• Bernhard Schlink, Olga, GallimardNée à la fin du 19° siècle, orpheline toute petite, Olga a été élevée en Poméranie par une grand-mère qui ne l’aimait pas. Elle se lie d’amitié avec Herbert, le fils des riches propriétaires voisins, une relation qui évolue en amour quand les jeunes gens grandissent. Tandis qu’Olga se bat pour devenir institutrice, Herbert rêve de participer à l’élan expansionniste de l’Allemagne. Il combat dans la guerre contre les Herero (1904), voyage puis décide de rallier le pôle nord. Le personnage d’Herbert est inspiré d’Herbert Schröder-Stranz. Cette première partie court jusqu’au début des années 1950 quand, installée dans la région du Rhin, devenue sourde, retraitée de l’enseignement, Olga fait des travaux de couture dans la famille d’un pasteur pour arrondir ses fins de mois. Le style en est descriptif, sans fioritures et m’a semblé parfois un peu plat.

     

     

    La deuxième partie est le récit par Ferdinand, le fils du pasteur chez qui Olga travaille, de sa relation avec celle-ci. Devenu vieux le narrateur raconte cette amitié précieuse qui a duré jusqu’à la mort d’Olga, une femme qui savait écouter malgré -ou peut-être du fait même de- sa surdité. J’ai trouvé cette deuxième partie touchante. Il me semble que les sentiments de Ferdinand, enfant, adolescent puis jeune adulte, pour Olga sont bien décrits.

     

     

    La dernière partie laisse enfin la parole à Olga à travers des lettres écrites à Herbert. Alors, ce personnage qui pouvait paraître effacé jusqu’à là prend de l’envergure en faisant entendre sa voix propre. Elle est portée par son amour pour Herbert qui l’a accompagné toute sa vie.

     

     

    J’ai lu rapidement ce roman dont j’ai particulièrement apprécié la construction intelligente.

     

    L’avis d’Eva.

    Je participe au mois des Feuilles allemandes organisé par Et si on bouquinait un peu et Livr’escapades.

     

    Bernhard Schlink, Olga, Gallimard


    12 commentaires
  • Matthew Henson, Journal d’un explorateur noir au pôle nord, Zones sensibles Lorsque Robert Peary (1856-1920) atteignit le pôle nord le 6 avril 1909, il était accompagné de Matthew Henson (1866-1955), son assistant afro-américain. En fait, si Peary et Henson ont bien atteint le pôle nord ce jour-là, ce qui est sujet à discussion, ce sont Henson et les quatre Inuits Ootah, Egingwah, Seegloo et Ooqueah qui y sont arrivés les premiers. L’histoire n’a longtemps retenu que le nom du « découvreur » blanc et Peary retira seul honneurs et richesse de l’exploit.

     

     

    Né dans le Maryland, Matthew Henson est orphelin à huit ans. A douze ans il s’embarque comme garçon de cabine dans la marine marchande et navigue à travers le monde. Il s’instruit sous la houlette du capitaine Childs qui l’a pris sous son aile. Il fait ensuite la connaissance de Peary qu’il accompagne dans ses expéditions polaires à partir de 1891. A ces occasions il fait de longs séjours chez les Inuits de l’ouest du Groenland dont il apprend la langue, les coutumes et les techniques de survie par grand froid. Il devient ainsi un auxiliaire indispensable pour Peary. Après plusieurs tentatives de rallier le pôle nord, Peary y parvient finalement en 1909. C’est cette dernière expédition qui nous est racontée ici.

     

     

    L’expédition dure plus d’un an car il faut arriver l’été sur la côte nord du Groenland, quand un bateau peut naviguer, puis y passer l’hiver en préparant traîneaux et provisions. La marche au pôle proprement dite débute le 1er mars 1909. Les explorateurs affrontent des températures glaciales (jusqu’à moins 45° C), des chutes de neige ou du blizzard qui les empêchent d’avancer, des courants d’eau qu’il faut franchir. Parfois ils doivent se frayer un chemin à la pioche dans les blocs de glace dentelés de la banquise. Matthew Hanson fait bien ressentir les très dures conditions de voyage et le rôle primordial qui est le sien. Il porte un regard critique sur les échanges commerciaux qui ont lieu entre ses « amis les Esquimaux » -comme on les appelait à l’époque- et Peary, qu’il juge parfois injustes pour les autochtones. Il est conscient que l’existence traditionnelle de ces derniers est menacée par l’introduction du tabac et de l’alcool et l’extermination du gibier.

