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Edith Bruck, Le pain perdu, Editions du sous-sol
Edith Bruck est une écrivaine italienne d'origine hongroise. Née en 1931 elle grandit dans une famille juive pauvre d'un village de Hongrie. Dans ce récit autobiographique la petite enfance est racontée à la troisième personne. Elle a 13 ans quand la famille est emmenée dans un ghetto puis à Auschwitz. Pour Edith c'est la fin de l'enfance, la narration passe au "je". A Auschwitz Edith et sa soeur Judit sont séparées de leurs parents et de leurs frères David et Jonas. Elles restent ensemble lors de l'évacuation du camps et sont envoyées à Dachau, affectées au travail forcé dans divers kommandos. De la déportation elle raconte la faim, les kapos, les violences et le vol entre détenues mais aussi les petites éclaircies dans la noirceur -quand quelqu'un lui demande son prénom, lui restituant ainsi son humanité-, les coups de chance qui lui ont permis de survivre. Les parents et Jonas ont été assassinés à Auschwitz.
La moitié de l'ouvrage est consacrée au difficile retour à une vie "normale". C'est ce que j'ai trouvé le plus intéressant. Après la guerre ceux qui reviennent des camps ont le sentiment que leurs proches qui n'ont pas été déportés ne peuvent pas les comprendre. C'est le cas des deux soeurs aînées d'Edith qui ne veulent pas entendre ce qu'elle a à raconter et se plaignent au contraire d'avoir beaucoup souffert. Edith, Judit et David partent pour Israël en ordre dispersé. Mais Edith ne se trouve pas bien dans ce nouveau pays : elle ne veut plus obéir à un ordre, elle ne veut plus dormir dans un dortoir, elle ne veut pas faire son service militaire, elle ressent le besoin d'écrire. A 17 ans elle se marie puis divorce rapidement. Elle fuit en s'engageant dans une troupe de cabaret qui part en tournée. C'est ainsi qu'elle se retrouve en Italie où elle tombe bien vite amoureuse du pays, de ses habitants, de sa langue, d'un homme.
Edith Bruck a consacré une partie de son existence à témoigner. Si elle dit qu'elle ne peut pas pardonner, elle a refusé de se venger quand elle en a eu l'occasion et n'éprouve pas de haine : "C'est pour ça que je suis saine et sauve, orpheline, libre". Je trouve que c'est une femme qui fait montre d'une belle résilience.
L'avis de Nathalie.
C'est une lecture commune organisée avec Ingannmic et Keisha dans le cadre des Lectures communes autour de l'Holocauste de Et si on bouquinait un peu et Passage à l'Est.
Tags : Récit autobiographique, Shoah, Défi/Lecture commune
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Commentaires
Son évocation de l'après m'intéressera aussi - l'incompréhension à laquelle les survivants font face, la nécessité de retrouver une place et de prendre en charge sa propre destinée. Après avoir lu Histoire d'une vie, d'Aharon Appelfeld, j'aimerais lire davantage sur les premieres années d'après-guerre en Israel du point de vue à la fois des réfugiés-survivants, de ceux arrivés avant la guerre, et de ceux chargés de donner une direction à cette nouvelle société.
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Lundi 6 Février 2023 à 20:37
Il faudrait que je lise aussi Histoire d'une vie.
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Très belle initiative que cette lecture commune ; comme Ingannmic, j'avais beaucoup aimé "Et tu n'es pas revenu" de Marceline Loridan-Ivans et je serais très intéressé de lire ce livre également pour cette évocation de "l'après".
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Vendredi 10 Février 2023 à 10:58
D'évidence elle a du se reconstruire toute seule. le résultat est impressionnant.
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C'est vrai que "l'après" est très intéressant, j'y ai retrouvé ce qu'évoquent Marceline LORIDAN-YVENS (Et tu n'es pas revenu) et Ginette Kolinka (Retour à Birkenau), sur le gouffre d'incompréhension entre les rescapés des camps et les autres, et la dimension indicible de leur expérience.
Ravie de cette LC, j'ai découvert avec ce roman une autre manière de témoigner, et quelle destin que celui de cette femme !
J'avais trouvé Et tu n'es pas revenu très émouvant. Celui de Kolinka je ne l'ai pas lu mais je vois qu'il est à ma bibliothèque.