• Timothy Snyder, Terres de sang, GallimardLes Terres de sang ce sont les territoires d'Europe centrale (Pologne orientale, Pays baltes, Biélorussie, Ukraine, ouest de la Russie) qui, entre 1933 et 1945, ont été sous la domination de l'URSS, puis de l'Allemagne, puis de nouveau de l'URSS. Dans ces Terres de sang, pendant cette période, 14 millions de personnes sont mortes, tuées dans le cadre de politiques délibérément meurtrières. Plus de la moitié sont mortes de faim. (Le mot délibérément est ici particulièrement important. L'étude ne s'intéresse pas aux victimes d'internement au goulag ou en camp de concentration dès lors que cet internement n'avait pas pour but de les tuer et même si c'est cependant la conséquence qu'il a eu).

     

    Timothy Snyder présente les étapes et les moyens de ces meurtres de masse. La famine en Ukraine, organisée par des réquisitions de grains chez les paysans. Pendant que 3,3 millions de personnes mourraient de faim dans la région, l'URSS exportait du blé vers l'Europe.

    Je découvre que la Grande Terreur de 1937-38 qui avait apparemment des motifs politiques s'est en fait concentrée sur une classe sociale (les koulaks, paysans « riches », survivants de la famine du début des années 1930) et sur des origines nationales : les Ukrainiens et les Polonais. Ces derniers qui formaient 0,4% de la population soviétique représentent 1/8° des victimes. Après le partage de la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS en 1939, le pays est victime de politiques qui déciment son intelligentsia

     

    Cette première époque a donné l'avantage à l'URSS en matière de victimes. A partir de 1941, avec l'invasion de l'URSS par l'Allemagne, c'est à ce dernier pays que va revenir la palme : plus de 3 millions de prisonniers de guerre soviétiques massacrés ou détenus dans des conditions destinées à les éliminer rapidement ; des populations affamées ou abattues (la Biélorussie est particulièrement frappée : à la fin de la guerre, la moitié de sa population a été tuée ou déplacée) ; le génocide des Juifs. L'Ukraine, la Pologne, la Biélorussie apparaissent comme les pays qui ont le plus souffert, leurs populations laminées et je me dis que forcément ça doit avoir des conséquences sur leur histoire présente.

     

    Timothy Snyder analyse enfin les similitudes et les différences dans le fonctionnement de ces deux régimes totalitaires. Il montre notamment comment les massacres de masse leur ont permis de faire oublier leurs échecs. La collectivisation est un échec, Staline en accuse les koulaks, ils sont affamés ce qui permet d'afficher une lutte des classes victorieuse. La guerre éclair prévue par Hitler contre l'URSS est un échec, il en accuse les Juifs, leur extermination permet de mettre en avant une «solution finale» victorieuse.

     

    C'est un ouvrage très intéressant, qui se lit bien malgré plus de 700 pages. Sur un sujet qui me passionne et que j'ai déjà pas mal exploré, j'ai encore appris des choses. Mais en même temps il me semble qu'un profane pourrait tout à fait y trouver son compte aussi parce que les faits sont exposés de façon très accessible. Timothy Snyder cite aussi des acteurs anonymes de l'histoire, témoins ou victimes, ce qui donne de la chair aux événements. Son propos est en effet de faire prendre conscience que 14 millions de victimes ce n'est pas une fois 14 millions de personnes tuées mais 14 millions de fois une personne. Je trouve que quand on atteint de tels chiffres cela ne signifie plus grand chose mais ici il y a une volonté de redonner du sens : « Chaque jour du second trimestre 1941, les Allemands tuèrent plus de Juifs qu'il n'en était mort dans les pogroms de toute l'histoire de l'empire russe ».

     

    1 commentaire

  • Françoise Guérin, Cherche jeunes filles à croquer, Le masqueLe commandant Eric Lanester, profileur de la police nationale, est envoyé en mission dans les environs de Chamonix où plusieurs jeunes filles ont disparu, certaines depuis plusieurs années. On commence à se poser la question d'un lien. Pourquoi ? Anorexiques, elles ont toutes séjourné à la clinique de la Grande Sauve.

     

    Ce qui m'intéresse le plus dans ce roman c'est l'étude psychologique du héros. Depuis sa précédente enquête (A la vue, à la mort) Lanester continue de consulter sa psychanalyste. Il constate que ce qu'il découvre dans cette affaire, certaines personnes qu'il rencontre, le perturbent. En parler à sa thérapeute lui permet d'avancer dans sa compréhension de ses réaction et dans la recherche des jeunes disparues. Françoise Guérin -j'apprends qu'elle est psychologue, ce qui ne m'étonne pas vraiment- mène tout cela de façon convaincante. Les personnages sont souvent amusants, le médecin légiste, bien sur, ou sympathiques, l'équipe de Lanester. Le dénouement de l'enquête m'a semblé crédible avec une ouverture sur des perversions noires.

     

    Au total c'est un bon plaisir de lecture même si j'avais encore mieux aimé A la vue, à la mort. Un roman que j'ai souvent vu sur les blog récemment : Keisha, Dominique, avec toujours des avis positifs.

     

    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires