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     En 2003 Guy Delisle a passé deux mois à Pyongyang pour raisons professionnelles. Il travaillait comme correcteur pour un studio qui réalise des dessins animés pour la France. Toujours accompagné de son guide ou de son interprète il expérimente la vie très surveillée des étrangers en Corée du nord. Les contacts avec des autochtones sont impossibles. Quant à ses guides ils sont bien embrigadés et les moments de spontanéité sont rarissimes.

     

    Il a droit à des visites organisées et là j'ai l'impression de relire, en version illustrée, Au pays du grand mensonge de Philippe Grangereau. Ce sont les mêmes passages obligés, de la statue géante de Kim Il-Sung au musée de Kim Il-Sung. Je retrouve aussi la pénurie d'électricité. La ville est plongée dans le noir dès la tombée de la nuit.

     

    Le résultat de tout cela c'est, en dehors du travail, beaucoup d'ennui. Les expatriés se retrouvent en soirée pour boire ou jouer au billard. Guy Delisle se distrait aux dépends de ses accompagnateurs : il exige d'aller à pied de son lieu de travail à son hôtel alors qu'il faudrait y aller en voiture, il prête 1984 de George Orwell à son traducteur. Ce sont aussi de petites résistances contre le régime.

     

    J'ai apprécié cette BD où j'ai retrouvé le style documentaire et la dérision qui m'avaient déjà plus dans Chroniques birmanes (Pyongyang date d'avant).

     

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  • indomptable.JPG

     1300, près des côtes anglaises, le pirate Adam Blackstock qui avait volé une carte au trésor à deux marchands est rattrapé par ces derniers, abattu et pendu mais la carte a disparu. Trois ans plus tard, Paulents, l'un des deux marchands, pense avoir retrouvé la carte et vient à Cantorbéry pour rejoindre son collègue Castledene et mettre la main sur le trésor. Sir Hugh Corbett est dépêché sur place par le roi d'Angleterre, son maître, également partie prenante dans cette affaire. Mais très vite crimes et agressions se succèdent. Dans l'ombre un tueur implacable semble vouloir venger la mort de Blackstock.

     

    J'ai beaucoup apprécié la lecture de cet épisode d'une série que j'avais un peu laissée de côté. L'action se déroule peu avant Noël, il fait froid et sombre, le mal rôde, il y a des meurtres en chambre close, l'ambiance angoissante est bien rendue. J'aime bien le héros, homme austère qui trouve son réconfort dans la prière et le chant. Encore une fois il montre qu'il est trop rigoureusement honnête pour que son royal maître puisse lui faire totalement confiance.

     

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  • allemand.jpgSouvenirs 1914-1933

     

    Né en 1907 Sebastian Haffner a quitté l'Allemagne en 1938 par rejet du régime nazi. Il s'installe alors en Grande-Bretagne où un éditeur lui commande un livre relatant ce qu'était le nazisme vu de l'intérieur. La guerre éclate et le manuscrit n'est pas publié. Sebastian Haffner est retourné en Allemagne en 1954 et il est mort en 1999. C'est alors que l'Histoire d'un Allemand a été redécouverte et enfin publiée.

     

    Sebastian Haffner présente quels événements dans l'histoire de l'Allemagne peuvent expliquer l'arrivée au pouvoir des nazis. La première guerre mondiale qui a fait passer un frisson d'aventure sur la jeune génération dont il fait partie. Les débuts difficiles de la république de Weimar. L'inflation de 1923 qui a renversé la hiérarchie des valeurs. Il pointe les responsabilités des partis d'opposition au nazisme qui ont capitulé si facilement :

     

    "On avait cru en saint Marx, il n'avait pas secouru ses fidèles. Saint Hitler était manifestement plus puissant. Brisons donc les statues de saint Marx placées sur les autels pour consacrer ceux-ci à saint Hitler. Apprenons à prier : "C'est la faute aux juifs", au lieu de : "C'est la faute au capitalisme." Peut-être est-ce là notre salut."

     

    Enfin l'auteur se décrit lui-même au milieu du changement, jeune homme auquel le régime qui se met en place répugne de plus en plus et qui pourtant laisse passer des occasions de réagir, par peur, par surprise ou par conformisme.

     

    Ce qui m'a frappée dans cette lecture c'est la clairvoyance de l'auteur. Sebastian Haffner écrit en 1939 et il a tout compris, il a pressenti jusqu'où le régime nazi serait capable d'aller. Il décortique aussi les mécanisme qui amènent des individus, petit à petit, à consentir à l'inacceptable. C'est un ouvrage intelligent et qui m'a donné envie d'en apprendre plus sur la république de Weimar que je connais bien mal.

