• Riad Sattouf, L'Arabe du futur 6, Allary éditionsUne jeunesse au Moyen-Orient (1994- 2011). En 1994 Riad Sattouf a 16 ans et vit à Rennes avec sa mère et son frère Yaya. Cela fait deux ans que le père a enlevé Fadi, le cadet de la fratrie. Pour retrouver son fils la mère s'en remet à divers charlatans et escrocs : voyante, avocat véreux, soi-disant ex des services secrets. Après le bac Riad Sattouf étudie les arts appliqués à Rennes puis à Paris. Dans le même temps il cherche à se faire éditer et commence une psychothérapie dans le but de se débarrasser de ses angoisses et de l'image de son père qui l'obsède.

     

     

     

    Riad Sattouf, L'Arabe du futur 6, Allary éditions

     

    Dans ce dernier tome de L'Arabe du futur on assiste à l'émancipation du héros. L'adolescent complexé devient petit à petit un adulte autonome. J'ai beaucoup apprécié cette évolution qui m'a fait plaisir. Bravo à Riad Sattouf pour le travail qu'il a fait pour en arriver là, bravo à sa psy. Autour j'apprécie aussi de suivre l'histoire de cette famille : les grands-parents qui vieillissent, le devenir des parents syriens.

     


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  • La sortie de l'ultime épisode des aventures d'Adèle Blanc-Sec est l'occasion de relire toute la série.

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Adèle et la bête (1976). Paris, 1911. Au Muséum d'histoire naturelle du Jardin des Plantes, un oeuf de ptérodactyle a éclos. L'animal en liberté attaque des passants et crée la panique dans la capitale. Il croise la route d'Adèle Blanc-Sec, jeune aventurière intéressée par le Muséum mais pour une toute autre raison.

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman

     

    Que de péripéties rocambolesques ! Cette BD est un pastiche de roman-feuilleton avec tellement de rebondissements que l'héroïne elle-même a parfois du mal à suivre. Comme le veut le genre la fin laisse le lecteur sur de nouvelles interrogations.

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Le démon de la Tour Eiffel (1976). A la poursuite de ceux qui se sont joué d'elle à la fin de l'épisode précédent, Adèle Blanc-Sec tombe sur une secte d'adorateurs de Pazuzu, démon assyrien. Ce sont encore des aventures rocambolesques pour notre héroïne. L'auteur cependant relie entre eux tous les événements qui pouvaient apparaître précédemment comme des péripéties décousues.

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Le savant fou (1977). Un groupe de savants, témoin précédemment du réveil d'un ptérodactyle, a décidé de tenter la même expérience avec un pithécanthrope dont le corps, parfaitement conservé, a été retrouvé dans de la tourbe gelée en Sibérie. Bien sûr tout ne va pas se dérouler exactement comme prévu. Alexandre -le pithécanthrope ressuscité- sera-t-il le soldat de l'avenir ou est-il plutôt une sorte de Quasimodo, amoureux d'Adèle Blanc-Sec ?

     

     

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Momies en folie (1978). Paris, 1912. Les cadavres de jeunes femmes suppliciées, affublés de têtes de boucs, sont retrouvés aux alentours du jardin des Tuileries. La momie qui décorait l'appartement d'Adèle Blanc-Sec revient à la vie et s'évade en compagnie des momies du musée du Louvre. Une personne très déterminée organise des attentats de plus en plus monstrueux dans le but de tuer notre héroïne.

    J'ai trouvé particulièrement excellent ce quatrième tome avec ses péripéties complètement délirantes. Il m'avait déjà marquée lors de ma première lecture car je me souvenais bien de l'accident de train et du naufrage du Titanic. C'est du grand n'importe quoi maîtrisé de façon réjouissante. Des personnages surgissent d'on ne sait où mais dont l'auteur arrive à posteriori à justifier l'irruption. Cela donne l'impression d'être écrit au fil de l'imagination, sans scénario conçu à l'avance.

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Adieu Brindavoine suivi de La fleur au fusil (1979). Cette BD n'est pas vraiment un épisode des aventures d'Adèle Blanc-Sec -elle n'y apparaît pas- mais la date de parution et le fait que Lucien Brindavoine soit un personnage du tome 5 lui permettent de se glisser dans cette série.

    Lucien Brindavoine est contacté par un M. Basile Zarkhov venu lui faire "une proposition extraordinaire". Au moment où Lucien s'apprête à mettre l'intrus à la porte celui-ci est abattu. Avant de mourir il a juste le temps d'indiquer un lieu de rendez-vous à Istamboul. Lucien se lance dans une aventure fantastique qui le mène jusqu'en Afghanistan.

    Personnages délirants, imagination extravagante, je retrouve bien ce qui fait pour moi le sel des aventures d'Adèle Blanc-Sec. Dans le dessin j'apprécie particulièrement les décors. Décors d'intérieurs surchargés d'objets hétéroclites, décors de villes, Istamboul ici, Paris pour les aventures d'Adèle Blanc-Sec.

    La fleur au fusil. Un épisode vécu par Lucien Brindavoine, engagé malgré lui dans la première guerre mondiale. Le décor est celui d'un réalisme cru des horreurs de la guerre des tranchées. Cela me fait penser que du même auteur j'ai aussi C'était la guerre des tranchées. A relire.

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Le secret de la salamandre (1981). 1917. Revenu de la guerre avec un bras en moins, Lucien Brindavoine s'abyme désormais dans l'alcool. Cryogénisée par Mouginot à la fin de Momies en folie, Adèle Blanc-Sec attend que l'on vienne la réveiller. Pendant ce temps, à travers la planète, des industriels et des chefs religieux organisent un complot pour contrôler le monde. Et Dieuleveult, le savant fou, poursuit Adèle de sa haine implacable.

     

     

     

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Le noyé à deux têtes (1985). Après six ans de congélation Adèle Blanc-Sec revient à la vie le 11 novembre 1918. Elle ignore tout de la guerre. Rentrée chez elle elle est contactée par les membres d'une troupe de cirque qui pensent avoir découvert un complot : les vraies causes de la guerre. Alors que clowns et homme siamois sont assassinés les uns après les autres, une pieuvre géante surgit de loin en loin dans Paris et fait de nouvelles victimes.

    Les péripéties sont tellement embrouillées dans cet épisode que j'ai renoncé à comprendre tout de suite. Je me dis que les choses s'éclairciront plus loin ou dans un prochain épisode comme Tardi sait le faire. Pour l'auteur il s'agit surtout d'afficher ses convictions antimilitaristes et de dire tout le mal qu'il pense du patriotisme, de la guerre et des généraux qui envoient le peuple se faire trouer la peau.

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Tous des monstres (1994). 12 novembre 1918. Où on en apprend plus sur la pieuvre ou plutôt les tentacules rouges qui mettent Paris en émoi depuis la veille, c'est-à-dire l'épisode précédent, neuf ans plus tôt ! Il est question d'un dessinateur, illustrateur des romans-feuilleton rédigés par Adèle Blanc-Sec, traumatisé de guerre qui a la faculté de faire ressurgir les angoisses d'enfant de chacun. Le lecteur croisera aussi deux flics tortionnaires et toujours Lucien Brindavoine, des clowns et Dieuleveult cherchant à tuer notre héroïne.

     

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Le mystère des profondeurs (1998). 1922. Le Dentiste est sorti de prison, le Fluet s'est évadé et Adèle Blanc-Sec se retrouve prise dans des règlements de comptes entre malfrats. Après les tentacules la partie fantastique est assurée par des limules.

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman

     

     

    Le labyrinthe infernal (2007). 1923. C'est un minotaure, fruit des recherches d'un autre savant fou, que nous croisons dans cet épisode. Il y a la réapparition de la momie d'Adèle Blanc-Sec et tellement de personnages que je m'y perds de plus en plus.

     

     

     

     

     

     

     

     

    Tardi, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Casterman Le bébé des Buttes-Chaumont (2022). Alors que les Parisiens se transforment en boeufs et que les momies du monde tiennent congrès sous la coupole des Immortels, des conducteurs de trottinettes en bois sont projetés en l'air lors de collisions avec des automobiles. Cet ultime tome des aventures d'Adèle Blanc-Sec, débutées il y a 46 ans, fait référence à tous les précédents et est aussi un hommage à la chanteuse Dominique Grange, femme de Jacques Tardi.

