• Boris Akounine, Le monde entier est un théâtre, Presses de la citéMoscou, 1911. Âgé maintenant de 55 ans, Eraste Petrovitch Fandorine a mis en oeuvre depuis plusieurs années un programme qui doit lui permettre de vieillir harmonieusement. C'était compter sans les surprises de la vie car, dès qu'il rencontre l'actrice Elisa Altaïrskaïa-Lointaine, sur laquelle la veuve de Tchekov lui a demandé de veiller, il en tombe amoureux. Mais, alors que la jeune femme a semblé d'abord répondre à ses sentiments, elle le fuit ensuite. Dans le même temps, plusieurs personnes qui gravitent autour du théâtre et de son actrice vedette sont assassinées les unes après les autres. Vu les circonstances, notre héros saura-t-il faire preuve du discernement nécessaire pour enquêter ? Rien n'est moins sûr.

    Je lis avec grand plaisir, et dès la première page, le dernier roman de Boris Akounine. Fandorine en amoureux transi, aveuglé par ses sentiments, jaloux, est hilarant. L'actrice Elisa Altaïrskaïa-Lointaine est excellente aussi. Pour elle Le monde entier est un théâtre où elle joue son rôle. Et même si ses sentiments sont sincères, elle ne peut s'empêcher de se regarder agir et d'apprécier l'effet rendu. Ainsi alors qu'elle se remet à peine d'un choc sévère :

    "Avec une rapidité inouïe (en une heure à peine), Elisa se refit une beauté, se changea, se parfuma et coiffa ses cheveux en un chignon serré. Toute cette activité lui redonna quelques forces. Le miroir, en tout cas, lui renvoya son reflet. Elle était pâle, certes, les yeux caves, mais allié à un velours bleu marine et un chapeau à larges bords, cet air maladif avait quelque chose d'intéressant."

     

    Une lecture qui est un régal, comme toujours avec cet auteur. Et ça me donne envie de relire le premier épisode de la série.

     

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  • Johan Theorin, Froid mortel, Albin MichelJan Hauger, un instituteur d'une trentaine d'années, s'est fait embaucher à la maternelle la Clairière de Valla, près de Stockholm. Il s'agit d'une école particulière puisqu'elle est "jumelée" avec l'hôpital psychiatrique voisin de Ste Barbe (surnommé Ste Barge par les gens du coin). Les enfants scolarisés là ont un parent interné à Ste Barbe et les deux établissements sont reliés par un souterrain qui permet des visites encadrées des enfants à leurs parents. Jan semble très intéressé par la possibilité d'entrer dans Ste Barbe. Que cherche-t-il ? Qui circule la nuit entre les deux établissements ? Personnel ou patients ?

     

    Dans ce roman l'auteur nous sort du cadre de l'île d'Öland qui était celui de ses trois précédents. L'inquiétude augmente en même temps que la possibilité d'une rencontre entre un malade dangereux -on sait dès le départ qu'ici est enfermé Ivan Rössel que les médias ont surnommé "le tueur d'enfants"- et un des petits scolarisés à côté. En même temps Johan Theorin fait passer l'idée que le pire n'est pas forcément sûr car chacun peut aussi choisir une autre voie que celle qui apparait comme inévitable. Le suspense est maintenu jusqu'à la fin, une fois commencé, difficile de s'arrêter.

     

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  • Fabrice Nicolino, Bidoche, L'industrie de la viande menace le monde, BabelL'industrie de la viande c'est tout le complexe agroalimentaire qui s'est développé autour de l'élevage industriel -porcs et poulets en batterie, par exemple. Fabrice Nicolino présente toutes les conséquences négatives de cette façon de produire de la viande.

    Conséquences pour les animaux concernés qui ont une vie courte et pénible avant d'être abattus.

    Conséquences écologiques : on détruit la forêt amazonienne pour planter du soja (OGM) qui est la base de l'alimentation de ces bêtes. "La France fait partie des principaux responsables de cette tragédie. Elle est en effet le premier consommateur européen de soja, principalement originaire du Brésil (22% du soja exporté du Brésil arrive en France)".

    Par ailleurs un kilo de boeuf "coûterait" 15 500 litres d'eau à l'humanité. Il s'agit de l'eau qui a servi à faire pousser les végétaux qui ont nourri l'animal ajoutée à celle qu'il boit et à celle qui est nécessaire à son entretien.

