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    Géraldine Schwartz, Les amnésiques, FlammarionGéraldine Schwartz est une journaliste franco-allemande -père allemand, mère française. Dans cet ouvrage elle étudie la responsabilité des Mitläufer, ceux qui ont "marché avec" le régime nazi, tous ces Allemands qui, sans être eux-mêmes des criminels de guerre, se sont arrangés avec ce régime, l'ont accepté, voire même en ont profité, et lui ont ainsi facilité la tâche. Elle s'appuie pour cela sur le cas de ses grands-parents paternels.

     

     

    Le grand-père, Karl Schwartz, a profité de "l'aryanisation des biens" pour acquérir à bon prix une entreprise de commerce de pétrole. Après la guerre, quand le seul survivant des anciens propriétaires demande une indemnisation, Karl Schwartz ne veut pas comprendre et se vit comme une victime. La grand-mère, Lydia, a été conquise par la politique des nazis menée en direction des classes moyennes : elle a pu profiter d'une croisière subventionnée. Derrière l'opération Kraft durch Freude je découvre des mesures en faveur du tourisme qui ont permis de s'attacher une partie de la population allemande.

     

     

    La génération suivante, celle du père de Géraldine Schwartz, Volker -un prénom typiquement nazi, construit sur Volk, le peuple- né en 1943, est celle qui a posé des questions à ses parents sur leur rôle et leur comportement sous le nazisme. L'autrice présente le travail de mémoire qui a été effectué en Allemagne depuis la fin de la guerre. Une première dénazification très incomplète puis les progrès réalisés depuis les années 60 sous la pression des jeunes générations et de quelques personnalités. Elle compare cette capacité à affronter ses responsabilités à ce qui s'est passé en France avec la construction, voulue par de Gaulle, d'un régime de Vichy qui n'était pas la France et le déni qui a pu s'installer pour longtemps sur ce mythe.

     

     

    En fin d'ouvrage Géraldine Schwartz s'intéresse au retour des populismes et de l'extrême droite un peu partout en Europe aujourd'hui. Elle développe la thèse selon laquelle les pays dans lesquels le travail de mémoire n'a pas eu lieu -ou a été partiel- sont ceux où le populisme revient plus fort. Les amnésiques qui ont oublié l'histoire se condamnent à la revivre.

     

     

    J'ai apprécié cet ouvrage que j'ai trouvé intéressant et très accessible. En s'appuyant sur le cas emblématique de sa famille, Géraldine Schwartz rend son propos vivant mais elle ne s'en tient pas là et complète par des apports historiques. Pour moi, l'intérêt réside aussi dans les parallèles que je fais avec l'époque actuelle. Quand je lis comment les démocraties ont refusé de donner refuge aux Juifs allemands persécutés dans les années 30 -la lamentable histoire du Saint-Louis est évoquée- je ne peux m'empêcher de penser au sort pitoyable du peuple syrien aujourd'hui.


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    Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Actes SudEté 1992. A Heillange, ville de l'est de la France frappée par la fermeture des aciéries, Anthony, 14 ans, passe le temps avec son cousin en buvant des bières et fantasmant sur les filles qu'ils croisent. Ils empruntent la moto du père d'Anthony pour aller dans une soirée où les ont conviées deux d'entre elles, Steph et Clem. Ils y croisent Hacine. Le roman est construit sur quatre étés, de deux ans en deux ans, où on retrouve Anthony et les autres, jusqu'à l'arrivée de la France en finale de la coupe du monde de foot en 1998.

     

     

    Il est question des conditions de vie dans une région à l'économie un peu sinistrée. Les parents d'Anthony se sont endettés sur vingt ans pour acheter un pavillon. Cette petite classe moyenne peine souvent à joindre les deux bouts. Le père d'Anthony, licencié de l'industrie, souffre d'un sentiment de déclassement. C'est facile alors d'accuser les immigrés "feignants d'importation" d'être responsables du chômage. Je peux facilement imaginer Anthony, un peu plus de vingt ans après la fin du roman, en gilet jaune sur un rond-point.

     

     

    Hacine habite avec son père un immeuble de la ZUP voisine. Il passe la majeure partie de ses journées avec ses potes sur la dalle, il vivote du trafic de shit.

    Les parents de Steph et Clem sont de petits notables locaux -entrepreneur, profession libérale- dont les filles poursuivent leurs études. Parmi les personnages que l'on suit elles sont les seules à être vraiment mobiles et à pouvoir envisager de quitter la région. Si Anthony fait son service militaire en Allemagne il est perdu dès qu'il est lâché en liberté hors de son cadre familier et revient finalement vers sa vallée.

     

     

    Je trouve que l'auteur a bien montré la fracture sociale qui sépare ces jeunes même si l'adolescence est un moment où des rencontres sont possibles. Il m'a semblé que la peinture de ces adolescents et de la société locale était crédible. J'ai apprécié aussi la construction du récit en quatre saisons qui permettent de voir évoluer les personnages et les situations.

     

     

    Les avis de GambadouHélène et Krol.


