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Par Anne-yes le 17 Mars 2024 à 12:01
Le 4 mai 1886 à Haymarket square, Chicago, un meeting politique rassemble des centaines de militants et grévistes. Alors que la foule commence à se disperser pacifiquement, la police charge les manifestants et une bombe est jetée sur les forces de l’ordre. Il y a des morts. Suite à cet attentat, 8 leaders anarchistes sont lourdement condamnés. Il est prouvé qu’aucun ne fut le lanceur de bombe. Encore aujourd’hui les historiens ne sont pas sûrs de qui a jeté l’engin.
Rudolph Schnaubelt, narrateur du roman, se présente dès la première page comme l’auteur de l’attentat. Pauvre mais éduqué, ce jeune homme d’origine allemande a émigré pour les Etats-Unis où il travaille comme journaliste pigiste à Chicago, essentiellement dans la presse de langue allemande. Sensible aux dures conditions de vie et de travail des ouvriers, Rudolph fréquente les rassemblements militants. Il y fait son éducation politique et la connaissance de Louis Lingg, un jeune anarchiste charismatique avec qui il va nouer une relation d’amitié très forte.
La bombe est paru en 1909. Frank Harris (1856-1931) était un journaliste d’origine britannique (je n’ai pas trouvé d’informations sur ses idées politiques. A lire sa fiche Wikipédia il apparaît comme une sorte d’aventurier). Le roman dénonce les conditions de travail des ouvriers étrangers aux Etats-Unis à la fin du 19° siècle. Ils sont nombreux à Chicago où ils participent au développement de l’industrie. Ils risquent leur vie pour des salaires de misère et sont renvoyés sans indemnités en cas de maladie, accident du travail ou si on a besoin de moins de main d’oeuvre. Il est question des abattoirs de Chicago et de leurs conditions d’hygiène indignes. Cela m’a fait penser à ce que j’avais lu dans La jungle qui, à mon avis, est beaucoup plus réussi que le présent roman. Les grèves et manifestations ouvrières sont réprimées avec violence, violences policières approuvées et parfois même encouragées par la justice, la presse à grand tirage et l’opinion publique. La xénophobie et la peur de l’anarchisme confinent à l’hystérie collective lors du procès de l’attentat du 4 mai.
C’est la description du procès qui m’a le plus intéressée. Tous les personnages nommés sont des protagonistes historiques des événements et j’ai d’ailleurs trouvé que l’aspect historique était beaucoup mieux traité que le volet romanesque. Je pense notamment à la relation amoureuse entre Rudolph et sa bonne amie Elsie qui m’a semblé parfois niaise et traversée de préjugés sexistes. Le questionnement sur la place des femmes est absent de ce roman. En matière de sentiments je trouve beaucoup plus juste ce qui est dit de l’admiration/adoration de Rudoph pour Louis Lingg.
Une lecture qui entre dans le défi Lire sur le monde ouvrier organisé par Ingannmic.
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Par Anne-yes le 13 Mars 2024 à 11:24
Les grands-parents maternels d’Agnès Desarthe étaient des Juifs de Bessarabie (ouest de l’URSS) émigrés en France dans les années 1930, survivants de la shoah. A 65 ans ils avaient acheté un appartement dans une tour de la rue du Château des rentiers, dans le 13° arrondissement de Paris, et convaincu leurs amis d’en faire autant, constituant ainsi une petite communauté de fait dont l’autrice se souvient avec nostalgie. Réfléchissant à son propre vieillissement, cette dernière fantasme la création d’un logement participatif -qu’elle appelle Ehpad autogéré ou phalanstère- pour elle et ses amis.
Cette autofiction mêle souvenirs d’enfance, histoire familiale et considérations sur le vieillissement.
Le grand-père de l’autrice n’est en fait que le second mari de la grand-mère, le vrai grand-père a été assassiné à Auschwitz et la mère d’Agnès Desarthe a été une enfants cachée. Comment ces traumatismes laissent-ils leur marque sur les générations suivantes qui n’ont pas connu la shoah ? J’ai trouvé cette réflexion intéressante.
En ce qui concerne le sujet du bien vieillir, mon avis est plus mitigé, la réalisation m’a semblé inégale. Il y a des anecdotes concernant des personnes âgées qui sont plaisantes à lire mais s’oublieront vite. Il y a une réflexion qui est parfois intéressante mais manque souvent d’approfondissement à mon goût. Il y a des dialogues entre Agnès Desarthe et elle-même qui peuvent être un peu trop longs.
Le résultat est un livre facile à lire dont j’ai apprécié l’écriture fluide et les jolies formules mais qui ne me marquera guère.
L'avis de Je lis, je blogue, celui de Keisha et de Luocine.
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Par Anne-yes le 10 Mars 2024 à 18:11
Nivôse ou Géthen est une planète glacée située à des dizaines d’années lumières de la terre. Ses habitants sont des personnes non binaires et asexuelles la plupart du temps (paru en 1969 le roman parle d’hermaphrodites asexués ou d’androgynes). Quelques jours par ois ces habitants « entrent en kemma » : ils adoptent alors, aléatoirement, des caractères masculins ou féminins et s’accouplent avec qi est aussi dans la même situation. Envoyé de la planète terre, Genly Aï a débarqué deux ans plus tôt sur Nivôse avec pour mission de convaincre les Gétheniens d’adhérer à l’Ekumen, une confédération de planètes. Pétri de préjugés sexistes et misogynes (« un rôle typiquement féminin : charme, tact, manque de solidité, subtilité, finasserie ») Aï est très mal à l’aise dans cette société où l’on n’est pas jugé selon son genre mais « uniquement comme être humain ». Pour lui « c’est une expérience bouleversante ». Il ne m’est, au début, pas très sympathique. Ce qui est amusant c’est que Ursula K. le Guin montre bien comment chacun est le monstre de l’autre. Vu comme « continuellement en chaleur » Aï passe, aux yeux des Gétheniens, pour un pervers sexuel.
Devenu un élément dans un conflit politique à la tête de l’État de Karhaïde, Aï doit fuir pour sauver sa vie. Il est accompagné d’Estraven, proscrit, ancien premier ministre. Les deux personnages vont traverser ensemble une calotte glaciaire, périple fantastique qui donne lieu à des descriptions magnifiques de paysages polaires. Cette expérience de survie en conditions extrêmes va être l’occasion pour Aï et Estraven d’apprendre à se connaître et à s’apprécier malgré leurs différences. L’autrice explore les incompréhensions qui peuvent naître du fait de modes de pensée différents.
Avec ce roman Ursula K. le Guin critique de façon très subtile le capitalisme, le patriotisme ou la destruction de l’environnement. C’est fait de façon fine, sans jamais nous asséner de leçon. J’ai apprécié aussi la réflexion philosophique, certains aspects désuets du futurisme (on communique instantanément d’une planète à l’autre grâce à des ordinateurs qui fonctionnent avec des cartes perforées) et la belle écriture. Le récit comporte plusieurs narrateurs, ce qui donne plusieurs compréhensions des événements, et inclut des légendes de Géthen.
C’est un roman riche que j’ai trouvé excellent à tous points de vue. De Ursula K. le Guin je n’avais lu jusqu’à présent que Les dépossédés qui ne m’avait guère emballée et je n’avais pas prévu de relire cette autrice. Cependant je n’ai pas pu résister à l’attrait du petit concours organisé par Sacha que je remercié de cette belle découverte.
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Par Anne-yes le 5 Mars 2024 à 15:27
Ce tome ultime de la Saga des Cazalet se déroule de juin 1956 à Noël 1958 soit 10 ans après le précédent épisode. Il a aussi été écrit 18 ans après. Si j’ai pris plaisir à retrouver les personnages, cette lecture a aussi été une source d’agacement, de trop nombreux protagonistes se comportant de façon irresponsable à mon goût. Après la mort de leur père les trois fils Cazalet ont repris la gestion de l’entreprise familiale de négoce de bois. Hélas, cette génération née à la toute fin du 19° siècle n’a pas pris la mesure des changements économiques qu’avait entraînés la seconde guerre mondiale. Ils ont continué à nommer aux postes clés des Cazalet plutôt que des personnes capables et les voici au bord de la faillite, déplorant la baisse de revenus mais préparant un Noël mémorable où l’on s’offre collier de perles et fourrure. Le Noël en question donne droit à un très long chapitre -alors que les autres sont courts- de qualité très inégale et qui clôt le livre. J’y retrouve les analyses psychologiques fines à côté de souvenirs de la vie privée des personnages auxquels l’autrice n’arrive pas à m’intéresser.