     

     

    Cet intéressant récit est traduit et préfacé par Kamel Boukir, sociologue. La longue préface (50 pages) contextualise la place de Matthew Henson, Noir au tournant des 19° et 20° siècles, et sa relation avec Robert Peary, personnage qui n’apparaît pas comme très sympathique, pilleur de ressources, fournisseur de zoos humains. Si le fond est éclairant, je déplore la forme qui abuse de citations et de formulations absconses : on aurait pu dire les choses plus simplement, il me semble. Cette volonté d’impressionner par son style tranche avec une traduction truffée d’erreurs de français : concordance des temps, conjugaison du passé simple (je battus, nous furent), orthographe (chapoter, le dégèle, la chaire humaine), vocabulaire (des provisions allongées sur le sol, habilité pour habileté)… Il a manqué un vrai travail de correction de la part de l’éditeur. C’est d’autant plus dommage qu’il y a un soin apporté à la forme de l’ouvrage avec la belle couverture et des photos grand format d’expéditions polaires de Henson et Peary.

     

    Matthew Henson, Journal d’un explorateur noir au pôle nord, Zones sensibles


    votre commentaire
  • Sonia Devillers, Les exportés, J’ai luLes grands-parents maternels de Sonia Devillers sont des Juifs de Roumanie qui ont quitté leur pays en 1961 pour venir s’installer à Paris. L’ouverture des archives roumaines après la chute des régimes communistes d’Europe de l’est a permis à l’historien Radu Ioanid de révéler dans quelles conditions s’est faite l’exil des Juifs de Roumanie. Une révélation choquante qui a incité l’autrice à écrire l’histoire de ses grands-parents, des gens qui firent partie de la bourgeoisie intellectuelle de Bucarest et qui n’attachaient aucune importance au fait d’être Juifs.

     

     

    Les lectures entreprises par Sonia Devillers pour rédiger ce récit l’ont amenée à découvrir le sort fait par l’État roumain aux Juifs pendant la seconde guerre mondiale. Juifs roumains mais aussi ukrainiens sous l’occupation de l’armée roumaine en 1941. Il est question de massacres d’une violence inouïe. Pourtant, de ses grands-parents, témoins et survivants, l’autrice n’a jamais entendu sur cette période que des anecdotes sans émotion. Elle interroge cette volonté de silence et d’oubli.

     

     

    Après la guerre Gabriela et Harry Greenberg deviennent Gabriela et Harry Deleanu adhèrent au PC mais ils en sont exclus en 1959. Bientôt la situation de la famille devient intenable, il faut émigrer. C’est alors que la petite histoire des Deleanu croise à nouveau l’histoire plus large des Juifs de Roumanie. Entre 1958 et 1989, le pays a en effet « vendu » ses Juifs. Un marchand de bestiaux britannique, Henry Jacober, Juif lui-même, échange des visas contre vaches, brebis, cochons et machines agricoles. Les candidats à l’exil, qui sont majoritairement Juifs, paient très cher au passeur ces autorisations de sortie. Ce trafic, organisé secrètement au sommet de l’État, a pour objectifs de permettre le développement de l’agriculture roumaine, sinistrée par la collectivisation des terres, et de débarrasser le pays des Juifs, considérés comme des éléments cosmopolites.

     

     

    J’ai apprécié la lecture de cet ouvrage que j’ai trouvé facile d’accès. Sonia Devillers a fait là, il me semble, un bon travail de vulgarisation. Sur la shoah en Roumanie j’ai retrouvé ce que j’avais déjà lu dans Les Oxenberg et les Bernstein et surtout dans Eugenia. Comme Lionel Duroy, Sonia Devillers s’est appuyée sur le journal de Mihail Sebastian. Par contre j’ignorais totalement cette histoire fantastique de l’exportation des Juifs par le régime communiste qui a achevé, dit l’autrice, l’oeuvre des fascistes : la Roumanie est devenue un pays sans Juif.


