• Charles Patterson, Un éternel Tréblinka, Calmann-Lévy"Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, c'est un éternel Treblinka." Isaac Bashevis Singer

     

     

    Cet ouvrage étudie les liens entre l'exploitation des animaux -et d'abord leur mise à mort pour la consommation humaine- et les meurtres de masse dont, plus particulièrement, la shoah.

    L'étude commence au néolithique avec l'apparition de l'agriculture. La domestication des animaux est présentée comme la base d'autres asservissements : c'est au Moyen-orient aussi que l'on trouve les premières preuves d'esclavage et l'exploitation des femmes pour la procréation et le travail aurait été calquée sur celle du bétail.

     

     

    L'auteur rappelle ensuite que le mépris pour une catégorie de personnes passe souvent par le fait qu'on leur donne des noms d'animaux ou qu'on les compare à des animaux (ces chiens, ces porcs, ces rats...). Une fois qu'ils ont été ainsi déshumanisés, il est plus facile de massacrer les gens. C'est ce qu'il s'est passé lors de l'extermination des indiens des Etats-Unis au 19° siècle et lors de la shoah. D'autres massacres de masse sont évoqués.

     

     

    Il y a aussi tout un développement sur l'histoire de l'abattage industriel aux Etats-Unis. Contrairement à ce que l'on croit souvent, ce n'est pas Henry Ford qui a inventé le travail à la chaîne mais il s'est inspiré de ce qui se faisait dans les abattoirs de Chicago. Je craignais en commençant ma lecture de devoir affronter des descriptions choquantes. C'est là que je les ai trouvées. Il y a des passages à vous passer l'envie de manger de la viande. En lisant cela, je repensais à ce que j'avais lu chez Temple Grandin qui disait avoir rendu plus humain l'abattage du bétail et ça ne collait pas avec les animaux terrorisés et les employés brutaux. Et puis voilà qu'il est question d'elle :

    "A Treblinka et Sobibor, les SS appelaient le boyau [le chemin qui mène aux chambres à gaz] la "route vers les cieux" (...). Le même mélange d'ironie moqueuse et d'autodisculpation est évident aux Etats-Unis. Le professeur Temple Grandin, spécialiste des animaux, employée par l'industrie de la viande, appelle la rampe et le convoyeur à double rail qu'elle a conçus pour canaliser le bétail vers sa mort "l'escalier vers les cieux."

     

     

    Henry Ford est le lien vers l'eugénisme. C'était un sympathisant nazi et, comme eux, un partisan de la stérilisation forcée des "dégénérés" pour obtenir des êtres humains de qualité supérieure. C'est à dire qu'il voulait étendre aux gens ce qui est à l'oeuvre dans l'élevage animal. Les nazis ont appliqué ce programme puis sont passés à l'extermination des "indésirables".

     

     

    Enfin, Charles Patterson termine son ouvrage en traçant le portrait de différents militants de la cause animale que leur réflexion a amenée à faire le lien entre la shoah et les violences dont sont victimes les animaux. Il nous présente des Juifs américains et des Allemands. Un chapitre entier est consacré à Isaac Bashevis Singer à qui ce livre est dédié. J'apprends qu'il était végétarien, engagement qui transparaît dans son oeuvre. Mon père, qui appréciait cet auteur, me l'avait fait découvrir à l'adolescence mais je n'ai pas souvenir d'avoir remarqué cette information à l'époque. Cela me donne envie d'y revenir.

     

     

    J'ai apprécié cette lecture qui approfondit certaines thèses développées dans Sapiens, en plus militant. Derrière un titre qui peut sembler provocateur, il y a une réflexion étayée par de nombreuses références qui sont citées. J'ai trouvé particulièrement intéressant le développement sur l'eugénisme aux Etats-Unis et en Allemagne dans les années 1930 et les liens entre les théoriciens des deux pays. Je suis moins convaincue quand, aux crimes des nazis, l'auteur ajoute le fait qu'ils appréciaient consommer de la viande. Il me semble que c'était aussi le cas de pas mal d'anti-nazis.

     

     


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  • Yuval Noah Harari, Sapiens, Une brève histoire de l'humanité, Albin MichelJe viens de terminer ce gros (500 pages) et fort intéressant ouvrage. La lecture m'en a pris quelque temps mais parce que j'avais pas mal d'activités annexes. C'est un livre qui me semble accessible à tous et qui aborde des sujets de réflexion très divers à partir de la question de base : comment notre espèce, homo sapiens, a-t-elle réussi à dominer la planète ? Yuval Noah Harari explore les révolutions qui ont mené des premiers hominidés à l'époque actuelle.

     

     

    La révolution cognitive : c'est ce qui permet à l'espèce humaine de se distinguer des autres animaux. Quittant l'Afrique, l'homme peuple petit à petit la planète. Partout où il accoste, son apparition entraîne la disparition de nombreuses espèces animales.

     

     

    La révolution agricole : la découverte de l'agriculture est qualifiée par l'auteur de "plus grande escroquerie de l'histoire". J'avais toujours lu et pensé qu'il s'agissait d'un progrès pour l'humanité mais lui nous dit que les premiers agriculteurs avaient des journées de travail plus longues et fatigantes que les chasseurs-cueilleurs et une alimentation moins variée : "la nourriture supplémentaire ne se traduisit ni en meilleure alimentation ni en davantage de loisirs. Elle se solda plutôt par des explosions démographiques et l'apparition d'élites choyées."

     

     

    La révolution scientifique : c'est le mariage de la science et de l'impérialisme qui a permis à l'Europe de dominer le monde et d'imposer la culture occidentale. J'ai trouvé des passages intéressants sur l'exploration de Tahiti par Cook ou la déroute de Law qui m'ont donné envie d'en savoir plus sur ces sujets. Le point faible c'est qu'il y a très peu de sources qui sont citées et quand elles le sont, ce sont des ouvrages en anglais.

     

     

    A travers tout cela l'auteur aborde les différentes croyances qui structurent les sociétés humaines et les déconstruit les unes après les autres en montrant que, contrairement à ce que certains pensent, elles ne se rattachent pas à la nature mais à la culture. "La biologie permet, la culture interdit. (...) La biologie permet aux hommes de goûter ensemble aux joies du sexe : certaines cultures leur interdisent d'en profiter."

    De même les religions sont examinées et particulièrement les changements entraînés par le passage du polythéisme au monothéisme.

     

     

    Enfin, un sujet qui tient à coeur à Yuval Noah Harari, c'est la cause des animaux et les grandes violences qu'entraînent l'élevage productiviste et la consommation de viande. Il est antispéciste, catégorie que je rajoute à ma liste de tags à l'occasion de cette lecture. L'antispécisme c'est comme l'antiracisme par rapport aux animaux :

    race → racisme → antiracisme

    espèce → spécisme → antispécisme

    Pour les antispécistes, la domination de l'homme sur les animaux n'est pas justifiée. Les animaux sont des êtres vivants qui ont des sentiments et qui souffrent. Logiquement un antispéciste est vegan : il ne consomme aucun produit d'origine animale.

     

     

    L'auteur m'est sympathique du fait des idées qu'il défend. J'ai moins accroché à la fin de l'ouvrage, quand il émet des hypothèses sur le devenir de l'humanité mais tous les aspects historiques m'ont intéressée.

     


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