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     Ruben Gonzalez Gallego est né à Moscou en 1968. Sa mère était la fille du dirigeant du Parti Communiste espagnol clandestin. Elle donna naissance à des jumeaux dont l'un mourut vite. Le second, Ruben, était atteint de paralysie cérébrale. La mère et l'enfant vécurent enfermés pendant un an et demi puis Ruben lui fut enlevé à la demande de sa famille. Il fut à partir de là placé dans diverses institutions.

     

    Ruben Gonzalez Gallego raconte son enfance dans les orphelinats et les institutions pour enfants handicapés d'URSS. Ses bras et ses jambes sont paralysés. Pendant longtemps il ne dispose pas de fauteuil roulant. Le jour les niania, les nourrices, lui donnent à manger, l'emmènent aux toilettes. Mais la nuit il doit se débrouiller seul. Alors il rampe. Il se laisse tomber de son lit et il rampe à travers les couloirs sans chauffage.

     

    La première chose qui me frappe c'est la ténacité de ce petit garçon intelligent. Car Ruben est intelligent, très intelligent même. Malgré une scolarité décousue il comprend vite et obtient les meilleurs notes de sa classe. Pourtant, puisqu'il ne peut pas marcher, pour le personnel c'est un débile. J'aime beaucoup la photo de couverture. Je trouve que sa volonté et son intelligence se lisent dans son regard.

     

    Ruben Gonzalez Gallego raconte les relations entre les pensionnaires. Certains retournent dans leur famille aux vacances et ramènent nourriture et informations de l'extérieur. On partage avec les autres, c'est la solidarité qui permet de tenir, les plus forts protègent les plus faibles.

     

    L'institution garde les enfants jusqu'à 16 ans. Après, ceux qui ne peuvent pas apprendre un métier utile (comme Ruben) sont relégués à l'asile de vieux. C'est en fait un mouroir pour les handicapés. Les valides vont et viennent à leur guise, se prennent en charge, les invalides sont posés sur un lit, jamais changés, leur gamelle à côté et débrouille toi ! Ils meurent en peu de temps. Ruben résiste quatre ans. En 1990 il s'enfuit et fini par retrouver sa mère. Il vit aujourd'hui aux Etats-Unis.

     

    J'ai beaucoup aimé ce récit que je relis. Ruben Gonzalez Gallego rassemble ses souvenirs par petits chapitres thématiques qui brossent peu à peu le tableau de son enfance hors-normes. Les conditions d'existence sont très dures mais au milieu de cela Ruben frappe par son envie de vivre, sa capacité à voir les bonnes choses plus que les mauvaises, à goûter à chacun des petits bonheurs qui passent. Je dis : "chapeau !"

     

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  • secret

     En 1991, à la veille d'une opération, Sala Kirschner, juive américaine d'origine polonaise, confie à sa fille Ann une boîte contenant sa correspondance et des souvenirs de la période de la deuxième guerre mondiale. Ann Kirschner découvre alors que sa mère, encore toute jeune fille, a été internée dans des camps de travail forcé des nazis en Pologne. Sala Garncarz "faisait en effet partie des cinquante mille esclaves juifs, hommes et femmes confondus, tous jeunes et en bonne santé, déportés depuis l'ouest de la Pologne et considérés comme la propriété de l'Organisation Schmelt, une division SS créée peu après l'invasion polonaise par les Allemands".

    Cette Organisation Schmelt je la connaissais sans savoir son nom, par Oskar Schindler (La liste de Schindler au cinéma). J'ai découvert que ses usines faisaient partie de ce réseau.

     

    Sala est la plus jeune d'une famille de onze enfants de Juifs pieux et pauvres de Sosnowiec, non loin de Cracovie (ce qui manque absolument dans ce livre c'est une carte pour situer les endroits cités). En octobre 1940 la famille reçoit une réquisition pour Raizel, une autre de ses filles, à aller en camp de travail. Or Raizel est une intellectuelle myope et peu résistante. Tous acceptent donc la proposition de Sala de la remplacer. Sala a 16 ans. C'est une adolescente dynamique a qui le carcan familial commence à peser. Ce qui me frappe c'est que d'une certaine façon la déportation a aussi été pour Sala une chance. Cela lui a permis de prendre ses distances avec sa famille (de façon radicale et brutale, certes) et au final de choisir une nouvelle vie.

     

    Jusqu'à la fin de la guerre Sala va connaître différents camps de travail. Elle y est employée au ménage, au secrétariat, à la couture. Les détenus sont autorisés à correspondre avec leur famille ou leurs amis et Sala conserve soigneusement les lettres qu'elle reçoit et des photos en souvenir qui la relient à ceux qu'elle aime. Ce trésor est clandestin, le courrier n'était pas censé être gardé. C'est à partir de ces documents et des souvenirs de sa mère que Ann Kirschner nous raconte son histoire. Elle a recherché aussi ce qu'il était advenu des membres disparus de la famille Garncarz (seules les trois plus jeunes soeurs ont survécu) et présente également les persécutions antisémites à Sosnowiec.

