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Reni Eddo-Lodge, Le racisme est un problème de Blancs, Autrement
Dans cet essai la journaliste britannique noire Reni Eddo-Lodge traite du racisme systémique et du privilège blanc, c'est-à-dire que quand on est blanc on vit sans y penser au quotidien et ceci sans que, bien souvent, les bénéficiaires de ce privilège n'en aient conscience. L'ouvrage commence par une histoire des Noirs au Royaume-Uni depuis la traite esclavagiste jusqu'au Brexit. La façon dont l'apport des personnes non-blanches est occultée dans l'enseignement de l'histoire du pays est pointée. Il y a pourtant depuis 1987 un Black history month (Mois de l'histoire des Noirs) au Royaume-Uni. Je fais le parallèle avec la France où, à ma connaissance, il n'existe pas de telle manifestation et ça me donne envie de lire une histoire des Noirs en France (si ça existe).
Blanc est la couleur par défaut : en littérature, si la couleur d'un personnage n'est pas précisée, c'est qu'il est blanc. S'il est noir, c'est dit. Le personnage d'Hermione Granger dans Harry Potter et l'enfant maudit peut-il être joué par une actrice noire ? Ce choix a déclenché une polémique en 2015. De façon très convaincante l'autrice imagine une Hermione métisse, traitée de "Sang-de-bourbe" -de sang impur- par ses camarades.
J'ai été choquée par ce que j'ai lu concernant la prise en charge de la santé mentale : les Noirs sont plus exposés au risque d'être hospitalisés d'office dans un établissement psychiatrique, reçoivent des doses de médicaments anti-psychotiques supérieures à celles de Blancs souffrant des mêmes problèmes de santé, sont hospitalisés plus longtemps et enfin sont diagnostiqués comme séniles à un stade plus tardif. Ces statistiques concernent le Royaume-Uni mais j'imagine aisément qu'on pourrait constater la même chose en France seulement les statistiques ethniques sont interdites dans notre pays. Je suis convaincue que refuser ces statistiques ne permet pas de lutter correctement contre le racisme.
"Choisir de ne pas voir la race n'aide pas à déconstruire les structures racistes ni à améliorer concrètement le sort quotidien des personnes de couleur. Pour démanteler les structures racistes et injustes nous devons voir la race. Nous devons voir qui tire parti de sa couleur de peau, qui est injustement affecté par les stéréotypes négatifs pesant sur la race et à qui reviennent le pouvoir et les privilèges -mérités ou non-, en raison de sa race, de sa classe ou de son sexe. Pour changer le système, il est essentiel de voir la race."
Le racisme est en effet systémique : Reni Eddo-Lodge montre qu'à chaque étape de leur vie les personnes racisées sont victimes de préjugés et stéréotypes qui rendent leur réussite plus difficile ce qui n'est pas le cas des Blancs. C'est pourquoi il n'est pas pertinent de parler de racisme anti-Blancs. L'autrice apporte donc des arguments en faveur de la discrimination positive et contre l'illusion de la méritocratie. Ne devrait-on pas juger les candidats sur leurs seuls mérites ? Comme si seul le talent expliquait le monopole des hommes blancs d'âge mûr aux échelon supérieurs de la plupart des corps de métier.
Reni Eddo-Lodge aborde aussi le sujet de l'intersectionnalité, c'est-à-dire le croisement de deux discriminations , ici racisme et sexisme, qui touchent les femmes noires. Les féministes blanches ne sont pas suffisamment conscientes du privilège blanc et c'est pourquoi il est important pour les féministes noires de pouvoir se réunir entre elles. Le même chapitre traite de l'islamophobie : "Que les activistes féministes se gardent de s'allier à des forces politiques qui ne prennent la défense des femmes que quand il s'agit de dénigrer les musulmans", dit-elle car concentrer les accusations de sexisme sur l'islam et les musulmans, se convaincre "que la misogynie n'est qu'un concept importé de l'étranger, cela revient à dire qu'elle n'est pas un problème chez nous."
J'ai beaucoup apprécié la lecture de cet essai que j'ai trouvé d'accès abordable. La réflexion est fouillée mais expliquée par de nombreux exemples concrets. Reni Eddo-Lodge est une femme dynamique qui veut changer le système et dit ce qu'elle a à dire sans se laisser intimider et cela me plaît. Même si les données concernent le Royaume-Uni il me paraît évident que les analyses fonctionnent aussi pour la France.
L'avis de Lilly.
Tags : Essai, Histoire
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Commentaires
Je me rends compte que j'ai évolué, parce que je ne me dis plus que je ne vois pas les couleurs, et je comprends à quel point ce discours est problématique. En tout cas, je suis contente de t'avoir inspiré cette lecture. Je vois que tu es en pleine lecture d'un autre livre sur le sujet que je ne connais pas du tout.
Oui, ça m'a donné envie d'approfondir la question.