     

     

     

     

    Ce que j'ai apprécié dans cette série :

    - Le personnage d'Adèle Blanc-Sec, femme qui ne sourit jamais et fume comme un sapeur. Autour d'elle les cadavres s'accumulent sans que cela semble la toucher.

    - Le décor du Paris des années 1920.

    - Les scénarios à la roman-feuilleton, qui partent dans tous les sens et l'habileté de l'auteur à trouver des débouchés à des situations totalement délirantes.

    - La morale anarchisante de l'ensemble : critique de l'autorité sous toutes ses formes, armée, police...

     


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  • H. G. Konsalik, Symphonie russe, Presses pocketEn 1939, suite au pacte germano-soviétique et à l'invasion de la Pologne, la famille Berger, Allemands ethniques installés en Ukraine depuis plusieurs générations, est déportée en Pologne pour y participer à la colonisation de la région annexée par l'Allemagne. En 1945, après la défaite des nazis et le passage de l'armée rouge, ne reste plus comme survivante de la famille Berger que la petite Erna Swetlana, 11 ans. Elle est déplacée en sens inverse et affectée au Kazakstan. J'ai trouvé intéressants, d'un point de vue historique, ces premiers paragraphes qui répondent à une question que je me posais depuis quelque temps sur comment l'Allemagne nazie avait organisé la colonisation de l'ouest de la Pologne : avec quelles populations, qu'étaient-elles devenues après 1945 ?

     

     

    Devenue adulte Swetlana retrouve Boris Horn, lui aussi un Volksdeutsche, croisé en Pologne. Les deux jeunes gens tombent amoureux mais leur pureté et leur beauté ont déclenché contre eux la haine de chefaillons locaux corrompus, prêts à tout pour assouvir leurs désirs de domination. Les péripéties s'enchaînent alors et je ne m'ennuie pas vu les rebondissements nombreux et les avanies que subissent nos jeunes héros, très résilients. Il faut accepter des situations et personnages caricaturaux. Cela peut se faire, c'est le genre qui veut ça. J'ai plus de mal avec les stéréotypes racistes.

     

     

    Heinz Günther Konsalik (1921-1999) a été membre des jeunesses hitlériennes et employé à la Gestapo, reporter de guerre en France puis soldat sur le front russe d'où il n'a pas rapporté un grand amour pour les Soviétiques, semble-t-il. A partir de 1948 il a écrit 155 romans traduits en 42 langues ce qui fait de lui l'auteur allemand le plus lu de l'après guerre (Wikipédia).
    Avec cette lecture je termine ma participation au mois des Feuilles allemandes organisé par Et si on bouquinait un peu et Livr'escapades.

     

    H. G. Konsalik, Symphonie russe, Presses pocket

     

     


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  • Stefan Zweig, La pitié dangereuse, GrassetEn Autriche, dans une ville de garnison, le narrateur, le lieutenant Anton Hofmiller, 25 ans, se prend de pitié pour une jeune femme paralysée. Edith de Kekesfalva a 17 ans, sa maladie l'a rendue irritable et sujette à des crises nerveuses. Elle est la fille d'un riche veuf prêt à tout pour qu'elle recouvre la santé. Le lieutenant Hofmiller, jeune homme pauvre, est toujours bien accueilli par le père et la fille chez qui il trouve comme une famille de substitution. Il prend plaisir à constater que sa présence calme Edith et lui donne le sourire. Jusqu'au jour où il réalise que celle-ci s'est complètement méprise sur ses sentiments et ses intentions.

     

     

    Tout ceci va très mal se terminer, c'est écrit en quatrième de couverture et je me suis demandée comment l'auteur allait réussir à tenir 350 pages écrites petit sur cette histoire. C'est que le roman est aussi l'occasion de nous dépeindre la société et les mentalités dans une petite ville de garnison à la veille de la première guerre mondiale. Fréquentant régulièrement chez les Kekesfalva, le lieutenant Hofmiller se coupe de ses camarades officiers qui ne peuvent imaginer d'autre moteur que l'appât du gain dans cette relation. Il se trouve que Kekesfalva est d'origine juive et cela passe mal chez ces antisémites imbus de leur supériorité de militaires.