La description de la vie quotidienne matérielle reste par contre fort intéressante. J’apprécie particulièrement ce que je lis sur l’alimentation à cette époque et dans cette classe. On ne mange que des légumes de saison et topinambours, choux de Bruxelles et pommes de terre s’invitent très régulièrement aux repas. Avec de bons desserts pour faire passer : ça m’a donné envie de me cuisiner un cake aux fruits secs. Je suis frappée par la quantité d’alcool qui est ingurgitée par les personnages : apéritif tous les soirs avec double dose, repas à trois arrosé de deux bouteilles de champagne, une de vin et de digestifs. Peut-être une piste pour des économies ?
J’apprécie l’évolution du personnage de Villy. Dommage que la famille de sa sœur ait disparu.
Pour conclure c’est un livre que j’ai lu facilement et sans déplaisir majeur car j’y retrouvais des personnages connus mais je crois qu’il était temps qu’Elizabeth Jane Howard mette fin à sa saga.
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Par Anne-yes le 2 Mars 2024 à 12:51
Ada Lovelace (1815-1852), fille du poète Byron, est connue pour avoir écrit le premier programme informatique au monde -alors qu’on n’avait pas encore inventé l’ordinateur ! En fait c’est son travail qui a été plus tard la base de l’invention des ordinateurs. Elle a aussi pressenti l’Intelligence Artificielle. Dans cette biographie Catherine Dufour, ingénieure en informatique et écrivaine, nous présente le travail d’Ada et son cadre de vie. Cadre familial avec la présentation de ses ancêtres et de ses proches et des douloureuses relations avec sa mère qui ne manquait pas une occasion de la rabaisser. Cadre sociologique, à savoir la vie dans le monde c’est-à-dire la bonne société.
J’ai été peu emballée par le style utilisé qui est celui du langage parlé avec, à l’occasion, du vocabulaire grossier. La grossièreté me gêne. Quant à l’écriture familière elle peut m’amuser par son côté décalé quand elle s’allie à un fond rigoureux. Or je déplore ici un manque de rigueur. Parmi les sources citées on trouve à égalité des ouvrages historiques et des répliques de films.
Ce qui me chiffonne aussi c’est que l’autrice ait l’air de considérer que les violences intra familiales sont choses normales, compatibles avec l’amour. Ainsi, dans la même page je lis à propos des enfants d’Ada : « Ce qui est plus étrange, c’est qu’ils détestent leur père » et plus loin : « C’est un homme violent. Il tabasse et sa femme, et ses enfants ». Ma foi, ça ne me paraît pas étrange que ses enfants le détestent, ça serait même plutôt sain.
Après son mariage, Ada a refusé de fréquenter sa mère maltraitante. Cette dernière cependant arrive à s’introduire chez sa fille mourante, chasse les domestiques qui prenaient soin d’elle et interdit l’entrée aux amis. Commentaire de l’autrice : « Être aux côtés de sa fille, qu’elle aime et qui souffre, doit aussi lui importer ». Mais ce n’est pas de l’amour ça, madame, c’est de la volonté de contrôle ou de domination !
Sinon j’ai apprécié de découvrir l’histoire d’Ada Lovelace dont la vie s’inscrit dans une période (la première moitié du 19° siècle) de découvertes scientifiques foisonnantes. Cela m’a fait penser à Prodigieuses créatures où c’étaient aussi des femmes qui faisaient avancer la science. Je me suis demandée si le fait que ces terrains de connaissance soient nouveaux avait permis à certaines de les investir dans une société qui, globalement, laissait peu de place aux femmes.
