• Emile Zola, La fortune des Rougon, Le livre de pocheA Plassans, sous-préfecture du sud-est de la France, les fils d'Adélaïde, Pierre Rougon le légitime et Antoine Macquart le bâtard, rêvent tous deux de faire fortune. Nous sommes en 1851 et le coup-d'état du 2 décembre par Louis-Napoléon Bonaparte va leur permettre d'intriguer pour obtenir enfin ce qu'ils espèrent depuis toujours.

    Dirigé par sa femme, Pierre Rougon s'est habilement placé du côté des vainqueurs et compte bien en tirer des avantages substantiels sans trop prendre de risques. Antoine Macquart, lui, soutient les républicains, non par conviction mais par haine de son frère auquel il se rallie finalement quand il devient évident que c'est là qu'est son intérêt.

    C'est une image bien pessimiste de la société que nous donne là Emile Zola. Pierre et Antoine sont des personnages méprisables et on espère jusqu'à la fin que la vérité va éclater sur leurs manigances tout en sachant au fond qu'il n'en sera rien.

    Quant aux personnages plus positifs, comme Silvère, un jeune idéaliste, neveu de Pierre et Antoine, et son amoureuse Miette, encore une enfant, ils sont destinés à finir dans la violence. Ceux qui ont des rêves de justice sociale sont écrasés par ceux que n'arrête aucun scrupule. Le seul "gentil" qui s'en tire correctement est le docteur Pascal, fils de Pierre, un savant qui a choisi de s'enterrer en province pour se consacrer à la science en toute tranquillité. Mais cette science justement le rend égoïste et il se réjouit des déchirements entre les membres de sa famille auxquels il assiste avec l'oeil d'un entomologiste. Il me semble qu'il y a un peu de Zola dans Pascal.

     

    Etant jeune j'ai eu une grande passion pour Emile Zola et j'ai alors lu tout les Rougon-Macquart et même plus. 30 ans plus tard je m'aperçois que je n'ai plus aucun souvenir de La fortune des Rougon. J'apprécie le style et les descriptions des paysages quoiqu'il y ait parfois des passages que je trouve un peu longs. Par contre je n'adhère pas à cette vision noire du monde.

     

     

     

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  • Anthony Trollope, Miss Mackenzie, Le livre de pocheA 35 ans Margaret Mackenzie a passé la majeure partie de sa vie très recluse, à soigner des malades, son père puis son frère. A la mort de ce dernier elle hérite de toute sa fortune. La voici riche et libre. Mais comme nous sommes dans les années 1860 on dit que c'est une vieille fille. Sa nouvelle situation fait le malheur de son autre frère et de son cousin qui espéraient bien hériter à sa place. Elle la rend aussi soudain très intéressante pour quelques messieurs célibataires désargentés. Margaret va devoir composer avec les envieux de toutes sortes et choisir quelle vie elle veut mener. Sa force c'est son caractère bien trempé. On ne lui fait pas dire ou faire ce qu'elle ne veut pas. Ceux qui croient pouvoir la manipuler au prétexte qu'elle n'est jamais sortie dans le monde se trompent.

    Je fais la connaissance d'Anthony Trollope avec ce roman et je me régale. J'apprends qu'il a été un des écrivains majeurs de l'époque victorienne, je n'en ai donc pas fini avec lui. J'apprécie particulièrement le regard caustique de l'auteur sur la société qu'il décrit. Sans arrêt il intervient pour donner son avis sur ses personnages et leurs agissements. Je trouve cela très drôle :

    "Je crois qu'il n'avait guère de talent pour la spéculation, car autrement il serait devenu riche, mais son zèle prudent lui permettait d'éviter les pertes directes tout en lui rapportant peut-être cinq pour cent sur son capital, alors qu'il n'en aurait pas reçu plus de quatre et demi s'il n'y avait pas touché et avait encaissé ses dividendes sans se tracasser. Comme la différence ne s'élevait assurément pas à cent livres par an, on ne saurait dire qu'il faisait bon usage de son temps. Son zèle méritait plus de succès. Il pensait toujours à son argent, ce qu'il excusait à ses yeux et aux yeux d'autrui au nom de ses neuf enfants. Pour ma part, je pense que ses enfants ne le justifiaient en rien, pas plus qu'ils ne l'auraient fait s'il avait assassiné et dévalisé ses voisins en leur nom."

