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Par Anne-yes le 19 Décembre 2022 à 16:04
De la nourriture disparaît dans la grande maison bourgeoise de Londres où est employée comme domestique la jeune Millie Foster. Craignant d'être accusée de vol et de perdre sa place elle contacte Gracie Tellman, autrefois domestique elle aussi, aujourd'hui mariée à un inspecteur de police. Gracie accepte de prendre la place de Millie chez les Harcourt afin d'y mener l'enquête. Elle va découvrir un bien sombre secret de famille.
L'histoire se déroule peu avant Noël, à la fin du 19° ou au début du 20° siècle. C'est un de ces petits romans que Anne Perry sort avant les fêtes depuis quelque temps déjà et que je lis à l'occasion quand il m'en tombe sous la main. Ici ce qui m'a le plus intéressée c'est la description de la vie des domestiques -dix pour servir deux personnes !-, des relations entre eux et avec leurs maîtres. En ce qui concerne l'histoire elle-même j'y ai trouvé des aspects peu crédibles comme l'arrivée trop facile de Gracie dans une maison où on a des choses à cacher et le dénouement merveilleux. C'est un conte de Noël où les gentils reçoivent des cadeaux inattendus et où les méchants sont punis.
Je suis capable de prendre plaisir à des histoire gentillettes mais là j'ai trouvé que l'autrice avait la main un peu lourde sur la magie de Noël et les bons sentiments.
L'avis de Cléanthe.
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Par Anne-yes le 15 Décembre 2022 à 11:36
Au début du 20° siècle de nombreux hommes de Paimpol s'engagent pour aller pêcher la morue au large des côtes islandaises. On les appelle les Islandais. Sur le bateau le travail est dur, les accidents fréquents et les conditions d'hygiène innommables : pas de toilettes, chacun fait ses besoins sur le pont puis rince d'un seau d'eau -ou pas-; les marins couchent à deux dans de petits espaces et les éventuelles maladies contagieuses s'en donnent à coeur joie. Tout ceci pour le plus grand profit des armateurs qui ont bâti une légende qui dépeint les Islandais en hardis chevaliers des mers afin de flatter ces hommes et d'éviter qu'ils ne se révoltent.
Quand le Catherine fait naufrage à l'est de l'Islande près du fjord de Fáskrúdsfjördur les blessés sont soignés à l'hôpital français installé là. En cette année 1904 le gouvernement français vient en effet de reprendre la charge des soins aux pêcheurs français, confiée jusqu'à présent aux congrégations religieuses.
Rescapés du naufrage les marins Lequéré et Kerano s'installent à Fáskrúdsfjördur pour quelque temps. Lequéré est révolté contre le sort des Islandais et voudrait que ses collègues se syndiquent. Kerano, instituteur de profession est un inadapté sur un bateau. Il fait la connaissance d'Eilin, l'institutrice locale.Il y a aussi Marie, infirmière française qui vient d'arriver en Islande, professionnelle mais un peu rigide, et soeur Elisabeth, une religieuse danoise.
C'est un roman dont j'ai plutôt apprécié la lecture avec des passages qui tiennent en haleine, très romanesques, comme la tempête du début et le naufrage du Catherine. L'auteur apporte de nombreuses informations sur les conditions de vie de ces marins, que j'ignorais totalement et qui m'ont intéressée. J'aimerais bien en savoir plus sur les relations historiques entre la France et l'Islande. Par contre j'ai trouvé que les informations étaient souvent amenées de façon maladroite, comme une leçon qu'un personnage fait à un autre. Cela ne fait pas très naturel.
J'ai apprécié aussi les descriptions des beaux paysages islandais.
La Paimpolaise raconte l'histoire des pauvres Islandais.
