• Leonardo Padura, L'homme qui aimait les chiens, Métailié

     

    Leonardo Padura, L'homme qui aimait les chiens, MétailiéAprès avoir lu Viva j'avais envie d'en savoir plus sur la vie et le personnage de Trotski. Je me suis donc tournée vers L'homme qui aimait les chiens au sujet duquel j'avais aperçu des critiques positives. Et je ne le regrette pas. C'est un excellent ouvrage qui restera à coup sûr parmi mes préférés de l'année.

     

    Dans ce roman Leonardo Padura entrecroise les destins de trois personnages.

    Léon Trotski donc, depuis le moment où il est expulsé d'URSS vers la Turquie jusqu'à son assassinat au Mexique en 1940. Poursuivi par la haine implacable de Staline qui s'en prend à tous ses proches, famille et amis, où qu'ils soient sur la planète, le Vieux continue de se battre pour sa vision de la Révolution. Il apparaît ici comme un observateur très lucide de la vie politique de son temps.

     

    Ramon Mercader, l'assassin de Trotski, est un Catalan que nous suivons à partir de son engagement comme combattant dans les rangs communistes lors de la guerre civile espagnole. Padura essaie de comprendre comment ce personnage a accepté d'être formaté pour servir Staline. Il nous fait ressentir de la compassion pour quelqu'un qui a changé plusieurs fois d'identité, qui s'est effacé devant une mission considérée comme sacrée.

    "En faisant ses adieux à Luis, Ramon eut un mauvais pressentiment. Avant qu'il ne monte dans la voiture, il le serra dans ses bras en lui demandant de ne jamais oublier qu'il était son frère, et que tout ce qu'il avait fait et ferait à l'avenir était pour que des jeunes tels que lui puissent connaître le paradis d'un monde sans exploiteurs ni exploités, un monde de justice et de prospérité : un monde sans haine et sans peur."

     

    Enfin il y a Ivan Cardenas Maturell, un Cubain aspirant écrivain mais qui survit grâce à un petit commerce de vétérinaire. En 1977 Ivan fait la connaissance d'un homme qui dit s'appeler Jaime Lopez. C'est L'homme qui aimait les chiens ainsi que le surnomme Ivan, du nom d'une nouvelle de Chandler qu'il était en train de lire au moment de leur rencontre et car Lopez était accompagné de deux lévriers russes, des barzoïs. Lopez raconte à Ivan l'histoire de son "ami" Ramon Mercader. Avec Ivan on découvre la vie à Cuba. La peur de la répression qui amène Ivan à renoncer à ses ambitions littéraires, la chape de plomb puritaine qui pousse le frère d'Ivan, homosexuel, à tenter de quitter l'île, les pénuries et la disette des années 1990 qui provoquent la mort de la femme d'Ivan, les rêves brisés. Ceux qui pensent que le régime cubain est exemplaire (j'en connais) devraient bien lire L'homme qui aimait les chiens.

     

    Parce qu'au fond, le sujet de ce livre c'est l'échec de l'utopie communiste et comment une idée généreuse a été pervertie au point de justifier les crimes les plus abjects. Ainsi à propos des procès de Moscou :

    "Dans une des nombreuses lettres à Staline, écrites dans les cachots de la Loubianka, que le Fossoyeur se chargeait de faire circuler dans certaines sphères, Boukharine en était arrivé à lui dire qu'il n'éprouvait pour lui, pour le Parti et pour la cause qu'un amour grandiose et infini, et qu'il lui faisait ses adieux en l'embrassant en pensée... Lev Davidovitch pouvait imaginer la satisfaction de Staline en recevant de tels messages qui faisaient de lui un des rares bourreaux de l'histoire à recevoir des marques de vénération de ses victimes, alors même qu'il les envoyait à la mort..."

    Ou, comme l'écrit une correspondante de Trotski : "C'est terrible de s'apercevoir qu'un système né pour sauver la dignité humaine a utilisé la récompense, la flatterie, l'incitation à la délation, en s'appuyant sur tout ce que l'humanité a de plus vil."

    Ce thème je l'avais déjà trouvé dans Le météorologue mais, si je puis me permettre, Padura est -au moins- une pointure au-dessus de Rolin.

     

    Car j'ai lu là un ouvrage excellemment maîtrisé à tous points de vue. La lecture est dense et passionnante.

    Maintenant je vais voir si je peux me procurer autre chose de l'auteur. Il faudrait aussi que je lise sur la guerre d'Espagne.

    L'avis de Sentinelle, celui de Keisha.

     

     


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    1
    Vendredi 1er Mai 2015 à 12:29
    sentinelle

    Merci beaucoup pour le lien. Ce roman est un grand roman, et il fut également un coup de cœur en ce qui me concerne. Du même auteur, j’avais également été sous le charme de la lecture de son livre « Les brumes du passé », plus mélancolique et nostalgique. L’histoire d’amour entre Trotski et Frida Kahlo a été reprise dernièrement dans une bande dessinée intitulée tout simplement « Frida Kahlo », chez Delcourt. Je la lire probablement un de ces jours.


    La guerre civile d’Espagne est aussi un sujet qui me tient à cœur. Et tu auras de nombreux choix de lecture à ce sujet. Je peux déjà te conseiller, un peu pêle-mêle :


    - dans la veine romanesque : Le coeur glacé d'Almudena Grandes, Les voix du Pamano de Jaume Cabré


    - dans le genre un peu plus espionnage : Un hiver à Madrid de C. J. Sansom


    - dans le genre roman noir : La tristesse du samouraï de Victor del Arbol


    - dans le genre poétique, sur la solitude et la lutte fratricide : Lune de loups de Julio Llamazares


    - dans le genre roman-document : Les soldats de Salamine de Javier Cercas - dans le genre roman-témoignage : Pas pleurer de Lydie Salvayre


     


    Et bien d’autres encore…. Bonnes lectures !

    2
    Vendredi 1er Mai 2015 à 14:04

    Merci beaucoup pour tes suggestions.

    3
    Vendredi 1er Mai 2015 à 16:40
    keisha

    Avec padura, tu peux aussi continuer, il a une série avec un enquêteur un peu nostalgique...

    4
    Vendredi 1er Mai 2015 à 17:09

    Je note Les brumes du passé, conseillé également par Sentinelle et dont tu dis grand bien.

    5
    Mercredi 6 Mai 2015 à 14:21

    Je l'avais déjà vu chroniqué et je l'ai noté ! Je ne connais encore aucun autre livre de cet auteur...

    6
    Mercredi 6 Mai 2015 à 19:00

    Pour moi c'était une (belle) découverte.

    7
    Dimanche 10 Mai 2015 à 16:12

    Pour moi je te conseillerais sur la guerre d'Espagne, le livre d'Antony Beevor (supérieur à mon sens à celui de Bennassar, trop complaisant envers les républicains modérés et les staliniens) pour fixer le cadre. Et le magnifique roman-vrai d'Hans-Magnus Enzensberger "Le bref été de l'anarchie" sur la vie et la mort de Durruti.


    Je croyais tout savoir sur cette tragédie du communisme (à cet égard je te signale les Mémoires d'un révolutionnaire de Victor Serge), mais tu me donnes envie de lire Padura.

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    8
    Dimanche 10 Mai 2015 à 16:27

    On en découvre toujours sur cette sombre histoire et c'est rarement des bonnes nouvelles.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :