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Matthew Henson, Journal d’un explorateur noir au pôle nord, Zones sensibles
Lorsque Robert Peary (1856-1920) atteignit le pôle nord le 6 avril 1909, il était accompagné de Matthew Henson (1866-1955), son assistant afro-américain. En fait, si Peary et Henson ont bien atteint le pôle nord ce jour-là, ce qui est sujet à discussion, ce sont Henson et les quatre Inuits Ootah, Egingwah, Seegloo et Ooqueah qui y sont arrivés les premiers. L’histoire n’a longtemps retenu que le nom du « découvreur » blanc et Peary retira seul honneurs et richesse de l’exploit.
Né dans le Maryland, Matthew Henson est orphelin à huit ans. A douze ans il s’embarque comme garçon de cabine dans la marine marchande et navigue à travers le monde. Il s’instruit sous la houlette du capitaine Childs qui l’a pris sous son aile. Il fait ensuite la connaissance de Peary qu’il accompagne dans ses expéditions polaires à partir de 1891. A ces occasions il fait de longs séjours chez les Inuits de l’ouest du Groenland dont il apprend la langue, les coutumes et les techniques de survie par grand froid. Il devient ainsi un auxiliaire indispensable pour Peary. Après plusieurs tentatives de rallier le pôle nord, Peary y parvient finalement en 1909. C’est cette dernière expédition qui nous est racontée ici.
L’expédition dure plus d’un an car il faut arriver l’été sur la côte nord du Groenland, quand un bateau peut naviguer, puis y passer l’hiver en préparant traîneaux et provisions. La marche au pôle proprement dite débute le 1er mars 1909. Les explorateurs affrontent des températures glaciales (jusqu’à moins 45° C), des chutes de neige ou du blizzard qui les empêchent d’avancer, des courants d’eau qu’il faut franchir. Parfois ils doivent se frayer un chemin à la pioche dans les blocs de glace dentelés de la banquise. Matthew Hanson fait bien ressentir les très dures conditions de voyage et le rôle primordial qui est le sien. Il porte un regard critique sur les échanges commerciaux qui ont lieu entre ses « amis les Esquimaux » -comme on les appelait à l’époque- et Peary, qu’il juge parfois injustes pour les autochtones. Il est conscient que l’existence traditionnelle de ces derniers est menacée par l’introduction du tabac et de l’alcool et l’extermination du gibier.
Cet intéressant récit est traduit et préfacé par Kamel Boukir, sociologue. La longue préface (50 pages) contextualise la place de Matthew Henson, Noir au tournant des 19° et 20° siècles, et sa relation avec Robert Peary, personnage qui n’apparaît pas comme très sympathique, pilleur de ressources, fournisseur de zoos humains. Si le fond est éclairant, je déplore la forme qui abuse de citations et de formulations absconses : on aurait pu dire les choses plus simplement, il me semble. Cette volonté d’impressionner par son style tranche avec une traduction truffée d’erreurs de français : concordance des temps, conjugaison du passé simple (je battus, nous furent), orthographe (chapoter, le dégèle, la chaire humaine), vocabulaire (des provisions allongées sur le sol, habilité pour habileté)… Il a manqué un vrai travail de correction de la part de l’éditeur. C’est d’autant plus dommage qu’il y a un soin apporté à la forme de l’ouvrage avec la belle couverture et des photos grand format d’expéditions polaires de Henson et Peary.
Tags : Voyage
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