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Par Anne-yes le 28 Février 2024 à 13:54
Née en 1971, Pınar Selek est une sociologue d’origine turque. Elle a mené des enquêtes sur les groupes opprimés en Turquie (personnes homosexuelles et trans, Kurdes) et pour ces raisons s’est mise à dos le régime. En 1998, après une explosion au gaz dans le bazar aux épices d’Istanbul, les autorités prétendent qu’ils s’agissait d’un attentat et l’accusent d’y avoir participé. Elle est emprisonnée et torturée. Elle a été jugée et acquittée quatre fois. Un cinquième procès est prévu. En 2011 elle a trouvé asile en France.
Le 19 janvier 2007 Hrant Dink, journaliste arménien et ami de Pınar Selek est assassiné. A ses obsèques Rakel Dink, la femme de Hrant, dit : « Rien ne se fera, mes ami.es, sans sonder les ténèbres qui font d’un bébé un assassin ». Pınar Selek se questionne alors sur le « rôle de la masculinité normative dans l’organisation de la violence politique » et décide de mener une étude sociologique sur le service militaire en Turquie. Ce travail a donné lieu à un livre paru en Turquie en 2009. Devenir homme en rampant, est parue en 2014. L’ouvrage est épuisé. Le chaudron militaire turc est une sorte de résumé de ce précédent ouvrage. Ce court livre de 100 pages est paru en 2023 alors que Pınar Selek devait être rejugée le 29 septembre. Ce procès a été reporté au 28 juin 2024.
Pınar Selek distingue six étapes de l’acquisition du statut de sexe dominant en Turquie : circoncision, première expérience sexuelle, service militaire, travail, mariage, paternité. Dans les milieux traditionnels ces étapes sont l’occasion de célébrations familiales et mettent en valeur le fait d’avoir un pénis. Lors du service militaire les jeunes hommes apprennent à obéir à des ordres ineptes. Ils sont brutalisés par leurs supérieurs et leurs camarades incorporés avant eux. Cela les amène à consentir à l’organisation hiérarchique car ils savent que, en montant en grade, ils seront moins souvent battus et pourront battre à leur tour les nouveaux. Les hommes qui témoignent sont de générations très diverses. Certains ont fait la guerre de Corée (la Turquie y a participé aux côtés des forces de la coalition américaine), d’autres sont nés dans les années 1970. Tous ont subi des violences. Cette violence est acceptée par les soldats : les commandants non violents ne sont pas pris au sérieux, ce qui légitime l’usage de la violence.
J’ai apprécié le regard féministe et j’ai trouvé intéressant la réflexion menée sur le rôle du service militaire dans la perpétuation d’une masculinité normative. Toutes proportions gardées il m’a semblé que le service militaire tel qu’il existait en France jusqu’au 20° siècle devait bien avoir le même effet.
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Par Anne-yes le 23 Février 2024 à 16:05
Dans l’Angleterre de la fin du 20° siècle (le roman est paru en 1887), George Melbury est un marchand de bois prospère qui a placé sur Grace, sa fille unique, ses rêves d’ascension sociale. Il lui a pour cela payé des études dans une institution huppée. A 20 ans Grace revient vivre chez ses parents dans le hameau forestier de Little Hintock. Elle y retrouve Giles Winterbone, arboriculteur et presseur de cidre, ami d’enfance amoureux d’elle, simple et fidèle. Elle y fait aussi la connaissance du docteur Edred Fitzpiers un homme séduisant et cultivé mais aussi un coeur d’artichaut. Entre les deux le coeur de Grace balance. Son père aussi hésite : il s’était promis de donner Grace à Giles mais cette jeune fille accomplie ne mérite-t-elle pas mieux qu’un paysan ? Le sentiment qu’on les personnages de leur place sociale joue ici un grand rôle.
Tiraillée entre deux hommes, Grace est bien mal conseillée par son père auquel elle n’est capable de s’opposer que tardivement et les conséquences en sont dramatiques pour le pauvre Giles. Il y a à la fois une analyse des sentiments qui me paraît fort bien vue et des péripéties dignes d’un véritable mélo. Ce qui fait le malheur des personnages c’est le désir ou plutôt le fait d’y céder. L’homme et la femme idéale sont chastes, le ménage modèle un couple sans désir.