    8 commentaires
  • Philippe Curval, Cette chère humanité, J’ai lu L’écrivain, pionnier de la science fiction Philippe Curval est mort le 5 août 2023. Né à Paris en 1929 il avait arrêté ses études à 17 ans et vécut de divers petits boulots avant de devenir libraire de science fiction. Il a écrit des nouvelles et des romans mais réalisait aussi des collages picturaux et photographiques.

     

    Philippe Curval, Cette chère humanité, J’ai lu Cette chère humanité a obtenu en 1977 le prix Apollo, un des plus prestigieux de la science fiction française.

    Depuis 20 ans le Marcom, le Marché commun européen, s’est coupé du reste du monde : les étrangers ont d’abord été expulsés puis le territoire s’est doté d’une frontière infranchissable. Ceux qui ont essayé d’entrer -ou de sortir- sont morts ou devenus fous. Le procurateur Belgacem Attia, de la ligue des Payvoides, anciens pays colonisés, est envoyé en mission au Marcom. Il doit y rencontrer un dénommé Léo Deryme et trouver comment empêcher le Marcom de détruire le reste du monde.

     

     

     

    Ici l’intrigue n’est qu’un prétexte pour nous décrire la société bâtie au Marcom en 20 de fermeture et c’est en effet ce qui m’a le plus intéressée. Le gouvernement a promis à ses citoyens qu’ils vivraient le plus longtemps possible. Pour cela il a supprimé, à coup d’interdictions et d’obligations, tous les risques de mort violente. On est obligé, lorsque l’on sort, de porter genouillères, coudière, protège nuque et casque. Il faut des permis pour pratiquer les activités jugées dangereuses mais aussi pour avoir un enfant. Les Marcoms vivent en ville, reliées entre elles par des aérotrains. La nature est tenue à l’écart, transformée en dépotoir nucléaire, habitée par des dissidents qui pratiquent une agriculture de moins en moins productrice. Enfin, la Compagnie du temps ralenti a mis au point une technologie qui permet de ralentir sept fois le temps et donc de vivre sept fois plus longtemps -c’est ce temps ralenti qui menace aujourd’hui la planète. Que font les gens du temps gagné ? Ils regardent la télé ou jouent aux jeux vidéo. Dans cette société totalitaire, face à une vie qui a perdu tout sens, certains se réfugient dans la religion des montreurs de rêves.

     

     

    Quelle imagination ! Philippe Curval excelle à inventer des situations toutes plus fantastiques les unes que les autres. La description des technologies de pointe du 21° siècle, par contre, date bien du milieu des années 1970. Elle est amusante vue d’aujourd’hui. C’est une lecture que j’ai trouvée plaisante même si j’ai trouvé que c’était un univers bien masculin qui nous était décrit là : parmi les personnages identifiés on trouve en effet deux à trois fois plus d’hommes que de femmes.


    2 commentaires
  • Abir Mukherjee, Les princes de Sambalpur, Liana LeviJuin 1920, le prince héritier de Sambalpur, petit royaume de l’Orissa, est assassiné sous les yeux même de l’inspecteur Sam Wyndham et de son adjoint Satyendra Banerjee de la police de Calcutta. De façon très peu réglementaire les deux hommes se rendent à Sambalpur pour y mener l’enquête. Accueillis à la cour royale dont ils découvrent le mode de vie traditionnel ils vont tacher de découvrir qui y tire les ficelles.

