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Ernest J. Gaines, A lesson before dying, Vintage
Ernest Gaines est mort le 5 novembre 2019. Encore un auteur que je découvre à l'occasion de sa disparition. Ernest Gaines était né en 1933 dans une plantation de Louisiane. Sa famille vivait et travaillait sur les lieux mêmes où leurs ancêtres avaient été esclaves. L'action de ses romans se situe dans le cadre de vie qui a été le sien.
A lesson before dying. Quand je dis à mon fils que j'ai prévu de lire Gaines il me sort la version originale de Dites-leur que je suis un homme. La question de la langue est vite balayée : "Je l'ai lu quand j'étais en terminale, c'est facile".
Fusillade au débit de boissons. Le gérant (blanc) et les deux agresseurs (noirs) sont morts. Jefferson, un jeune Noir de 21 ans, est le seul témoin. Sa présence sur les lieux en fait un complice tout désigné. Il est condamné à mort. Pour le défendre son avocat commis d'office l'a présenté comme un porc, un animal stupide, issu de la jungle la plus profonde dans l'Afrique la plus noire, incapable d'organiser quoi que ce soit, même pas une agression.
Grant Wiggins, le narrateur, est instituteur à l'école de la plantation. Après le verdict il est prié par sa tante, Miss Louise, et la meilleure amis de celle-ci, Miss Emma, marraine de Jefferson, de rendre visite à ce dernier en prison. Elles souhaitent qu'il l'aide à retrouver sa dignité. Elles veulent que Jefferson meure en homme et non en porc.
La rubrique nécrologique du Monde nous dit que Gaines "avait consacré sa vie à décrire "son monde" qu'il ne trouvait dans aucun livre". C'est bien ce qu'il fait ici, notamment à travers son personnage de Grant Wiggins dont des éléments de la biographie sont inspirés de la propre vie de l'auteur. Les visites à la prison ne sont qu'une petite partie du roman. Surtout ce qui est raconté c'est la vie quotidienne de Grant Wiggins et de ses proches, ce que c'est que d'être noir à une époque de ségrégation (l'action se situe à la fin des années 1940).
L'école de la plantation prend place dans l'église. Les enfants ne sont scolarisés que cinq à six mois par an, le reste du temps ils sont employés aux travaux des champs. Peu éduqués, les Noirs de la plantation parlent leur propre langue, sorte de pidgin english grammaticalement incorrect. Les maintenir dans un état d'ignorance renforce chez les Blancs leur sentiment de supériorité. Grant qui a fait des études est regardé pour cela avec méfiance, jugé arrogant parce qu'il s'exprime comme les Blancs (ou même mieux qu'eux).
"We black men have failed to protect our women since the time of slavery".
J'ai beaucoup apprécié la façon dont Ernest Gaines montre à la fois la vie routinière des Noirs sur la plantation et les manifestations de violence et de mépris raciste dont ils sont régulièrement victimes; les conséquences dévastatrices sur l'estime de soi. Il y a de très bonnes trouvailles, particulièrement le chapitre qui traite de l'exécution de Jefferson en la présentant de façon indirecte, uniquement par la voix des témoins de cette journée. Cette lecture est une belle découverte et je pense que je reviendrai vers Ernest Gaines.
Tags : Roman, Etats-Unis, Disparition
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