• Anne Perry, Une question de justice, 10-18Pour sa première affaire en tant que juge, Oliver Rathbone doit juger le révérend Taft, un prédicateur accusé d'escroquerie. En effet, il aurait incité ses ouailles à donner de grosses sommes pour les pauvres mais ces dons ne seraient jamais arrivés où ils le devaient. Le cas semble simple mais la défense produit un témoin à décharge, Robertson Drew, qui ridiculise les plaignants.

    Rathbone est convaincu de la culpabilité de Taft. Comment empêcher qu'il ne soit acquitté par manque de preuves ? C'est alors qu'il réalise qu'il a déjà vu Drew. Il détient chez lui une série de photos pornographiques de clients de Mickey Parfitt qui prostituait des petits garçons (voir La fin justifie les moyens) et Drew est sur l'un des clichés. Rathbone décide de le communiquer à l'avocat des parties civiles. Il ne se doute pas que cette décision va entraîner des conséquences dramatiques.

    Faire chanter un méchant avec une photo compromettante  pour l'obliger à faire le bien, est-ce moral ? Faire le bien en utilisant des moyens répréhensibles (légalement ou moralement), est-ce encore faire le bien ? Celui qui utilise de tels moyens n'est-il pas perverti par eux et ne risque-t-il pas, à terme, de tomber du côté obscur de la force ? Telle est la question que pose Anne Perry dans ce roman. J'ai tendance, quant à moi, à penser qu'entre le blanc et le noir il y a quand même pas mal de nuances de gris et que, des fois, la fin justifie les moyens.

     

    Même si je trouve que l'intrigue n'est pas très bien ficelée avec notamment un procès mal préparé (l'avocat qui accuse Taft n'a même pas été foutu d'aller chercher un représentant de l'association qui a soit disant reçu les fonds pour prouver le détournement) j'apprécie de retrouver les personnages que je fréquente depuis si longtemps. Emprisonné, jugé, comprenant enfin ce que pouvaient ressentir ses clients dont il occupe maintenant la place, Oliver Rathbone m'est sympathique. J'ai lu récemment ce commentaire de Michel sur le blog de Elfique : "Le problème des séries est là, que préfère-t-on, l'évolution des protagonistes ou l'intrigue ?" Dans le cas présent, pour moi, ce sont les protagonistes.

     

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  • Doug Saunders, Du village à la ville, Comment les migrants changent le monde, SeuilA la fin du 21° siècle, nous annonce Doug Saunders dans son avant-propos, l'espèce humaine se sera entièrement urbanisée. Nous assistons en ce moment même à la grande migration qui conduit les ruraux du monde pauvre vers les villes de leurs pays ou des pays riches. L'auteur considère que ce mouvement est à la fois inexorable et souhaitable. Il permettra une hausse du niveau de vie des migrants, la fin de la croissance démographique et la stabilisation de la population mondiale, résoudra le problème de la concurrence pour les ressources et entraînera l'avènement d'"un monde viable pour toujours". Seulement, pour en arriver à ce résultat, encore faut-il encadrer ce mouvement, faute de quoi, comme lors de la précédente grande vague migratoire de la fin du 18° siècle, il sera surtout facteur de troubles.

     

    Pour soutenir son propos, Doug Saunders nous donne donc à voir les conditions de vie dans divers quartiers-tremplins du monde entier. Le quartier-tremplin c'est celui qui accueille les migrants et où ils ont l'opportunité de se transformer de pauvres ruraux en urbains membres de la classe moyenne inférieure. Pour que cette opportunité soit réelle, il y a trois conditions : accession facile à la propriété, possibilité de créer sa petite entreprise, intervention de l'Etat par l'implantation de services publics.

    Karamgirchar, Dacca, Bangladesh

    Karamgirchar, Dacca, Bangladesh

    Il y a des points sur lesquels je suis d'accord avec l'auteur. Je crois comme lui que les migrants pourraient être une chance pour nos vieux pays si on leur en laissait la possibilité au lieu de se replier de plus en plus sur notre pré national. Par contre il y en a d'autres où je le trouve un peu trop optimiste. Je ne suis pas sûre que l'urbanisation totale de la planète soit souhaitable ni qu'elle réglera tous les problèmes environnementaux. Enfin, parfois, il apparaît que son enthousiasme l'aveugle. Je suis particulièrement choquée par l'éloge qu'il fait de Recep Tayyip Erdoğan, premier ministre turc :

    "Il a paru vouer l'essentiel de son énergie à intégrer son pays à l'Europe et à consolider son économie, mettant fin au conflit avec les Kurdes dans le sud-est et empêchant les tribunaux de punir les dissidents politiques." (c'est moi qui souligne).