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Par Anne-yes le 12 Décembre 2022 à 15:52
Née en 1945 Natascha Wodin est une écrivaine allemande d'origine soviétique. Ses parents sont arrivés en Allemagne comme travailleurs forcés en 1944. Evguénia Iakovlevna Ivachtchenko (1920-1956), la mère de l'autrice, s'est suicidée quand celle-ci avait dix ans. Natascha Wodin sait très peu de choses sur sa mère et sa famille maternelle. Un jour de 2013, cependant, elle trouve le nom de sa mère sur l'internet russe. S'en suivent plusieurs coups de chance ou hasards miraculeux. Natascha Wodin fait la connaissance de Konstantine, un Grec de Marioupol, généalogiste amateur qui, de fil en aiguille, reconstitue l'histoire de ses ancêtres. Natascha Wodin entre même en contact avec des cousins dont elle ignorait auparavant l'existence. Elle qui a vécu une enfance misérable et se rêvait en princesse pour la supporter découvre alors une famille qui fut une des plus riches de Marioupol.
Derrière l'histoire de la famille Ivachtchenko, très représentative, c'est le sort tragique du peuple ukrainien au 20° siècle qui nous est rappelé : révolution russe et guerre civile ("Au cours des cinq années de guerre civile, le pouvoir administratif à Marioupol change de main à dix-sept reprises"), Grande famine, procès truqués et déportation au goulag, invasion de l'URSS par l'Allemagne nazie ("Au moment de l'entrée des troupes allemandes, 240000 personnes vivent à Marioupol, deux ans plus tard ils ne seront plus que 85000"), travail forcé en Allemagne et encore le goulag pour ceux qui en sont revenus. On ne peut pas dire que le 21° siècle soit pour l'instant plus favorable. Cette histoire a séparé et détruit les familles et Natascha Wodin est loin d'être la seule à rechercher les siens : Konstantine est surchargé de travail. Il existe une émission de recherche de disparus à la télé ukrainienne, "Attendez-moi", mais il y a tellement de monde qui fait appel à elle que le temps d'attente est de plus d'un an.
Natascha Wodin raconte aussi la vie de sa mère en Allemagne. Evguénia et son mari (le père de l'autrice) sont affectés comme travailleurs forcés à une usine du groupe Flick à Leipzig, logés dans un camp. L'autrice ne sait rien de la vie de ses parents à cette époque. Elle s'appuie sur des documents et des récits d'autres travailleurs de la même usine pour imaginer leurs conditions d'existence dans un groupe "connu pour ses conditions de travail et de logement particulièrement inhumaines". J'ai trouvé très intéressant ce que j'ai appris à ce sujet. L'Holocaust Memorial Museum de Washington estime à 30000 le nombre de camps de travailleurs forcés sur le territoire du Reich allemand.
Après la guerre la famille Wodin connaît des conditions d'hébergement très précaires jusqu'en 1952 : ils vivent dans un hangar puis dans un camp de personnes déplacées. L'autrice s'appuie sur ses souvenirs de petite fille pour raconter l'ouverture qu'a été pour elle le fait d'aller à l'école à l'extérieur du camp et d'y apprendre la langue allemande mais aussi la façon dont elle a été maltraitée par les petits Allemands, avec la complicité de l'institutrice, car en tant que Russe on se vengeait sur elle de la défaite de l'Allemagne. La famille n'est pas vraiment un refuge. Le père bat femme et filles puis disparaît pendant de longues périodes, la mère sombre peu à peu dans la folie. La fin est poignante.
J'ai beaucoup apprécié cet excellent ouvrage. J'ai trouvé très intéressante l'histoire de la famille ukrainienne de l'autrice et sa quête pour en renouer les fils. Natascha Wodin raconte comment elle a pendant longtemps fantasmé la vie de sa mère et la façon dont ses découvertes valident ou invalident ce qu'elle avait imaginé. J'aime bien sa façon de présenter le contraste qu'il peut y avoir entre le rêve et la réalité et de montrer comment sa recherche réactive des souvenirs enfouis. Elle croyait ne rien savoir, elle découvre que ce n'est pas tout à fait le cas.
J'ai été choquée par ce que j'ai appris du sort des travailleurs déplacés pendant et après la guerre. J'ai pensé bien sûr à L'Ukrainienne de Josef Winkler. Il est clair que Valentina Steiner a eu beaucoup plus de chance qu'Evguénia. D'après ce que j'ai lu il semble que ce soit le cas de la première qui soit l'exception. Autre différence : Valentina a gardé le contact avec sa mère, Evguénia ne savait pas ce que la sienne était devenue, ignorance qui l'a minée.