    Conséquences pour la santé humaine : dopés aux hormones et aux antibiotiques, veaux, vaches et cochons nous amènent à consommer toute une pharmacie. Des personnes allergiques aux antibiotiques peuvent faire une réaction en mangeant une côte de porc ! Alors, "les antibiotiques, c'est pas automatique" ? Quand on mange de la viande, si, semble-t-il.

    Puis ces élevages où des milliers d'animaux sont concentrés sont l'endroit idéal pour que se développent des épidémies, transmissibles à l'homme, pourquoi pas, comme la grippe aviaire.

     

    En France cette situation s'est mise en place dans les années 1970 grâce au travail main dans la main des pouvoirs publics et des entreprises de l'agroalimentaire. Aujourd'hui des responsables politiques (ministres, députés -des noms sont cités) continuent de couvrir des situations qui m'apparaissent scandaleuses. Il semble qu'il y a des cas où on est tellement embourbé qu'il est difficile de changer de direction. Je pense à la Bretagne, région en partie sinistrée écologiquement mais aussi économiquement par l'élevage intensif. Cet aspect de la complicité (ou de l'aveuglement ?) des politiques est un de ceux qui m'a le plus choquée. Une lecture instructive donc mais qui n'engage guère à l'optimisme.

     

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  • Chloé Cruchaudet, Mauvais genre, DelcourtLouise et Paul se marient juste avant la première guerre mondiale mais sont vite séparés quand le conflit éclate et que Paul est mobilisé. Paul est traumatisé par la violence des combats et la mort de ses camarades. Il déserte et rejoint Louise à Paris. Là, pour pouvoir sortir sans se faire arrêter, il se travestit en femme et vit maintenant sous l'identité de Suzanne. Petit à petit Paul prend goût à sa nouvelle situation intergenre tandis que Louise apprécie beaucoup moins la transformation de son mari.

     

     

     

     

    Chloé Cruchaudet, Mauvais genre, DelcourtVoilà une intéressante bande dessinée qui traite des traumatismes de la guerre et de l'identité de genre. C'est inspiré d'une histoire vraie. Les dessins sont en noir et gris avec à l'occasion une touche de rouge. Les dix planches traitant de la vie de Paul dans les tranchées sont sur fond noir. Un chouette cadeau de Noël que Loupita m'a fait là. J'ai apprécié.

     
    Chloé Cruchaudet, Mauvais genre, Delcourt
     

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  • Andreï Makine, Le testament français, FolioLe narrateur et sa soeur passent leurs vacances chez leur grand-mère, Charlotte, une Française, qui vit dans une petite ville de Sibérie, en bordure de la steppe. Elle leur raconte ses souvenirs de jeunesse, à la fin de 19° siècle et au début du 20°, leur parle des événements de l'époque -la visite du tsar Nicolas II, les inondations de 1910 à Paris- et leur lit des poèmes. Le français est pour le narrateur sa "langue grand-maternelle" et il reporte son amour pour Charlotte sur la langue et le pays d'origine de celle-ci.

    Dans ce roman en partie autobiographique, Makine nous raconte sa relation à la France et à la culture française. Cette France c'est d'abord un pays uniquement fantasmé parce que lui-même n'y met les pieds qu'à l'âge adulte et que sa grand-mère l'a quittée depuis longtemps. A l'adolescence sa double culture lui sert d'abord à se distinguer des autres et à s'en protéger puis elle le gêne et il tente de la rejeter avant d'arriver à l'intégrer et de finalement s'installer en France.

     

    Je relis Le testament français après une première lecture qui remonte à plus de dix ans et qui m'avait fait forte impression. A la relecture ce n'est plus l'éblouissement que j'avais ressenti alors mais je retrouve bien tout ce qui m'avait tant plu : l'écriture superbe, la nostalgie de cette France rêvée, la relation privilégiée du narrateur et de sa grand-mère.