     

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  • 20071125Delislecouv.jpg

     Vers 2004-2005, semble-t-il, Guy Delisle a vécu un an en Birmanie où sa compagne Nadège était employée par Médecins sans frontières-France. C'est cette année qu'il a mise en BD dans Chroniques birmanes. Guy et Nadège sont partis en Birmanie avec leur fils Louis, encore un bébé. A Rangoon Guy Delisle expérimente la vie de père au foyer. Il nous fait partager les joies et les angoisses des parents d'enfants en bas âge (ça rappelle des souvenirs). A l'étranger le fait d'être muni d'un petit enfant facilite les rencontres avec les autochtones.

     

     

     

     

     

     

    La vie de Guy Delisle se partage entre plusieurs cercles. Celui des membres des différentes ONG qui se retrouvent pour des conversations souvent techniques qui dépassent un peu Guy. Celui des femmes d'expatriés, mères au foyer qui se réunissent avec leurs enfants en baby group. Et enfin il a aussi des contacts avec des Birmans, dessinateurs ou illustrateurs comme lui. Derrière cette vie quotidienne relativement tranquille apparaît toujours en filigrane la réalité de la dictature birmane : la presse censurée, l'internet surveillé, la police et l'armée omniprésentes.

     

    J'ai beaucoup aimé Chroniques birmanes. Le dessin est faussement simple, très descriptif en fait, comme un documentaire. Guy Delisle décrit bien ses sentiments et ses découvertes et n'hésite pas à se moquer un peu de lui-même. Il y a beaucoup d'humour.

     

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  • hommes-ordinaires.jpgLe 101° bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne

     

    La "solution finale" en Pologne c'est la shoah par balles, ce sont les ghettos, c'est la déportation vers les centres de mise à mort. Qui étaient les hommes qui ont été les exécutants de cette extermination? A partir de l'exemple du 101° bataillon de réserve de la police allemande Christopher R. Browning montre qu'il s'agissait rarement de nazis fanatiques avides de tuer des juifs mais la plupart du temps d'hommes ordinaires que les circonstances ont amenés à commettre le crime de génocide.

     

    Au cours des années 1960 des hommes du 101° bataillon ont été jugés pour leur participation à la shoah. Une centaine ont été interrogés à cette occasion. C'est sur les archives de ce procès que Christopher R. Browning s'appuie pour rédiger son livre. J'ai trouvé ce livre très intéressant. A la fois par ce qu'il m'a appris sur le déroulement de la solution finale en Pologne et à la fois sur la question qu'il pose des responsabilités individuelles.

     

    La présente édition est suivie d'une longue postface dans laquelle Christopher R. Browning répond à Daniel Jonah Goldhagen qui a travaillé peu après lui sur les mêmes documents et en a tiré des conclusions inverses : le 101° bataillon était composé de nazis convaincus qui ont volontiers participé à l'extermination des juifs. Cette postface permet de mieux comprendre la façon de travailler de l'auteur et ce qu'il entend par "hommes ordinaires". Il y cite notamment les expériences de Milgram qui montrent comment, poussés par une autorité scientifique, des étudiants ont été prêts à infliger des chocs électriques à d'autres personnes. On a parlé récemment de cette expérience en France à propos d'une émission de télé qui s'en inspirait.

     

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  • sentier.gif

     Ce roman traduit du bengali a été écrit en 1929. Il est en partie autobiographique, l'auteur s'est inspiré du cadre de son enfance. L'histoire se déroule dans un village du Bengale. On suit la vie quotidienne de deux enfants d'une famille de pauvres brahmanes. Le père est rarement présent. Il se déplace dans les villages environnants pour gagner quelques pièces en récitant des prières pour ceux qui veulent bien le payer. La mère ne sait jamais si elle arrivera à nourrir correctement ses enfants et cette inquiétude la rend parfois dure, avec sa fille ou une vieille parente.

     

    Le personnage principal est Apou, un garçonnet d'environ neuf ans. C'est un rêveur que la contemplation de la campagne environnante réjouit. Il peut déambuler de longs moments en se racontant des histoires et attend avec impatience de pouvoir découvrir le vaste monde. Sa première sortie avec son père au-delà de ses limites habituelles est un grand moment : "Tu avançais enfant... Tu ne savais pas ce qui se présenterait à tes yeux, le long du chemin. Tes grandes prunelles neuves dévoraient avec avidité tout ce qui t'entourait. Par ta joie tu es un explorateur, toi aussi. Pour découvrir ce bonheur inconnu faudrait-il parcourir la terre ? Non, cela n'a pas de sens. Là où je n'étais pas allé auparavant j'ai mis le pied aujourd'hui. Qu'importe que, dans l'eau de la rivière où je me suis baigné, dans le village dont l'air m'a réconforté quelqu'un soit ou ne soit pas venu avant moi ! Ce pays inconnu est mon expérience. En ce jour j'ai joui de sa nouveauté avec le tout premier esprit, la toute première intelligence, le tout premier coeur!..."

     

    La grande soeur d'Apou, Dourga, de trois ou quatre ans son aînée, est une enfant un peu rebelle. Elle ne tient pas en place, est toujours à courir à droite ou à gauche pour glaner des fruits dans les bois ou en voler dans les jardins des voisins. Les deux enfants se disputent régulièrement mais s'aiment beaucoup.

     

    L'écriture est parfois un peu décousue. Ce sont de petites tranches de vie qui ne se suivent pas toujours d'une façon très évidente ce qui fait que j'ai mis un peu de temps à entrer dans le livre, que je l'ai plutôt lu par petits morceaux. Mais finalement j'ai apprécié cette lecture. J'ai trouvé que l'auteur rendait bien l'ambiance de l'enfance et le rythme plus lent de la vie à la campagne : "Sur les marches du ghat les ombres de la fin d'après-midi étaient très épaisses. Le soleil brillait encore sur le grand Kapokier de la rive opposée. A la boucle de la rivière, un bateau aux voiles déployées prenait le tournant, ses avirons fendaient l'eau. Près du gouvernail, un homme debout faisait sécher un vêtement. Il le tenait par un bout et le laissait flotter dans le vent comme un drapeau. Au milieu de la rivière une tortue levait la tête hors de l'eau pour respirer puis la replongeait."

    Tout cela est empreint d'une nostalgie douce que j'apprécie.

     

    Merci à Lounima qui m'a offert ce livre.

     

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     Né à Lodz, en Pologne, en 1914, Chil Rajchman est déporté à Treblinka en octobre 1942. A l'arrivée il est séparé de sa soeur cadette qui part directement à la chambre à gaz. Lui est sélectionné pour ramasser les vêtements abandonnés par les victimes sur le quai d'arrivée. Il échappe ainsi à la mort. Plus tard il devient coiffeur (il coupe les cheveux des femmes avant qu'elles soient gazées) puis dentiste (il arrache les dents en or des cadavres). Le 2 août 1943 les prisonniers de Treblinka se révoltent, Chil fait partie de ceux qui arrivent à s'échapper. Il se cache à Varsovie jusqu'à la fin de la guerre. Il émigre en Uruguay où il meurt en 2004.

     

    Treblinka était un centre de mise à mort, un lieu où les Juifs étaient assassinés dès leur arrivée; mis à part ceux qui, comme Chil, étaient gardés en vie pour accomplir le travail de manutention. On estime que les nazis ont tué 700 000 à 900 000 Juifs à Treblinka. Chil Rajchman est un des 57 survivants. Son témoignage est donc rare. Il l'est d'autant plus qu'il a été écrit très vite après les événements, avant même la fin de la guerre. Beaucoup de récits de survivants de la shoah ont été écrits des années après les faits, alors que la mémoire s'est recomposée. Toute sa vie Chil Rajchman a conservé son texte avec lui et il a demandé à sa famille de le publier après sa mort, ce qui a été fait récemment.

     

    Dès l'arrivée à Treblinka Chil, qui a espéré pendant tout le trajet qu'on les emmenaient au travail forcé, comprend ce qui les attend :

    "Par la lucarne du wagon nous découvrons un tableau terrifiant, une image de mort. Des monceaux de vêtements. Je réalise que nous sommes perdus. C'est fini."

    Ce passage qui vient tout au début du livre m'a frappée au coeur et j'ai pensé que j'allais avoir du mal à lire la suite. Mais l'écriture rend très bien le rythme effréné qui est celui de la vie des prisonniers. Ils sont sans arrêt sous la menace des coups des brutes sadiques qui leur servent de gardiens et ils n'ont pas un instant pour réfléchir. Et la lecture, c'est pareil. J'ai été happée par le mouvement, pratiquement sans pouvoir m'arrêter. Ce n'est qu'à la toute fin que l'émotion m'a reprise violemment :

    "Oui, j'ai survécu et je suis libre, mais à quoi bon ? Je me le demande souvent. Pour raconter l'assassinat de millions de victimes innocentes, pour témoigner d'un sang innocent versé par ces assassins.

    Oui, j'ai survécu pour témoigner de ce grand abattoir : Tréblinka."

    Un texte puissant.

     

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  • Maryse et Jean-François Charles, India dreams, CastermanPrésenté ici en un seul tome cet ouvrage est l'intégrale d'une BD parue d'abord en 4 tomes. Il nous raconte, autour du personnage d'Emily Harryson, l'histoire de trois générations d'une famille liée à l'Inde.

