• Delphine de Vigan, Rien ne s'oppose à la nuit, Le livre de poche

     

    Delphine de Vigan, Rien ne s'oppose à la nuit, Le livre de pocheLa mère de Delphine de Vigan, Lucile, s'est suicidée à l'âge de 61 ans. C'est sa fille qui a trouvé son corps cinq jours après. Plus tard elle a décidé d'écrire pour dire quelle femme était Lucile, lui offrir un "cercueil de papier" et chercher l'origine de sa souffrance. Lucile était la troisième d'une fratrie de neuf enfants. Elle a été une petite fille très jolie qui a posé comme enfant mannequin. C'est aussi elle qui est photographiée, adulte, en couverture du livre. Une petite fille très sage aussi, qui souffrait de ce que sa mère se consacrait essentiellement à ses enfants les plus jeunes. Il y a des antécédents de maladie mentale dans la famille et, sur ce terrain fragile, se sont ajoutés des drames ou violences familiales : trois frères morts jeunes par accident ou suicide, le comportement incestueux du père.

     

     

    A l'âge de 33 ans, Lucile sombre une première fois dans la folie. Elle fait un épisode délirant, elle est internée en psychiatrie et ne va guère mieux quand elle sort, abrutie par les médicaments. Ses filles sont confiées à la garde de leur père. Delphine de Vigan est alors une jeune adolescente. Elle raconte sa jeunesse bouleversée par la maladie de sa mère.

     

     

    En plus de nous raconter l'histoire de Lucile, Delphine de Vigan se met en scène dans sa recherche d'informations sur sa mère. Elle se présente interrogeant ses oncle et tantes, sa soeur, d'autres proches, découvrant des documents, des textes écrits par sa mère. Elle dit les difficultés rencontrées lors de la rédaction de l'ouvrage, les souvenirs douloureux réveillés en elle, la crainte de décevoir les membres de sa famille ou de fâcher avec eux. Récemment j'ai vu sur la 5 un documentaire sur les secrets de famille. On nous y disait que certaines choses doivent être dites pour que les successions de malheurs qui frappent certaines familles s'arrêtent. Et Delphine de Vigan a conscience de ça. Elle écrit aussi pour ses enfants, pour alléger sur leurs têtes le poids de l'histoire familiale.

     

     

    J'ai apprécié la lecture de cet ouvrage. Même si le sujet est douloureux il y a de nombreux passages habités par la nostalgie de l'insouciance des 30 Glorieuses. Dans les tranches de vie tirées des enfances de Lucile ou de Delphine je retrouve des choses que j'ai moi aussi vécues, étant d'une famille nombreuse comme Lucile (mais que cinq enfants) et native des années 1960 comme Delphine.

    "Delphine partait tôt le matin et rentrait tard le soir, nous traînions du côté des tirettes à un franc, nous jouions aux billes sur les allées de goudron rose, nous écoutions Dave et Ringo sur des mange-disques, nous coupions les cheveux des poupées. Entre la sortie de l'école et l'heure du retour de Lucile se déployait un temps où l'enfance était reine, un temps vagabond que suffisait à combler la dégustation d'un roudoudou, un temps qui filait entre nos doigts poisseux et semblait n'avoir aucune limite."

    Alors, certes, certains souvenirs me touchent moins et me paraissent superflus mais globalement c'est plaisant et émouvant.

     

    Delphine de Vigan, Rien ne s'oppose à la nuit, Le livre de poche

    Lucile, enfant mannequin.


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