Le cadre de l’action est celui d’une petite communauté forestière où tout le monde se connaît. L’auteur donne de belles descriptions de la nature et précise certaines des us et coutumes de ces gens des bois. Le roman prend alors des allures ethnographiques. J’ai trouvé ça intéressant, particulièrement ce qui est dit de la possibilité pour les jeunes paysannes de se ménager des espaces de liberté amoureuse avant le mariage.
C’est une lecture qui m’a plu.
L'avis de Lilly.
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Par Anne-yes le 16 Février 2024 à 12:09
A Glasgow en 1881, le médecin légiste Godwin Baxter ramène à la vie une jeune femme qui s’était suicidée et lui greffe le cerveau du bébé dont elle était enceinte. Il donne le nom de Bella Baxter à sa créature qui jette sur le monde un regard neuf, totalement exempt de préjugés sociaux. Après s’être fiancée à Archibald McCandless, étudiant en médecine, Bella prend la fuite avec Duncan Weddeburn, notaire véreux. Les deux amants partent pour une croisière sur la Méditerranée. Weddeburn a bien l’intention de profiter de la situation au maximum. La suite montrera qu’il s’est lourdement trompé en pensant qu’il pourrait diriger Bella à sa guise.
Cerveau de bébé dans un corps de femme adulte, Bella exprime ses sentiments comme elle les éprouve, parle sans filtre et se conduit comme elle le souhaite, ayant comme principal objectif de goûter la vie. Son comportement est très éloigné de celui qui est attendu des femmes de la bourgeoisie à la fin du 19° siècle. Séducteur de femmes, Duncan Weddeburn ne s’attendait certes pas à ce que sa relation avec Bella puisse amuser celle-ci. Un autre homme va découvrir à ses dépends ce qu’il en coûte de vouloir dominer une femme libre : le général Blessington, époux de la suicidée. Sa déconfiture totale est bien méritée et plutôt réjouissante.
Sorte de Candide, Bella découvre lors de son voyage un monde dont les injustices la révoltent. Ce roman est l’occasion pour l’auteur de dénoncer le patriarcat, le capitalisme, les inégalités, le colonialisme, l’armée, les internats, bref toutes les formes d’autorité et de violence, sur un ton souvent caustique. Ces dénonciations concernent sans doute la période victorienne mais fonctionnent bien aussi pour l’époque contemporaine (le roman est paru en 1992).
Pauvres créatures prend la forme de textes successifs écrits par les différents protagonistes. Le principal morceau, Episodes de la jeunesse d’un officier de santé publique écossais, se présente comme un récit parut à compte d’auteur et relatant la rencontre d’Archibald McCandless, l’auteur, avec Godwin Baxter et Bella. Il est entrecoupé par deux lettres, l’une de Weddeburn l’autre de Bella, chacune présentant sa version de leur périple, et suivi d’une mise au point de Bella et de Notes critiques et historiques par Alasdair Gray. Le tout est illustré de nombreuses gravures en noir et blanc (Gray était aussi peintre). L’ensemble fort bien mené donne parfois l’illusion de lire un ouvrage d’époque. Le résultat est amusant et plaisant à lire.
Pauvres créatures a été adapté au cinéma. C’est un film de Yórgos Lánthimos paru en 2023. J’ai d’abord vu le film et ensuite lu le livre. Ce dernier m’a semblé bien adapté. Des passages ont été modifiés, d’autres supprimés pour la version cinématographique ce qui fait que le lecteur a encore des choses à découvrir. Emma Stone est très bien en Bella. L’ambiance steampunk accentue le côté fantastique de l’histoire. C’est un film que j’ai apprécié.
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Par Anne-yes le 13 Février 2024 à 14:30
Berlin, 1923. Pour ce deuxième épisode de ses aventures nous retrouvons Fräulein Hulda Gold, la sage-femme, en pleine période d’hyperinflation : « Son collant était sans doute fichu, et elle ne savait pas combien de milliards coûtait une nouvelle paire en ce moment ». Notre héroïne est appelée à Scheunenviertel, le quartier des Granges, pour y mettre au monde un bébé dans une famille juive.