Enfin j'ai été impressionnée par ce qu'est devenue Natascha Wodin après un début de vie très difficile : une traductrice et une autrice, une femme qui semble apaisée et je lui dis bravo. Avec cet ouvrage elle restitue une humanité à sa mère que le père a toujours traitée de folle après sa mort.
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Par Anne-yes le 8 Décembre 2022 à 10:33
Berlin, 1964. Toute la ville se prépare à célébrer le Führertag -les 65 ans d'Hitler- dans des festivités qui doivent durer plusieurs jours. Nous sommes dans une Allemagne qui a vaincu l'URSS et le Royaume-Uni, une Allemagne maîtresse de l'Europe, une Allemagne nazie installée dans la durée. L'inspecteur Xavier March, Sturbannführer à la Kriminalpolizei est chargé de l'enquête concernant la mort par noyade de Josef Bühler, un nazi de la première heure. Mais voici que la Gestapo, en la personne d'Odilo Globocnik, semble très désireuse de faire classer l'affaire comme accident, ce à quoi March ne croit pas. En continuant l'enquête malgré tout il met sa vie en jeu face à des gens prêts à tout pour maintenir dans l'ombre leurs crimes.
L'action de cette uchronie se déroule dans une ville de Berlin en partie transformée selon les plans d'Albert Speer. Ce n'est pas tout à fait Germania -trop cher- mais les constructions monumentales sont nombreuses. Les Allemands sont embrigadés ou préfèrent se taire cependant Xavier March est un personnage qui doute et exprime de plus en plus de questions notamment sur le sort des Juifs qui semblent avoir disparu. Le génocide des Juifs, nous dit Robert Harris, a bien eu lieu mais les autorités en ont fait disparaître toutes les traces. Si, aux Etats-Unis, des bruits circulent il n'y a aucune preuve et cela n'intéresse pas grand monde. J'ai pensé d'abord qu'une dissimulation d'une telle ampleur n'était pas crédible puis j'ai changé d'avis : l'URSS a bien réussi pendant des décennies à passer sous silence ou à minimiser ses crimes (famine en Ukraine, grandes purges, Katyn...). Le message de l'auteur ici c'est que ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire à leur convenance.
Ce que j'ai apprécié dans ce roman c'est la peinture de ce monde nazi des années 1960 qui mêle modernité technique du moment et permanence des caractères d'un régime totalitaire : enfant qui dénonce un parents "mal pensant", pratique de l'humour comme seul moyen de critiquer le régime, corruption des dirigeants. On se croirait en URSS à la même époque.
L'avis de Cléanthe.
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Par Anne-yes le 5 Décembre 2022 à 10:00
Une jeunesse au Moyen-Orient (1994- 2011). En 1994 Riad Sattouf a 16 ans et vit à Rennes avec sa mère et son frère Yaya. Cela fait deux ans que le père a enlevé Fadi, le cadet de la fratrie. Pour retrouver son fils la mère s'en remet à divers charlatans et escrocs : voyante, avocat véreux, soi-disant ex des services secrets. Après le bac Riad Sattouf étudie les arts appliqués à Rennes puis à Paris. Dans le même temps il cherche à se faire éditer et commence une psychothérapie dans le but de se débarrasser de ses angoisses et de l'image de son père qui l'obsède.
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Par Anne-yes le 2 Décembre 2022 à 10:21
La sortie de l'ultime épisode des aventures d'Adèle Blanc-Sec est l'occasion de relire toute la série.
Adèle et la bête (1976). Paris, 1911. Au Muséum d'histoire naturelle du Jardin des Plantes, un oeuf de ptérodactyle a éclos. L'animal en liberté attaque des passants et crée la panique dans la capitale. Il croise la route d'Adèle Blanc-Sec, jeune aventurière intéressée par le Muséum mais pour une toute autre raison.
Que de péripéties rocambolesques ! Cette BD est un pastiche de roman-feuilleton avec tellement de rebondissements que l'héroïne elle-même a parfois du mal à suivre. Comme le veut le genre la fin laisse le lecteur sur de nouvelles interrogations.
