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    Mademoiselle Caroline et Julie Dachez, La différence invisible, DelcourtJulie Dachez a été diagnostiquée autiste Asperger à 27 ans. Un diagnostique qui a changé sa vie, comme elle le raconte dans cette BD dont elle a écrit le scénario, car il lui a permis de donner du sens aux difficultés qui l'entravaient depuis longtemps : non, elle n'était pas folle. Cela lui a donné le courage de quitter un emploi qui ne lui convenait pas et de reprendre des études, d'ouvrir un blog sur l'autisme au féminin. Quant à moi j'ai découvert cette femme intéressante dans le supplément sciences et médecine du Monde du 5 septembre 2018 qui en a fait le portrait.

    Le syndrome d'Asperger est sous-diagnostiqué chez les femmes car ses signes s'expriment plus discrètement, leurs intérêts spécifiques sont plus acceptables socialement que ceux des hommes, elles camouflent mieux leurs difficultés et passent donc inaperçues.

     

     

    Cette BD qui présente le syndrome d'Asperger au féminin à travers l'histoire de Marguerite, double de Julie Dachez, est aussi un plaidoyer pour l'acceptation de la différence. Être Asperger, nous dit-elle, ce n'est pas être handicapée mais fonctionner et penser différemment. Prise en compte, cette différence peut être un atout et un enrichissement. Elle dédie sa BD à tous ceux qui sont "un pied de nez au diktat de la "normalité". (...) Votre différence ne fait pas partie du problème, mais de la solution. C'est un remède à notre société, malade de la normalité". C'est une conception des choses que je trouve très sympathique. Je fais le parallèle avec la série Sense 8 que je viens de visionner sur Netflix et qui partage la même philosophie.

     

     

    La partie graphique de la BD est assurée par Mademoiselle Caroline. Le dessin est simple, en noir et blanc avec du rouge pour faire ressortir tout ce qui fait souffrir Marguerite. La couleur commence à apparaître à partir du moment où le diagnostic d'Asperger est posé. C'est efficace.

     

    Mademoiselle Caroline et Julie Dachez, La différence invisible, Delcourt

     

    L'ouvrage se termine par un petit cahier explicatif sur l'autisme et le syndrome d'Asperger. La France y est présentée comme l'exemple à ne pas suivre. En France seuls 20 % des enfants autistes sont scolarisés contre 80 % dans les autres pays développés. Pour cela notre pays a déjà été condamné à deux reprises par le Conseil de l'Europe pour discrimination. Espérons qu'un travail comme celui-ci puisse faire bouger les choses.


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    David Grann, La note américaine, GlobeLes Osages sont une communauté indienne des Etats-Unis installés en Oklahoma après avoir été chassés au 19° siècle de leurs terres de Louisiane puis du Kansas. Dans le scandale de ces dépossessions je retrouve ce que j'avais lu dans La véritable histoire de l'Ouest américain comme les promesses jamais tenues ou l'acculturation forcée : les jeunes enfants sont retirés à leurs familles pour être envoyés dans des internats religieux où ils seront éduqués selon le mode de vie blanc.

     

     

    Au début du 20° siècle, les Osages sont assez habiles pour négocier à leur avantage la gestion des richesses minières qui pourraient se trouver sous leurs terres. Et il y a du pétrole. Chaque année la communauté alloue aux enchères l'exploitation des puits et bientôt les Osages vivent de leurs rentes, roulent en voitures de luxe et se font servir par des domestiques blancs. En même temps ils sont, comme tous les Indiens du pays, mis sous tutelle et l'Etat leur impose des curateurs pour gérer leur argent.

     

     

    En 1921, Anna Brown, une Osage de 34 ans, disparaît puis son corps est retrouvé : elle a été tuée par balle. Peu après une de ses soeurs meurt de maladie, une autre dans l'explosion de sa maison et sa mère est empoisonnée. D'autres membres de la communauté sont également victimes de morts violentes. On en compte 24 en 1925 et on qualifie cette période qui s'étale sur plusieurs années de Règne de la terreur. La police locale est corrompue et l'enquête piétine si bien que le dossier est confié au BOI (Bureau Of Investigation), devenu plus tard le FBI et dirigé par le jeune Edgar J. Hoover qui envoie sur place l'enquêteur Tom White.

     

     

    White découvre qui est le commanditaire des meurtres de la famille d'Anna Brown mais il lui faut encore lutter contre une corruption généralisée pour faire traduire en justice les responsables. Une justice entièrement aux mains des Blancs. Un Osage a résumé les choses ainsi : "Je me demande si ce jury considère qu'il s'agit bien ici de meurtres et non de maltraitance sur des animaux."