    Je suis frappée aussi de constater que ces commentaires dénotent une vision du monde très souvent moderne.

    L'avis de Lilly.

     

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  • Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, SeuilRécemment, à la cantine, un collègue dit : "Quand je vois certains parents d'élèves, je me dis, tu vois, l'eugénisme... Dommage !" Il ne le dit pas en ces termes exacts mais c'est bien comme cela que je l'entends. Alors je lui réponds: "Mais Georges (le prénom a été changé), tu plaisantes, tu ne crois pas ce que tu dis !" Je dis ça pour l'asticoter parce que je crois, moi, qu'il plaisante. Mais bon, non, finalement peut-être pas. Alors je cite Edouard Louis sur lequel j'ai lu plusieurs articles dans la presse.

     

    Conclusions : 1) Aucun de mes collègues présents ce jour n'avait entendu parler d'Edouard Louis.

    2) Il faut que je lise rapidement Pour en finir avec Eddy Bellegueule.

    Dans ce roman, en grande partie autobiographique, Edouard Louis raconte comment et pourquoi il a quitté -fui serait plus juste- son milieu et sa famille. Ce milieu c'est celui du sous prolétariat picard, pauvre, alcoolique, inculte, intolérant (raciste, homophobe, sexiste). Les individus s'y construisent selon des critères de genre très rigides. Les hommes sont des durs, ils boivent, ils se battent, les femmes font des enfants jeunes. Au milieu de cela Eddy Bellegueule, le narrateur, efféminé depuis toujours, détonne et gêne. Il est moqué et battu. Lui-même vit dans la honte. Honte de sa famille et honte de ce qu'il est et dont il tente de se guérir -en vain. Ce qui me frappe surtout c'est ce sentiment de honte de soi très présent et dont il ne dit pas comment -et si- il a réussi à se débarrasser. Plus tard il a découvert Bourdieu et la sociologie lui a permis d'expliquer et, j'imagine, de mettre à distance ce qu'il avait vécu.

    Dans un article paru dans Le Nouvel observateur, il dit :

     

    "J'en voulais aux individus. Les sciences sociales m'ont permis de réaliser que la violence est produite par les structures sociales. Cette violence est invisible. Les enfants pauvres qui sèchent l'école croient faire un choix, sans voir qu'ils subissent des mécanismes violents."

     

    Oui, je suis plutôt d'accord mais en même temps il y a là un déterminisme auquel je n'adhère pas. Parce que si on est entièrement agi par des forces extérieures et qu'il n'existe aucune possibilité de libre arbitre alors est-ce que ça ne veut pas dire que Georges (mon collègue) a raison et qu'il faut empêcher les pauvres de faire des enfants ?

     

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  • Salman Rushdie, Les versets sataniques, PocketCe livre était sur ma PAL depuis assez longtemps. A une ou deux reprises j'avais tenté de le lire puis abandonné au bout de quelques pages car le début très surprenant dans son style (apparemment décousu) et son contenu (deux personnages qui tombent à travers le ciel en chantant) m'avait fait peur. Et puis j'ai lu l'article d'Aaliz qui est allée jusqu'au bout après un premier abandon, je lui ai fait confiance et je ne l'ai pas regretté.

    Les versets sataniques, c'est quoi ?

