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Martin Amis, Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre, Folio
L'écrivain britannique Martin Amis est mort de 19 mai 2023. Il était né en 1949. L'enfant terrible des lettres anglaises aimait choquer (il se revendiquait arrogant, misogyne et élitiste) et a exercé son talent de satiriste pour attaquer les travers de la société occidentale capitaliste.
Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre. Originaire d'une banlieue pauvre de Londres, Lionel Asbo est un petit malfrat caractériel et hyper violent qui, à 21 ans, a déjà passé plusieurs années en centres fermés pour mineurs ou en prison. A le voir agir, telle Slimane à propos d'OSS 117 dans Le Caire nid d'espions, parfois "je me demande s'il est complètement con ou très intelligent". Depuis la mort de la mère de celui-ci, il s'occupe néanmoins de son neveu Desmond, 15 ans. Quand Lionel gagne 140 millions de livres à la loterie il devient la coqueluche des tabloïds et fréquente stars de la téléréalité et du show business. L'auteur trace un portait au vitriol de cette société du clinquant, particulièrement bien représentée par "Threnody", la petite amie de Lionel, entièrement occupée de faire parler d'elle plus et mieux que Danube. Desmond apparaît comme l'exact opposé de Lionel : gentil garçon, intelligent, honnête et sensible. Il est conscient des défauts de son oncle mais il aime cet homme qui le lui rend bien mal.
Martin Amis décrit des situations parfois très trash et j'ai vu dans les commentaires sur Babélio que des lecteurs en avaient été rebutés. Si les comportements de certains personnages peuvent sembler caricaturaux, l'analyse psychologique, par contre, me paraît très juste. J'en arrive presque à avoir pitié de Lionel, inadapté incapable d'aimer, qui pense que "la prison, c'est pas si mal. En prison, tu sais à quoi t'en tenir". L'auteur est enfin capable de parler de façon émouvante de l'amour émerveillé de jeunes parents pour leur enfant nouveau-né et je me suis particulièrement attachée au devenir de Desmond. C'est donc une lecture que j'ai appréciée.
La quatrième de couverture nous promettant "un portrait au vitriol de l'Angleterre d'aujourd'hui", je me suis demandée en quoi cette oeuvre pourrait être comparée au travail de Jonathan Coe. Bilan : avec Jonathan Coe on est chez les classes moyennes intellectuelles, avec Martin Amis chez le sous-prolétariat. Chez Jonathan Coe la critique est directement politique, chez Martin Amis elle est sociale, en tout cas il n'y a aucune allusion à la situation politique du pays. Mais quand Lionel remarque que sa mère, âgée de 45 ans, est physiquement aussi vieillie que des hommes riches de 80 ans, il y a bien là aussi une critique politique, il me semble.
L'avis de La petite liste.
Tags : Disparition, Roman
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Commentaires
j'ai lu des livres de cet auteur mais j'ai un peu oublier je ne te sens pas totalement conquise par ce livre mais je me trompe peut être.
Je l'ai plutôt apprécié et le fait d'avoir à y réfléchir pour écrire ce compte rendu m'a permis d'en voir des qualités qui ne m'avaient pas sauté à l'oeil du premier coup.