     

    "Neuilly-sur-Seine était composée d'une douzaine de maisons en rondins. De vraies isbas avec des toits recouverts de minces lattes argentées par les intempéries d'hiver, avec des fenêtres dans des cadres en bois joliment ciselés, des haies sur lesquelles séchait le linge. Les jeunes femmes portaient sur une palanche des seaux pleins qui laissaient tomber quelques gouttes sur la poussière de la grand-rue. Les hommes chargeaient de lourds sacs de blé sur une télègue. Un troupeau, dans une lenteur paresseuse, coulait vers l'étable. Nous entendions le son sourd des clochettes, le chant enroué d'un coq. La senteur agréable d'un feu de bois -l'odeur du dîner tout proche- planait dans l'air.
    Car notre grand-mère nous avait bien dit, un jour, en parlant de sa ville natale :
    -Oh ! Neuilly, à l'époque, était un simple village...
    Elle l'avait dit en français, mais nous, nous ne connaissions que les villages russes.
    "

     

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  • Bonne année 2014 !

    Bonne année à toutes et à tous !

    Des lectures, des échanges, de l'amitié et plein de bonheur !

     

    Et voici mes titres préférés en 2013 :

    Caron Aymeric, No steak, Fayard

    Deville Patrick, Kampuchéa, Points

    Gaskell Elizabeth, Les amoureux de Sylvia, Points

    Wassmo Herbjørg, Cent ans, 10-18

     

     

     

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  • Peter May, L'homme de Lewis, BabelAprès avoir divorcé et quitté la police, Fin Macleod revient sur l'île de Lewis où il a grandit. Il plante sa tente près de la maison en ruine de ses parents et entreprend de la retaper. Dans le même temps on découvre le cadavre d'un jeune homme, momifié dans la tourbe. L'autopsie et les analyses ADN montrent que l'assassinat remonte aux années 1950 et que le mort était parent avec Tormod Macdonald, le père de Marsaili, premier (et unique) amour de Fin. Mais le vieil homme souffre d'Alzheimer et ne parait guère en état de répondre aux questions de la police. Fin décide donc de mener l'enquête sur son passé.

     

    J'ai beaucoup apprécié ce très bon roman, encore plus que le premier épisode, je crois. D'abord c'est bien écrit et il y a de belles descriptions de ces îles inhospitalières et battues par les vents du nord de l'Ecosse. Ca donnerait presque envie d'y aller. Ensuite il y a une tentative plutôt réussie, il me semble, de restituer ce qui se passe dans la tête d'une personne âgée qui perd la mémoire puisqu'une partie des chapitres sont écrits du point de vue du vieux Tormod. Celui-ci ne reconnait plus qu'irrégulièrement ses proches mais se souvient avec précision de son enfance. Le résultat est très émouvant. Enfin, l'enquête de Fin sur le passé caché de Tormod fait remonter à la surface une époque pas si lointaine où des orphelins étaient maltraités par l'institution, où des gamins sans famille étaient placés chez de pauvres agriculteurs pour y trimer comme domestiques et sans tendresse.

     

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  • Shilpi Somaya Gowda, La fille secrète, Folio1984, Inde, Kavita, une pauvre paysanne qui vient d'accoucher de sa deuxième fille, la confie à un orphelinat pour éviter que son mari ne la tue comme la première. Etats-Unis, Krishnan et Somer, un couple de médecins, lui Indien, elle Américaine, apprennent qu'ils ne peuvent pas avoir d'enfant. Ils décident d'adopter en Inde. Ce roman nous raconte alternativement l'histoire de ces deux familles et de leur fille commune, Asha.

    D'un côté Kavita, son mari Jasu et leur fils Vijay quittent leur village pour Bombay dans l'espoir de vivre mieux. D'abord installés dans le bidonville de Dharavi, ils voient petit à petit leur situation s'améliorer, surtout à partir du moment où Vijay, alors adolescent, commence à ramener à la maison de grosses sommes d'argent sur la provenance desquelles ses parents évitent de l'interroger.

    Aux Etats-Unis, pour s'intégrer, Krishnan a mis à distance sa culture indienne à laquelle Somer ne s'est jamais intéressée. Il ne retourne que rarement à Bombay voir ses parents et n'y a jamais emmené Asha. En grandissant la jeune fille pose de plus en plus de questions sur ses origines et à vingt ans obtient une bourse pour aller étudier là-bas. Son départ va amener ses parents à se poser des questions sur leur relation.