    Enfin, ouvre les yeux Doug ! La Turquie est quand même aujourd'hui le pays du monde où le plus de journalistes sont en prison !

    Les Pyramides, Evry, France

    Les Pyramides, Evry, France

    Malgré tout c'est un livre assez plaisant à lire par les nombreuses histoires de vies dans les quartiers-tremplins qui sont racontées, qui nous balade de la Chine aux Etats-Unis en passant par la Turquie (!) et la France, et qui donne à réfléchir.

     

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  • Camilla Läckberg, L'oiseau de mauvais augure, Actes sudAu moment même où Hanna Kruse, nouvelle recrue du commissariat de Tanumshede vient se présenter à ses collègues, on signale un accident de la route mortel. La victime semble avoir trop bu et perdu le contrôle de son véhicule. Mais l'inspecteur Patrik Hedström a le sentiment que quelque chose cloche sur la scène de l'accident. En parallèle de cette affaire, la ville de Tanumshede accueille le tournage d'une émission de téléréalité qui va bientôt faire elle aussi une victime. Patrik est sur les dents et la date de son mariage approche à grands pas.

    Après les deux premiers épisodes de la série (le un, le deux), je suis directement passée au quatrième, seul disponible à ma bibliothèque. Pas de problème pour suivre, j'ai vite compris ce qui était arrivé aux personnages récurrents dans le numéro trois (que je compte néanmoins lire dès que possible).

    J'apprécie de suivre les histoires de vie des personnages secondaires, notamment l'équipe du commissariat : Mellberg, le chef incompétent qui découvre l'amour; Annika, la secrétaire au grand coeur qui n'a pas pu avoir d'enfant et Hanna Kruse avec ses problèmes de couple. J'apprécie aussi le suspense, toujours présent, et dans cet épisode je trouve intéressante la réflexion autour de l'émission de téléréalité, les motivations des organisateurs et des participants, ces derniers tous meurtris par la vie à des degrés différents. Voici la réaction du producteur de l'émission quand il apprend qu'une des participantes est morte :

    "Une chose pareille ne s'était encore jamais produite en plein tournage d'une émission de téléréalité. Du sexe ? Bien sûr, depuis longtemps. Une grossesse ? Le Big Brother norvégien avait ouvert la voie pour ça. Des mariages ? Et bien, là c'était le Big Brother suédois qui avait fait un carton plein avec Olivier et Carolina. Quant à l'attaque avec la barre de fer dans le Bar, c'était resté à la une pendant des semaines. Mais un décès! C'était totalement inédit. Unique."

     

    L'avis d'Elfique.

     

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  • William Ryan, Le royaume des voleurs, 10-18Moscou, hiver 1936. On retrouve le corps d'une jeune femme dans une église désaffectée qui sert maintenant de club à la section locale des komsomols (les jeunesses communistes). Le capitaine Alexeï Dmitrievitch Korolev, du service des enquêtes criminelles de la milice de Moscou, est chargé de l'enquête. Dès le départ il est informé par le colonel Gregorine du NKVD (la police politique) que cette affaire intéresse aussi ses services. La victime -qui a été torturée à mort de façon particulièrement horrible- serait une Américaine. Le meurtre serait lié à la vente d'objets d'arts par le gouvernement soviétique pour financer la révolution. Des membres de l'Eglise orthodoxe en exil sont très désireux de mettre la main sur une certaine icône précieuse.

     

    Je retrouve avec plaisir le capitaine Korolev dans cette première enquête (j'avais lu le deuxième épisode précédemment) passionnante qui nous le situe dans son cadre de vie quotidien, ses relations avec ses collègues et ses interrogations : "Le fait de prier un Dieu dont le Parti affirmait qu'il n'existait pas le troubla un instant, comme tous les matins. Mais parfois, rétrospectivement, il était évident que le Parti se trompait. La preuve : regardez comme il avait nourri en son sein cette vipère de Trotski pendant des années. Peut-être découvrirait-on qu'il avait eu tort au sujet de Dieu également. Et même si ce n'était pas le cas, ça ne pouvait pas faire de mal de rester prudent en attendant."

    J'apprécie beaucoup cette série qui me met dans l'ambiance de la vie en URSS au moment où débute un train de grandes purges.

     

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  • Elizabeth Gaskell, Les amoureux de Sylvia, PointsHester aime Philip, qui aime Sylvia, qui aime Kinraid. Mais Kinraid aime-t-il Sylvia autant qu'il le dit ? Elizabeth Gaskell nous raconte là une histoire d'amours contrariés avec de multiples rebondissements. J'ai beaucoup apprécié cette lecture pour plusieurs raisons.