     

     

    Quant au narrateur, s'il est plus ouvert que ses camarades, c'est quand même un personnage qui me met mal à l'aise dans sa relation avec Edith. Pour lui elle est la pauvre infirme et il la voit rarement comme une vraie personne d'où le choc qu'il éprouve quand il comprend qu'elle est amoureuse de lui. Il faut dire qu'avec ses colères et son chantage au suicide elle ne facilite pas les choses. A mesure qu'on avance dans le récit Hofmiller apparaît comme de plus en plus agit par sa pitié et incapable de mettre fin à un malentendu mortifère. Je trouve très déplaisante, à la fin du récit, la façon dont il se "tire d'affaire" en essayant de se faire croire qu'il est obligé d'agir comme il le fait.

     

     

    Si les personnages ne me sont pas très sympathiques j'ai cependant beaucoup apprécié cette lecture pour la belle écriture et pour l'analyse psychologique. Stefan Zweig a bien montré comment le fait d'agir par pitié peut valoriser l'auteur de cette pitié au point de lui donner le sentiment d'être Dieu.

     

    C'est une lecture commune organisée par Et si on bouquinait un peu dans le cadre des lectures Autour du handicap (avec Ingrid) et des Feuilles allemandes (avec Fabienne) et avec Keisha, Brize et Cléanthe.

     

    Stefan Zweig, La pitié dangereuse, GrassetStefan Zweig, La pitié dangereuse, Grasset

     


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  • Boris Pahor, Pèlerin parmi les ombres, La petite vermillon L'écrivain italo-slovène Boris Pahor est mort le 30 mai 2022. Il était né en 1913, il est mort à 108 ans ! Il était né autrichien et était devenu italien à cinq ans, sans quitter Trieste. Sa langue maternelle était le slovène et il a été marqué à vie par l'incendie, en 1920, de la maison de la culture slovène par les fascistes qui ont ensuite italianisé jusqu'aux noms sur les pierres tombales. Arrêté en janvier 1944 pour faits de résistance il est déporté au camp de concentration du Struthof, dans les Vosges, puis à Dachau, Dora et Bergen-Belsen. La plupart de ses oeuvres sont inspirées de cette expérience.

     

     

    Boris Pahor, Pèlerin parmi les ombres, La petite vermillon Pèlerin parmi les ombres. En 1966 Boris Pahor visite le camp du Struthof où il fut interné 40 ans auparavant. Le fait de s'y retrouver en compagnie de touristes l'amène à s'interroger sur leur présence en ces lieux. S'il est content que le camp soit devenu un lieu de mémoire, il est en même temps "plutôt satisfait de constater que le monde des camps est incommunicable". Cette visite est l'occasion de se remémorer les conditions de détention et les camarades morts ici. A son arrivée au Struthof Boris Pahor a été affecté à un poste d'infirmier. Il est conscient qu'il doit sa survie à cette fonction et le complexe de culpabilité du survivant le tourmente : il a mangé le pain des malades morts à l'infirmerie.

     

     

    L'auteur décrit dans des termes parfois crus le froid, la faim, la maladie, la déchéance physique. Il analyse les conséquences de la peur permanente qui neutralise les sentiments pour qu'ils n'atteignent pas l'instinct de conservation. Cependant il dit aussi la solidarité et les relations de camaraderie ou même d'amitié qu'il a tissés avec certains détenus. Ce récit est un hommage à ces hommes et notamment à ceux qui sont morts, à qui il s'agit de restituer leur humanité :

    "Nous aurions dû prendre carrément la parole non seulement pour les camarades réduits en cendres, pour leur honneur mais surtout pour rappeler à la conscience des hommes la valeur de leur sacrifice qui, plus encore que le sacrifice au combat, touche au patrimoine de l'humanité".

     

     

    Enfin Boris Pahor s'interroge sur le bien et le mal et sur la responsabilité du peuple allemand. Il s'oppose à son ami André Ragot, détenu lui aussi au Struthof qui, dans son livre NN Nuit et brouillard paru en 1945, se demande "s'il ne conviendrait pas d'anéantir le peuple qui a donné Nietzsche, Hitler et Himmler et les millions d'exécutants de leurs ordres et de leurs idées". Sans négliger la responsabilité des individus Boris Pahor pense qu'il "faut auparavant demander des comptes à la société qui les a éduqués".

