• Patrick Desbois, Porteur de mémoires, FlammarionPatrick Desbois est un prêtre catholique français. Pour des raisons personnelles (il pense que son grand-père, prisonnier de guerre à Rawa-Ruska, aujourd'hui en Ukraine, aurait été témoin du massacre de Juifs par les nazis) et professionnelles (il est investi dans les relations judéo-chrétiennes) il a enquêté sur la shoah en Ukraine. En Ukraine, en 1941-1942, les Einsatzgruppen nazis, des unités de soldats ou SS, ont organisé des massacres de masse, le plus souvent par fusillades, contre les Juifs et les Roms. On parle parfois de shoah par balles.

     

     

    La démarche originale de Patrick Desbois c'est d'être allé à la rencontre des témoins de ces massacres, les habitants non juifs des villages où s'est déroulé le crime de génocide, les voisins des massacrés qui ont tout vu, parfois même qui ont été contraints de servir d'assistants pour creuser ou refermer les fosses communes. Ils étaient souvent encore enfants ou adolescents au moment où les faits se sont déroulés. Beaucoup n'en avaient jamais parlé. Souvent ils hésitent à témoigner puis sont soulagés de l'avoir fait.

     

     

    Patrick Desbois rappelle bien qu'un des objectifs des génocidaires est de faire disparaître jusqu'à la mémoire de leurs victimes et de leur crime. Lors de sa première visite à Rawa-Ruska, il est surpris de constater que le camp n'a jamais été détruit alors que tout le monde sur place lui assure qu'il n'en reste aucune trace. C'est dans les environs de Rawa-Ruska également qu'il découvre le cimetière des Allemands : une fondation privée allemande rassemble à cet endroit les restes de tous les Allemands tués en Ukraine durant la seconde guerre mondiale. Il y a un carré de SS où on peut lire "A notre grand-père qui était si gentil". Cette découverte le choque -et elle me choque aussi- et il décide d'agir : "Les cimetières sont à l'échelle du Reich. Des cimetières magnifiques pour les Allemands, y compris les SS, de petites tombes pour les Français, des pierres blanches enfouies sous les ronces pour les dizaines de milliers de soldats soviétiques anonymes, et absolument rien pour les Juifs. Impossible de laisser une victoire posthume au nazisme. Impossible de laisser les Juifs enterrés comme des animaux. Impossible d'accepter cet état de fait et de laisser bâtir notre continent sur l'oubli des victimes du Reich".

     

     

    Cette volonté de redonner leur dignité aux victimes s'est traduite notamment, à l'occasion de la fouille de fosses, par l'intervention d'un rabbin orthodoxe venu de Jérusalem car "La loi juive, la Halakha, précise qu'en aucun cas les corps ne doivent être déplacés, notamment pour les victimes de la shoah, la tradition juive orthodoxe considère que les victimes de la shoah reposent dans la plénitude de Dieu et que tout mouvement de leur corps perturberait leur repos".

    La mécréante que je suis est un peu dérangée par ce choix qui semble considérer que toutes les victimes étaient des Juifs orthodoxes.

     

     

    La deuxième chose qui me gêne un peu dans ce récit est le fait que l'auteur ne fait que laisser échapper la possibilité que des Ukrainiens aient participé volontairement au génocide. On ne voit pas pourquoi ils auraient été épargnés vu qu'il y a eu des collaborateurs partout. Patrick Desbois pose en principe le fait de ne pas juger les témoins et je comprends bien qu'il ne faille pas les malmener s'il veut en trouver d'autres. Du coup ça me donne envie de lire autre chose sur la shoah en Ukraine parce que globalement c'est un ouvrage qui m'a beaucoup intéressée.

    Au moment où j'écris ces lignes, j'ai la chance de participer à un séminaire organisé par Yahad-In Unum, association fondée par Patrick Desbois pour étudier la mémoire des génocides et plus particulièrement de la shoah par balles. Les premiers intervenants nous ont présenté la méthode d'enquête qui croise archives et témoignages et parmi les archives il a été question des compte-rendus de procès de collaborateurs ukrainiens par l'URSS.

     


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  • Clémence Catz, Boulettes et galettes sans viande, La plageL'arrivée de l'automne et de la première courge spaghetti dans mon panier de légumes à été l'occasion de ressortir ce petit livre plein de bonnes idées. Après une rapide introduction que je n'ai jamais lue mais où, pour l'occasion, je découvre qu'on nous présente, entre autres, les ingrédients et les différents modes de cuisson, l'ouvrage se divise en quatre parties : boulettes et galettes aux céréales, boulettes et galettes aux légumineuses, boulettes et galettes riches en légumes et boulettes et galettes sucrées. Il y en a pour tous les goûts ! Chaque recette est accompagnée de sa photo.

     

    Clémence Catz, Boulettes et galettes sans viande, La plage

     

    Voici donc la recette des Galettes de courge spaghetti au chèvre.

