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Jonathan Coe, Le coeur de l'Angleterre, Gallimard
L'action de ce roman court d'avril 2010 à septembre 2018. Il s'agit d'essayer de comprendre ce qui a mené l'Angleterre au Brexit. Pour cela Jonathan Coe reprend des personnages déjà rencontrés dans Bienvenue au club et Le cercle fermé que j'avais lus il y a près de dix ans et dont je ne me souvenais plus, je dois le dire. Ca m'a aidé un peu pour situer les personnages de pouvoir relire mes compte-rendus écrits à l'époque. Le coeur de l'Angleterre peut certes se lire indépendamment des deux autres mais au départ il y a beaucoup d'allusions à des relations ou situations passées qui peuvent donner l'impression au lecteur de flotter un peu. Les choses se mettent en place petit à petit.
L'histoire tourne principalement autour de Benjamin Trotter et de sa nièce Sophie. Benjamin a la cinquantaine et, en 2010, il vient d'acheter un vieux moulin au bord de la Severn après avoir longtemps vécu à Londres. Là il se libère de son obsession pour Cicely à laquelle il a rêvé pendant des années, avec qui il n'a pas été heureux, et découvre le plaisir de profiter de l'instant. Il envisage enfin de mener à bout un projet littéraire sur lequel il travaille depuis l'adolescence.
Sophie est une universitaire, historienne de l'art. Elle épouse Ian, professeur de conduite, et voit son couple menacé par le Brexit.Autour de Benjamin et Sophie gravitent de nombreux personnages qui permettent à l'auteur d'explorer les diverses positions face au Brexit. Globalement elles se partagent en deux : les partisans du Leave sont présentés comme des nostalgiques d'une grandeur passée de l'Angleterre. Ils divisent la société et le monde en "nous" et "eux", forcément antagonistes. Ce sont des gens inquiets du changement. En face les pro-Remain apparaissent comme ouverts à la diversité. Cette analyse me paraît pertinente pour expliquer aussi la montée du nationalisme aujourd'hui. On a vu qui a gagné en Grande-Bretagne. Les responsabilités de personnalités politiques inconséquentes sont clairement pointées.
Moment rare d'unité avant la rupture, j'ai particulièrement apprécié la longue description de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres en 2012 qui met tous les personnages d'accord devant leur télé. Elle m'a semblé tellement époustouflante que je suis allée la regarder sur Youtube. C'est une magnifique illustration du roman national britannique. J'ai été particulièrement frappée par la représentation de l'industrialisation du pays avec des dizaines de figurants et des cheminées d'usines qui s'élèvent à partir du sol du stade. Quelle débauche de moyens techniques ! Je me suis demandée s'il serait encore possible de produire un tel spectacle autosatisfait qui m'a semblé ignorer totalement les échéances écologiques actuelles. Vu d'aujourd'hui ça m'apparaît anachronique. Mais je pense que les Jeux Olympiques sont eux-mêmes une manifestation anachronique. Je suis curieuse de voir ce que la France nous proposera en 2024 en ouverture.
Au total c'est donc un livre qui m'a donné à réfléchir et qui m'a permis de mieux comprendre le Brexit. C'est une lecture que j'ai appréciée et que j'ai trouvée plaisante.
Les avis de Keisha et Ingannmic.
Tags : Roman
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Commentaires
J'avais aimé toute la trilogie (avec peut-être une petite préférence pour le premier volet..), et j'avais trouvé que Coe traitait dans celui-ci du Brexit avec beaucoup d'intelligence. Comme tu l'évoques dans ta conclusion, il permet de mieux comprendre la situation pour des personnes qui comme nous, l'avons perçu de l'extérieur.
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Samedi 15 Avril 2023 à 06:28
Oui, c'est très éclairant.
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3keishaSamedi 15 Avril 2023 à 08:06
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Nous nous sommes rejointes à propos de l’auteur mais moi sur un autre roman « le royaume désuni » que j’ai adoré.
J'ai vu ça. Ca m'intéresse de le lire puisque, même si ce ne sont pas les mêmes personnages, c'est, du moins pour les événements, une suite de celui-ci.