     

     

     

    C'est un livre que j'ai trouvé puissant. Pas toujours facile à lire, par son sujet -de nombreux passages sont poignants- mais aussi par la prose exigeante qui demande des efforts de concentration. On passe ainsi, par exemple, sans avertissement, de Boris Pahor visitant le camp du Struthof en 1966 à Boris Pahor prisonnier dans ce même camp voire, dans des scènes hallucinatoires, à Boris Pahor se rêvant dans le camp, entouré des ombres de ses camarades morts. Ce texte complexe restitue bien, il me semble, la complexité des sentiments et de la pensée de l'auteur.

     


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  • Vicki Baum, Lac-aux-Dames, Le livre de pocheUrbain Hell est un jeune homme de 26 ans, ingénieur sans emploi, champion d'Autriche de natation qui a trouvé à s'engager pour l'été comme maître nageur à Lac-aux-Dames, station touristique de montagne. Il pleut, l'eau est à 18° C et Hell, payé à la leçon, ne mange pas souvent à sa faim mais son orgueil l'empêche d'en faire mention aux nombreuses admiratrices qui lui tournent autour. Car Hell est un très beau garçon et, à son corps défendant, séduit toutes les femmes, jeunes ou moins, mariées ou non, dont certaines n'hésitent pas à lui imposer baisers et attouchements. Mais lui est tombé amoureux de May. Et puis il attend une lettre qui règlera tous ses problèmes financiers.

     

     

    C'est gentil cette histoire, un peu ennuyeux parfois car il ne se passe pas grand chose avant les derniers chapitres où l'action se précipite. L'intérêt principal est de découvrir la vie mondaine dans une station balnéaire au début du 20° siècle -le roman est paru en 1930. C'est bien écrit et les sentiments des personnages sont bien décrits. Je déplore cependant un regard paternaliste condescendant porté sur les femmes, notamment une jeune sourde-muette comparée à plusieurs reprises à un (bon) chien.

     

    Vicki Baum était une écrivaine autrichienne qui a émigré aux Etats-Unis au début des années 1930. Elle écrit d'abord en allemand puis en anglais. J'ai chez moi plusieurs romans de cette autrice qui me viennent de ma grand-mère, de quoi envisager encore au moins une participation aux Feuilles allemandes. En attendant celui-ci va aller à la boîte aux livres.

     

    Avec cette lecture je participe au mois thématique Les feuilles allemandes organisé par Eva, Patrice et Fabienne.

     

    Vicki Baum, Lac-aux-Dames, Le livre de poche

     

     

     


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  • Namwali Serpell, Mustiks, SeuilUne odyssée en Zambie

    En Zambie, de la conquête coloniale au début du 21° siècle, nous suivons les destins croisés de trois familles sur plusieurs générations. Quelques personnages marquants ressortent plus particulièrement, majoritairement féminins. Il y a Sibilla qui est née entièrement couverte de longs poils et cheveux qui repoussent à toute vitesse quand on les coupe; Agnes, espoir du tennis devenue aveugle avant ses vingt ans; Matha dont les yeux n'arrêtent pas de pleurer depuis que Godfrey, son amour, a disparu... Européens, Africains et Indiens se métissent au fil des générations.

     

     

    L'histoire de la Zambie, pays du sud-est de l'Afrique, sert de toile de fond au roman. Il est question de la colonisation et de ses abus (racisme, violences et déplacements forcés de populations), de l'indépendance du pays, de l'épidémie de sida, de l'arrivée des investisseurs chinois. Il y a un peu de fantastique et aussi de l'anticipation quand, au début des années 2000, la population du pays, puis du reste du monde se fait équiper de Perles, une puce électronique dans le doigt qui permet un accès facilité à internet mais bientôt peut-être le contrôle des populations ? Dans ce cas comme dans celui de la recherche d'un vaccin contre le sida les habitants de ce pays pauvre servent de cobayes.

