• Andrus Kivirähk, Le papillon, le Tripode

    Mon nouveau blog connaît, depuis près de deux semaines, d’importants dysfonctionnements dus à une mise à jour qui l’a perturbé, semble-t-il. Ca m’a beaucoup travaillée puis j’ai décidé de faire une pause et de ne plus aller voir à quoi ça ressemblait. Aujourd’hui je me décide à reposter mes articles sur cet ancien blog : les compte-rendus s’accumulent et les défis lecture de l’automne ont commencé. J’espère que la panne sera prochainement réparée…

     

     

    Le papillon. Après sa mort le narrateur, August Michelson ou Mihklisoo, raconte sa carrière et sa vie d’acteur au théâtre Estonia de Tallinn, avant et pendant la première guerre mondiale. A cette époque le personnel du théâtre forme comme une famille. C’est d’ailleurs au théâtre qu’August fait la connaissance de sa future femme, Erika Tetzky, actrice et danseuse. Surnommé le papillon elle devient vite la mascotte de la troupe. Mais le papillon c’est aussi l’Estonia avec ses deux ailes majestueuses.
    L’été, quand le théâtre ferme, les comédiens partent ensemble en tournée en province, partageant les hébergements. August et Eeda Kurnim n’aiment rien tant que jouer des farces aux autres. Le répertoire est un mélange de classiques (Hamlet, Le roi Lear) et de pièces plus légères, comiques, de cabaret ou opérettes. Pendant la première guerre mondiale une partie du théâtre est transformée en hôpital militaire pendant que le spectacle continue.

     

    Erika Tetzky et August Mihklisoo



    Le papillon est le premier roman de Andrus Kivirähk. L’auteur projetait au départ un travail sur l’histoire du théâtre estonien qui s’est transformé en roman en cours de route. La narration s’appuie donc sur des faits réels : de nombreux personnages sont des acteurs estoniens de la première moitié du 20° siècle. La forme par contre est bien romanesque : nous sommes dans un monde où le merveilleux traverse la vie quotidienne. Les acteurs et les actrices apparaissent comme des êtres pas tout à fait humains : dans leurs veines coule du sang de lutin, de géant, de fée ou de sorcière. Nous croisons une femme-oiseau et une femme-papillon, un loup-garou. Autour du théâtre rode le chien gris, personnification de la mort. Il me semble avoir parfois affaire à des personnages de conte et je me dis que l’auteur a dû s’inspirer des légendes estoniennes. J’en suis réduite à conjecturer car c’est une culture que je ne connais pas.

     



    Enfin, tout cela est raconté sur un ton ironique souvent fort drôle. En 1917, pendant la révolution russe, le théâtre est réquisitionné par des marins. Une délégation de trois comédiens s’en va protester auprès de Viktor Kingissep, l’homme fort du moment :

    « Il nous écouta et, à notre grande surprise, rédigea en silence un ordre écrit nous attribuant, à nous les comédiens, l’usage exclusif du bâtiment. Il sourit en nous tendant le papier et expliqua :
    « J’ai toujours aimé le théâtre, et je me sens même une certaine parenté avec vous. Au fond nous sommes presque collègues.
    - Comment cela ? Demanda Jungholz stupéfait.
    - Vous et moi nous luttons contre la réalité, poursuivit Kingissep. Seulement vous, vous le faites dans cet espace clos, où les gens pénètrent avec un billet et d’où ils ressortent pour retrouver le même univers qu’auparavant. Tandis que moi je veux tout refaire, changer les décors et redistribuer les rôles. C’est un art plus difficile et plus périlleux, qui demande qu’on s’y consacre avec toute sa passion.
    - Si vous obligez tout le monde à jouer, alors vous n’aurez plus de public, et par la même plus d’applaudissements, objecta Pinna. Kingissep se mit à rire.
    « C’est vrai, mon théâtre est un théâtre total, dit-il fièrement. Il n’y a pas de séparation entre la scène et la salle, il n’y a pas de coulisse où on peut se cacher pour se démaquiller. Ici on meurt de la vraie mort et on pleure de vraies larmes.
    - Alors ce n’est plus du théâtre, répondit Jungholz.
    - Dites plutôt que ce n’est pas une attraction de fête foraine », répliqua Kingissep d’une voix cinglante, et comme nous avions déjà le papier à la main, nous ne vîmes pas de raison de continuer à discuter avec lui, d’autant qu’avec son tempérament de metteur en scène il pouvait à tout moment imaginer Dieu sait quoi, par exemple nous demander d’interpréter d’authentiques cadavres. Nous saluâmes donc et sortîmes. »

     



    Même si je pense qu’il m’a manqué des clés pour saisir tout l’intérêt de ce roman c’est une lecture que j’ai grandement appréciée et qui me donne envie de découvrir l’auteur plus avant. Merci à Sacha qui reprend le flambeau du Mois de l’Europe de l’Est avec Une rentrée à l'Est et me donne l’occasion de le découvrir.

     

    L’avis de Claudialucia, celui de La barmaid aux lettres.

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 16 Septembre à 16:29
    Sacha
    Oh, voilà qui est intéressant ! Le monde du théâtre me passionne toujours et la touche de magie ou de superstition que glisse l'auteur dans des faits historiques titillent mon imagination ! Manou parle d'un autre roman de Kiriväth aujourd'hui, et le folklore estonien semble y jouer un rôle encore plus important. Un fil rouge chez cet écrivain visiblement ! Merci beaucoup pour ta participation !
      • Lundi 16 Septembre à 18:00

        Cette lecture m'a donné envie d'en savoir plus sur la culture estonienne. J'aurais apprécié une édition commentée.

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