Le démon de la Tour Eiffel (1976). A la poursuite de ceux qui se sont joué d'elle à la fin de l'épisode précédent, Adèle Blanc-Sec tombe sur une secte d'adorateurs de Pazuzu, démon assyrien. Ce sont encore des aventures rocambolesques pour notre héroïne. L'auteur cependant relie entre eux tous les événements qui pouvaient apparaître précédemment comme des péripéties décousues.
Le savant fou (1977). Un groupe de savants, témoin précédemment du réveil d'un ptérodactyle, a décidé de tenter la même expérience avec un pithécanthrope dont le corps, parfaitement conservé, a été retrouvé dans de la tourbe gelée en Sibérie. Bien sûr tout ne va pas se dérouler exactement comme prévu. Alexandre -le pithécanthrope ressuscité- sera-t-il le soldat de l'avenir ou est-il plutôt une sorte de Quasimodo, amoureux d'Adèle Blanc-Sec ?
Momies en folie (1978). Paris, 1912. Les cadavres de jeunes femmes suppliciées, affublés de têtes de boucs, sont retrouvés aux alentours du jardin des Tuileries. La momie qui décorait l'appartement d'Adèle Blanc-Sec revient à la vie et s'évade en compagnie des momies du musée du Louvre. Une personne très déterminée organise des attentats de plus en plus monstrueux dans le but de tuer notre héroïne.
J'ai trouvé particulièrement excellent ce quatrième tome avec ses péripéties complètement délirantes. Il m'avait déjà marquée lors de ma première lecture car je me souvenais bien de l'accident de train et du naufrage du Titanic. C'est du grand n'importe quoi maîtrisé de façon réjouissante. Des personnages surgissent d'on ne sait où mais dont l'auteur arrive à posteriori à justifier l'irruption. Cela donne l'impression d'être écrit au fil de l'imagination, sans scénario conçu à l'avance.
Adieu Brindavoine suivi de La fleur au fusil (1979). Cette BD n'est pas vraiment un épisode des aventures d'Adèle Blanc-Sec -elle n'y apparaît pas- mais la date de parution et le fait que Lucien Brindavoine soit un personnage du tome 5 lui permettent de se glisser dans cette série.
Lucien Brindavoine est contacté par un M. Basile Zarkhov venu lui faire "une proposition extraordinaire". Au moment où Lucien s'apprête à mettre l'intrus à la porte celui-ci est abattu. Avant de mourir il a juste le temps d'indiquer un lieu de rendez-vous à Istamboul. Lucien se lance dans une aventure fantastique qui le mène jusqu'en Afghanistan.
Personnages délirants, imagination extravagante, je retrouve bien ce qui fait pour moi le sel des aventures d'Adèle Blanc-Sec. Dans le dessin j'apprécie particulièrement les décors. Décors d'intérieurs surchargés d'objets hétéroclites, décors de villes, Istamboul ici, Paris pour les aventures d'Adèle Blanc-Sec.
La fleur au fusil. Un épisode vécu par Lucien Brindavoine, engagé malgré lui dans la première guerre mondiale. Le décor est celui d'un réalisme cru des horreurs de la guerre des tranchées. Cela me fait penser que du même auteur j'ai aussi C'était la guerre des tranchées. A relire.
Le secret de la salamandre (1981). 1917. Revenu de la guerre avec un bras en moins, Lucien Brindavoine s'abyme désormais dans l'alcool. Cryogénisée par Mouginot à la fin de Momies en folie, Adèle Blanc-Sec attend que l'on vienne la réveiller. Pendant ce temps, à travers la planète, des industriels et des chefs religieux organisent un complot pour contrôler le monde. Et Dieuleveult, le savant fou, poursuit Adèle de sa haine implacable.
Le noyé à deux têtes (1985). Après six ans de congélation Adèle Blanc-Sec revient à la vie le 11 novembre 1918. Elle ignore tout de la guerre. Rentrée chez elle elle est contactée par les membres d'une troupe de cirque qui pensent avoir découvert un complot : les vraies causes de la guerre. Alors que clowns et homme siamois sont assassinés les uns après les autres, une pieuvre géante surgit de loin en loin dans Paris et fait de nouvelles victimes.