    Pour écrire cet ouvrage le journaliste David Grann a fouillé les archives mais il a aussi rencontré des descendants des victimes. Ses recherches l'ont amené à découvrir le scandale derrière le scandale : les meurtres documentés officiellement ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Je ne sais pas comment ce livre a été reçu aux Etats-Unis, il me semble que ça devrait choquer les citoyens. Moi, en tout cas, ça m'a choquée. Je pensais jusqu'à présent que l'esclavage était le péché sur lequel s'était construit ce pays, je m'aperçois que la façon dont les Indiens ont été traités donne aussi une bonne image du mal. David Grann a fait un travail admirable. Un bémol cependant concernant l'édition française qui est entachée d'erreurs de traduction trop fréquentes. Le texte est illustré de nombreuses photos d'époque mais certaines sont si sombres qu'elles sont à peine lisibles.

     

    L'avis d'Electra, celui de Keisha, celui de Yan.


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    Kent Haruf, Le chant des plaines, Robert LaffontA Holt, petite ville du Colorado perdue au milieu des Grandes plaines, vit Tom Guthrie. Professeur au lycée de la ville il élève seul ses fils de 9 et 10 ans depuis le départ de leur mère. Ike et Bobby sont deux petits garçons débrouillards et intelligents, frères inséparables. Ils livrent le journal à Mme Stearns, une vieille femme qui vit isolée dans son appartement encombré.

    Il y a aussi Victoria Roubideaux, lycéenne de 17 ans, enceinte et, pour cette raison, chassée par sa mère du domicile familial. Elle a d'abord trouvé refuge chez Maggie Jones, professeur au lycée.

    A l'occasion Tom donne un coup de main à la ferme des frères Harold et Raymond McPheron. Quand Maggie doit chercher un nouvel hébergement pour Victoria, elle demande à ces deux vieux célibataires de l'accueillir.

     

     

    Avis mitigé sur ce roman qui présente une tranche de vie dans l'Amérique rurale. Le style est plat et très descriptif de nombreux petits détails. Il m'a fallu une centaine de pages pour m'y faire et pouvoir apprécier le récit sans voir d'abord la façon dont il était écrit. Après cela se lit plutôt facilement car les personnages principaux sont des gens bien. Parmi tous ces personnages positifs je me suis plus particulièrement attachée à Ike et Bobby, du fait de leur jeune âge. Le principal intérêt que j'ai trouvé à cette lecture c'est la description de la vie dans cette Amérique profonde. Cela correspond à ce que j'ai pu voir au cinéma : les gamins qui livrent le journal avant l'école, les soirées au pub local, les lycéens qui conduisent leur voiture et se donnent rendez-vous dans des maisons abandonnées.

     

    L'avis d'Electra.


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    Jacques Portes, La véritable histoire de l'Ouest américain, EkhoAprès avoir lu Faillir être flingué, j'ai voulu en savoir plus sur la conquête de l'Ouest américain. Heureuse coïncidence : je suis tombée sur cet ouvrage en librairie. L'histoire relatée ici court de la préhistoire à nos jours mais la plus longue partie concerne la conquête, qu'il serait plus juste de nommer colonisation, de l'Ouest.

     

     

    Ce que j'ai particulièrement retenu :

    Au 19° siècle des socialistes utopiques fondent des communautés où ils mettent en application leurs idées. Il y a New Harmony de Robert Owen, dans l'Indiana; le phalanstère de la Réunion, au Texas, par Victor Considérant ou les Icaries d'Etienne Cabet. Ca me rappelle une nouvelle de Boris Akounine. Quand je l'ai lue j'ai cru que c'était une invention de romancier. Mais non.

     

     

    La vie aventureuse de William Cody, alias Buffalo Bill, apprenti convoyeur à travers le continent dès l'âge de 13 ans. Plus tard son spectacle le Wild West Show "a attiré pendant trente ans en Amérique comme en Europe, trente millions de spectateurs ce qu'aucun autre spectacle n'a jamais égalé". Il a posé les bases du genre cinématographique du western et contribué à forger le mythe de l'Ouest. Ce que je lis ici me donne envie d'en savoir plus sur le personnage auquel Jacques Portes a consacré un ouvrage -ça tombe bien.

     

     

    Enfin, l'extermination des Indiens est à pleurer. Certaines étapes de cette extermination ont toutes les caractéristiques d'un génocide. Il y a les massacres de masse comme à Wounded Knee en 1890 et une photo montre des soldats posant devant une fosse commune remplie de leurs victimes. Il y a des marches de la mort comme lorsque les Cherokees sont contraints de quitter leurs terres en 1838 et s'engagent sur le "sentier des larmes" où 4000 meurent. Il y a la déportation vers les terres inhospitalières choisies comme réserves. J'avais lu autrefois Enterre mon coeur à Wounded Knee. J'en ai très peu de souvenirs si ce n'est qu'à l'époque j'avais été, comme aujourd'hui, choquée par le comportement des autorités américaines et les innombrables reniements de leurs engagements. Sur ce sujet aussi j'ai envie d'approfondir.

