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Elena Ferrante, Le nouveau nom, Folio
Dans ce deuxième tome de L'amie prodigieuse, nous suivons la jeunesse des héroïnes, entre 16 et 23 ans, au milieu des années 1960.
Mariée à 16 ans, Lila a découvert le soir même de son mariage que son mari lui avait menti sur un sujet qui lui tient à coeur. Et elle n'est pas du genre à faire comme si de rien n'était. La vie matrimoniale commence mal. Pendant ce temps Elena, la narratrice, poursuit ses études au lycée puis à l'école normale à Pise. Plus que par l'éloignement géographique, les deux amies sont séparées par leurs modes de vie qui diffèrent de plus en plus. Leurs retrouvailles, de loin en loin sont généralement intenses, comme l'été qu'elles passent ensemble à Ischia, au bord de la mer. Les relations ne sont jamais faciles. La compétition, voire l'affrontement, ressurgissent régulièrement.
Je retrouve avec grand plaisir les héroïnes d'Elena Ferrante. Si la narration apparaît centrée autour de Lila et des péripéties de son mariage, j'apprécie particulièrement la description des sentiments et des réactions d'Elena confrontée à son changement progressif de milieu social.
Elle a peur de ne pas savoir se débrouiller dans un cadre nouveau : "Je quittai Naples et la Campanie pour la première fois. Je découvris que j'avais peur de tout : peur de rater le train, peur d'avoir envie de faire pipi et de ne pas savoir où aller, peur qu'il fasse noir et que je ne parvienne pas à m'orienter dans une ville inconnue, peur d'être dévalisée. Je mis tout mon argent dans mon soutien-gorge, comme le faisait ma mère, et vécus des heures de méfiance et d'anxiété qui rivalisaient avec un sentiment croissant de libération".
Elle montre patte blanche pour être acceptée par ses camarades : "Je réduisis autant que possible mon accent napolitain. Je réussis à prouver que j'étais douée et digne d'estime mais sans jamais avoir recours à un ton arrogant, en ironisant sur ma propre ignorance et en feignant d'être moi-même surprise de mes bons résultats. J'évitais surtout de me faire des ennemis".
Mais toujours, quelques soient ses réussites, elle est habitée par le sentiment d'être une impostrice et d'avoir usurpé sa place. Ce sentiment est renforcé par le fait qu'elle constate que ses camarades, issus de familles bourgeoises, ont grandi dans un environnement culturel dont elle n'a pas bénéficié, qu'ils ont fait leur cette culture, se la sont appropriée naturellement tandis qu'elle a du la découvrir dans les livres. Ses interventions sur des sujets nouveaux pour elle -littérature, politique- lui apparaissent artificielles et elle est toujours surprise de susciter de l'intérêt chez ses interlocuteurs.
Je m'attache aussi aux seconds rôles, bien décrits, notamment la malheureuse et pitoyable Pinuccia. Enfin je veux dire que je trouve tout ceci très bien écrit. L'auteure donne régulièrement de petits détails en apparence anodins et qui confèrent à son texte la force du vécu.
L'avis d'Eva.
Tags : Roman, Femmes
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