     

     

    Tout ce que j'ai lu sur l'histoire de la Zambie m'a intéressée, d'autant plus que c'est un pays que je ne connaissais absolument pas et que Namwali Serpell a déniché quelques épisodes étonnants. L'intérêt que j'éprouve pour les vies des personnages est plus inégal. Il y a des passages que j'ai trouvés un peu ennuyeux et il me semble qu'on aurait pu retrancher quelques pages à ce gros bouquin. Sur la période qui concerne le temps présent j'ai apprécié la façon dont l'autrice a bien montré la vitalité qui se dégage de la jeunesse du pays et ce malgré le sida, les inégalités criantes et la corruption. C'est enfin un roman qui est fort bien écrit.

     


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  • Tania Crasnianski, Enfants de nazis, GrassetHeinrich Himmler, Hermann Göring, Rudolf Hess, Hans Frank, Martin Bormann, Rudolf Höss, Albert Speer et Josef Mengele, ces cadres du régime nazi ou de la mise en oeuvre de l'extermination des Juifs d'Europe ont aussi été des pères de famille. Comment réagit-on quand on réalise que son père est un criminel de guerre, responsable de meurtres de masse ? C'est la question à laquelle Tania Crasnianski essaie de répondre. Pour cela elle présente d'abord le cadre familial dans lequel ont vécu ces enfants avant la chute du régime nazi ainsi que les fonctions et le rôle des pères dans ce régime. Après la guerre les réactions des enfants sont diverses. Certains (Gudrun Himmler, Hedda Göring) ont consacré leur vie à la défense de leur père. A l'opposé Niklas Frank exprime avec violence sa détestation de son père.

     

     

    Pour cet ouvrage Tania Crasnianski a travaillé à partir d'archives et de livres. Pour diverses raisons Niklas Frank est le seul de ses protagonistes qu'elle ait rencontré. J'ai trouvé qu'elle s'était trop cantonnée au factuel et que l'analyse était insuffisamment approfondie. Impression renforcée par le découpage en huit chapitres, un par famille. J'ai été déçue par la lecture de cet ouvrage. J'y ai retrouvé des personnages que j'avais rencontré précédemment dans Femmes de nazis et je n'ai pu m'empêcher de comparer avec cette lecture plus ancienne qui m'avait beaucoup plus plu.

     

     

    Tania Crasniansk est juriste et n'est pas spécialiste de la question qu'elle traite. Je relève de ce fait une erreur historique : elle parle des Juifs du ghetto de Cracovie qui portaient un brassard avec une étoile jaune. En Pologne elles étaient bleues, en fait. Pourquoi l'autrice s'est-elle alors intéressée à la question des Enfants de nazis ? En introduction elle explique que son grand-père allemand, dont elle était très proche, était militaire de carrière dans l'armée de l'air mais n'a jamais parlé de la guerre avec elle. A partir des mêmes interrogations sur ses grands-parents allemands, Géraldine Schwartz a produit un livre beaucoup plus intéressant. J'ai cependant appris des choses sur les dignitaires nazis dont il est question et il me semble que le présent ouvrage, d'un accès facile, peut être une bonne option pour quelqu'un qui découvrirait le sujet.

     


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  • Josef Winkler, L'Ukrainienne, Verdier Né en 1953 Josef Winkler est un écrivain autrichien, fils de paysans de Carinthie -une région montagneuse du sud du pays. En 1981, alors qu'il peine à terminer son roman Langue maternelle, il décide de louer une chambre chez l'habitant près de son village natal pour y travailler. Il s'installe chez Valentina Steiner avec qui il sympathise et qui lui raconte sa vie : née en 1928 en Ukraine elle est déportée par les nazis en 1943, à 14 ans, pour le travail forcé en Carinthie. Après la guerre elle est restée en Autriche et a épousé un fils de la famille chez qui elle travaillait. L'Ukrainienne est paru en Autriche en 1983, en 2022 en France.

     

     

    Dans la première partie, Josef Winkler raconte son séjour dans la ferme Starzer pendant lequel il commence à prendre des notes sur l'histoire de Valentina. Il aide aussi aux travaux agricoles. La deuxième partie est consacrée au récit de la vie de Valentina que l'auteur appelle Nietotchka Vassilievna Iliachenko. Après la parution de Langue maternelle il est revenu à plusieurs reprises à la ferme enregistrer la fermière. Le texte, dans cette deuxième partie, prend la forme d'une transcription des enregistrements dans un langage parlé avec de nombreuses répétitions et parfois des phrases en ukrainien.