    D'abord l'intérêt historique. Le roman se déroule à la fin du 18° siècle, entre 1794 et 1800. Le petit port de Monkshaven vit de la pêche à la baleine, les baleiniers s'embarquent pour de longs mois vers l'Atlantique nord et leurs départs et arrivées rythment la vie locale. A cette époque l'Angleterre est en guerre contre la France et les recruteurs de l'armée écument la région et n'hésitent pas à enlever des jeunes gens pour les incorporer à la marine. Ces procédés suscitent la crainte et la colère dans les alentours et provoquent même parfois des révoltes qui sont réprimées avec violence.

     

    Ensuite Elizabeth Gaskell excelle à créer des personnages complexes et capables d'évoluer de façon intéressante. Les sentiments sont bien analysés et décrits de façon convaincante.

    Enfin, après avoir lu beaucoup de romans policiers cet été, pas toujours bien écrits, pas toujours bien traduits, je suis frappée par la qualité littéraire dès les premières pages. Ca fait une différence de taille et fort agréable. La traductrice aussi a bien travaillé, avec des annotations pertinentes.

     

    C'est le deuxième roman que je lis d'Elizabeth Gaskell (après Nord et Sud) et il me semble que Les amoureux de Sylvia m'a encore plus plu.

     

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  • Arnaldur Indridason, Betty, PointsBetty est une jeune femme avide, compagne d'un riche armateur islandais. Elle met au point une machination machiavélique pour se débarrasser de lui et hériter de sa fortune. En partant d'une formule somme toute classique -le mari, la femme, l'amant- d'une narration pas super originale non plus -le narrateur est à la fois complice et victime de Betty, encore sous son emprise alors même qu'il est évident qu'elle l'a trompé- Arnaldur Indridason arrive quand même à me surprendre avec un coup de théâtre à mi course auquel je ne m'attendais pas du tout. Je savais qu'il allait y avoir quelque chose (c'est annoncé en quatrième de couverture), j'avais essayé d'imaginer ce que ça pouvait être mais je n'avais pas pensé à ça. C'est fort.

     

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  • Fred Vargas, L'armée furieuse, J'ai luEncore une voiture brûlée dans le 5° arrondissement de Paris. Mais cette fois il y avait quelqu'un dedans, Antoine Clermont-Brasseur, grand patron de l'industrie française. Le suspect idéal c'est Momo-mèche-courte, spécialisé dans l'incendie des voitures. Mais le commissaire Adamsberg n'y croit pas : Momo n'a jamais tué personne.

    A Ordelec en Normandie, Lina a vu passer l'armée furieuse. C'est une troupe de cavaliers revenants qui entraîne avec elle les "saisis", des pécheurs dont elle annonce ainsi la mort prochaine. Lina a vu Herbier, Glayeux, Mortembot et un quatrième homme qu'elle n'a pas reconnu. Valentine Vendermot, la mère de Lina, vient alerter Adamsberg. La gendarmerie locale ne veut pas la croire mais il faut faire quelque chose, des gens vont mourir. Adamsberg prend aussitôt la route de la Normandie d'où il mène aussi à distance l'enquête sur la mort d'Antoine Clermont-Brasseur.

    Tout d'abord je dois avouer que je ne suis pas une fan inconditionnelle de Fred Vargas. Je trouve ses personnages peu naturels, peu crédibles et ça m'agace un peu. Cela fait d'ailleurs longtemps que je n'avais pas lu cette auteure car je constate que je n'ai aucun compte-rendu de ses romans sur mon blog. Mais cet été, je me suis retrouvée immobilisée un temps avec ma réserve de lecture qui baissait et j'ai donc été amenée à piocher dans celle de mon voisin. Finalement je reconnais que je me suis laissée prendre par l'enquête bien menée, malgré les personnages agaçants -je ne reviens pas là-dessus. Fred Vargas a même réussi à me faire rire avec la description des conditions de détention d'un ostéopathe de talent :

    "Je suis débordé. Il y a les soins donnés au directeur -une très mauvaise et ancienne dorsalgie- aux prisonniers -des somatisations dépressives et des traumatismes d'enfance de toute beauté, des cas tout à fait passionnants, je l'avoue-, et les soins aux gardiens, beaucoup d'addictions, beaucoup de violences retenues. Je ne prends pas plus de cinq patients par jour, j'ai été très ferme là-dessus. Je ne fais pas payer, bien entendu, je n'en ai pas le droit. Mais vous voyez ce que c'est, j'ai de grosses compensations. Cellule spéciale, traitement de faveur, repas cuisinés, livres à volonté, je ne peux pas me plaindre. Avec tous les cas que j'ai là-bas, je prépare un livre assez formidable sur le traumatisme carcéral."