Les péripéties sont tellement embrouillées dans cet épisode que j'ai renoncé à comprendre tout de suite. Je me dis que les choses s'éclairciront plus loin ou dans un prochain épisode comme Tardi sait le faire. Pour l'auteur il s'agit surtout d'afficher ses convictions antimilitaristes et de dire tout le mal qu'il pense du patriotisme, de la guerre et des généraux qui envoient le peuple se faire trouer la peau.
Tous des monstres (1994). 12 novembre 1918. Où on en apprend plus sur la pieuvre ou plutôt les tentacules rouges qui mettent Paris en émoi depuis la veille, c'est-à-dire l'épisode précédent, neuf ans plus tôt ! Il est question d'un dessinateur, illustrateur des romans-feuilleton rédigés par Adèle Blanc-Sec, traumatisé de guerre qui a la faculté de faire ressurgir les angoisses d'enfant de chacun. Le lecteur croisera aussi deux flics tortionnaires et toujours Lucien Brindavoine, des clowns et Dieuleveult cherchant à tuer notre héroïne.
Le mystère des profondeurs (1998). 1922. Le Dentiste est sorti de prison, le Fluet s'est évadé et Adèle Blanc-Sec se retrouve prise dans des règlements de comptes entre malfrats. Après les tentacules la partie fantastique est assurée par des limules.
Le labyrinthe infernal (2007). 1923. C'est un minotaure, fruit des recherches d'un autre savant fou, que nous croisons dans cet épisode. Il y a la réapparition de la momie d'Adèle Blanc-Sec et tellement de personnages que je m'y perds de plus en plus.
Le bébé des Buttes-Chaumont (2022). Alors que les Parisiens se transforment en boeufs et que les momies du monde tiennent congrès sous la coupole des Immortels, des conducteurs de trottinettes en bois sont projetés en l'air lors de collisions avec des automobiles. Cet ultime tome des aventures d'Adèle Blanc-Sec, débutées il y a 46 ans, fait référence à tous les précédents et est aussi un hommage à la chanteuse Dominique Grange, femme de Jacques Tardi.
Ce que j'ai apprécié dans cette série :
- Le personnage d'Adèle Blanc-Sec, femme qui ne sourit jamais et fume comme un sapeur. Autour d'elle les cadavres s'accumulent sans que cela semble la toucher.
- Le décor du Paris des années 1920.
- Les scénarios à la roman-feuilleton, qui partent dans tous les sens et l'habileté de l'auteur à trouver des débouchés à des situations totalement délirantes.
- La morale anarchisante de l'ensemble : critique de l'autorité sous toutes ses formes, armée, police...
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Par Anne-yes le 29 Novembre 2022 à 09:25
En 1939, suite au pacte germano-soviétique et à l'invasion de la Pologne, la famille Berger, Allemands ethniques installés en Ukraine depuis plusieurs générations, est déportée en Pologne pour y participer à la colonisation de la région annexée par l'Allemagne. En 1945, après la défaite des nazis et le passage de l'armée rouge, ne reste plus comme survivante de la famille Berger que la petite Erna Swetlana, 11 ans. Elle est déplacée en sens inverse et affectée au Kazakstan. J'ai trouvé intéressants, d'un point de vue historique, ces premiers paragraphes qui répondent à une question que je me posais depuis quelque temps sur comment l'Allemagne nazie avait organisé la colonisation de l'ouest de la Pologne : avec quelles populations, qu'étaient-elles devenues après 1945 ?
Devenue adulte Swetlana retrouve Boris Horn, lui aussi un Volksdeutsche, croisé en Pologne. Les deux jeunes gens tombent amoureux mais leur pureté et leur beauté ont déclenché contre eux la haine de chefaillons locaux corrompus, prêts à tout pour assouvir leurs désirs de domination. Les péripéties s'enchaînent alors et je ne m'ennuie pas vu les rebondissements nombreux et les avanies que subissent nos jeunes héros, très résilients. Il faut accepter des situations et personnages caricaturaux. Cela peut se faire, c'est le genre qui veut ça. J'ai plus de mal avec les stéréotypes racistes.