    Ingrédients : pour 6 personnes.

    1 courge spaghetti de 1 kg (elles sont souvent plus grosses, je vais vous proposer ensuite une autre recette avec le reste)
    1 gousse d'ail
    2 oeufs
    1 cuillère à café bombée de curcuma en poudre
    100 g de fromage de chèvre frais
    Sel, poivre

     

    Recette :

    D'abord je cuis la courge, un peu différemment de ce que l'auteure indique dans le livre : je la coupe en 2 dans la longueur, j'enlève les graines et je la fais cuire au four à 180° (th.6), dans un grand plat ou la lèchefrite, côté bombé vers le bas, pendant 1 h.

    Pour ma recette, j'utilise une demie courge. Je sors la chair de son écorce avec une cuillère, je la mets dans un récipient.

    Mélanger délicatement avec l'ail émincé, les oeufs, le curcuma, du sel et du poivre, puis ajouter le chèvre en petits morceaux.

    Prélever de grosses cuillerées du mélange et former des galettes sur une plaque de cuisson chemisée de papier sulfurisé. Faire cuire 15 mn environ à 180° (th.6), jusqu'à ce que les galettes soient bien prises.

    Laisser tiédir un peu avant de servir.

    Variantes : pour plus de croquant, ajoutez des petites graines ou oléagineux au choix (noix ou noisettes, graines de courge ou de tournesol...). Vous pouvez aussi remplacer le chèvre par un autre fromage (comté, bleu, tomme de brebis...).

    Quant à moi, comme je trouve cette recette un peu liquide, la dernière fois que je l'ai faite j'ai ajouté des flocons d'avoine que j'ai laissés gonfler un peu avant de façonner les galettes. Impeccable.

     

    Avec mon autre demie courge, je fais des crêpes, encore meilleures !

    Ingrédients : 300 g de courge spaghetti cuite (j'en mets une demie)
    250 g de farine
    2 cuillères à soupe de sucre en poudre
    3 oeufs
    250 g de lait (je mets un quart de litre de lait de soja)
    1 cuillère à soupe d'huile
    1 pincée de sel

     

    Clémence Catz, Boulettes et galettes sans viande, La plage

     

    Recette :
    Dans un saladier, mélangez énergiquement les oeufs, le lait, la farine tamisée, le sucre et l'huile, salez. Vous devez obtenir une préparation homogène (s'il y a des grumeaux, je mets un coup de mixeur). A ce moment là, ajoutez les spaghettis.

    Dans une poêle bien chaude, faites rapidement revenir un fond d'huile. Versez l'équivalent d'une louche du mélange et faites dorer les crêpes des deux côtés. Répétez l'opération pour le restant de la pâte.

    Cela donne des crêpes épaisses et moelleuses, délicieuses avec de la pâte à tartiner au chocolat.

     

    Clémence Catz, Boulettes et galettes sans viande, La plage

     Une courge spaghetti

     

    Clémence Catz, Boulettes et galettes sans viande, La plage

    A la cuisson la chair se détache en filaments, d'où son nom


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  • Denis Guedj, Zéro, PocketDans ce roman Denis Guedj nous présente les grandes étapes de l'invention du zéro. Cela s'est passé en Mésopotamie et en plusieurs époques. Pour chacune d'entre elle l'auteur fait intervenir une femme prénommée Aémer et nous raconte son histoire en lien avec un progrès des mathématiques.

     

     

    1) Vers 3000 av. JC : De riches bergers mésopotamiens ont d'abord inventé les chiffres pour compter leurs troupeaux. On façonne dans la glaise des calculi de formes différentes, chacune représentant une quantité : le bâtonnet, un, la bille, 10, le disque, 100, le petit cône, 300 et le grand cône perforé, 3000. Lors d'une transaction, le nombre de calculi représentant len ombre de bêtes vendues, par exemple, est enfermé dans une boule creuse en argile, laquelle est conservée dans les archives. Pour ne pas avoir besoin de casser l'enveloppe pour retrouver le compte, on a aussi gravé dessus l'image des calculi enfermés à l'intérieur. Ce qui me surprend et m'amuse c'est qu'il a fallu du temps avant que quelqu'un s'aperçoive qu'on n'avait pas besoin des calculi à l'intérieur. Qu'il serait plus simple de se contenter de graver leur image sur une plaque d'argile. On rajoute quelques signes et l'écriture est inventée.

     

     

    2) Vers 2000 av. JC : Une nouvelle méthode d'écriture des nombres permet de les écrire tous avec seulement deux signes, un clou et un chevron.

     

    Denis Guedj, Zéro, Pocket

     

    Mais comment fait-on la différence entre le 1, le 60 et le 3600 ? C'est la position des signes qui le détermine, ils sont inscrits dans des colonnes : première colonne, 3600, deuxième, 60 et troisième, 1.

     

     

    3) Vers 500 av. JC : L'utilisation d'un double chevron incliné est une première façon de marquer l'absence qui permet de se passer des colonnes.

