• Giulia Enders, Le charme discret de l'intestin, Actes sudTout sur un organe mal aimé

    Depuis deux ans, j'ai vu régulièrement cet ouvrage dans divers classements des meilleurs ventes aussi j'ai été contente de le trouver disponible à ma bibliothèque où il semble qu'il ait eu pas mal de succès aussi vu qu'il y a des pages qui se détachent à cet exemplaire.

    Giulia Enders est une jeune étudiante en médecine. Elle explique en introduction comment, victime d'une grave maladie de peau qu'aucun traitement ne parvenait à guérir, elle s'en est soignée en changeant son alimentation. Depuis elle s'est plus particulièrement intéressée à la gastroentérologie et elle présente ici le système digestif de l'entrée (la bouche) à la sortie (l'anus) en passant par l'oesophage, l'estomac et les intestins ainsi que les récentes découvertes sur le sujet.

     

     

    Qu'est-ce qu'on apprend ? L'importance de notre microbiote, c'est-à-dire notre flore intestinale ou ensemble des bactéries que nous avons dans le ventre.

    Importance en quantité car le tout pèse environ 2 kg : "A peine la poche des eaux perd-elle son imperméabilité que la colonisation commence. Il y a un instant, l'enfant à naître était encore un être formé de cellules 100 % humaines, et voilà qu'en un rien de temps, il est colonisé par tant de micro-organismes qu'au niveau de la numération cellulaire, on peut dire qu'il est humain à 10 % et microbe à 90 % !"

    Importance qualitative car on découvre aujourd'hui le rôle de ce microbiote dans de nombreux aspects de notre santé : mauvaise haleine, surpoids, maladies de peau, allergies, dépression, suicide...

     

     

    C'est un livre facile d'accès, dans une langue vivante et familière avec de l'humour (souvent dans le registre caca-prout, sujet oblige) et en même temps fort intéressant. Il est illustré par Jill Enders, soeur de l'auteure.

     


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  • Kate Summerscale, Un singulier garçon, Christian BourgoisLe mystère d'un enfant matricide à l'époque victorienne

    Londres, 1895. Dans un quartier populaire, en l'absence de leur père en déplacement pour son travail, deux garçons de 12 et 13 ans mènent une vie de loisirs. Ils assistent à un match de cricket, vont au théâtre, organisent une partie de pêche. Pour subvenir à leurs besoins, ils mettent au clou, petit à petit, des objets de la famille. Où est passée leur mère ? Aux voisins qui s'en inquiètent les deux frères répondent qu'elle est chez leur tante. C'est quand la police intervient après 10 jours de disparition qu'elle découvre le cadavre de la malheureuse Emily Coombes, dans son lit, déjà dans un état de décomposition avancée. L'aîné des garçons, Robert, avoue aussitôt que c'est lui qui a poignardé sa mère.

     

     

    Comme elle l'a déjà fait, Kate Summerscale s'est saisie de ce fait divers et a enquêté sur les motivations et le devenir de Robert Coombes.

    Ses motivations : la justice britannique de l'époque n'interroge pas les prévenus (ce que j'avais déjà découvert en lisant Anne Perry). Seuls les témoins sont appelés à déposer. Une fois son crime avoué, on laissera peu à Robert l'occasion de s'expliquer sur ses actes. L'auteure se base sur ces premiers aveux et sur les rapports des médecins qui ont observé Robert après son arrestation mais cela fait des sources maigres et je ne trouve pas ses conclusions toujours très convaincantes. Peut-être parce qu'il est difficile d'accepter qu'un enfant puisse devenir meurtrier et de sa mère en plus. Le déroulement du procès de ce pauvre garçon qui ne comprend pas ce qui lui arrive me fait penser à celui de Mary Bell, plus de 70 ans après.

     

     

    Le devenir de Robert : jugé coupable mais fou Robert est interné à l'asile de Broadmoor, construit spécialement pour recevoir les hommes et femmes reconnus déments devant les cours de justice. S'il reçoit de vrais forcenés cet asile semble aussi avoir été un moyen pour les jurys de l'époque d'éviter la peine de mort à de trop jeunes condamnés ou à des criminels présentant des circonstances atténuantes pas prises en compte par la justice. Libéré en 1912, Robert émigre pour l'Australie en 1914 puis s'engage comme volontaire lors de la première Guerre mondiale.

     

     

    Sur ses traces et à son habitude, Kate Summerscale explore tous azimuts ce qu'a vécu son personnage. Après le déroulement du procès, elle présente l'asile de Broadmoor, les conditions de vie et l'histoire de quelques internés. Robert s'engage dans l'harmonie de l'asile, elle présente les harmonies à la fin du 19° siècle. Il y a ensuite de longs développements sur les combats des troupes australiennes durant la première Guerre mondiale, dans l'empire ottoman (à Gallipoli) puis sur la Somme. Le cas particulier des brancardiers et des musiciens est plus particulièrement étudié. C'est tout cet aspect de son travail qui m'intéresse le plus car je découvre plein de petits détails sur la vie à cette époque. J'ai donc apprécié la lecture de cet ouvrage.

