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Arundhati Roy, Le Dieu des Petits Riens, Folio
"Ceci est une oeuvre de fiction. Tous les personnages sont imaginaires. La situation des fleuves, des passages à niveau, des églises et des crématoriums n'est pas exacte."
A Ayemenem, village près de Cochin dans le Kérala, vit une famille élargie de propriétaires terriens et notables du lieu. L'histoire est vue à travers les yeux des jumeaux Rahel (la fille) et Estha (le garçon), âgés de huit ans. Leur mère, Ammu, a quitté son mari alcoolique pour revenir chez ses parents après un mariage qu'ils n'avaient pas approuvé et qui avait été pour elle un moyen de fuir sa famille. Autant dire qu'elle n'a pas été accueillie à bras ouverts et qu'on lui fait sentir à l'occasion qu'on la tolère par obligation. Quand on découvre qu'Ammu a une liaison avec Velutha, un Intouchable, un drame éclate qui va bouleverser la vie des jumeaux.
Le présent de la narration se situe en fait 23 ans plus tard et l'histoire fait des aller-retour entre cet aujourd'hui et le passé. Très vite des éléments du drame à venir sont annoncés au lecteur et on comprend que cela ne va pas bien se terminer. C'est comme dans un spectacle de kathakali, un théâtre dansé originaire du Kérala et dont il est plusieurs fois question dans le roman :
"Le kathakali sait depuis longtemps que le secret des Grandes Histoires c'est précisément de n'en point avoir. Les Grandes Histoires sont celles que l'on a déjà entendues et que l'on n'aspire qu'à réentendre. Celles dans lesquelles on peut entrer à tout moment et s'installer à son aise. Elles ne cherchent ni la mystification par le biais du suspense et de dénouements inattendus, ni la surprise de l'incongru. Elles sont aussi familière que la maison qui vous abrite. Que l'odeur d'un amant. On les écoute jusqu'au bout, alors qu'on en connaît la fin. De même que l'on vit comme si l'on ne devait jamais mourir, tout en sachant pertinemment qu'on mourra un jour. Dans les Grandes Histoires, on sait d'avance qui vit, qui meurt, qui trouve l'amour et qui ne le trouve pas. Mais on ne se lasse jamais de le réentendre."
Alors, est-ce que Le Dieu des Petits Riens est une Grande Histoire ?
Pour moi en tout cas c'est une relecture, celle de septembre même si octobre est déjà bien entamé. Mon édition date de 2000, ma première lecture date sans doute de cette époque, je n'en avais pratiquement aucun souvenir si ce n'est que ça m'avait plu. J'apprécie encore aujourd'hui. Je trouve ça fort bien écrit. Il y a des images bien trouvées : "Le ventilateur paresseux épluchait l'air lourd et peureux en une interminable spirale qui retombait au sol comme une pelure de pomme de terre interminable." et de belles descriptions des paysages. J'avais fait une halte dans le Kérala lors de mon voyage en Inde en 2005 et un petit tour dans les backwater, les canaux qui sillonnent l'arrière-pays. Je les retrouve dans ma lecture :
"Au-delà du marais qui sent l'eau stagnante, ils passent devant des arbres vénérables recouverts de vigne vierge. Des maniocs gigantesques. Des poivriers sauvages. Des cascades violettes d'acuminus.
Devant un scarabée bleu foncé en équilibre sur un brin d'herbe qui ne plie pas sous le poids.
Devant des toiles d'araignées géantes qui ont résisté à la pluie et courent comme des rumeurs colportées d'un arbre un autre.
Une fleur de bananier dans son fourreau de bractées bordeaux s'accroche à un arbre rugueux aux feuilles arrachées. Joyau offert par un écolier dépenaillé. Bijou de la jungle veloutée."
Tags : Monde indien, Roman, Relecture
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