• Yves Pourcher, Pierre Laval vu par sa fille, Texto

    Yves Pourcher, Pierre Laval vu par sa fille, TextoD'après ses carnets intimes

    Josée (1911-1992) était la fille unique de Pierre Laval. Le père et la fille avaient une relation privilégiée faite d'amour et d'admiration réciproques et qui n'a jamais faibli. Jeune fille, Josée Laval accompagne son père -alors président du conseil- dans ses déplacements officiels. Elle remplace sa mère qui n'aime pas les mondanités. En 1935 elle épouse René de Chambrun et en 1936 elle commence à tenir des carnets dans lesquels elle note, en abrégé, les événements de sa vie. C'est sur cette matière première que s'est appuyé Yves Pourcher pour rédiger son livre. Il a eu accès aussi à la correspondance de Josée Laval.

     

     

    La vie de Josée Laval est une vie de mondanités où l'argent n'est jamais un problème. Elle mange au restaurant plusieurs fois par semaine, elle va dans des soirées où elle rencontre le tout Paris, aux défilés des grands couturiers chez qui elle s'habille, le week-end aux courses pour parier. Avec son mari qui a la citoyenneté américaine, ils voyagent beaucoup, vers les Etats-Unis jusqu'à trois fois par an (trajet en bateau qui dure cinq jours). Ces activités sont à peine perturbées par l'Occupation (seuls les voyages aux Etats-Unis sont suspendus). Dans ses carnets, elle continue d'énumérer ses rencontres. Maintenant, des noms allemands se mêlent aux français. Parmi les Français, collaborateurs politiques ou mondains, on retrouve très fréquemment René Bousquet, Jean Jardin, Paul Morand, Coco Chanel et Arletty.

     

     

    Cette vie déconnectée du réel m'a fascinée. Je me suis demandée pendant un bout de temps quelle était la position de l'auteur qui livre souvent le document sans jugement personnel. Et puis, sans avoir l'air d'y toucher, il dit les choses. Ainsi à propos de la rafle du Vel' d'hiv :

    "Le lieutenant Gerhard Heller de la Propaganda-Stafel dira plus tard : "Lorsque j'appris les massacres des ghettos et des camps d'extermination, que je vis en juillet 1942, les files d'enfants juifs conduits vers des wagons à bestiaux à la gare d'Austerlitz, j'eus les yeux définitivement ouverts par ces horreurs."

    Ce jour-là, René de Chambrun gagne aux courses de Maison-Laffitte. Maurice d'Arhempé et Raimu passent voir Josée et ils restent dîner. Le lendemain, Benoist-Méchin vient pour le repas du soir. Il accepte de prendre le chien qu'elle a trouvé et qu'elle a appelé Hyménée."

    Cela me fait penser au "Rien" marqué à la date du 14 juillet 1789 par Louis 16 dans son carnet de chasse.

     

     

    A aucun moment Josée ne s'oppose aux choix politiques de son père qu'elle considère comme un patriote, voire même un résistant. Son exécution en octobre 1945 est pour elle un assassinat. Elle ne s'en est jamais remise et s'est dès lors consacrée au culte de Laval. A une amie qui lui demande : "Tu travailles à la réhabilitation de ton père ?", elle répond : "Est-ce qu'on réhabilite Jésus-Christ ?". Autour d'elle s'est constitué un petit groupe de fidèles.

     

     

    La description de la France des années 1930 renvoie parfois de façon troublante à la situation actuelle : "Dans une France en crise où le nombre des chômeurs ne cesse de grossir, les gouvernements se succèdent sans résultats tangibles. Le mécontentement est général et la menace extérieure, depuis qu'Hitler a pris le pouvoir en Allemagne, inquiète. Exploités par la presse, L'Action française, Candide et Gringoire en tête, les scandales jettent le discrédit sur la classe politique".

    Cette lecture m'amène ainsi à me poser des questions sur les choix individuels. Où commence la collaboration ? Je vois des acteurs célèbres qui continuent de jouer dans des salles dont le public est composé en partie des forces d'occupation. En même temps, il faut bien vivre. Et puis je lis la relation du scandale causé par la mise en scène d'Andromaque par Jean Marais et je comprends que jouer peut aussi être une forme de résistance.

     

     

    J'ai trouvé cet ouvrage passionnant. Contrairement à ce que m'avait laissé penser le titre, le sujet n'est pas Pierre Laval mais plutôt Josée et la relation entre Josée et Pierre. Je suis obligée de dire que leur amour inconditionnel humanise ce dernier et le rend presque sympathique. Ca m'a donné envie de lire maintenant une biographie de Laval ou une histoire de Vichy.

     


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 14 Mai 2017 à 06:44

    Je note avec intérêt ce titre et j'aimerais aussi, comme tu le suggères, lire une biographie de Laval. C'est intéressant de voir le positionnement qu'a la fille par rapport à son père. Je trouve qu'on a souvent deux réactions très différentes dans ces situations : l'adoration inconditionnelle et donc un regard tronqué d'une part (c'est le cas ici) et le rejet brutal d'autre part.

      • Dimanche 14 Mai 2017 à 12:51

        En matière de rejet brutal il faut reconnaître que Laval a cristallisé toutes les haines. L'ouvrage rappelle aussi les attaques liées à son physique : juif, bohémien...

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