-
Jean-Baptiste Malet, L'empire de l'or rouge
Enquête mondiale sur la tomate d'industrie. La tomate d'industrie est une tomate hybride de forme oblongue. Elle contient moins d'eau qu'une tomate "classique" et sa peau est épaisse : elle n'éclate pas même si elle est jetée au sol. Ainsi elle résiste à la récolte mécanique et arrive entière à l'usine où elle est transformée en concentré de tomates. Ce concentré permet ensuite la fabrication de tous les produits industriels agro-alimentaires à base de tomates : sauce, ketchup, soupe, pizzas... Jean-Baptiste Malet a voyagé en Chine, aux Etats-Unis, en Italie et en Afrique sur les lieux de production, de transformation et de consommation des tomates d'industrie. Il y a découvert une filière opaque et très lucrative, un modèle en ce qui concerne les méfaits de la mondialisation, à vous dégoûter de manger des aliments industriels à base de tomates.
En Chine : La Chine est le deuxième producteur mondial de tomates d'industrie. Les tomates sont cultivées majoritairement au Xinjiang (la région du Nord-ouest de la Chine où vivent les Ouïgours) puis transformées en concentré de tomates après récolte. La Chine est le premier exportateur mondial de concentré de tomates. Les Chinois mangent peu de tomates. Au Xinjiang la récolte n'est pas mécanisée. Elle est faite à la main par des employés sous-payés, voire par des prisonniers du laogaï, le goulag chinois.
Aux Etats-Unis : Fondée à la fin de 19° siècle à Pittsburg, la Heinz Company a été une des premières entreprises à produire à la chaîne de façon automatisée, avant même les usines Ford. L'auteur nous la présente comme le "berceau mondial de l'agro-industrie". Pour fabriquer son fameux ketchup Heinz utilise des tomates cultivées en Californie mais de plus en plus du concentré chinois. Aujourd'hui Heinz est le premier acheteur de concentré au monde.
En Italie : L'Italie est devenue une productrice majeure de tomates d'industrie pendant la période fasciste. Dans le Sud du pays elles sont récoltées par des immigrés clandestins surexploités et une partie de la production est aux mains de la mafia. Aujourd'hui les entreprises du pays importent surtout beaucoup de concentré chinois. On y ajoute de l'eau, du sel, et voilà du coulis "fabriqué en Italie". Quand les produits transformés sont exportés ensuite hors de l'Union européenne il n'y a même pas de droits de douane à payer.
En Afrique : L'Afrique est une grosse consommatrice de concentré de tomates dont les trois quarts viennent directement de Chine (le reste vient d'Italie mais on a vu précédemment d'où vient le concentré italien...). Pour des entreprises chinoises peu regardantes, l'Afrique est la destination où écouler les lots de concentré trop vieux. Parfois il est même devenu noir. On y ajoute alors eau, amidon, dextrose, colorant rouge et en boîtes ! Sur l'étiquette : "Ingrédients : tomates, sel".
Et en France ? Si la provenance des tomates (et non pas du produit fini) n'est pas indiquée, alors il y a fort à parier que le concentré vienne de Chine, surtout si c'est du premier prix.
Ce n'est pas toujours très ragoûtant ce que l'on lit là mais c'est instructif et utile. Jean-Baptiste Malet présente ses pérégrinations à travers le monde de manière vivante, il aborde tous les aspects de son sujet: historiques, géographiques, économiques, politiques. J'ai apprécié cette lecture qui m'a confirmé qu'il fallait éviter de manger des aliments en provenance de Chine, éviter de manger des aliments transformés par l'industrie agro-alimentaire, quand on le fait éviter le premier prix.
Tags : Journalisme, Chine, Etats-Unis, Afrique
-
Commentaires
J'avais été intéressé par ce bouquin que j'ai fini par apporter au "circul'livres" de l'AMAP dont je fais partie.
Je me rappelle la petite lueur d'espoir: quand, en Italie, l'auteur visite un "renégat" d'une famille d'industriels, qui s'accorde à une velléité de proposer du "simple" concentré de tomates bio et local, et qui lui fait déguster sa production en disant quelque chose comme "hein, que ça n'a rien à voir?" (avec du double ou triple concentré rallongé d'eau...).
C'est sûr que c'est une lecture qui motive pour s'approvisionner dans des circuits alternatifs.