    Il s'agit d'une (fausse) révélation faite à Mahomet. Mahomet croit que l'ange Gabriel (Gibreel) lui transmet que les déesses Lat, Uzza et Manat sont les filles d'Allah et qu'on peut donc les prier (avant l'islam la Mecque était un lieu de pèlerinage polythéiste où on adorait -entre autres- ces trois déesses). Mais ensuite Mahomet a une autre (vraie) révélation où il apparaît qu'il vient de se faire abuser par le diable (chaytan - satan) qui s'est fait passer pour Gibreel. Il semble que l'histoire de ces versets sataniques -qui ne sont pas dans le Coran- ait amené certains musulmans à se poser des questions sur le contenu de leur livre sacré (et s'il restait des versets sataniques qui n'avaient pas été détectés ?)

    Assez temporisé et passons à l'histoire qui n'est pas des plus faciles à résumer car il s'agit d'un roman très riche. Donc deux personnages tombent du ciel en chantant. Ce sont Gibreel Farishta, un célèbre acteur de Bollywood, spécialisé dans les rôles de dieux et Saladin Chamcha, Indien résidant à Londres qui a fui son père et son pays il y a des années et s'est efforcé de devenir plus britannique que les britanniques. Leur avion, détourné par des terroristes, a explosé en plein vol et ils ont survécu miraculeusement. Il s'agit bien d'un miracle car en arrivant au sol ils se sont aussi transformés.

    Gibreel est devenu l'ange Gabriel -par moments une auréole brille derrière sa tête- et il a des visions (ou hallucinations ?) où il se voit agir en tant qu'ange Gabriel -par exemple il annonce la révélation à Mahomet.

    Saladin, lui, voit ses jambes se transformer en pattes de bouc et des cornes lui pousser sur la tête. Il est Chaytan.

    Leurs tentatives pour revenir à une vie normale seront destructrices.

    Il est aussi question :

    - de Mahomet avant et après sa victoire sur la Mecque et de ceux qui l'ont combattu ou qui se sont opposés à lui.

    - des habitants d'un village indien qui partent à pied en pèlerinage à la Mecque, menés par une prophétesse -inspirée par l'ange Gabriel- qui leur prédit que la mer s'ouvrira devant eux pour qu'ils marchent à pied sec jusqu'en Arabie.

    - d'une alpiniste, Alléluia Cone, première femme à avoir gravi l'Everest sans assistance respiratoire -et de ce qu'elle y a vu.

    - de la situation des immigrés en Grande-Bretagne sous Margaret Thatcher.

    Et quel est le lien entre toutes ces histoires ? Le bien et le mal, assurément, mais je ne prétendrai pas que j'ai tout compris. Cependant j'ai apprécié cette lecture où Salman Rushdie met sa grande imagination et son talent de conteur au service de son érudition. Quand il fait référence à la culture française ou même au cinéma de Bollywood, je saisi les allusions mais je vois bien qu'il y en a d'autres qui doivent m'échapper. Pourtant je lis avec plaisir ce roman dont les histoires peuvent aussi se prendre comme des contes fantastiques.

     

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  • Jonathan Coe, Testament à l'anglaise, FolioMichael Owen, un écrivain dépressif, a été engagé par la vieille Tabitha Winshaw pour écrire l'histoire de sa famille. Les Winshaw sont en effet partout dans la Grande-Bretagne du début des années 1990. Agroalimentaire, vente d'armes ou d'art, banque, médias, politique, on retrouve un des cousins bien placé à la tête de chacun de ces secteurs-clés. Et ils sont tout sauf sympathiques, la cupidité étant le principal ressort qui les meut. Trahison ou coup-fourré, ils ne s'interdisent rien pour amasser encore plus de pouvoir et d'argent. Et Tabitha Winshaw ? On la dit folle et elle a été longtemps internée à la demande de sa famille. A-t-elle raison quand elle prétend que son frère Lawrence est responsable de la mort de son frère Godfrey ?

