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Vicki Baum, Bombes sur Shanghaï, Le livre de poche
Vicki Baum (1888-1960) était une écrivaine américaine d'origine autrichienne. Elle a écrit de nombreux romans dont plusieurs s'inspirent de ses voyages à travers le monde. J'ai découvert son existence en lisant Shanghaï la magnifique car elle a séjourné au Cathay hôtel, transformé en Shanghaï hôtel dans Bombes sur Shanghaï. Et voilà qu'à l'occasion d'une visite à ma mère je découvre que celle-ci a dans sa bibliothèque plusieurs ouvrages de cette autrice dont elle ne sait pas comment ils sont arrivés là. Les initiales portées en première page me laissent penser qu'ils devaient appartenir à ma grand-mère paternelle. L'édition de Bombes sur Shanghaï date de 1968. Le roman était d'abord paru en 1939. Il a été réédité en 2012 chez Libretto sous le titre de Shanghaï hôtel.
Le 14 août 1938, le centre-ville de Shanghaï est victime d'un bombardement meurtrier qui marque le début de l'attaque du Japon contre la ville. Dès l'introduction Vicki Baum nous annonce que ce bombardement a fait neuf morts à l'intérieur du Shanghaï hôtel. C'est l'histoire de ces neuf personnes qui va nous être racontée : "Nous nous proposons de raconter quelles routes amenèrent à Shanghaï ces neuf personnes, quelle avait été leur vie et comment elles moururent".
La première moitié du roman est donc divisée en neuf chapitres, chacun consacré à un des personnages, depuis son enfance. L'autrice insiste sur les ruptures et les traumatismes précoces qui ont fait de ses héros les adultes qu'ils sont devenus. L'analyse psychologique est finement menée. Ainsi, Jelena Trubova est la fille d'une famille de la bonne bourgeoisie russe. Perdue -ou abandonnée ?- toute petite alors que ses parents fuyaient la révolution, elle a été recueillie par des réfugiés qu'elle méprise et s'est inventée des origines nobles. Plus tard elle a tenté de s'élever en se faisant entretenir par des hommes riches mais elle a le sentiment d'avoir toujours misé sur le mauvais cheval ce qui l'a rendue froide et insensible.
Les origines des personnages sont variées socialement et géographiquement ce qui permet de survoler des événements marquants du début du 20° siècle. Avec les Allemands Emmanuel Hain, Juif converti au christianisme et Kurt Planke, son protégé, ayant brièvement appartenu au Parti Communiste, on a un aperçu de la montée du nazisme, de son emprise et de ses exactions. L'autrice a bien saisi ce qui se tramait là : "bien des gens, qui jusque-là n'avaient rien été, étaient maintenant quelque chose, dont ils pouvaient être fiers : ils étaient aryens allemands".
Avec les Chinois BG Chang et Lung Yen, on découvre la vie des misérables coolies. Ils ont une trajectoire inverse. BG Chang, fils de pauvres mariniers, est devenu un riche banquier tandis que Lung Yen, après la ruine de la ferme familiale, est parti faire le tireur de ricksha à Shanghaï.Il supporte la misère en se droguant à l'opium. Il y a aussi les Américains Ruth Anderson et Frank Taylor qui permettent d'évoquer la crise économique de 1929 et le Japonais Yoshio Murata, la montée du nationalisme dans son pays. Il arrive à certains des personnages de se croiser. J'ai trouvé cette façon de procéder originale et intéressante.
La seconde partie se déroule à Shanghaï dans les jours qui précèdent le bombardement et prend fin le 14 août 1938. Tous les personnages, exilés ou déracinés d'une façon ou d'une autre, se retrouvent dans la ville.Dans la concession internationale les occidentaux vivent en maîtres. Même un simple commis de magasin comme Frank Taylor, obligé de vivre en colocation dans un modeste meublé, peut se payer les services d'un boy. Un personnage reconnaît qu'il ne pourrait plus retourner dans son pays : sa femme s'est habituée à être servie par six domestiques. BG Chang, actionnaire majoritaire du Shanghaï hôtel, accède à ses appartements par un ascenseur réservé : les Chinois ne sont pas admis dans le hall principal. Une vraie situation coloniale où la plupart des Blancs se considèrent -et se comportent- comme supérieurs aux autres. Et je remarque que l'autrice elle-même n'est pas dénuée de préjugés racistes. Elle est moins atteinte cependant que certains de ses personnages. En toile de fond la Chine de l'époque est dirigée par Tchang Kaï-Chek qui souhaite réformer la société avec le mouvement de la vie nouvelle. Yutsing Chang, le fils de BG Chang, est un proche du régime. Il est en désaccord complet avec son père sur ses choix de vie et habité par un sentiment anti-japonais de plus en plus important.
J'ai plutôt apprécié cette lecture. Il me semble que Vicki Baum est bien documentée sur les événements qu'elle relate. L'analyse des sentiments qui sont les ressorts des personnages me paraît bien vue et de nombreuses situations n'ont pas pris une ride. La première partie m'a plus plu que la seconde où j'ai trouvé parfois des longueurs.
Avec cette lecture je participe au défi Voix d'autrices, catégorie Une traduction.
Tags : Roman, Chine, Défi/Lecture commune
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Commentaires
J'ai la version 2012 paru chez Libretto et je voulais justement lire ce livre pour notre rendez-vous des feuilles allemandes en novembre. Je maintiens ma résolution même si je comprends que la seconde partie est peut-être un peu moins intéressante.
Bon sang, mais c'est bien sûr ! J'avais pensé à postériori que cette lecture aurait pu coller pour les feuilles allemandes. Ce sera pour les prochaines puisque j'ai d'autres romans de cette autrice en réserve.