     

    Denis Guedj, Zéro, Pocket

    Donc quel est le chiffre inscrit dans l'exemple ci-dessus ? La réponse ici.

     

     

    4) Au début du 9° siècle, les Arabes découvrent les chiffres qui portent aujourd'hui leur nom mais qui viennent en fait d'Inde, dont le zéro.

     

     

    Ce que j'apprécie dans ce livre c'est qu'il fait bien comprendre que chaque étape n'est pas seulement une révolution technique mais aussi une révolution dans la façon de penser. Cela explique le temps qu'il a fallu pour passer de l'une à l'autre. Des choses qui nous paraissent évidentes aujourd'hui étaient tout simplement difficilement concevable à l'époque. Les histoires d'Aémer nous donnent une idée de ce qu'était la société à ces différentes époques.

     


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  • Salim Bachi, Le consul, FolioAristides de Sousa Mendes (1885-1954) était consul du Portugal à Bordeaux au moment de la défaite de la France en juin 1940. Bordeaux se remplit alors de réfugiés de tous genres -Juifs, Allemands et Autrichiens antinazis...- dont un grand nombre viennent le supplier de leur délivrer un visa pour le Portugal. A partir du 17 juin il accède aux demandes, en contradiction avec les ordres qu'il a reçus du gouvernement de Salazar. Pendant près d'une semaine, il va délivrer des visas en continu, signant lui-même les passeports, les cartes d'identité voire des morceaux de papiers quand on n'a pas de document à lui présenter. On estime que 30 à 50 000 personnes, dont plus de 10 000 Juifs, ont ainsi bénéficié de son aide. Aristides de Sousa Mendes est relevé de ses fonctions peu après, mis à la retraite d'office et meurt dans la misère.

     

     

    J'avais découvert ce personnage admirable et longtemps oublié par un article du Monde déjà ancien. Je l'ai recroisé à l'occasion d'un séjour à Bordeaux et j'ai donc été contente d'en apprendre plus sur lui en lisant ce roman. Quel consul signe aujourd'hui des visas pour les réfugiés de Syrie et d'ailleurs ?

     

    Salim Bachi, Le consul, Folio

    Quai Louis 18, à Bordeaux, où se trouvait le consulat du Portugal.

     

    Par contre, je n'ai pas trop apprécié la narration où c'est Aristides sur son lit de mort qui s'adresse à Andrée, la femme beaucoup plus jeune que lui qui fut sa maîtresse et qu'il épousa après la mort de sa première femme. Et surtout, surtout, il y a ces "copier-coller" qui me navrent :

     

    p.37, à propos du mot tsunami : "Je le trouvais beau, tout à fait approprié aux événement en cours dans cette ville, carrefour de la traite des nègres que nous allions bientôt rejoindre non pas à fond de cale dans d'immenses bateaux, mais dans des convois piégés par les neiges froides de Pologne (...)"

    et p.107 : "(...) je le trouvais beau et approprié aux événements en cours dans cette bonne ville de Bordeaux, carrefour de la traite des nègres que nous allions bientôt rejoindre à fond de cale dans d'immenses bateaux piégés par les neiges froides de Pologne."

     

    Et encore, p.74 : "L'heure de la revanche avait sonné et l'armée d'Hitler s'apprêtait à fondre sur tous les ennemis du Reich, et ils étaient nombreux, les juifs pour lesquels la haine des nazis était incommensurable, les communistes, les partisans polonais que la France avait enfermés dans les camps de Bassens et Libourne et dont certains se cachaient dans ma propre maison, couchaient dans les escaliers du consulat, se méfiaient à juste titre des autorités françaises qui n'avaient, en dépit des droits de l'homme dont elles se gargarisaient, jamais été accueillantes (...)"

    et p.110 : "L'heure de la revanche avait sonné et l'armée d'Hitler s'apprêtait à fondre sur tous les ennemis du Reich, et ils étaient nombreux, juifs, communistes, résistants polonais que la France ne traitait guère mieux que les Allemands, les enfermant dans les camps de Bassens et Libourne, s'apprêtant à les livrer au nouveau régime qui naîtrait de la défaite.

    Le rabbin Haïm Kruger et sa famille se cachaient dans ma propre maison, les autres couchaient dans les escaliers du consulat, tous se méfiaient à juste titre des autorités françaises qui n'avaient, en dépit des droits de l'homme dont elles se gargarisaient, jamais été accueillantes."

     

    Et enfin, p.22 et 159 : "Je l'avais déchirée, jetée dans la fosse d'aisance qu'elle n'aurait jamais dû quitter cette maudite circulaire n°14 en date du 11 novembre 39, émanation méphitique de Salazar, notre démon."

     

    Je ne me souviens pas avoir jamais lu ce genre de chose dans un autre livre. Et on pouvait difficilement les manquer, l'ouvrage comptant tout juste 200 pages.

     

     


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