     

    L'essentiel de l'action se déroule en 1991 (avec des retours en arrière) et Jonathan Coe trace un portait dur et bien documenté de l'Angleterre des années Thatcher, de la façon dont les services publics ont été bradés, de l'expansion de la télé poubelle. Et pourtant ce roman est très drôle. L'auteur manie un humour caustique et le contraste entre l'absence totale de scrupules des Winshaw et l'inadaptation à la vie en société de Michael lui en donne de multiples occasions. J'ai beaucoup ri tout au long de ma lecture. Je découvrais Jonathan Coe grâce à Lilounette et je n'en ai surement pas fini avec cet auteur.

     

    "Se rendant dans le salon, l'inconnu se plaça près du poste de télévision et resta un moment impassible à contempler le corps allongé et somnolent de Michael. Quand il eut vu tout ce qu'il désirait voir, il toussa bruyamment, à deux reprises.
    Michael se réveilla en sursaut, accommoda son regard endormi, et alors se trouva regarder un visage qui aurait glacé de terreur le coeur de bien des hommes courageux. Décharné, maladif et déformé, ce visage exprimait aussitôt un esprit méchant, une intelligence obtuse, et, ce qui était peut-être encore plus effrayant, une sournoiserie absolue. Toute trace d'amour, de compassion, ou de ces doux sentiments sans lesquels aucun caractère humain ne peut être dit complet, était effacée de ces traits vicieux. On pouvait même penser y lire une trace de folie. Bref, c'était un visage qui communiquait un seul message, simple et épouvantable : abandonne tout espoir, toi qui me regardes. Renonce à toute idée de rédemption, à toute possibilité de fuite. N'attends rien de moi.
    Frissonnant de dégoût, Michael éteignit la télévision, et le président Bush disparut de l'écran. Puis il alluma une lampe de chevet, et distingua enfin les traits de son visiteur."

     

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  • Marc Dufumier, 50 idées reçues sur l'agriculture et l'alimentation, Allary éditions"L'agriculture industrielle vend des produits bon marché. Faux, nous les payons en réalité très cher."

    "Pour être compétitives, les régions françaises doivent se spécialiser. Faux, elles courraient à leur perte."

    "L'agriculture artisanale est moins rémunératrice que l'agriculture industrielle. Faux, c'est même parfois l'inverse."

    Marc Dufumier est un agronome de sensibilité écologique. Dans cet ouvrage il présente les méfaits de l'agriculture industrielle et les solutions alternatives.

    "L'agriculture industrielle est une agriculture "minière". Elle exploite la terre sans régénérer la matière organique et les éléments minéraux qui la rendent fertile, tout comme l'industrie minière extrait les minéraux du sol sans les renouveler. Nous n'en mesurons probablement pas encore toutes les conséquences."

    L'auteur préconise donc le développement d'une agriculture biologique ("On ne pourra pas nourrir la planète avec une agriculture 100% bio. Faux, même l'ONU reconnaît aujourd'hui que c'est possible, et souhaitable") et une alimentation moins riche en produits d'origine animale ("Nous mangeons trop de viande. Vrai, mais il faut quand même préserver l'élevage").

    Voilà un ouvrage qui devrait intéresser ceux qui se sentent concernés par le contenu de leur assiette et ce que l'industrie agroalimentaire essaie parfois de nous faire avaler. Le système du vrai / faux avec la réponse développée et justifiée en deux ou trois pages fait que la lecture est facile et rapide.

    Un livre lu dans le cadre de l'opération Masse critique de Babelio.