     

    Je n'aime pas le sous-titre "Dans l'enfer des camps de travail nazis" parce que plus que sur le travail et l'organisation des camps Ann Kirschner met l'accent sur les relations entre les prisonniers, la solidarité qui permet de tenir, le courage et la volonté de Sala. C'est une période et des événements tragiques mais ce n'est pas un livre larmoyant.

     

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  • chef

     Alors qu'il apprend qu'il est atteint d'une tumeur au cerveau, le narrateur, Kirpal Singh dit Kip, autrefois cuisinier dans l'armée indienne, reçoit une invitation de son ancien officier, le général Kumar.Celui-ci réside toujours au Cachemire où Kip exerçât et lui demande de venir préparer le repas de noces de sa fille.Depuis Delhi, le voyage en train vers Srinagar est l'occasion pour Kip de se souvenir de sa vie dans l'armée et comment il a appris la cuisine aux côtés du chef Kishen.

     

    Jaspreet Singh touche un peu à tout : à la cuisine indienne aux multiples épices et au conflit entre l'Inde et le Pakistan pour le Cachemire. Il est aussi question de la formation du jeune Kip auprès de son mentor Kishen. Je crois que ça fait un peu trop et je ne suis pas très convaincue par Chef. Je l'ai lu facilement mais je me suis un peu ennuyée. En ce qui concerne le Cachemire, j'avais beaucoup mieux apprécié Shalimar le clown de Salman Rushdie.

     

     

    Chief par Jaspreet Singh
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  • dernier-mogthol-10

     Les moghols sont la dynastie qui régna sur le nord de l'Inde à partir de 1526. Le dernier moghol, l'empereur Bahadur Shah Zafar II, après avoir perdu pratiquement tous ses pouvoirs, fut finalement destitué et emprisonné par les Britanniques suite à sa participation à la révolte des cipayes en 1857.  Le dernier moghol est le récit des événements de cette révolte qui concernent la ville de Delhi, où vivait Zafar. Pour ses recherches -qui ont duré quatre ans- William Dalrymple a travaillé à partir de documents encore inexploités, les mutiny papers, conservés aux archives nationales de l'Inde. Le résultat est passionnant.

     

    William Dalrymple rappelle d'abord le contexte de la présence britannique en Inde, colonisation privatisée sous l'égide de l'East India company. Au début du 19° siècle, les relations entre populations locales et employés de la compagnie changent. Alors qu'au siècle précédent de nombreux Britanniques adoptaient les moeurs indiennes et se mettaient en ménage avec des Indiennes (ce que Dalrymple raconte dans Le moghol blanc), au 19° siècle ces habitudes disparaissent, le colonisateur jette sur la culture indienne un regard de plus en plus méprisant et cherche à imposer sa religion.

     

    La révolte des cipayes éclate en 1857 dans le nord de l'Inde. C'est d'abord une révolte religieuse. Les cipayes sont les soldats indiens de l'East India company. On leur a fourni de nouvelles cartouches dans lesquelles ils doivent mordre. Or la rumeur circule qu'elles contiennent de la graisse de porc (animal impur pour les musulmans) et de vache (sacrée pour les hindous). A Meerut les cipayes se révoltent, des chrétiens sont massacrés.

     

    Le 11 mai 1857 des mutins investissent Delhi. Là aussi, les chrétiens sont massacrés. Il s'agit d'abord de Britanniques mais aussi d'Indiens convertis. Les Européens convertis à l'islam sont épargnés. Zafar est sommé de se mettre à la tête de la révolte. C'est un vieil homme de plus de 80 ans. Il désapprouve mais ne peut refuser. Il sert en quelque sorte de caution morale mais ne commande pas grand chose.

     

    Pendant quatre mois Delhi reste aux mains des révoltés. Elle attire de nouvelles troupes mutinées qui pillent les habitants. Ceux-ci écrivent à l'empereur pour se plaindre. Ce sont ces mutiny papers qui ont servi de source à William Dalrymple et qui montrent un fossé croissant entre les habitants de Delhi et les cipayes. En fait il y a trois camps : les cipayes et les Britanniques occupés à se battre et les habitants pris entre deux feux qui subissent au quotidien les conséquences de toutes ces violences.

     

    En septembre 1857 des troupes britanniques renforcées prennent Delhi. L'heure de la vengeance a sonné pour des officiers fanatisés qui ont parfois perdu des proches au début de la révolte. A leur tour ils vont massacrer et sans discernement, anti et pro-anglais. La couleur de la peau est le seul critère. Leurs journaux et les courriers qu'ils adressent à leurs familles montrent leur absence de remords et le sentiment de supériorité raciale qui les habite. On massacre en bon chrétien, convaincu d'avoir Dieu de son côté. Finalement Delhi est en partie rasée, des trésors architecturaux disparaissent. Zafar jugé et chargé de toutes les responsabilités est exilé en Birmanie où il meurt en 1862.

     

    J'ai trouvé cet ouvrage très intéressant et facile à lire avec beaucoup de témoignages qui le rendent vivant. William Dalrymple montre bien les méfaits de la colonisation, la façon dont leur prétendue supériorité a conduit les Britanniques à se comporter en véritables sauvages et le gâchis qu'il en est découlé à tous points de vue.

     

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