Heinz Günther Konsalik (1921-1999) a été membre des jeunesses hitlériennes et employé à la Gestapo, reporter de guerre en France puis soldat sur le front russe d'où il n'a pas rapporté un grand amour pour les Soviétiques, semble-t-il. A partir de 1948 il a écrit 155 romans traduits en 42 langues ce qui fait de lui l'auteur allemand le plus lu de l'après guerre (Wikipédia).
Avec cette lecture je termine ma participation au mois des Feuilles allemandes organisé par Et si on bouquinait un peu et Livr'escapades.
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Par Anne-yes le 26 Novembre 2022 à 10:00
En Autriche, dans une ville de garnison, le narrateur, le lieutenant Anton Hofmiller, 25 ans, se prend de pitié pour une jeune femme paralysée. Edith de Kekesfalva a 17 ans, sa maladie l'a rendue irritable et sujette à des crises nerveuses. Elle est la fille d'un riche veuf prêt à tout pour qu'elle recouvre la santé. Le lieutenant Hofmiller, jeune homme pauvre, est toujours bien accueilli par le père et la fille chez qui il trouve comme une famille de substitution. Il prend plaisir à constater que sa présence calme Edith et lui donne le sourire. Jusqu'au jour où il réalise que celle-ci s'est complètement méprise sur ses sentiments et ses intentions.
Tout ceci va très mal se terminer, c'est écrit en quatrième de couverture et je me suis demandée comment l'auteur allait réussir à tenir 350 pages écrites petit sur cette histoire. C'est que le roman est aussi l'occasion de nous dépeindre la société et les mentalités dans une petite ville de garnison à la veille de la première guerre mondiale. Fréquentant régulièrement chez les Kekesfalva, le lieutenant Hofmiller se coupe de ses camarades officiers qui ne peuvent imaginer d'autre moteur que l'appât du gain dans cette relation. Il se trouve que Kekesfalva est d'origine juive et cela passe mal chez ces antisémites imbus de leur supériorité de militaires.
Quant au narrateur, s'il est plus ouvert que ses camarades, c'est quand même un personnage qui me met mal à l'aise dans sa relation avec Edith. Pour lui elle est la pauvre infirme et il la voit rarement comme une vraie personne d'où le choc qu'il éprouve quand il comprend qu'elle est amoureuse de lui. Il faut dire qu'avec ses colères et son chantage au suicide elle ne facilite pas les choses. A mesure qu'on avance dans le récit Hofmiller apparaît comme de plus en plus agit par sa pitié et incapable de mettre fin à un malentendu mortifère. Je trouve très déplaisante, à la fin du récit, la façon dont il se "tire d'affaire" en essayant de se faire croire qu'il est obligé d'agir comme il le fait.
Si les personnages ne me sont pas très sympathiques j'ai cependant beaucoup apprécié cette lecture pour la belle écriture et pour l'analyse psychologique. Stefan Zweig a bien montré comment le fait d'agir par pitié peut valoriser l'auteur de cette pitié au point de lui donner le sentiment d'être Dieu.
C'est une lecture commune organisée par Et si on bouquinait un peu dans le cadre des lectures Autour du handicap (avec Ingrid) et des Feuilles allemandes (avec Fabienne) et avec Keisha, Brize et Cléanthe.
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Par Anne-yes le 18 Novembre 2022 à 17:22
L'écrivain italo-slovène Boris Pahor est mort le 30 mai 2022. Il était né en 1913, il est mort à 108 ans ! Il était né autrichien et était devenu italien à cinq ans, sans quitter Trieste. Sa langue maternelle était le slovène et il a été marqué à vie par l'incendie, en 1920, de la maison de la culture slovène par les fascistes qui ont ensuite italianisé jusqu'aux noms sur les pierres tombales. Arrêté en janvier 1944 pour faits de résistance il est déporté au camp de concentration du Struthof, dans les Vosges, puis à Dachau, Dora et Bergen-Belsen. La plupart de ses oeuvres sont inspirées de cette expérience.