     

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  • Jean-François Parot, L'année du volcan, JC LattèsParis, juillet 1783, le vicomte de Trabard est retrouvé mort dans sa propriété du faubourg Saint-Jacques, rue d'Enfer, piétiné par un étalon. Dès le lendemain, Nicolas le Floch, commissaire de police au Châtelet, est mandé à Versailles par la reine qui veut qu'il enquête sur cette mort. Assez vite il apparaît qu'il ne s'agit point d'un accident mais bien d'un meurtre. Et bien plus que cela car derrière cette affaire se cachent un trafic de fausse monnaie et les auteurs de libelles calomniateurs de la reine.

    Le cadre historique est celui d'une monarchie paralysée face aux difficultés qui s'accumulent, notamment l'endettement de l'Etat. Autour de Marie-Antoinette, une coterie de favoris place ses proches, veille à des intérêts très personnels et discrédite encore plus le pouvoir. L'opinion est par ailleurs agitée par des conditions climatiques très particulières : forte chaleur accompagnée d'un brouillard inhabituel et puant qui pique les yeux et affecte les personnes sensibles des poumons au point que certaines en sont mortes. Il s'agirait des émanations d'un volcan islandais qui est entré en éruption mais beaucoup y voient une manifestation diabolique ou les signes avant-coureurs de l'apocalypse.

     

    J'aime tout dans les romans de Jean-François Parot. Le style comme "à l'époque" qui est un régal, le contexte historique qui nous annonce la Révolution (comment se positionnera Nicolas, fidèle au roi mais aussi proche des petites gens ?) et les personnages sympathiques. Je trouve que le casting de la série tv qui en a été tirée est particulièrement bien réussi. Cette lecture me réjouit dès les premières pages.

     

    L'avis de Miss Alfie.

     

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  • Anita Nair, L'inconnue de Bangalore, Albin MichelUn tueur en série semble sévir à Bangalore. Les victimes, tous des hommes, ont été à la fois étranglés et égorgés à l'aide d'un fil manja, une corde enduite de verre pilé, comme pour les combats de cerfs-volant. L'inspecteur Borei Gowda mène l'enquête. A l'approche de la cinquantaine c'est un homme désabusé et insatisfait de ce que sa vie est devenue : sa carrière qui a végété, sa femme et son fils avec qui il ne partage plus grand chose. Mais il a gardé toutes ses qualités d'enquêteur et son fameux sixième sens. A ses côtés, Santosh Gowdare, jeune inspecteur adjoint enthousiaste et encore plein d'illusions.

     

    Si Bangalore est la Silicon valley de l'Inde, ce n'est pas vers la "shinning India" que nous mène ce roman mais plutôt du côté du petit peuple et dans les bas-fonds. Le lecteur croise ainsi des migrants venus des campagnes chercher l'anonymat de la grande ville pour s'affranchir du contrôle de leur famille, des eunuques et un député mafieux. J'apprécie de retrouver ce cadre de l'Inde dans une affaire bien ficelée et un récit bien mené.

     

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  • Johan Theorin, L'heure trouble, Le livre de pocheSur l'île suédoise d'Öland, Jens, un petit garçon de six ans, met ses sandales et sort seul de la maison de ses grands-parents. A travers un brouillard à couper au couteau il s'engage sur la lande et disparait à tout jamais. Vingt ans plus tard, Julia, la mère de Jens, n'a pas fait le deuil de son fils. Dépressive, elle est en congé maladie, boit et croit voir son fils dans chaque jeune homme qu'elle croise dans la rue. C'est alors qu'elle reçoit un coup de téléphone de son père, Gerlof. Gerlof habite toujours à Öland et lui demande de le rejoindre. Il annonce à Julia qu'il pense avoir du nouveau au sujet de la disparition de Jens. Il a aussi reçu par la poste une sandalette du petit garçon.

     

     

     

    Et revoilà un polar suédois. Décidément, cet été j'en aurai lu quelques uns. Encore une fois le suspense est au rendez-vous, renforcé par des aller-retours entre le passé et le présent. J'apprécie les personnages sympathiques, Gerlof, âgé de 80 ans, qui s'échappe de sa maison de retraite pour mener l'enquête malgré ses rhumatismes et sa canne ; Julia qui, vingt ans après la disparition de son fils, arrive enfin à faire son deuil et décide de se tourner vers la vie. Il y a aussi une intrigue crédible avec un meurtrier qui devrait être mort mais qui en fait ne l'est peut-être pas.

     

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