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Sophie Kovalevskaïa, Une nihiliste, Libretto
Vera Barantsova est une jeune femme de la petite noblesse russe qui a grandit dans le domaine rural de ses parents. Leur voisin est un libéral assigné à résidence pour raisons politiques. Il devient le professeur de Vera. A son contact elle prend conscience du sort misérable du peuple et éprouve le désir d'être utile à la "cause" (révolutionnaire). Elle monte à Saint Pétersbourg et frappe à la porte de la narratrice pour lui demander conseil. Cela se passe dans les années 1860. Les nihilistes sont alors des contestataires qui rejettent l'autorité (des parents, de l'Eglise, de l'Etat) et donnent la priorité aux études scientifiques et à l'émancipation personnelle. La majorité d'entre eux sont des étudiants d'origine noble.
La majeure partie de ce court roman est consacrée à l'enfance et à la formation de Vera. Ses parents manquent de sens pratique, vivent sur un grand pied et dépensent plus que ne les y autorisent les revenus de leurs terres. L'abolition du servage fini de les mettre dans l'embarras. Cet épisode et ses répercussions sont présentés de façon détaillée. Vera est alors âgée d'une douzaine d'années et c'est la première fois qu'elle prend conscience d'une discordance entre le récit familial et le vécu des domestiques.
L'autre événement qui est bien décrit est un vaste procès politique de nihilistes où sont jugés 75 accusés que l'Etat veut faire passer pour de dangereux terroristes. C'est à l'issue de ce procès que Vera conçoit la façon dont elle peut s'engager au service des révolutionnaires. C'est un engagement quasi religieux -il s'agit d'être une sainte et martyre politique- qui correspond à son âme exaltée et renvoie au rêve qu'elle faisait, enfant, de partir comme missionnaire en Chine. J'ai trouvé très intéressants ces aspects historiques et politiques.
Sophie Kovalevskaïa (1850-1891) a mis un peu d'elle-même dans ses personnages féminins (la narratrice et Vera). Une intéressante préface me permet de découvrir le contexte politique de son temps et son existence peu commune. Elle fait des études de mathématiques malgré les difficultés que cela présente pour une femme à l'époque. Elle est la première femme à devenir docteure en mathématiques d'une université allemande, la première au monde à occuper une chaire de mathématiques (à l'université de Stockholm -"Une monstruosité telle qu'un professeur de mathématiques féminin est fâcheuse, inutile et désagréable" August Strindberg).
Elle participe à la Commune de Paris avec sa soeur Anna. Je découvre avec surprise que le Paris insurgé a été le rendez-vous de nombreux jeunes Russes aristocrates et révolutionnaires. C'est peut-être le moment de lire quelque chose sur ces événements vu que le 150° anniversaire en arrive. Je serais intéressée aussi par une biographie de Sophie Kovalevskaïa.
C'est donc une lecture que j'ai trouvée fort intéressante par de nombreux aspects. Le roman est en plus bien écrit (belles descriptions de la nature au printemps) et plaisant à lire avec une pointe d'humour ironique.
L'avis de Claudialucia.
Avec cette lecture je participe au mois de L'Europe de l'est, organisé par Eva, Patrice et Goran ainsi qu'au défi Voix d'autrices, catégorie Un roman d'apprentissage.
Tags : Roman, Femmes, Défi/Lecture commune
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Commentaires
Je l'avais beaucoup aimé bien que le roman soit assez mal construit. Cela m'avait permis d'en savoir plus sur les nihilistes, dont les principes sont souvent caricaturés. Et comme tu le dis, l'autrice était une femme étonnante, je l'ai d'ailleurs recroisée depuis dans des portraits de femmes scientifiques dont on a minimisé le travail.
Oui, il y a plein de choses à découvrir grâce à ce roman.