• Pascal Picq, Comment la modernité ostracisa les femmes, Odile Jacob

    Pascal Picq, Comment la modernité ostracisa les femmes, Odile JacobHistoire d'un combat anthropologique sans fin

    Pascal Picq est anthropologue évolutionniste c'est-à-dire, si j'ai bien compris, qu'il étudie les comportements humains à travers les temps, ceux qui changent et ceux qui perdurent. A propos du sexisme et des violences contre les femmes il constate que ces comportements existent depuis la préhistoire mais que, en Occident, la domination masculine s'est alourdie à partir de la fin du Moyen-âge. En suivant un découpage par siècles, du 16° au 20°, l'auteur étudie les étapes qui ont conduit à un contrôle croissant des femmes.

     

     

    Au 16° siècle. La chasse aux sorcières déchaîne des violences inouïes, l'auteur parle de gynocide. Il s'agit de rejeter le savoir des femmes (accouchements, guérisseuses), de reprendre le contrôle sur leur corps et d'affirmer l'autorité de la corporation des médecins.

    Au 17° siècle. C'est le début de l'expansion coloniale qui va permettre à l'Occident d'imposer son modèle de société patriarcale. Des cultures plus égalitaires disparaissent. Ce sujet de la colonisation est développé au 19° siècle, en lien avec l'image de la femme "exotique" qui alimente les fantasmes masculins.

    Au 18° siècle. La classification des espèces renvoie les femmes à leur fonction de reproduction et à leur supposée plus grande proximité avec la nature : "Charles Linné nomme les mammifères mammalia ou mammifères en référence à une physiologie de la reproduction ne touchant que les femelles et non pas, par exemple, les pilosa en références aux poils, ce qui aurait concerné les deux sexes".

    Au 19° siècle. Le code civil de Napoléon (1804) fait des femmes de perpétuelles mineures. La science arrive même à justifier cette idée : "Dans plusieurs représentations de squelettes d'homme, de femme et d'enfant, on s'aperçoit que, comme chez les jeunes enfants, la suture de l'os frontal -la suture métapique- n'est pas complètement fermée chez la femme. Dans la réalité elle se ferme bien à la fin de l'enfance mais chez les deux sexes".

    Au 20° siècle. Les crises diverses entraînent, comme bien souvent, une dégradation du sort des femmes. L'auteur compare le phénomène des femmes tondues à la Libération à la chasse aux sorcières : "Les armées occupantes tuent et violent les femmes des pays envahis, mais les exactions contre les femmes du temps des sorcières ou de la Libération procèdent de violences des hommes envers ce qu'ils considèrent comme leurs femmes; et ils s'en prennent à leur corps et à leur sexualité. Autrement dit, dans un cas comme dans l'autre, les femmes deviennent les victimes des tensions provoquées par les profonds changements économiques, sociaux et politiques des sociétés européennes, une majorité d'hommes ayant le sentiment, plus ou moins conscient ou concret, de perdre leur statut".

     

     

    J'ai choisi de vous présenter un sujet par siècle, Pascal Picq en traite beaucoup plus, les développe et les approfondit et j'ai trouvé dans ce livre des idées très éclairantes. La lecture n'est pas toujours facile, il y a des passages théoriques que j'ai trouvés un peu ardus mais il y a aussi beaucoup de choses qui m'ont semblé très claires. La conclusion c'est que les discriminations contre les femmes ont traversé des millénaires depuis la préhistoire mais que les violences contre les femmes sont des faits de culture et de civilisation et que nos sociétés peuvent donc changer radicalement sur la question de l'égalité des droits pour les femmes et les hommes.

    Ma réserve c'est que Pascal Picq qui écrit beaucoup se cite beaucoup et à l'air de considérer que ses oeuvres antérieures sont déjà connues du lecteur, ce qui n'est pas mon cas. Je me demande si cette production nombreuse n'est pas responsable de quelques points qui me semblent traités à la légère. Je regrette ainsi que dans un passage il soit question de femmes -on ne saura pas leurs noms- passionnées par les sciences qui ont collaboré avec Carl von Linné, Jean-Jacques Rousseau, Bernard de Jussieu, Joseph Pitton de Tournefort ou Jean-Baptiste de Lamarck dont l'auteur déplore qu'ils aient pris toute la place dans l'histoire des sciences naturelles. C'était peut-être le moment de rendre justice à ces femmes et de les nommer ?

    Malgré cela je dirais que les points forts l'emportent et c'est une lecture que j'ai globalement appréciée.

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 16 Janvier 2023 à 14:53
    Luocine

    Je lis peu d’essais et celui-ci ne me tente guère trop dans l’air du temps 

      • Lundi 16 Janvier 2023 à 15:59

        À ce que je vois de sa bibliographie le sort des femmes est un sujet qui préoccupe l'auteur depuis un bout de temps, je ne pense pas qu'il ait écrit ce livre pour être dans l'air du temps. Si la cause des femmes est dans l'air du temps je trouve que c'est une bonne chose, en tout cas.

    2
    keisha
    Mardi 17 Janvier 2023 à 08:01
    keisha

    Je connais l'auteur de nom, oui, il écrit pas mal.

      • Mardi 17 Janvier 2023 à 17:17

        En effet.

    3
    Samedi 21 Janvier 2023 à 09:43
    Sunalee

    mmmmh, peut-être.... mais peut-être que j'aurais été plus enthousiaste si c'était une femme qui avait écrit ça ? 

      • Samedi 21 Janvier 2023 à 12:47

        Je dois dire que cette pensée m'a traversée aussi et m'a gênée au début de ma lecture. Ensuite il m'a semblé que l'auteur avait de vraies convictions féministes.

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