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Margaret Atwood, Captive, Robert Laffont
En 1843, à l'âge de 16 ans, Grace Marks a été accusée d'avoir participé à l'assassinat de son patron, Thomas Kinnear et de Nancy Montgomery, gouvernante et maîtresse de ce dernier. Grace était domestique. Elle et son complice, James McDermott, sont condamnés à mort mais, vu son jeune âge, la peine de Grace est commuée en détention à perpétuité.
En 1859 Grace est détenue au pénitencier de Kingston où elle est une prisonnière exemplaire, employée comme servante dans la maison du directeur. Un petit comité de libération s'est constitué autour d'elle, qui travaille à obtenir sa grâce complète. Pasteur méthodiste, dames patronnesses adeptes du spiritisme, ces gens sont convaincus que Grace est innocente, qu'elle a été obligée de participer au crime par McDermott voire qu'elle n'avait pas toute sa raison au moment des faits. Ils font appel aux services du dr Simon Jordan, un jeune aliéniste qui est chargé d'interroger Grace pour découvrir ce qu'il en est. Il va tenter de faire émerger les souvenirs de sa patiente en pratiquant une sorte d'analyse avant l'heure.
Pour cet excellent roman Margaret Atwood s'est inspirée d'un fait divers réel qui a défrayé la chronique au Canada au début du 19° siècle. L'action se déroule dans la région de Toronto. Grace raconte son histoire au dr Jordan depuis son enfance en Irlande dans une famille aux nombreux enfants et au père alcoolique et violent. La famille émigre au Canada. La mère meurt durant le voyage, Grace devient domestique alors qu'elle n'a pas 14 ans. Dans ces chapitres, c'est elle la narratrice. Alors que je me demande si elle est coupable ou pas, je découvre une femme intelligente qui est rarement spontanée. Tout ce qu'elle dit ou fait semble l'être en fonction de ce qu'elle imagine que les autres attendent d'elle. Il me semble que Margaret Atwood montre bien ainsi le carcan dans lequel sont emprisonnées les femmes à l'époque, surveillées et si facilement accusées d'immoralité. C'est encore pire pour les domestiques, privées d'intimité, menacées d'abus sexuel de la part de leur patron et qui perdraient leur logement en même temps que leur emploi si elles envisageaient de se plaindre.
L'autre personnage dont l'autrice explore la psyché est le dr Simon Jordan. Les passages qui le concernent sont présentés en focalisation externe.
J'ai beaucoup apprécié ce roman. D'abord pour l'analyse psychologique qui est faite des personnages, les questions que cela amène à se poser et enfin pour le cadre historique du Canada au début du 19° siècle et plus particulièrement les conditions d'existence des domestiques. Alors que j'en étais au début de ma lecture j'ai découvert qu'il y en avait eu une adaptation en six épisodes sur Netflix et je l'ai donc regardée en parallèle. Sous le titre de Alias Grace -le titre original du roman- c'est une adaptation fidèle. Des passages du texte du roman sont repris quasi à l'identique. Il m'a semblé cependant que, par rapport au livre, il manquait de l'épaisseur à la version télé. Tout ce qui concerne l'imagination, les rêves ou les fantasmes des personnages a perdu en force en étant montré. Mais j'ai apprécié de mener les deux de front car la série est aussi venue renforcer la lecture : il y a des passages auxquels je n'avais pas fait particulièrement attention et dont j'ai mieux saisi l'importance.
Tags : Roman, Histoire, Femmes, Folie
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Commentaires
J'ai été assez déçue pour ma part. J'étais très enthousiaste, mais je trouve que le refus de l'auteur de prendre parti casse la pertinence de son propos.
Il m'a semblé que la question, en fait, n'était pas de savoir si elle était coupable ou pas mais plutôt de traiter de la condition féminine et plus particulièrement de celle des domestiques.