     


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  • Yves Pourcher, Pierre Laval vu par sa fille, TextoD'après ses carnets intimes

    Josée (1911-1992) était la fille unique de Pierre Laval. Le père et la fille avaient une relation privilégiée faite d'amour et d'admiration réciproques et qui n'a jamais faibli. Jeune fille, Josée Laval accompagne son père -alors président du conseil- dans ses déplacements officiels. Elle remplace sa mère qui n'aime pas les mondanités. En 1935 elle épouse René de Chambrun et en 1936 elle commence à tenir des carnets dans lesquels elle note, en abrégé, les événements de sa vie. C'est sur cette matière première que s'est appuyé Yves Pourcher pour rédiger son livre. Il a eu accès aussi à la correspondance de Josée Laval.

     

     

    La vie de Josée Laval est une vie de mondanités où l'argent n'est jamais un problème. Elle mange au restaurant plusieurs fois par semaine, elle va dans des soirées où elle rencontre le tout Paris, aux défilés des grands couturiers chez qui elle s'habille, le week-end aux courses pour parier. Avec son mari qui a la citoyenneté américaine, ils voyagent beaucoup, vers les Etats-Unis jusqu'à trois fois par an (trajet en bateau qui dure cinq jours). Ces activités sont à peine perturbées par l'Occupation (seuls les voyages aux Etats-Unis sont suspendus). Dans ses carnets, elle continue d'énumérer ses rencontres. Maintenant, des noms allemands se mêlent aux français. Parmi les Français, collaborateurs politiques ou mondains, on retrouve très fréquemment René Bousquet, Jean Jardin, Paul Morand, Coco Chanel et Arletty.

     

     

    Cette vie déconnectée du réel m'a fascinée. Je me suis demandée pendant un bout de temps quelle était la position de l'auteur qui livre souvent le document sans jugement personnel. Et puis, sans avoir l'air d'y toucher, il dit les choses. Ainsi à propos de la rafle du Vel' d'hiv :

    "Le lieutenant Gerhard Heller de la Propaganda-Stafel dira plus tard : "Lorsque j'appris les massacres des ghettos et des camps d'extermination, que je vis en juillet 1942, les files d'enfants juifs conduits vers des wagons à bestiaux à la gare d'Austerlitz, j'eus les yeux définitivement ouverts par ces horreurs."

    Ce jour-là, René de Chambrun gagne aux courses de Maison-Laffitte. Maurice d'Arhempé et Raimu passent voir Josée et ils restent dîner. Le lendemain, Benoist-Méchin vient pour le repas du soir. Il accepte de prendre le chien qu'elle a trouvé et qu'elle a appelé Hyménée."

    Cela me fait penser au "Rien" marqué à la date du 14 juillet 1789 par Louis 16 dans son carnet de chasse.

     

     

    A aucun moment Josée ne s'oppose aux choix politiques de son père qu'elle considère comme un patriote, voire même un résistant. Son exécution en octobre 1945 est pour elle un assassinat. Elle ne s'en est jamais remise et s'est dès lors consacrée au culte de Laval. A une amie qui lui demande : "Tu travailles à la réhabilitation de ton père ?", elle répond : "Est-ce qu'on réhabilite Jésus-Christ ?". Autour d'elle s'est constitué un petit groupe de fidèles.

     

     

    La description de la France des années 1930 renvoie parfois de façon troublante à la situation actuelle : "Dans une France en crise où le nombre des chômeurs ne cesse de grossir, les gouvernements se succèdent sans résultats tangibles. Le mécontentement est général et la menace extérieure, depuis qu'Hitler a pris le pouvoir en Allemagne, inquiète. Exploités par la presse, L'Action française, Candide et Gringoire en tête, les scandales jettent le discrédit sur la classe politique".

    Cette lecture m'amène ainsi à me poser des questions sur les choix individuels. Où commence la collaboration ? Je vois des acteurs célèbres qui continuent de jouer dans des salles dont le public est composé en partie des forces d'occupation. En même temps, il faut bien vivre. Et puis je lis la relation du scandale causé par la mise en scène d'Andromaque par Jean Marais et je comprends que jouer peut aussi être une forme de résistance.

     

     

    J'ai trouvé cet ouvrage passionnant. Contrairement à ce que m'avait laissé penser le titre, le sujet n'est pas Pierre Laval mais plutôt Josée et la relation entre Josée et Pierre. Je suis obligée de dire que leur amour inconditionnel humanise ce dernier et le rend presque sympathique. Ca m'a donné envie de lire maintenant une biographie de Laval ou une histoire de Vichy.