Scheunenviertel est un quartier pauvre habité par une population cosmopolite dont de nombreux Juifs originaires d’Europe de l’est. Lorsque Hulda revient quelques jours après la naissance pour des soins à l’accouchée, le bébé a disparu et personne dans la famille Rothmann ne veut lui dire ce qu’il s’est passé. Pendant ce temps l’inspecteur Karl North, bon ami de Hulda, enquête sur une affaire de trafic d’enfants. Une camionnette contenant des petits cadavres a été retrouvée à Tempelhof. Les deux affaires seraient-elles liées ?
Dans ce genre de policier historique l’enquête n’est pas le principal intérêt mais ici plutôt la vie privée de Hulda, femme indépendante, son travail de sage femme aguerrie et le cadre historique. Côté vie privée nous suivons les péripéties de sa relation chaotique avec Karl, sa rencontre avec la pharmacienne Jette Langhans dont elle devient l’amie et avec le rabbin Esra Rubin au charme duquel elle n’est pas insensible. Le cadre historique est celui de l’hyperinflation dont profitent des agitateurs d’extrême-droite. Fille d’un père juif, Hulda est une mécréante qui ne se considère pas comme Juive. Alors que Scheunenviertel est le théâtre d’un pogrom, Hulda découvre que les antisémites se fichent bien de l’image qu’elle se fait d’elle-même.
J’ai trouvé que l’histoire était un peu lente à démarrer mais ensuite c’est une lecture qui m’a plue.
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Par Anne-yes le 9 Février 2024 à 10:00
Dans ce roman nous suivons, entre 1694 et 1702 (avec un épilogue en 1729), les aventures de Nicolas Déruet, habile chirurgien lorrain. A cette époque les chirurgiens-barbiers, formés par l’apprentissage et fins connaisseurs de l’anatomie humaine, sont méprisés par les médecins qui ont étudié dans les livres et pratiquent volontiers la saignée. Menacé par un médecin français auquel il s’est opposé, Nicolas doit quitter Nancy en laissant derrière lui son amoureuse, la sage-femme Marianne Pajot. En Hongrie notre héros participe pendant quatre ans à la guerre du Saint Empire Romain Germanique contre les Ottomans avant de rentrer à Nancy dans la suite de Léopold, le jeune duc de Lorraine.
Je découvre avec intérêt un pan d’histoire du royaume de Lorraine, Etat alors indépendant et faisant partie du Saint Empire. Louis 14 veut rattacher la Lorraine à la France et Léopold doit jouer finement pour garder son autonomie sans vexer un puissant voisin qui risquerait de lui déclarer la guerre. Cette lecture m’a donné envie d’aller visiter Nancy.
L’autre grand intérêt de ce roman c’est ce que je lis sur les pratiques médicales. Nicolas est un esprit éclairé, sorte de précurseur des Lumières, avide de se former pour progresser toujours plus dans son art. S’appuyant sur sa pratique antérieure et sur les livres qu’il peut se procurer, il expérimente de nouvelle opérations, généralement avec succès. Je ne suis pas sûre que ce soit très crédible mais je l’accepte. Je suis surprise cependant d’entendre parler d’ambulances volantes dont il me semblait qu’elles avaient été inventées par Larrey cent ans plus tard.
Ce que je trouve moins réussi ce sont les aspects purement romanesques. L’auteur a doté certains de ses personnages secondaires d’histoires annexes dont on aurait pu se passer vu qu’elles peinent à conférer une épaisseur à ces personnages. J’avais lu quelque part que, si l’auteur mentionnait la présence d’un fusil au premier chapitre, il fallait que ce fusil serve à quelque chose dans la suite du roman. Eric Marchal s’affranchit totalement de cette règle. Nicolas est suivi par un inconnu, que va-t-il se passer ? Rien, Nicolas croise quelqu’un d’autre. Le petit Simon apprend par hasard qu’il est un enfant adopté, comment va-t-il réagir ? Nous ne le saurons pas, nous n’entendrons plus parler de Simon.
Les péripéties des histoires de coeur de Nicolas, tiraillé entre Marianne et la marquise Rosa de Cornelli, femme égocentrique, prête à intriguer pour se débarrasser de sa rivale me paraissent parfois caricaturales, il arrive que les dialogues sonnent faux.
Malgré ces bémols j’ai trouvé la lecture de ce gros pavé (900 pages) globalement plaisante.
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