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Margaret Atwood, Le temps du déluge, 10-18
Le temps du déluge est le deuxième tome d'une trilogie commencée avec Le dernier homme. Ce deuxième roman couvre la même période de temps que le premier mais vue à travers les yeux d'autres personnages, Ren et Toby, d'anciennes adeptes des Jardiniers de Dieu. Avant l'effondrement, les Jardiniers de Dieu sont une secte écologiste et survivaliste. Leur chef, Adam I°, est convaincu que l'humanité sera bientôt détruite par une grande pandémie, le Déluge des Airs. Il faut donc s'y préparer : "Nous devons être prêts quand viendra le temps où ceux qui ont violé la confiance des Animaux -oui, ceux qui les ont effacés de la surface de la Terre où Dieu les avait placés- seront emporté par le Déluge des Airs, cette plaie qu'apporteront sur leurs ailes les Anges noirs de Dieu filant dans la nuit, et les avions, et les hélicoptères, et les trains à grande vitesse, et les camions, et les autres moyens de transport. (...)
Edifions nos Ararats avec soin, mes Amis. Stockons-y notre prévoyance, en plus de nos légumes secs et de nos conserves. Et camouflons-les à la perfection.
Que Dieu nous arrache au filet de l'oiseleur, qu'il nous couvre de ses ailes pour que nous trouvions sous son pennage un abri, comme il est dit dans le psaume 91; et nous ne craindrons pas la peste qui marche en la ténèbre, ni le fléau qui dévaste à midi.
Puis-je vous rappeler à tous qu'il est d'une importance cruciale de se laver les mains au moins sept fois chaque jour, et chaque fois que vous avez rencontré un étranger. Il n'est pas trop tôt pour vous habituer à cette précaution essentielle.
Evitez tous les gens qui éternuent."
Les Jardiniers de Dieu vivent de jardinage, de récupération et de troc, ils préparent des stocks cachés de nourriture, les Ararats et enseignent à leurs enfants les gestes qui sauvent : distinguer les plantes qui soignent, qui nourrissent, qui tuent; chasser -mais uniquement en cas d'absolue nécessité car ils sont végétariens. Ren a été éduquée ainsi après que sa mère eut quitté le compound (une ville privée sécurisée appartenant à une grande compagnie) où elle vivait. Toby est plus âgée. Spécialiste des soins naturels elle est devenue une Eve, une des cheffes de la communauté. Toutes les deux ont dû cependant quitter la secte, à des moments et pour des raisons différentes mais lors de l'effondrement ce qu'elles y ont appris leur est d'un grand secours.
Construit comme Le dernier homme avec des aller-retour entre passé et présent Le temps du déluge apporte des précisions complémentaires sur la vie dans le monde d'avant, en dehors des compounds cette fois, les Jardiniers de Dieu vivant à la limite des plèbezones. Certains endroits des plèbezones peuvent être très dangereux. On y croise des plèberats, des enfants des rues qui survivent de rapine, et des gangs parfois à la solde des Corps, les Corporations, les grandes firmes qui dirigent le pays. Elles appuient aussi leur pouvoir sur le CorpSeCorps, leur police privée qui assure la sécurité des compounds et pourchasse les dissidents. Les Jardiniers de Dieu ne sont pas dans leur collimateur car ce groupe est non-violent et bénéficie donc de la sympathie du public. Ce serait trop couteux de les déclarer terroristes. Ce monde est celui où certains gestes qui passent pour engagés aujourd'hui se sont banalisés : on fonctionne à l'électricité solaire, on mange des sojacisses et des sojardines. Processus de récupération abouti au profit des grandes marques qui arrivent de plus à rendre désirables des choses peu ragoûtantes. Ainsi SecretBurgers porte ce nom car nul ne sait jamais quel type de protéine animale entre dans leur composition et CaféSympa développe des variétés de café OGM et exploite les producteurs.
J'ai beaucoup aimé cette lecture, j'ai trouvé ce deuxième tome encore meilleur que le premier. Il y a beaucoup plus de personnages et donc plus d'action. J'ai apprécié la façon dont Margaret Atwood fait le lien entre les deux romans. On retrouve, à l'occasion, certains événements déjà présentés dans Le dernier homme mais vus par quelqu'un d'autre. Cela complète la connaissance qu'on a des personnages. L'autrice nous informe dans les remerciements que les noms attribués à certains personnages sont ceux de quidam qui ont participé à des ventes aux enchères au profit d'associations caritatives. J'ai trouvé cela amusant. Les Jardiniers de Dieu chantent des cantiques qui ont été mis en musique par Orville Stoeber
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L'avis d'Henri, celui de Keisha.
Tags : Roman, Femmes, Ecologie
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