Pèlerin parmi les ombres. En 1966 Boris Pahor visite le camp du Struthof où il fut interné 40 ans auparavant. Le fait de s'y retrouver en compagnie de touristes l'amène à s'interroger sur leur présence en ces lieux. S'il est content que le camp soit devenu un lieu de mémoire, il est en même temps "plutôt satisfait de constater que le monde des camps est incommunicable". Cette visite est l'occasion de se remémorer les conditions de détention et les camarades morts ici. A son arrivée au Struthof Boris Pahor a été affecté à un poste d'infirmier. Il est conscient qu'il doit sa survie à cette fonction et le complexe de culpabilité du survivant le tourmente : il a mangé le pain des malades morts à l'infirmerie.
L'auteur décrit dans des termes parfois crus le froid, la faim, la maladie, la déchéance physique. Il analyse les conséquences de la peur permanente qui neutralise les sentiments pour qu'ils n'atteignent pas l'instinct de conservation. Cependant il dit aussi la solidarité et les relations de camaraderie ou même d'amitié qu'il a tissés avec certains détenus. Ce récit est un hommage à ces hommes et notamment à ceux qui sont morts, à qui il s'agit de restituer leur humanité :
"Nous aurions dû prendre carrément la parole non seulement pour les camarades réduits en cendres, pour leur honneur mais surtout pour rappeler à la conscience des hommes la valeur de leur sacrifice qui, plus encore que le sacrifice au combat, touche au patrimoine de l'humanité".
Enfin Boris Pahor s'interroge sur le bien et le mal et sur la responsabilité du peuple allemand. Il s'oppose à son ami André Ragot, détenu lui aussi au Struthof qui, dans son livre NN Nuit et brouillard paru en 1945, se demande "s'il ne conviendrait pas d'anéantir le peuple qui a donné Nietzsche, Hitler et Himmler et les millions d'exécutants de leurs ordres et de leurs idées". Sans négliger la responsabilité des individus Boris Pahor pense qu'il "faut auparavant demander des comptes à la société qui les a éduqués".
C'est un livre que j'ai trouvé puissant. Pas toujours facile à lire, par son sujet -de nombreux passages sont poignants- mais aussi par la prose exigeante qui demande des efforts de concentration. On passe ainsi, par exemple, sans avertissement, de Boris Pahor visitant le camp du Struthof en 1966 à Boris Pahor prisonnier dans ce même camp voire, dans des scènes hallucinatoires, à Boris Pahor se rêvant dans le camp, entouré des ombres de ses camarades morts. Ce texte complexe restitue bien, il me semble, la complexité des sentiments et de la pensée de l'auteur.
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Par Anne-yes le 11 Novembre 2022 à 10:00
Urbain Hell est un jeune homme de 26 ans, ingénieur sans emploi, champion d'Autriche de natation qui a trouvé à s'engager pour l'été comme maître nageur à Lac-aux-Dames, station touristique de montagne. Il pleut, l'eau est à 18° C et Hell, payé à la leçon, ne mange pas souvent à sa faim mais son orgueil l'empêche d'en faire mention aux nombreuses admiratrices qui lui tournent autour. Car Hell est un très beau garçon et, à son corps défendant, séduit toutes les femmes, jeunes ou moins, mariées ou non, dont certaines n'hésitent pas à lui imposer baisers et attouchements. Mais lui est tombé amoureux de May. Et puis il attend une lettre qui règlera tous ses problèmes financiers.
C'est gentil cette histoire, un peu ennuyeux parfois car il ne se passe pas grand chose avant les derniers chapitres où l'action se précipite. L'intérêt principal est de découvrir la vie mondaine dans une station balnéaire au début du 20° siècle -le roman est paru en 1930. C'est bien écrit et les sentiments des personnages sont bien décrits. Je déplore cependant un regard paternaliste condescendant porté sur les femmes, notamment une jeune sourde-muette comparée à plusieurs reprises à un (bon) chien.
Vicki Baum était une écrivaine autrichienne qui a émigré aux Etats-Unis au début des années 1930. Elle écrit d'abord en allemand puis en anglais. J'ai chez moi plusieurs romans de cette autrice qui me viennent de ma grand-mère, de quoi envisager encore au moins une participation aux Feuilles allemandes. En attendant celui-ci va aller à la boîte aux livres.
Avec cette lecture je participe au mois thématique Les feuilles allemandes organisé par Eva, Patrice et Fabienne.
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