     

     

    La petite enfance de Nietotchka Vassilievna Iliachenko est d'abord marquée par la collectivisation forcée des terres. Son père qui a refusé d'adhérer au kolkhoze est harcelé par les autorités locales. Les biens de la famille sont confisqués et le père finit par quitter la région pour fuir les persécutions. Il ne donne plus de nouvelles à sa famille, la mère élève seule ses deux filles. Nietotchka Vassilievna Iliachenko raconte ensuite la famine qui frappe l'Ukraine à partir de 1931. C'est bien clair pour elle que cette famine a été causée artificiellement. La mère et ses filles survivent difficilement. Elles souffrent de la faim, mangent de l'herbe, mendient, volent. La soeur aînée -elle a dix ans de plus que Valentina- travaille chez des familles qui la nourrissent. Enfin, après l'invasion de l'URSS par l'Allemagne, les deux soeurs sont envoyées au travail forcé en Autriche.

     

     

    L'édition française comporte une troisième partie qui est la reproduction de lettres de la mère à ses filles. Elles sont restées en contact mais elles ne se sont jamais revues. Nietotchka Vassilievna Iliachenko dit combien cette séparation a été douloureuse pour elle qui était très proche de sa mère avec qui elle a vécu seule une partie de son enfance. Le livre se termine par quelques pages du traducteur qui présente son travail et celui de Josef Winkler. J'ai trouvé cette postface particulièrement intéressante. L'auteur y apparaît comme un écrivain autrichien majeur. J'ai plutôt apprécié cette lecture. Les souffrances de la famille Iliachenko sont représentatives des violences qu'ont endurées les populations des Terres de sang entre 1933 et 1945. Malgré une vie bouleversée Valentina est une femme dynamique et montre qu'elle a réfléchi à ce qui lui est arrivé.

     

    Avec cette lecture je participe au mois thématique Les feuilles allemandes organisé par Eva, Patrice et Fabienne.

     

    Josef Winkler, L'Ukrainienne, Verdier

     


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  • Joann Sfar, La synagogue, Dargaud En 2021 Joann Sfar a failli mourir du covid. Il a été hospitalisé trois semaines. Quand un médecin lui dit : "Il faut vous battre, monsieur" l'auteur se rappelle sa jeunesse niçoise dans les années 1980 et son envie d'en découdre. Dans ce récit autobiographique Joann Sfar nous raconte donc comment il a affronté -ou pas- les fils à papa nazillons qui trainaient dans et devant le lycée Masséna, comment il a pris des cours de kung-fu et comment il a fait partie du groupe de jeunes Juifs chargés de protéger la synagogue de Nice durant les offices. Ces groupes d'auto-défense se sont mis en place après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris en 1980. Le livre est aussi une chronologie des violences antisémites qui ont marqué la vie de l'auteur. La partie bande dessinée est suivie d'une "météorologie antijuive", chronologie des actes antisémites en France depuis sa naissance et copies d'articles de Nice-matin en faisant état. La conclusion est un pessimisme qui ne baisse pas les bras : "Ce livre n'a de sens que par son pessimisme. J'espère que chacune de mes images dit clairement le rejet à la fois de l'action violente et de la voie légale. Je suis vraiment certain que face aux vagues de rage on ne peut rien faire. C'est pas pour ça qu'on va fermer sa gueule".

     

    Joann Sfar, La synagogue, Dargaud

     

    Cet ouvrage est aussi un hommage au père, André Sfar, avocat engagé qui fut un temps adjoint au maire Jacques Médecin. La mère de Joann Sfar est morte quand il avait quatre ans et il a noué une relation très forte avec son père.

    Je n'avais jamais lu de bande dessinée de Joann Sfar. J'avais dû feuilleter à l'occasion un épisode du Chat du rabbin qui m'était tombé des mains, je dois dire. J'ai découvert celle-ci lors du récent passage de l'auteur à 28 minutes. La semaine suivante elle me faisait de l'oeil à ma bibliothèque et je ne l'ai pas regretté. J'ai aimé la réflexion de l'auteur sur les événements décrits et le regard qu'il porte sur le Joann de 16 ans qu'il n'est plus.

     

    Joann Sfar, La synagogue, Dargaud

     

     


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