     

     

    J’ai trouvé plaisante la lecture de ce policier historique, deuxième épisode des aventures d’un duo d’enquêteurs anglo-indien. Si le capitaine Wyndham semble plutôt ouvert pour un Britannique en poste en Inde à cette époque il n’a pas encore éliminé tout ses préjugés racistes. Ainsi il trouve normal qu’un Blanc puisse avoir une relation amoureuse avec une Indienne mais est choqué quand cela concerne une Blanche et un Indien. Au moins en a-t-il conscience. C’est un personnage qui ne respecte guère la hiérarchie. Sa critique des autorités est l’occasion de piques caustiques et amusantes. Le sergent Banerjee, de son côté, est un homme discret et efficace bien qu’un peu embarrassé dans les relations sociales -particulièrement avec les femmes.

    J’ai apprécié de me trouver plongée dans cette « ambiance indienne ».

     

     

    L’avis de Dasola, celui de Keisha.


    16 commentaires
  • Elizabeth Jane Howard, Confusion, Quai Voltaire L’action de ce troisième tome se déroule entre mars 1942 et mai 1945 (fin de la seconde guerre mondiale en Europe).

    Polly et Clary ont grandi -elles ont entre 17 et 20 ans- et se sont installées à Londres pour y étudier le secrétariat et chercher un emploi. La vie dans la grande demeure familiale de Home place, dans le Sussex, passe donc à l’arrière-plan. Les deux cousines fréquentent régulièrement Archie, meilleur ami de Rupert, le père de Clary, et le seul adulte parmi leurs proches qui ne les traite pas avec condescendance, comme si elles étaient encore des petites filles. Dans une famille où on ne discute pas avec les enfants des sujets sérieux, même quand ceux-ci les concernent directement -à 17 ans Polly a ainsi été tenue dans l’ignorance, jusqu’à la fin, de la mort prochaine de sa mère- cette amitié est précieuse.

     

     

    Le personnage qui m’intéresse particulièrement dans ce tome est leur cousine Louise. En 1942, à 19 ans, Louise a épousé Michael Hadleigh, 33 ans. Il apparaît rapidement que celui-ci l’a choisie pour son jeune âge et sa malléabilité. Louise est traitée en enfant, son mari fait tous les choix de vie du couple et ne l’en informe qu’à posteriori. Elle en conçoit un grand mal être et le sentiment que ses difficultés conjugales sont de sa faute. Louise, par ailleurs, fait partie des nombreuses femmes de cette série qui endurent les relations sexuelles. Elles n’ont eu aucune information préalable à ce sujet et leurs partenaires ont un comportement très égoïste.

     

     

    J’ai lu ce troisième tome rapidement et avec plaisir. En avançant dans la saga je me suis attachée aux personnages et j’ai envie de savoir ce qui va leur arriver, si ceux qui rencontrent des difficultés vont s’en sortir et comment. J’apprécie l’analyse psychologique qui me paraît fine et juste.

     

     

    Les avis de Lily et Sunalee.


    4 commentaires
  • L’écrivain syrien Khaled Khalifa est mort le 30 septembre 2023 à Damas. Il était né en 1964 dans la région d’Alep, dans une famille de paysans peu portés sur la lecture. En 2012 des sbires du régime lui avaient fracturé la main gauche alors qu’il participait à la procession funéraire d’un musicien tué à Damas. Malgré cela, malgré l’interdiction de ses livres, la guerre, la perte de ses amis tués ou en exil, il tenait à vivre en Syrie par attachement à son peuple et à son pays.

     

     

    La mort est une corvée (un roman publié en 2015).

    "Le pire dans la guerre, c'est la multiplication des comportements scandaleux et la transformation d'histoires tragiques en événements ordinaires".

    Avant de mourir à l’hôpital de Damas, Abdellatif al-Sâlim a demandé à son fils Nabil, que tout le monde appelle Boulboul, de l’enterrer dans son village natal de ‘Anâbiyya, près d’Alep, à côté de la tombe de sa sœur Leila. Plus facile à dire qu’à faire. Boulboul, son frère Hussein et leur sœur Fatima embarquent le cadavre du père avec quelques pains de glace dans un microbus pour un trajet qui devrait durer moins d’une journée et qui va en prendre trois. Pour aller de Damas, tenue par le régime, à ‘Anâbiyya, en zone rebelle, il faut en effet franchir de nombreux barrages contrôlés par divers groupes armés. Ces check-points sont les lieux de tous les risques si l’on n’a pas les bons papiers, le bon lieu de naissance ou le bon nom de famille. A une occasion la dépouille est même mise temporairement aux arrêts. C’est l’occasion pour l’auteur de nous dresser le tableau terrifiant d’une Syrie détruite et d’une société laminée par la guerre et la violence qu’elle a engendrée.

