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Madeleine Chapsal, Le corps des femmes, Fayard
La journaliste et autrice Madeleine Chapsal est morte le 12 mars 2024. Elle était née en 1925. Sa mère était la grande couturière Marcelle Chaumont. Elle a été mariée à Jean-Jacques Servan-Schreiber et a travaillé à l’Express où elle a réalisé des interviews de qualité d’écrivains célèbres. Elle a 48 ans quand elle publie son premier roman mais c’est surtout après son départ de l’Express, à 60 ans, qu’elle s’est mise à écrire en continu. Elle est l’autrice d’une centaine de livres, essais, romans, nouvelles, livres pour enfants, poésie, théâtre.
Le corps des femmes est paru en 2014, l’autrice avait donc près de 90 ans quand elle l’a écrit.
A une foire aux livres, Madeleine Chapsal constate que les femmes sont bien court vêtues. Elle a alors une sorte de révélation féministe : « le corps des femmes appartient aux hommes », ce qu’elle s’attache à démontrer dans ce court essai. Elle a aussi le pressentiment que la domination masculine est intériorisée par les femmes mais elle ne pousse pas assez sa réflexion. Elle questionne trop peu ses propres formatage et aliénation qu’elle projette sur les autres, ce qui donne un ouvrage entaché de préjugés grossophobes, homophobes, sexistes ; confus et horripilant à lire pour qui a un minimum de conscience féministe.
Grossophobie et sexisme : les femmes dévêtues, passe encore si elles sont jeunes et jolies mais si elles sont vieilles ou grosses, quelle horreur ! « ces semi-dévêtues ne sont pas d’appétissantes rivales : les « boudins » n’hésitent pas plus à faire l’offrande de morceaux choisis de leurs corps, fussent-ils sans charme ! » C’est moi qui souligne, je reviendrai sur la rivalité entre femmes.
Homophobie : « Les homosexuels qui parodient la féminité ne tiennent pas pour autant à oublier qu’ils sont des hommes, et leur façon de prendre le dessus sur le corps des femmes consiste à prétendre le dédaigner : « J’ai essayé avec une copine, rien à faire, je n’y arrive pas... »
Madeleine Chapsal a une conception très normative de la féminité dont j’imagine qu’elle est due au fait d’avoir grandi dans le milieu de la haute couture et de n’avoir ensuite guère évolué en dehors de la (grande) bourgeoisie parisienne.
« Où est donc passé ce qui personnifiait la femme : la grâce, la retenue, la mesure, la pudeur ? On ne le repère presque mieux que chez celles qui se réfugient sous une burka…
Ou chez les toutes petites filles ! A ces mignonnes seulement on réserve la joliesse des fanfreluches féminisantes telles que dentelles, volants, chaussures à barrette, nœuds de ruban ! »
Madeleine Chapsal vit les relations entre femmes comme une compétition pour gagner les faveurs masculines. De ce fait elle s’interroge sur le désir des hommes et arrive à la conclusion que c’est bien mystérieux.
« J’en ai eu un premier aperçu en lisant le livre de Klossowski, Roberte ce soir, illustré par des photos de sa femme, la dénommée Roberte. Plus toute jeune elle était photographiée en porte-jarretelles (en « ja-ja », disent-elles maintenant), ses chairs un peu molles débordant sur le haut des bas… Selon mon esthétique, le spectacle ne pouvait que déplaire. Eh bien, pas du tout, le texte disait à quel point ce semi-déshabillage d’une femme « avancée » était sensuel ! »
Je suis choquée par le regard méprisant que l’autrice porte sur le corps de Roberte. Un regard qui l’empêche de voir que le désir, celui des hommes comme celui des femmes, il me semble, ne se nourrit pas seulement d’une apparence fraîche mais aussi de ce qui fait l’individualité de la personne, d’une histoire commune, de l’amour, pourquoi pas ?
Au fond, ce qui transparaît dans cet ouvrage, c’est le dégoût de Madeleine Chapsal pour le corps féminin : « L’affiche du film Le bal des actrices, où l’on voit une douzaine de filles entièrement nues vautrées les unes sur les autres, fait penser à un grouillement de vermine ».
C’est un aperçu sur la façon de penser d’une femme qu’on a éduquée dans l’idée qu’il fallait absolument plaire aux hommes et qui en est arrivée à porter sur les autres femmes le regard même qu’elle déplore que les hommes portent sur elle. Sur ce point elle me fait penser à certains personnages féminins de la saga des Cazalet. A côté de ça, Madeleine Chapsal a mené une vie professionnelle de femme indépendante.
Le livre ne compte que 130 pages mais je pourrais multiplier encore les citations malaisantes. Pourtant, Madeleine Chapsal évoque aussi les féminicides -sans utiliser le mot- à un moment où le concept apparaît tout juste en France. Sa révélation féministe m’apparaît comme étant survenue trop tard pour qu’elle soit en mesure de la mener à bien. Dommage.
Une lecture à éviter ou à prendre avec beaucoup de recul si vous êtes une femme mal à l’aise dans son corps.
Tags : Disparition, Essai, Femmes
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Commentaires
Oui, tout à fait, il est question de jalousie à plusieurs reprises. De toute façon les femmes ont toujours tort : en couple elles sont forcément sous la coupe de leur homme, célibataires elles mentent quand elles disent que cela leur convient.