     

    india-dreams-2.jpg1) Les chemins de brume : Londres, 1944. En plein blitz Emily reçoit d'Inde un étrange paquet. C'est le journal de sa mère écrit 17 ans plus tôt alors qu'elles se rendaient en Inde pour y retrouver leur père et mari, officier de l'armée britannique comme son propre père, Herbert. La mère et la fille découvrent chacune à leur manière la magie de l'Inde.

     

    2) Quand revient la mousson : Inde, 1945. Emily est revenue sur les lieux de son enfance accompagnée de Jarawal. Elle cherche à découvrir ce qu'est devenue sa mère mais il semblerait que certains veuillent l'en empêcher.

     

    3) A l'ombre des bougainvillées : Inde, 1965. Kamala, la fille d'Emily, et ses copains hippies ont quitté New Delhi pour se rendre au Népal à bord de leur minibus Volkswagen (ah le minibus Volkswagen de mes parents ! Il ne m'a pas emmenée jusqu'au Népal mais bien tout autour de la Méditerranée...) mais ils ont un accrochage avec des policiers.

     

    4) Il n'y a rien à Darjeeling : A Darjeeling Kamala marche sur les traces de son arrière-grand-père Herbert. Elle découvre que sa famille a été mêlée à un complot d'envergure.

     

    J'ai trouvé plaisante la lecture de cette bande dessinée. J'aime les dessins et j'ai apprécié qu'il y ait à l'occasion un mot en hindi. Cela m'a permis de m'amuser à essayer de le déchiffrer.

    Je suis un peu plus réservée à propos de la fin. Je ne suis pas sure d'avoir bien compris toutes les ramifications du complot ainsi que l'implication des différents protagonistes. Ca me laisse une petite impression d'inachevé.

    Merci à Lounima qui m'a offert cet ouvrage.

     

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     Paris 1897. Successivement plusieurs personnes liées de près ou de loin à l'opéra Garnier meurent subitement après avoir mangé un cochon en pain d'épice. A chaque fois était présent dans les parages un homme de petite taille, employé de l'opéra. Quel est son rôle ?

     

    Victor Legris et Joseph Pignot, libraires rue des Saints-pères, sont informés de l'affaire par Eudoxie Maximova une demie-mondaine amie de certaines des victimes. Elle sent le louche et les supplie d'enquêter. Il n'en faut pas plus pour que nos deux héros délaissent leur boutique et se lancent dans de nouvelles aventures.

     

    Le petit homme de l'opéra est une lecture plaisante qui, comme les autres épisodes de cette série, nous permet de découvrir un Paris disparu. Cependant j'ai trouvé cet ouvrage un peu superficiel. Il pâtit surement d'avoir été lu juste après L'étrangleur de Cater street, tellement fouillé.

     

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     Kounniapattoumma est une jeune fille très naïve élevée dans un islam superstitieux dont le principal soucis semble être ce qui se fait et ne se fait pas pour ne pas ressembler à un kafir, un non-musulman. Une femme musulmane ne porte pas de sari, elle ne se coiffe pas avec une raie dans les cheveux...

     

    Le père de Kounniapattoumma est un riche notable local. Sa mère s'enorgueillit d'être la fille chérie d'Anamakkar. "Ton grand-père avait un éléphant" n'arrête-t-elle pas de répéter à Kounniapattoumma. C'est à dire nous sommes au dessus des autres et nous ne pouvons pas fréquenter n'importe qui. Quand Kounniapattoumma a 14 ans on se met en quête d'un mari pour elle. Elle reste à la maison à recevoir les familles de nombreux prétendants mais aucun ne semble assez bien à sa mère.

     

    Voila qu'une série de procès malchanceux conduisent la famille à sa ruine. Kounniapattoumma a 21 ans et n'est toujours pas mariée. La vie change pour elle, la pauvreté lui permet de découvrir la liberté.

     

    J'ai beaucoup aimé ce petit livre charmant. Tout en se moquant gentiment de ses personnages Vaikom Muhammad Basheer présente deux conceptions bien différentes de l'islam. J'ai apprécié de lire un ouvrage traduit du malayalam, la langue du Kérala, au sud de l'Inde, la plupart des auteurs indiens qui parviennent jusqu'à nous écrivant en anglais. J'apprends que Vaikom Muhammad Basheer (1908-1994) est l'un des écrivains les plus importants de la littérature indienne contemporaine (c'est l'éditeur qui le dit). Je dois avouer que j'ignorais jusqu'à son nom. Merci à Lounima qui m'a offert ce livre.

     

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