     

     

    Pour affronter ce voyage éprouvant en compagnie du cadavre en putréfaction de leur père, les frères et sœur ne peuvent guère compter sur un quelconque amour familial : depuis des années ils se fréquentent le moins possible et cela leur convient tout à fait. Boulboul, le personnage principal, est un homme timoré qui s’est accoutumé à une vie étriquée, essayant simplement de survivre. Ce périple est l’occasion pour lui de reconsidérer toute l’histoire des relations familiales et de mettre à jour les mensonges de son père sur lesquels elle était bâtie. Malgré cette prise de conscience la fin n’offre guère d’espoir. Comment pourrait-il en être autrement ?

     

     

    Un point négatif au sujet de la traduction : elle comporte des maladresses de français (concordance des temps) voire même, plus problématique, des passages difficilement compréhensibles.

     

     

    L’avis d’Henri.


    4 commentaires
  • Elizabeth Jane Howard, A rude épreuve, Quai VoltaireCe deuxième tome de La saga des Cazalet se déroule de septembre 1939 (début de la seconde guerre mondiale) à l’hiver 1941 (attaque du Japon contre Pearl Harbour). Du fait de la guerre, la famille Cazalet s’est installée à demeure dans la propriété familiale du Sussex où a aussi été rapatrié l’Hôtel des tout petits, une pouponnière caritative gérée par Rachel. En plus de l’adaptation d’une résidence secondaire à l’habitat permanent en temps de guerre, cet épisode met l’accent sur les filles adolescentes de la famille.

     

     

    Louise, la fille d’Edward et Villy, a 17 ans et rêve de devenir actrice. Elle obtient d’étudier le théâtre mais ses études sont contrariées par le conflit. Elle ne m’est pas très sympathique au départ mais le devient plus quand elle commence à s’émanciper de sa famille et à nouer des relations affectives à l’extérieur.

    Les plus attachantes pour moi sont ses cousines Polly et Clary, grandes amies âgées de 15 ans chacune. Polly doit affronter la grave maladie de sa mère et le silence de ses parents sur le sujet. Le père de Clary, Rupert, s’est engagé et a été porté disparu en France. Sa fille est bientôt la seule à croire encore qu’il puisse revenir.

     

     

    Parmi les personnages plus en retrait j’aime bien aussi Miss Milliment, le préceptrice des enfants, une vieille femme célibataire, intelligente et amatrice d’art ; la tante Rachel, femme asexuelle (?) incapable de voir que sa grande amie Sid est en fait amoureuse d’elle et Christopher, le cousin de Louise, un jeune pacifiste maltraité par son père qui aimerait le voir s’engager.

    Enfin il y a de nombreux détails sur la vie quotidienne à la fin des années 1930 et en temps de guerre : alimentation, hygiène… J’ai été particulièrement intéressée par tout ce qui est dit sur l’habillement et notamment les sous-vêtements de l’époque. Nul doute qu'on a fait sur la question des progrès en matière de confort.

     

     

    C’est une lecture que j’ai grandement appréciée, bien écrite, avec une pointe d’humour. A l’heure où j’écris ces mots j’ai réussi à mettre la main sur le tome 3 à ma bibliothèque et je le lirai donc très prochainement.

     

     

     

    L’avis de Lily, celui de Sunalee.


    6 commentaires
  • Rosella Postorino, La goûteuse d’Hitler, Le livre de poche

     

    En 1943 Rosa Sauer, jeune femme allemande, vit chez ses beaux-parents à Gross-Partsch, en Prusse orientale, alors que son mari, Gregor, est au front. Rosa est recrutée -de force, on ne lui demande pas son avis- pour être une des goûteuses d’Hitler dans sa Tanière du loup qui se trouve dans les environs. Elles sont une dizaine de jeunes femmes qu’un car de ramassage vient chercher tous les matins pour les emmener au QG du Führer. Là elles doivent manger des plats qui lui seront servis dans la journée puis attendre encore une heure avant de pouvoir rentrer chez elles.

     

     

    L’autrice le dit dans ses remerciements, elle a eu l’idée de ce roman en 2014 en lisant un témoignage de Margot Wölk, dernière goûteuse d’Hitler encore en vie. Le livre cependant n’est pas un ouvrage historique. Il s’agit plutôt d’explorer les relations entre les goûteuses et les sentiments de Rosa, la narratrice, notamment après que son mari soit porté disparu sur le front est. Fille d’un antinazi, elle est travaillée par la culpabilité liée à la tâche qui lui est imposée, aux relations qu’elle noue avec un garde SS. Il m’a fallu du temps pour apprécier ce roman que j’ai trouvé longtemps plutôt ennuyeux, Rosa semblant détachée de tout ce qui lui arrive. Petit à petit cependant le personnage acquiert de l’épaisseur et devient plus intéressant de par la forme de résistance passive intérieure qu’il développe.


    5 commentaires
  • Nicolas Mathieu, Connemara, Actes sudA 38 ans Hélène a réalisé ses rêves d’adolescence : elle a quitté la petite ville de Cornécourt où elle est née et habite maintenant une belle maison à Nancy, elle occupe un poste très bien payé dans un cabinet de consulting. Depuis quelque temps elle est cependant insatisfaite de ce qu’elle a obtenu et qui ne suffit pas à donner un sens à sa vie. Par hasard elle retrouve Christophe, ancienne gloire du lycée dont elle fut secrètement amoureuse à 14 ans. A 40 ans Christophe vit toujours à Cornécourt. Il est représentant en croquettes pour chien, habite avec son père, s’occupe de son fils une semaine sur deux, se bourre la gueule régulièrement avec ses anciens copains de lycée et rêve de rejouer au hockey sur glace. L’histoire se déroule durant les six mois qui ont précédé l’élection d’Emmanuel Macron. Six mois d’une parenthèse durant laquelle Hélène et Christophe vont revivre les émois de leur adolescence, quand tout semblait possible.

     

     

    La peinture des sentiments et de l’impatience de l’adolescence est fort bien traitée, il me semble, via les souvenirs d’Hélène. Les enfants qui grandissent, le souvenir d’un parent décédé, sont l’occasion de passages nostalgiques qui me touchent.

    Avec Hélène, qui est clairement son personnage principal, Nicolas Mathieu montre la place des femmes dans le patriarcat. A la maison c’est sur elle que repose la charge mentale des enfants ; au travail, alors qu’elle est un pilier de la boîte, c’est un homme nouvellement arrivé qui est choisi pour être promu.

     

     

    Le roman est aussi l’occasion pour l’auteur de pourfendre le néolibéralisme et la société de consommation, les cabinets de consulting qui vendent très cher du vent et la start up nation à venir. C’est assez efficace car il a le sens de la formule qui frappe juste :

    « Inventer une région, il fallait quand même être gonflé, et ne rien comprendre à ce qui se tramait dans la vie des gens, leurs colères alanguies, les rognes sourdes qui couvaient dans les villes et les villages, tous ces gens qui par millions, le nez dans leur assiette, grommelaient sans fin, mécontents d’être mal entendus, jamais compris, guère respectés, et se présumaient menacés par les fins de mois, les migrations et le patronat, grignotés depuis cinquante ans facile dans leurs fiertés hexagonales et leurs rêves de progrès. Aller leur foutre le Grand Est pour règlement des problèmes, les mecs osaient tout. »

    C’est un roman que j’ai lu facilement et que j’ai plutôt apprécié. Je me pose cependant la question du regard que l’auteur pose sur certains personnages. Je retrouve cette gêne dans le passage que je cite ci-dessus : dans « se présumaient menacés » je lis comme une critique qui ne s’assume pas et j’y vois de la condescendance

     


    2 commentaires