     


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  • Marie Didier, Dans la nuit de Bicêtre, GallimardEn lisant Liberté pour les insensés, j'ai découvert le personnage de Jean-Baptiste Pussin, présenté comme le premier infirmier en psychiatrie. J'ai eu envie d'en apprendre plus sur lui et je me suis donc tournée vers le roman de Marie Didier, disponible à ma bibliothèque.

     

     

    Jean-Baptiste Pussin (1745-1811) est issu d'une famille pauvre du Jura. Malade des écrouelles, il entre à Bicêtre en 1771. Considéré comme incurable, il y reste dans la section des "bons pauvres". A cette époque, Bicêtre est en effet un hospice : un endroit qui est à la fois un hôpital, un asile psychiatrique, une maison de correction pour enfants délinquants, une maison de retraite. Le point commun entre les pensionnaires est qu'ils sont pauvres et généralement maltraités. Remarqué pour son intelligence, Jean-Baptiste Pussin va être employé dans l'asile. En 1785 il est nommé "gouverneur des fous".

     

     

    Les méthodes de Jean-Baptiste Pussin rompent avec les traitements brutaux de l'époque. Il considère les fous comme des êtres humains et des malades. Il prend des notes sur les pathologies et ce qui les améliore. Petit à petit il obtient des ressources supplémentaires et se débarrasse du personnel corrompu. Nommé à Bicêtre en 1793, Philippe Pinel soutient et accompagne son action. Ensemble ils vont décider de libérer les malades agités de leurs chaînes.

     

     

    Mon commentaire sur ce roman passera par sa comparaison avec celui de François Lelord. Dans sa forme, l'ouvrage de Marie Didier est plus romanesque puisqu'elle s'adresse à son personnage et brode ouvertement quand elle manque d'informations historiques : "De cette partie de ta vie avant les entrées dans les hospices, je ne sais rien. Ton pays, la Franche-Comté, vient d'être conquis par la France. Les impôts sur le cuir se multiplient, éreintant les tanneurs. Le marasme grandit. Tu quittes Lons-le-Saunier pour monter vers Paris chercher à manger. La tumeur au cou est déjà là, en chapelet. Tu y passes la main souvent sans même t'en rendre compte. Tu avances sur les routes. Ta stature est puissante, tes muscles jeunes. Tu ne souris jamais, tu dors dans les fossés, tu fais parfois la fenaison, la cueillette des fruits".

     

     

    Cependant le contenu amène beaucoup plus d'informations historiques car elle a fait un vrai travail de recherche d'archives concernant ce personnage méconnu. La comparaison fait émerger les insuffisances historiques du roman de François Lelord. Chez Marie Didier j'apprends même des choses sur Philippe Pinel. Le contexte historique est aussi bien présenté. Je découvre ainsi que les massacreurs de septembre 1792 ont investi Bicêtre et y ont assassiné 166 pensionnaires dont 33 enfants. C'est donc une lecture fort intéressante sur les débuts de la psychiatrie en France.

     

     

     

     


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  • Martin Page, Les animaux ne sont pas comestibles, Robert Laffont

    "Je n'ai jamais essayé, donc je pense que je dois forcément être capable de le faire". Fifi Brindacier

     

    Martin Page est écrivain et par ailleurs militant de la cause animale. De ce fait il est d'abord devenu végétarien puis végane c'est-à-dire qu'il refuse de consommer tout produit ou service qui implique l'exploitation d'animaux. Ca concerne l'alimentation, bien sûr (pas de viande, produits laitiers, oeufs, miel) mais aussi l'habillement (pas de cuir, laine...) et les loisirs (pas de corrida, zoo...). En fait être végane est un choix de vie et, nous dit Martin Page, un engagement politique.

    "Le véganisme est un mouvement politique en faveur des animaux et opposé à la suprématie humaine. Il consiste à ne consommer aucun produit ou service issus des animaux ou de leur exploitation, et à militer publiquement pour que les animaux soient considérés comme des individus".

     

     

    Dans cet ouvrage l'auteur présente, un peu pêle-mêle, ses motivations pour être végane, les modifications que ça a entraîné dans son mode de vie, les réactions que cela suscite dans l'entourage, des conseils pour ceux qui veulent s'y mettre et pourquoi c'est politique, le lien avec le refus des autres oppressions (sexisme, racisme...). Le résultat est facile à lire et généralement intéressant, le cheminement vers le véganisme est présenté comme une aventure. Etre végane c'est s'interroger sur la façon dont les biens que nous consommons sont produits et cesser d'avaler sans réfléchir ce que l'industrie veut nous vendre. C'est interroger l'éducation que nous avons reçue et qui nous a dit que la consommation de viande était naturelle.

     

     

    Martin Page et sa compagne ont créé un blog de cuisine végane dans lequel on retrouve aussi un certain nombre d'idées du livre. J'y ai trouvé un lien vers une marque de chaussures véganes bien jolies et ça tombe à point car sa lecture m'a convaincue de remplacer mes vieilles Doc en fin de course par un modèle sans cuir.

     


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