cassé en eux tout désir d'absolu. Par une cruelle ironie de l'Histoire, elle les a changés non en communistes mais en capitalistes !"

    Zhu Xiao-Mei elle-même reste marquée à jamais : "Les séances de dénonciation collectives que j'ai subies pendant des années font que j'ai désormais peur d'être critiquée, et que je ne peux plus avoir confiance, ni en moi, ni dans les autres. Quand l'on a connu ce régime, quand à douze ans, à un âge auquel on ne peut pas être coupable, on a été forcé de faire son autocritique, qu'est-ce qu'un ami, une relation, si ce n'est quelqu'un qui demain vous dénoncera et que vous-même, vous critiquerez ?"

    La suite, concernant son retour à la musique m'a moins intéressée. Il y a de longs passages sur la façon de bien jouer tel ou tel morceau. Je ne me sens pas trop concernée. Quelqu'un qui s'intéresse à la musique classique devrait sans doute mieux apprécier.
     

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    L'histoire se déroule dans le nord de l'Inde, au pied de l'Himalaya, aux confins du Népal, du Bhoutan et du Bangladesh. Dans les années 1980 cette région est agitée de violences politiques quand la population d'origine népalaise demande l'indépendance. Dans ce paysage splendide vit Sai, une jeune fille de 16 ans. Orpheline jeune elle a été recueillie par son grand-père. Elle tombe amoureuse de Gyan, son professeur de physique, un étudiant de 20 ans d'origine népalaise. Il est tenté par la lutte nationaliste  mais en voit aussi les limites. 

    Le grand-père de Sai est un juge à la retraite de l'Indian Civil Service  (l'administration britannique de l'Inde colonisée). Il a fait ses études en Grande-Bretagne et en est revenu plein de mépris pour sa famille aux origines modestes. Sa haine s'est déchaînée contre son épouse, une jeune fille élevée de manière traditionnelle. Devenu vieux, le seul être vivant qu'il aime est sa chienne Mutt. Avec eux vit le cuisinier dont le fils Biju a émigré clandestinement aux Etats-Unis. Pour un salaire de misère Biju trime toute la journée dans les cuisines en sous-sol de restaurants crasseux.

    Autour de ces personnages principaux on croise aussi de nombreux personnages secondaires : Lola et Noni, deux soeurs anglophiles; le père Booty, un prêtre suisse qui a monté un élevage laitier et l'oncle Potty, son ami, vieil homosexuel alcoolique.

    Tous les personnages sont partagés, de façon plus ou moins bien réussie, entre la culture indienne et leur fascination pour l'occident. Kiran Desai aborde aussi la question du gouffre qui sépare les classes aisées des plus démunis.

    Enfin, c'est un livre qui est très bien écrit (et je crois aussi très bien traduit) avec souvent une note d'humour. Il y a de belles descriptions avec des comparaisons bien trouvées :

    "Puis, en un éclair, la tempête fut sur eux. Un vent de panique commença à faire claquer les grandes oreilles des bananiers, qui étaient toujours les premiers à sonner l'alarme. Les mâts des bambous, précipités les uns contre les autres, s'entrechoquaient dans un cliquetis d'art martial très ancien.
    Dans la cuisine, le calendrier des dieux du cuisinier se mit à s'agiter contre le mur comme s'il était animé, pléthore de bras, de jambes, de têtes démoniaques, d'yeux flamboyants."


    L'avis de Elfe.
     

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  • undefined"Une vieille légende hindoue raconte qu'il fut un temps où tous les hommes étaient des dieux. Comme ils abusèrent de ce pouvoir, Brahma, le  maître des dieux, décida de le leur retirer et de le cacher dans un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Oui, mais où ?
    Brahma convoqua en conseil les dieux mineurs pour résoudre ce problème.
    - Enterrons la divinité de l'homme, proposèrent-ils.
    Mais Brahma répondit :
    - Cela ne suffit pas, car l'homme creusera et trouvera.
    Les dieux répliquèrent :
    - Dans ce cas, cachons-la tout au fond des océans.
    Mais Brahma répondit :
     - Non, car tôt ou tard l'homme explorera les profondeur de l'océan. Il finira par la trouver et la remontera à la surface.
    Alors, les dieux dirent :
    - Nous ne savons pas où la cacher, car il ne semble pas exister sur terre ou sous la mer d'endroit que l'homme ne puisse atteindre un jour.
    Mais Brahma répondit :
    - Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher.
    Et depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme explore, escalade, plonge et creuse, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui."


    Régis Airault est psychiatre. Il a été en poste au consulat de France à Bombay. Là il a constaté que le séjour en Inde pouvait déclencher chez certains occidentaux des crises de délire. Souvent les victimes de ce "syndrome indien" sont des adolescents ou de jeunes adultes. Dans la plupart des cas le rapatriement dans le pays d'origine suffit à faire disparaître les troubles.

    "L'Inde rend-elle fou, ou les fous vont-ils en Inde ?" Les deux réponses sont vraies. En Inde la folie n'a pas le même statut qu'en France. Le fou, tant que son comportement n'est pas agressif, est accepté. Des symptômes qui chez nous vous feraient enfermer sont considérés là-bas comme un signe de sainteté.

    Régis Airault déplore que dans les société occidentales il n'existe pas ou plus de rites de passages entre l'enfance et l'âge adulte. "Notre civilisation laisse de moins en moins de place à cette période de fragilité et de maturation qu'est l'adolescence". Le voyage peut tenir lieu d'initiation. Cette initiation implique une mise à mort symbolique à laquelle peut correspondre la crise délirante.

    Voici un livre qui est parfois un peu technique -d'autant plus qu'en matière de psychiatrie et de psychanalyse je n'ai guère de références. Cependant il s'appuie sur des anecdotes et des histoires de cas nombreuses ce qui en facilite la lecture. Mère d'adolescents, j'ai trouvé plus particulièrement intéressant ce qui concerne les difficultés de l'adolescence.

     

     

     

    Mais Brahma répondit :

     

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  • tantes.jpgLes huit nouvelles qui composent ce recueil se déroulent dans l'Inde de la première moitié du 20° siècle. Elles mettent en scène des femmes mariées dans l'enfance et des tyrans domestiques (mari ou belle-mère) qui imposent leur vision du monde étriquée à leur entourage.  Les personnages partent en voyage. Voyage choisi ou voyage subi il va leur permettre de découvrir de nouveaux horizons. Parfois les opprimés s'échappent ou reviennent  moins dociles. Parfois les oppresseurs s'adoucissent.

    Tout cela a l'air très sympathique et pourtant je n'ai que moyennement apprécié cette lecture. Il me semble que l'auteur s'est un peu trop attachée à la description des événements et n'a pas assez fouillé la psychologie des personnages. Il y a parfois des péripéties qui se succèdent sans que j'aie bien compris en quoi elles servaient le propos. Reste que le format de nouvelles plutôt courtes fait que cela se lit assez bien.
     

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