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Anne Brontë, La dame du manoir de Wildfell Hall, Archipoche
Quand la belle et mystérieuse Helen Graham vient s'installer avec son jeune fils dans le manoir délabré de Wildfell Hall, tout le voisinage se pose des questions. Il faut dire que cette gentry campagnarde oisive n'a pas grand chose d'autre à faire. Gilbert Markham, propriétaire terrien des alentours, est séduit par la jeune femme. Il en néglige Eliza Millward, la fille du pasteur, avec qui il flirtait auparavant. Celle-ci va se charger de colporter des ragots sur Helen.
La rancune d'Eliza trouve des oreilles complaisantes tant Helen Graham choque déjà par ses choix de vie, elle qui vit de sa peinture et ne se sépare pas de son fils de cinq ans, Arthur. Sur l'éducation de ce petit il y a une scène remarquable quand l'enfant refuse un verre de vin que lui propose Mrs Markham, la mère de Gilbert. Quand il apparaît que le comportement d'Arthur est le résultat de son éducation, toute la société prend Helen pour une mauvaise mère : "Votre fils sera certainement la plus mouillée de toutes les poules mouillées. Quelle sorte d'homme va-t-il devenir si vous vous obstinez à..."
Anne Brontë prend clairement le parti de son héroïne et, au passage, égratigne aussi le pasteur qui professe que refuser l'alcool c'est refuser un don de dieu.
Car la religion est très présente dans ce roman. La religion telle que la conçoivent l'opinion publique et le pasteur, plutôt d'apparences, et la religion d'Helen Graham, toute soumise à ce qu'elle considère comme la volonté de dieu. A la parution du roman, en 1848, le personnage a choqué. Pourtant sa vie est entièrement tournée vers la préparation de la mort et elle est convaincue qu'elle sera récompensée de ses souffrances dans l'au-delà. Je suis fascinée par une conversation qu'elle a avec Gilbert qui l'interroge sur la possibilité qu'ils soient enfin réunis au paradis et sur les conditions dans lesquelles cela pourra se faire.
Le sentiment de faire son devoir permet à Helen de supporter le mépris et le mauvais comportement dont elle est victime de la part de son mari et c'est uniquement quand elle estime que son fils est menacé qu'elle se résout à quitter le domicile conjugal.
S'il paraît évident que le sort des femmes s'est sacrément amélioré depuis le milieu du 19° siècle je retrouve néanmoins quelques situations intemporelles comme lorsque Helen est victime de harcèlement (non pas de rue mais de salon) de la part d'un ami de son mari qui ne comprend pas pourquoi elle n'accepte pas de devenir sa maîtresse puisqu'il paraît évident que ledit mari ne l'aime plus. Quand elle réitère son refus, il la traite carrément de frigide : "Je suis convaincu que vous êtes la créature la plus froide, la plus ingrate, la plus dépourvue de coeur, la moins naturelle que la terre ait jamais porté". Le style a changé, le procédé et le contenu non.
Parce que j'y ai trouvé à la fois certaines façons de penser exotiques par leur décalage avec l'époque contemporaine et d'autres qui restent complètement d'actualité, ainsi que les comportements humains, j'ai beaucoup apprécié ce roman. Il est en outre fort bien écrit. Une lecture que j'ai dévorée.
L'avis de Madame lit.
Tags : Roman, Femmes
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Commentaires
Je crois que je l'ai dans ma PAL. Il va falloir que je vérifie, j'ai bien envie de le lire :-). Moi aussi, je trouve que les mentalités changent peu envers les femmes...
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Samedi 9 Février 2019 à 13:44
On a pris du recul par rapport à la religion, ce qui est une bonne chose et un progrès mais le patriarcat résiste encore, hein ?
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Un excellent souvenir de lecture!!! Une héroïne attachante (je ne me souvenais plus de cette histoire de verre de vin ^_^)
Une lecture très plaisante, en effet.