     

     

    J'ai donc apprécié la lecture de cet ouvrage que j'ai trouvé à la fois complet et accessible et qui est enrichi de photos qui illustrent le propos. Il y a une bibliographie à la fin qui me donne des idées et des envies de lectures complémentaires.


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    Céline Minard, Faillir être flingué, Rivages pocheAu début du roman différents personnages traversent les Grandes plaines américaines. Il y a les deux frères Jeffrey et Brad qui transportent dans leur chariot leur vieille mère mourante. Ils sont accompagnés de Josh, le fils de Brad.Il y a Zébulon qui a volé à Elie le cheval que ce dernier avait volé à Bird. Il y a une Indienne chamane, Eau-qui-court-sur-la-plaine, qui fait le lien entre eux. Le lecteur découvre les personnages sans présentation préalable. On apprend petit à petit qui ils sont et ce qui les a menés là. Du coup il m'a fallu un peu de temps pour arriver à repérer qui était qui et avant ça j'ai eu tendance à confondre les personnages ce qui m'a un peu agacée. Cette première partie dure une centaine de pages (sur 300). A l'issue ça y est, les repères sont posés.

    Après leur traversée des plaines, les personnage se trouvent dans une ville en construction où ils s'installent. Ils font connaissance, apprennent à s'apprécier, montent leur activité et construisent une petite société d'où les méchants sont bannis.

     

     

     

    Qu'est-ce que c'est que ce roman ?

    Une sorte de western où "le mythe de l'Ouest américain est revisité" nous dit l'éditeur en quatrième de couverture. Et oui, c'est bien ça mais on reste dans le mythe, ce qui m'a amenée à m'interroger sur ce qu'avait vraiment été cette conquête de l'Ouest.

    Une ode à la nature sauvage au contact de laquelle les protagonistes sont transformés. En même temps, en filigrane, apparaissent les prémices de la destruction de cet environnement. Le constructeur d'un établissement de bains organise l'évacuation des eaux usées vers la rivière voisine; l'agriculteur s'accapare tout l'espace qu'il a pu parcourir en une journée, défriche la plaine et abat un ours qui s'était aventuré trop près de sa ferme; le médecin empoisonne tout un village indien en vaccinant ses habitants avec un vaccin périmé.

    Une écriture travaillée, je le vois, et où je trouve des accents poétiques, mais j'ai toujours préféré un style plus classique.

    Pour toutes ces raisons c'est une lecture qui m'a déconcertée et qui me laisse sur un avis mitigé.

     

     


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    Marlen haushofer, Le mur invisible, Babel"Je peux me permettre d'écrire la vérité, tous ceux à qui j'ai menti pendant ma vie sont morts."

     

    Une femme d'une quarantaine d'années, la narratrice, se retrouve seule au monde dans un chalet des Alpes autrichiennes. Le roman est paru en 1963, à une époque où on craignait une guerre atomique. Marlen Haushofer a imaginé qu'une arme nouvelle avait pétrifié tous les êtres vivants, hommes et bêtes, sauf à l'intérieur d'un assez vaste périmètre délimité par un mur invisible. C'est là que se trouvait la narratrice quand la catastrophe est survenue. L'événement s'est déroulé dans la nuit. Au matin elle constate la situation. L'objet du roman n'est pas comment on en est arrivé là mais comment elle va y faire face.

     

     

     

    Deux ans et demi après le début de son enfermement, la narratrice décide de mettre par écrit son histoire. On ne saura jamais son nom. Elle raconte comment elle a organisé sa vie avec un chien, une vache et un chat. Le bois à couper pour la cuisine et le chauffage -à cette altitude, il peut neiger jusqu'en mai-, la recherche de nourriture : chasse, pêche, agriculture, cueillette. C'est un labeur quasi permanent et qu'elle apprécie car il l'empêche d'être trop tourmentée par ses pensées. Les soins aux animaux sont aussi un bon dérivatif. Des être vivants dépendent d'elle et cela l'oblige à aller de l'avant.

     

      

     

    Si le roman est un récit de vie en Robinson c'est surtout une réflexion sur le sens de la vie, la condition humaine, la condition féminine, la relation des êtres humains à la nature et aux animaux.

     

    Je comprends que cette femme s'est souvent sentie contrainte dans ses relations aux autres, aux hommes notamment et que la situation est, d'une certaine façon, une libération pour elle. Enfin elle peut cesser de se conformer à ce que la société attendait d'elle et devenir elle-même. La transformation est douloureuse mais au moment où elle se met à écrire, elle constate le changement et s'en satisfait.

     

     

     

    J'ai beaucoup apprécié ce roman que j'ai trouvé excellent. Je suis très admirative du travail de Marlen Haushofer, une autrice que je ne connaissais pas. C'est une lecture pas toujours gaie mais qui donne vraiment à réfléchir.

     

     

     

    L'avis de Keisha, celui de Lectrice en campagne.

     


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