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Leonardo Padura, Electre à la Havane, Métailié
On découvre, dans le bois de la Havane, le corps d'un jeune homosexuel assassiné par strangulation. Au moment de sa mort Alexis Arayàn était vêtu d'une belle robe rouge, conçue en 1971 par le metteur en scène Alberto Marquès pour la pièce Electra Garrigó de Virgilio Piňera (laquelle mise en scène n'a jamais été jouée, Marquès ayant été envoyé en rééducation peu avant). Chassé de chez lui par son père, Alexis s'était réfugié chez Marquès, homosexuel également.
Voilà Mario Conde obligé d'enquêter dans le milieu homosexuel de la Havane. Et cela lui pose un vrai problème car, il le reconnaît lui-même, il a des préjugés contre les homosexuels. Cependant, à force de fréquenter le Marquès, le Conde fini par apprécier en lui l'homme intelligent et cultivé, au point de lui faire lire une nouvelle qu'il a rédigée. Si l'homophobie affichée du héros me dérange, j'apprécie qu'il soit capable d'évoluer sur ce point. Par contre les choses restent très confuses dans sa tête : entre homosexuel, travesti et transgenre, il ne fait pas bien la différence.
De plus, si Conde se pose des questions sur ce qu'il peut ressentir vis à vis des homosexuels, il n'a par contre aucun recul quant à son racisme et son sexisme. Voici ce qui lui vient à l'esprit alors qu'il mate une femme dans la rue :
"... le pas prodigieux de cette femme non moins prodigieuse qui combinait brutalement tous les attraits : les très longs cheveux blonds, lourds et langoureux, retombaient sur des fesses chevauchables d'esclave affranchie, un cul au profil strictement africain, dont les rondeurs aux muscles bien dessinés redescendaient à travers deux cuisses compactes vers des chevilles d'animal sauvage. Le visage -le Conde était de plus en plus étonné- n'était pas inférieur à cette arrière-garde invincible : des lèvres de papaye mûre prenaient le dessus sur deux petits yeux asiatiques délurés, définitivement mauvais, avec lesquels, à la hauteur du théâtre où s'acheva la poursuite et la fouille optique, elle regarda un instant le Conde avec une arrogance orientale avant de le rejeter sans appel. La grande salope, elle sait qu'elle est drôlement bien foutue et elle y prend du plaisir. Elle est tellement bien foutue que moi je serais capable de la tuer..."
Alors là, c'est la totale ! Rapide analyse : préjugés racistes : Noire = esclave = animal sauvage ; Asiatique = mauvaise = arrogance. Préjugés sexistes : femme = grande salope. Et cette scène de harcèlement de rue sans parole nous mène au féminicide.
A la fin notre héros se demande, au sujet du meurtre sur lequel il enquête, "pourquoi il pouvait se passer dans le monde des événements aussi terribles". Eh, sans doute parce qu'il y en a d'autres qui ont les mêmes préjugés que toi mais que tous n'ont pas le cadre moral qui les empêche de passer à l'acte !
Je dois dire que je supporte de moins en moins cette vision de l'homme blanc hétérosexuel comme norme de l'humanité qui m'a vraiment gênée ici alors que j'ai retrouvé aussi ce qui me plaît habituellement chez Leonardo Padura, la critique très claire du régime cubain et la belle écriture.
Tags : Policier, Communisme, Amérique latine
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Commentaires
Ca fait mille fois que je note cet auteur. Je compte bien le lire mais je me suis lancée dans les polars japonais... PS : Tu sais, je ne sais pas si ce n'est pas une vision du monde que l'auteur montre et qui est assez juste. Je suis train d'écouter Selfie et les personnages sont racistes et mauvais, mais c'est la société qui est montrée, sans être enjolivée ! PS 2 : Dans une adaptation filmique de Adler Olsen, on parle de ça aussi. Des gens ne veulent pas que Hassad rentre et l'appelle l'étranger... Mais ce sont les gens qui sont comme ça, me semble-t-il !
Que le monde soit comme ça, c'est une chose (qu'on n'est pas obligé d'accepter, non plus) mais quand c'est le héros, qui est sensé être un type bien, qui trimballe ces préjugés, ça me gêne vraiment. Je suis d'autant plus déçue que je ne me souviens pas avoir noté ça dans les précédentes aventures de Conde que j'ai lues (précédentes dans ma lecture mais postérieures dans l'écriture, ce qui explique peut-être l'évolution). Je crois que les préjugés sexistes sont parmi les plus ancrés et tellement bien ancrés que l'on peut les véhiculer sans en avoir conscience, c'est pourquoi il me semble important de les faire apparaître.