    La fille secrète traite des relations à l'intérieur d'une famille, notamment ce que les parents transmettent à leurs enfants. C'est un ouvrage facile à lire. Les va et vient entre les deux familles maintiennent l'intérêt, on a envie de savoir ce qui va se passer. Cependant ce n'est pas un roman qui me laissera un grand souvenir, il me semble. Je me suis sentie peu touchée par ce qui arrivait aux personnages.

     

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  • Taguée par Aaliz je dois dire quels sont les 10 livres qui m'ont marquée. Cela m'a amenée à réfléchir à mes lectures passées et à ce qu'il en reste. 10 titres c'est beaucoup et finalement je me suis arrêtée à 6 :

     

    1) Hector Malot, En famille : parce que je lis depuis que je suis petite et qu'enfant j'aimais particulièrement les aventures d'enfants en liberté, indépendants. Mais que les héros étaient trop souvent des garçons.

     

    2) Jane Austen, Orgueil et préjugés : parce que j'ai lu plusieurs fois tous les romans de Jane Austen et vu toutes les adaptations qui me sont tombées sous la main. Et que Orgueil et préjugés est le meilleur.

     

    3) Toni Morrison, Beloved : parce que je l'ai lu à une époque où je m'intéressais à la question de l'esclavage. J'avais lu des témoignages et des livres d'histoire mais c'est en lisant Beloved que j'ai compris que si la notion de péché avait un sens alors l'esclavage est un péché. Et après j'ai lu tous les autres romans de Toni Morrison.

     

    4) Andreï Makine, Le testament français : parce qu'après j'ai lu tous les autres romans de Makine. Ses derniers m'ont un peu déçue mais je reste une admiratrice de sa maîtrise du français. Et à une époque j'ai même pris des cours de russe pour lui rendre la pareille, mais c'est raté.

     

    5) Paul Auster, Léviathan : parce qu'après j'ai lu tous les autres romans de Paul Auster.

    Ces trois ouvrages ne sont pas chroniqués sur mon blog, ça fait trop longtemps que je les ai lus. C'est peut-être le moment de les relire.

     

    6) Aymeric Caron, No steak : parce que depuis que j'ai lu ce livre, je n'ai pas mangé de viande.

     

    Et maintenant je dois taguer à mon tours 10 personnes. Mais ça aussi ça fait trop alors je vais me contenter de 6. Il s'agit de Henri, Loupita, Exno, Dominique, Keisha et Zarline. Si ils le veulent bien.

     

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  • Katrina Kittle, Le garçon d'à côté, Le livre de pocheSarah Laden est veuve depuis deux ans. Elle élève seule ses fils, Nate, 17 ans et Danny, 11 ans. A la mort de son mari elle a pu compter sur le soutien sans faille de sa voisine Courtney Kendrick qui est devenue sa meilleure amie. Jordan, le fils de Courtney, un garçon au comportement parfois déroutant, est dans la même classe que Danny. Les réactions étranges de Jordan s'expliquent quand on découvre que les parents Kendrick, malgré une façade de couple modèle intégré dans sa communauté, sont en fait des pédophiles qui abusent de leur fils et le livrent à d'autres couples. Dans la tranquille banlieue de Oakhaven la nouvelle fait l'effet d'une bombe. Elle frappe particulièrement Sarah : comment a-t-elle pu ne rien soupçonner ? Alors que l'enquête suit son cours, elle décide d'accueillir Jordan chez elle.

     

    Dans ce roman Katrina Kittle présente le fonctionnement des prédateurs pédophiles et les stratégies qu'ils mettent en place pour se procurer de nouvelles proies tout en passant inaperçus. Elle montre bien comment ces manoeuvres peuvent tromper ceux qui ne partagent pas leur perversion. Sarah en est un bon exemple qui a bien du mal à croire à la culpabilité de Courtney et qui découvre avec atterrement que celle qu'elle prenait pour son amie s'est en fait jouée d'elle et l'a utilisée.

     

    Mais le sujet c'est surtout la lente reconstruction de Jordan et son intégration à la famille Laden qui va permettre aussi à Danny, Nate et Sarah de finir de faire le deuil de leur père et mari. Malgré son sujet difficile Le garçon d'à côté est une histoire pleine de sentiments positifs, prenante et qui se lit facilement.

     

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