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Antonio Pennacchi, Canal Mussolini, Liana Lévi
Antonio Pennacchi est mort le 3 août 2021. Né en 1950, longtemps ouvrier, cet écrivain italien était issu d'une famille paysanne qui a participé à la bonification des marais pontins sous Mussolini. Il a lui-même été membre d'un parti néo-fasciste avant de passer à l'extrême gauche. Il s'est inspiré de l'histoire de sa famille pour écrire Canal Mussolini, présenté en introduction comme "la raison pour laquelle je suis venu au monde".
Canal Mussolini. Les grands-parents Peruzzi ont eu 17 enfants, oncles et tantes du narrateur, eux-mêmes parents de familles nombreuses. Après divers déboires cette grande famille paysanne se retrouve sans terres, expulsée du domaine qu'elle cultivait par son propriétaire, le comte Zorzi-Vila, maldit soit-il. Originaire du même village du nord de l'Italie qu'Edmondo Rossoni, un proche de Mussolini, la famille est devenue fasciste avec lui. Grâce à la protection de Rossoni ils obtiennent des terres dans l'agro pontin et y participent à la bonification des marais. En moins de trois ans 30000 personnes ont été amenées dans cette région située au sud de Rome pour transformer des marais où sévissait la malaria en terres agricoles.
Après une première partie qui commence avec la première guerre mondiale, présente la famille Peruzzi dans son cadre d'origine et que j'ai trouvée longue et parfois ennuyeuse à lire, il me semble que l'action commence enfin avec l'arrivée des Peruzzi sur leurs nouvelles terres. De la bonification des marais pontins j'avais de vagues souvenirs datant de lointains cours d'histoire. Je découvre une véritable entreprise de colonisation avec création de villes ex-nihilo -dont Latina, Littoria sous le fascisme, où est né et mort Antonio Pennacchi.
L'histoire de la famille Peruzzi croise également celle de l'Italie quand les aînés des oncles participent à la conquête de l'Ethiopie ou aux combats de la seconde guerre mondiale.
"Sur les films et les photos d'époque dans les livres d'histoire, on voit une femme coiffée d'un grand chapeau de paille et vêtue d'une robe à fleurs qui tend les gerbes au Duce. C'est ma grand-mère"
Les personnages sont hauts en couleur et forts en gueule et tout ceci nous est raconté avec verve dans une langue vivante qui veut restituer le parler populaire, avec des apostrophes au lecteur et des comparaisons avec le temps présent. C'est très inventif et il y a aussi une pincée de merveilleux quand la grand-mère annonce une catastrophe en rêvant d'un manteau noir ou quand les abeilles de la tante Armida lui parlent. Ce roman a fait polémique à sa sortie en Italie car, vues par les yeux du narrateur, les violences fascistes ont parfois l'apparence d'une farce et le Duce est régulièrement loué pour avoir permis à la famille de devenir propriétaire de ses terres. Cependant les crimes du fascisme ne sont pas cachés, notamment lors de la conquête coloniale avec le massacre de masse de Debra Libanos auquel participe l'oncle Adelchi.
Passées les 150 premières pages c'est un livre que j'ai apprécié.
Tags : Roman, Histoire, Disparition
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