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    Pierrette Fleutiaux, Histoire du tableau, FolioLa narratrice, une jeune femme professeure de français, vit à New-York avec sa famille. Elle mène une vie tranquille et réglée jusqu'au jour où, dans une soirée, elle rencontre un peintre qui la fascine tout de suite. Il l'invite à venir visiter son atelier et à la voir travailler et elle est comme envoutée par la toile qu'il est en train de peindre. La rencontre avec cette oeuvre va bouleverser sa vie.

     

     

    D'abord j'ai pensé avoir affaire à un roman fantastique mais ensuite il m'a semblé que c'était un épisode de folie qui nous était raconté là. Il y a d'abord une phase d'exaltation. Après l'achat du tableau la narratrice a l'impression de voir ce qui est caché sous la surface des choses et d'en comprendre enfin le sens. Cela me fait penser à ce que j'ai pu lire sur les effets de certaines drogues. Elle passe par des hauts et des bas. Un jour elle trouve que sa toile est une oeuvre absolue, le lendemain elle se demande comment elle a pu dépenser autant d'argent pour acheter ça. Ce qu'elle vit me paraît bien décrit et la narration à la première personne est convaincante. Il y a une place importante qui est donnée aux couleurs, aux sentiments et aux effets qu'elles produisent chez la narratrice. Enfin c'est remarquablement bien écrit. La fin du récit m'a parue un peu longue mais globalement j'ai apprécié cette lecture.


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    Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, FolioLe 17 octobre 1961 à Paris une manifestation d'Algériens en faveur de l'indépendance de leur pays est réprimée avec une violence inouïe. Les forces de l'ordre tabassent la foule puis tirent sans sommations. Des blessés sont jetés à la Seine . Le bilan est estimé à environ 200 morts, seuls 3 ou 4 sont reconnus officiellement. Roger Thiraud, jeune professeur d'histoire, est assassiné sur le pas de sa porte alors qu'il assiste à la répression. Sa mort passe pour un dégât collatéral de la manifestation. A l'été 1982 Bernard Thiraud, fils de Roger, jeune étudiant en histoire, est abattu à Toulouse où il faisait des recherches dans les archives de la préfecture. L'inspecteur Cadin, chargé de l'enquête; se demande s'il n'y aurait pas un lien entre ces deux meurtres.

     

     

    Le principal intérêt de ce roman ce sont les apports historiques, principalement sur la manifestation du 17 octobre 1961 -mais pas que. Je découvre avec stupéfaction ce massacre accompli sans scrupules en plein Paris et j'en suis choquée. Néanmoins je suis déçue par cette lecture. L'inspecteur Cadin ne m'est pas très sympathique qui me paraît un peu imbu de lui-même avec sa tendance à juger les autres et leurs choix de vie. Et puis je ne trouve pas que ce soit très bien écrit. Il y a des descriptions dont on aurait pu aisément se passer (le fonctionnement d'une machine à café, par exemple) et le résultat est poussif.

     

    L'avis du Papou.

     


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    Jean d'Aillon, Rouen, 1203, J'ai luDe retour de Rome Guilhem d'Ussel fait une étape à Marseille au moment où y accoste une nef génoise en provenance de Saint-Jean-d'Acre. A son bord plusieurs personnages qui vont jouer un rôle dans cette histoire. Flore est une jeune femme dont le mari est mort en Terre Sainte. Elle souhaite regagner les terres de l'abbaye de Tiron dont elle est originaire. Thomas est un moine templier en fuite. Il veut rejoindre son frère, moine à Bordères dans le Toulousain. Le chevalier Marc Saint-Jean est en fait Ali-i Sabbah, un ismaëlien, guerrier de la secte musulmane des heyssessini. Il est envoyé en mission par son maître, le Vieux de la Montagne, pour récupérer des documents volés à son ordre et châtier le voleur, un apothicaire franc. Enfin Alexandre le Maçon est un clerc brutal et avide de pouvoir chargé par Aliénor d'Aquitaine de ramener de Palestine une précieuse relique.

     

     

    Tout le roman tourne en effet autour d'une histoire de trafic et même de fabrication de reliques. Les personnages très divers permettent à l'auteur d'explorer des lieux qui le sont tout autant : la Terre Sainte, la seigneurie rurale de Lamaguère, Paris, Rouen, bien sûr, autour de laquelle s'affrontent Jean-sans-Terre et Philippe-Auguste. Je trouve cela très intéressant. Les péripéties sont rocambolesques, les coïncidences peu crédibles mais je lis ces aventures avec plaisir. Je suis fascinée par des conditions de vie si différentes des nôtres qu'elles me paraissent exotiques : crasse, économie de survie, inféodation totale des petits aux puissants, grande violence des seigneurs de la guerre. Et cependant des hommes qui sont prêts à énucléer, à écorcher ou à étriper sans sourciller redoutent l'enfer et versent une larme devant un bout de chiffon représentant soit-disant la face du Christ.

     

    L'avis d'A little bit.


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