     

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  • Boris Akounine, AzazelBoris Akounine, Azazel

    Boris Akounine, Azazel, France Loisirs (mais aussi chez 10-18)

     

    Moscou, 1876. Un jeune homme élégant interpelle dans un parc une jeune fille, lui déclare sa flamme puis se brûle la cervelle sous ses yeux (heureusement elle les avait fermés). Le jeune fonctionnaire de 14° classe Eraste Petrovitch Fandorine, entré dans la police judiciaire depuis trois semaines, s'intéresse à certaines étrangetés de l'affaire et convainc son supérieur de le laisser mener l'enquête. Elle le mène à la fatale Amalia Bejetskaïa qui semble n'être pas totalement innocente dans cette histoire. Fandorine la poursuivra jusqu'en Angleterre où il découvrira un complot d'envergure mondiale. Pour faire éclater la vérité il devra déjouer les embuches d'ennemis prêts à tout et s'apercevra qu'il ne peut pas faire confiance à grand monde.

     

    Après Le monde entier est un théâtre, j'ai eu envie de revenir au point de départ de la série. Je relis donc avec plaisir cette première aventure d'Eraste Petrovitch Fandorine. Ma première lecture remonte maintenant à une dizaine d'années mais je m'aperçois que j'en ai encore de bons souvenirs.

     

    Fandorine est encore tout jeune (il n'a que 20 ans) et bien naïf ce qui permet à Boris Akounine de se moquer gentiment de lui. La fin est tragique cependant. Je ne pouvais pas l'avoir oubliée et elle m'a serré le coeur par anticipation.

     

    "- Eh oui, eh oui. Au fait, comment t'appelles-tu ?

    - Eraste.

    - Allons-y, Eraste de Rotterdam, allons dans mon bureau boire du cognac. J'en ai soupé de ces sales gueules.

    - Erasme, corrigea mécaniquement Fandorine.

    - Quoi ?

    - Pas Eraste, Erasme.

    - Excuse-moi, j'avais mal entendu. Allons-y Erasme."

     

     

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  • Franck Thilliez, Atomka, PocketLe journaliste Christophe Gamblin est retrouvé assassiné à son domicile. Il a été torturé puis enfermé dans son congélateur où il est mort de froid. Franck Sharko et sa collègue et compagne Lucie Henebelle de la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres sont chargés de l'enquête. Ils découvrent que le journaliste s'intéressait à des cas non résolus de jeunes femmes victimes d'hypothermie dix ans plus tôt. L'affaire mènera les héros jusqu'à Tchernobyl et il sera question d'horribles expériences sur des cobayes humains.

    Avant Atomka, Sharko et Lucie ont déjà été les personnages de romans de Franck Thilliez que je n'ai pas lus. Je découvre donc qu'ils ont tous les deux un passé très douloureux. Ils ont eu des enfants, chacun de son côté, qui sont morts. Ils essayent d'en mettre un en route mais ils ne sont plus tout jeunes et c'est difficile. Dans un précédent ouvrage Sharko a traqué et abattu un tueur en série. Voilà que celui-ci semble avoir un disciple qui à son tour harcèle notre héros. C'est la deuxième enquête du roman.

    Avec deux affaires pour le prix d'une ce thriller enchaîne les rebondissements et les coups de théâtre ce qui fait qu'il se lit facilement. Cependant j'en ai lu aussi des plus palpitants. Ce qui me gène un peu c'est le style, je ne le trouve pas très bien écrit.

     

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  • Svetlana Alexievitch, La fin de l'homme rouge ou Le temps du désenchantement, Actes sudSvetlana Alexievitch interroge des personnes qui ont vécu le passage de l'URSS à la Russie. Ils témoignent du bouleversement de leurs vies qui en est résulté. Les entretiens de la première partie de l'ouvrage datent des années 1990, ceux de la deuxième partie des années 2000. L'auteur s'efface derrière ses témoins et les laisse raconter, passant par les épisodes de la vie quotidienne, la famille, pour dire l'histoire.

    Parmi les personnes interrogées, nombreuses sont celles qui regrettent la grande URSS. Les cadres du Parti ont perdu leur position, les personnes âgées ont perdu leur retraite et ceux-là disent qu'au moins avant on était fier d'être Soviétique, que l'URSS était une des deux grandes puissances mondiales. Les camps de travaux forcés, le goulag, sont évoqués mais ne ternissent pas la nostalgie. Pourtant d'autres n'ont pas oublié la réalité du totalitarisme :

    "Quand mon grand-père était revenu d'un camp du Kazakhstan en 1956, c'était un sac d'os. On avait dû lui donner un accompagnateur tellement il était malade. Et elles n'ont dit à personne qu'il était leur mari, leur père. Elles avaient peur... Elles disaient que c'était un étranger, un vague parent. Il a vécu avec elles quelques mois, et puis elles l'ont mis à l'hôpital. Là, il s'est pendu. Maintenant, il faut... il faut que j'arrive à vivre avec ça, avec ce savoir."

    Ce qui me frappe aussi c'est l'importance de la seconde guerre mondiale, la grande guerre patriotique, comme événement fondateur autour duquel toute une propagande a été montée. Pendant 45 ans on a éduqué les enfants en leur donnant comme modèle le sacrifice des soldats russes. Mourir pour la patrie était le sort le plus doux. Aujourd'hui ceux qui ont grandi dans ce système se sentent en complet décalage face aux préoccupations matérialistes de leurs propres enfants.

    La deuxième partie témoigne aussi des violences inter-ethniques qui ont marqué la dislocation de l'URSS, dans les états baltes, en Asie centrale, la guerre civile en Tchétchénie. C'est donc un ouvrage très riche qui aborde de nombreux sujets forts intéressants. Cela se lit plutôt facilement du fait de ces nombreuses histoires personnelles dont les narrateurs nous font part de leurs sentiments face aux événements qui les ont touchés.

    Une blague soviétique pour terminer :

    "Il y a un portait de Staline au mur, un conférencier fait un exposé sur Staline, un choeur chante une chanson sur Staline, un artiste déclame un poème sur Staline... Qu'est-ce que c'est ? Une soirée consacrée au centenaire de la mort de Pouchkine !"

    L'avis de Dominique.

     

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  • Boris Akounine, Le monde entier est un théâtre, Presses de la citéMoscou, 1911. Âgé maintenant de 55 ans, Eraste Petrovitch Fandorine a mis en oeuvre depuis plusieurs années un programme qui doit lui permettre de vieillir harmonieusement. C'était compter sans les surprises de la vie car, dès qu'il rencontre l'actrice Elisa Altaïrskaïa-Lointaine, sur laquelle la veuve de Tchekov lui a demandé de veiller, il en tombe amoureux. Mais, alors que la jeune femme a semblé d'abord répondre à ses sentiments, elle le fuit ensuite. Dans le même temps, plusieurs personnes qui gravitent autour du théâtre et de son actrice vedette sont assassinées les unes après les autres. Vu les circonstances, notre héros saura-t-il faire preuve du discernement nécessaire pour enquêter ? Rien n'est moins sûr.

    Je lis avec grand plaisir, et dès la première page, le dernier roman de Boris Akounine. Fandorine en amoureux transi, aveuglé par ses sentiments, jaloux, est hilarant. L'actrice Elisa Altaïrskaïa-Lointaine est excellente aussi. Pour elle Le monde entier est un théâtre où elle joue son rôle. Et même si ses sentiments sont sincères, elle ne peut s'empêcher de se regarder agir et d'apprécier l'effet rendu. Ainsi alors qu'elle se remet à peine d'un choc sévère :

    "Avec une rapidité inouïe (en une heure à peine), Elisa se refit une beauté, se changea, se parfuma et coiffa ses cheveux en un chignon serré. Toute cette activité lui redonna quelques forces. Le miroir, en tout cas, lui renvoya son reflet. Elle était pâle, certes, les yeux caves, mais allié à un velours bleu marine et un chapeau à larges bords, cet air maladif avait quelque chose d'intéressant."

     

    Une lecture qui est un régal, comme toujours avec cet auteur. Et ça me donne envie de relire le premier épisode de la série.

     

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