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Emma Becker, La Maison, Flammarion
Alors qu'elle vivait à Berlin Emma Becker a, pendant deux ans, exercé la profession de prostituée en maison close (légales en Allemagne). Elle est d'abord restée deux semaines au Manège, un endroit où elle a eu peur pour sa sécurité, puis elle a découvert la Maison qu'elle nous présente comme l'idéal du bordel. Là les filles sont traitées avec bienveillance par la direction, considérées comme des adultes responsables et se soutiennent mutuellement lors des moments difficiles.
Emma Becker nous dit qu'elle aime le sexe et qu'elle baise comme un homme. Je comprends que, quand elle vivait à Paris, elle a occasionnellement fait l'escort. Le travail en maison close l'attire, par curiosité pour les putes, femmes qu'elle admire comme étant des femmes absolues. Une fois dans la place, d'ailleurs, elle se décrit volontiers en voyeuse, ayant pour ses collègues le même regard qu'un homme pourrait avoir, pense-t-elle. Dès le début de l'expérience elle a l'intention d'en tirer un livre.
Alors, c'est quoi cet ouvrage ? Un roman, un récit autobiographique, un documentaire ? Un peu des trois, je dirais. Le début m'agace qui m'apparaît comme romancé car elle y parle de ses collègues et de leurs sentiments et que j'ai l'impression qu'en fait elle projette ses propres fantasmes sur elles. Puis je me dis que c'est peut-être une façon de se présenter que de se cacher derrière ces femmes. Plus loin elle confie qu'elle n'écrit jamais que sur elle-même. C'est de l'autofiction !
"C'est là que je réalise à quel point la frontière entre le journalisme et la littérature est finalement ténue. Que je ne suis pas du tout faite pour être journaliste, au fond. Aussi égocentrique que la profession puisse l'être, elle n'arrive pas à la cheville du narcissisme qui boursoufle un écrivain comme moi, incapable d'écrire sur quoi que ce soit d'autre que lui-même."
En ce qui concerne la prostitution, l'autrice est pour la légalisation. Entre occuper un emploi sans intérêt, mal payé, être soumise à un petit chef méprisant qui vous pince les fesses pour pas un rond et travailler à la Maison, son choix est vite fait. Vu comme ça, ça me paraît convaincant. En même temps, elle dit aussi à plusieurs reprises ses moments de lassitude ou ceux de ses collègues. Comme dans n'importe quel métier? Elle met aussi en avant le poids du jugement social qui peut rendre ce travail difficile à tenir sur la durée. En ce qui me concerne je suis plutôt d'accord avec elle. Il me semble en tout cas que, comme en toute chose, il est bien d'entendre l'avis des personnes concernées.
Ce qui m'a intéressée c'est qu'elle mène une réflexion sur la sexualité, le désir et la plaisir féminins et sur les relations entre hommes et femmes. Il y a des choses qui sont bien vues. C'est donc une lecture qui m'a déplu au départ puis que j'ai de mieux en mieux appréciée.
Tags : Récit autobiographique, Femmes
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