• Louis-Georges Tin, L'invention de la culture hétérosexuelle, Autrement

    Louis-Georges Tin, L'invention de la culture hétérosexuelle, AutrementNous vivons dans un monde où l'hétérosexualité est la norme et le couple hétérosexuel considéré comme "naturel". Louis-Georges Tin montre cependant qu'il s'agit d'une construction de la culture et qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Notre société hétérosexuelle s'est mise en place au 12° siècle avec l'émergence de la littérature courtoise. Cette mise en place a suscité des résistances. Il s'agit d'abord de la résistance des chevaliers. Avant le 12° siècle ceux-ci partageaient des amitiés viriles très fortes, on parlait d'amour. Les femmes et leur compagnie étaient méprisées, on ne se mariait que pour avoir une descendance.

    L'Eglise, ensuite, rejette le couple hétérosexuel car elle privilégie l'abstinence.

    Les médecins, enfin, rédigent des traités sur la "maladie d'amour" et comment s'en guérir.

     

     

    L'auteur montre aussi comment la culture courtoise, dans laquelle les femmes sont courtisées et célébrées, n'est qu'en apparence une promotion nouvelle pour elles : "si le 12° et le 13° siècles furent des époques d'idéalisation du féminin, ces époques renforcèrent aussi les normes et le contrôle sur les femmes, la chasse aux sorcières n'étant qu'un cas extrême témoignant de cette rigueur nouvelle. En définitive tout se passe comme si le discours sur la Femme, ce qu'elle est, et surtout ce qu'elle doit être, impliquerait d'une part de glorifier une image fantasmée du sexe féminin, et d'autre part de châtier les femmes qui semblaient trop s'éloigner de cet idéal tyrannique."

    Je retiens aussi sa description de l'amour conjugal comme moyen de domination des femmes au 20° siècle: "A travers le culte de l'amour, il s'agissait de susciter chez les femmes une soumission enchantée à l'ordre symbolique. Elles étaient ainsi invitées à désirer naturellement la structure par laquelle elles étaient socialement dominées."

    Même si l'auteur reconnaît lui-même qu'il a principalement adopté un point de vue masculin dans cet ouvrage, le questionnement sur l'hétérosexualité passe par une réflexion sur le sort des femmes.

     

     

    J'ai beaucoup apprécié cette lecture et plus particulièrement la partie sur la chevalerie. Louis-Georges Tin est un intellectuel comme je les apprécie : spécialiste de littérature française il connaît vraiment bien sa partie et sait la mettre à la portée du lecteur de façon accessible. C'est le genre d'ouvrage qui fait que l'on se sent plus intelligent. La réflexion est convaincante et c'est bien écrit avec souvent une pointe d'humour un peu ironique.

    Cette lecture qui m'a été recommandée par mon entourage LGBTQ m'ouvre les yeux sur cette culture hétérosexuelle omniprésente dans laquelle nous vivons sans bien toujours en être conscients. Je réalise combien certaines situations doivent être difficiles pour les personnes qui ne s'y reconnaissent pas. Je pense par exemple à une conversation entre des collègues de travail : une jeune femme s'inquiète de ce que son fils de 6 ans lui a fait part de son souhait de faire de la danse. "Mais, c'est pour les filles, tu vas t'ennuyer". Un homme intervient pour rassurer la mère : "ton fils a tout compris, il les aura toutes pour lui". Cette grille de lecture est-elle la seule possible ? Et si ce petit garçon avait simplement envie de faire de la danse ? Et si, par ailleurs, il était homosexuel ?

     


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 24 Août 2016 à 20:26
    sentinelle

    Quelle intéressante lecture, que je m'empresse de noter. Merci pour ce commentaire !

      • Jeudi 25 Août 2016 à 09:12

        Oui, une lecture qui donne à réfléchir.

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