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Evguénia Iaroslavskaïa-Markon, Révoltée, Seuil
"Fille de la bourgeoisie intellectuelle juive de Petrograd, femme du poète Alexandre Iaroslavski, anarchiste, voleuse, déportée aux Solovki, condamnée à mort, exécutée à vingt-neuf ans", voici Evguénia Markon (1902-1931). Elle pensait que la pègre était la seule classe révolutionnaire car la seule assurée de ne détenir jamais le pouvoir et elle décida de rejoindre les voleurs. Elle a vécu dans la rue, elle a vendu des journaux et elle a volé. En 1931, peu avant son exécution, elle écrit le texte qu'on nous présente ici et qu'elle titre "Mon autobiographie". On y découvre une femme passionnée, qui se fout des contingences matérielles et que rien ne semble pouvoir arrêter.
A propos de son amour pour son mari, elle écrit : "En 1923 (en mars), alors que je vivais avec Iaroslavski depuis exactement trois mois, je suis tombée sous un train et on a dû m'amputer des deux pieds -événement si insignifiant pour moi que j'ai failli oublier de le mentionner dans mon autobiographie ; en effet, qu'est-ce que la perte de deux membres inférieurs en comparaison de cet amour si grand qu'était le nôtre, de ce bonheur si aveuglant ?!"
Après s'être enthousiasmée pour les révolutions de 1917 elle rejette vite le pouvoir bolchévique : "La notion même de révolution figée dans la victoire est absurde, tout comme celle de mouvement arrêté : si c'est arrêté, ce n'est plus une révolution !"
Son récit est précédé d'un avant-propos d'Olivier Rolin -par ailleurs auteur du Météorologue- et suivi d'une postface d'Irina Fligué, responsable de l'association Mémorial à Saint-Petersbourg. J'apprécie particulièrement sa conclusion : "Quoiqu'il en soit, il est un aspect -celui de la prédiction politique- où le dernier mot d'Evguénia Iaroslavskaïa s'est révélé pour de bon prophétique. Le monde de la pègre a en effet fini par vaincre le bolchévisme et l'idéal communiste. Mais cela s'est produit non pas en un combat ouvert, visant à renverser le régime qu'elle haïssait. Mais progressivement, pas à pas, par la criminalisation des élites soviétiques".
Tags : Récit autobiographique, Femmes, Communisme
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Commentaires
Ça donne envie, je te l'emprunterais bien quand on se voit !
Bisous
J'ai pensé à toi en le lisant.