• Jean d'Aillon, Wartburg, 1210, PlonAprès Béziers dont il a vu massacrer la population par la soldatesque de la croisade contre les Albigeois, Guilhem d'Ussel décide de quitter son fief de Lamaguère en emmenant ses gens: une partie d'entre eux sont cathares et il craint pour leur vie s'ils restent dans le Toulousain. Son projet est de les mettre à l'abri à Rouen où il possède une maison. Il compte ensuite se rendre en Germanie pour y retrouver le Minnesänger -troubadour- Wolfram d'Eschenbach, rencontré autrefois. Commence alors un long périple de plusieurs mois à travers le royaume de France. On n'avance pas vite quand on va à charrettes chargées de familles et qu'on doit affronter marauds et guerriers désireux d'en découdre. Ma foi, ce qui m'intéresse le plus dans ce roman ce sont ce voyage et ses préparatifs.

     

     

    Depuis que je lis les aventures de Guilhem d'Ussel j'ai l'habitude des descriptions parfois caricaturales des personnages: les nobles dames sont belles, les fidèles serviteurs ont les traits grossiers mais de bon yeux et le mal se lit sur le visage des méchants. Ainsi de ces "quelques douzaines de scélérats déguenillés, avec des figures effroyables, des yeux de fauves, des bouches tordues par la rage et l'envie de tuer. Ils surgissaient par vagues, depuis le chemin, tels une armée de rats affamés armés de piques, d'épieux, de coutelas et de haches". Ces simplifications m'ont toujours fait un peu tiquer. Quand on compare des gens à des rats cela me gêne beaucoup plus.

    Dans le présent épisode je suis surtout choquée par l'irruption d'une sorcière -la méchante belle-mère de Blanche-Neige, ici nommée Blancheflor- qui participe à un sabbat avec d'autres maudits. L'auteur aurait pu nous épargner les nains et Hansel et Gretel mais surtout il n'y a aucun recul sur la figure de la sorcière et le fait que certaines passent au bûcher sur simple dénonciation des voisins. C'est présenté comme une opération de salubrité publique sauf quand la victime est une femme innocente dénoncée par une sorcière. Avec une justice qui travaille à charge il faudrait m'expliquer comment on fait la différence entre l'innocente et la "vraie" sorcière. Nous sommes quand même au 21° siècle! Il faudrait peut-être faire lire Mona Chollet à Jean d'Aillon?

     

     

    Si j'abdique mon sens critique il reste que c'est une lecture plaisante du fait des nombreuses péripéties et pas trop angoissante vu qu'on sait dès le départ que le héros gagne toujours à la fin. La série est inégale et Wartburg n'est sans doute pas le meilleur.

     


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  • Kate Davies, Milarrochy heids, Kate Davies design

     

    Kate Davies est une designeuse écossaise qui crée des modèles de tricot que j'ai découverts avec ce livre et que j'aime beaucoup. Dans cet ouvrage qui présente quinze modèles de bonnets tous superbes, elle s'est associée avec treize autres créatrices. J'ai acheté le livre sur mon site de laine favori qui propose aussi un fil équivalent à celui vendu par l'autrice. Après les chaussettes je suis donc passée aux bonnets et j'en ai tricoté pour tous mes proches, ça m'a fait une bonne série de cadeaux de Noël. Le livre est en anglais, j'ai donc tricoté en anglais! En plus des explications où il m'a fallu parfois chercher la traduction de termes techniques, chaque modèle est accompagné d'un diagramme très bien fait et quand on a déjà tricoté du jacquard, c'est facile de s'y retrouver. Grâce à cet ouvrage j'ai pu expérimenter plein de nouvelles techniques que je ne connaissais pas: le tricot double face réversible, le montage tubulaire et j'ai appris à tricoter en jacquard en tenant un fil dans chaque main. Pour m'aider j'ai eu recours à des tutos sur Youtube, il y en a de très bien faits.

    Les bonnets sont tricotés à l'aiguille circulaire en partant du bas. Il m'a fallu parfois revenir sur le tour de tête trop serré ou trop large mais je suis très contente du résultat.

     

    Kate Davies, Milarrochy heids, Kate Davies design


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  • Ce très court ouvrage d'une soixantaine de pages comporte deux nouvelles qui sont liées: le narrateur est le même et il y est question de son grand-père, inspiré de celui de l'auteur.

    Enfant le narrateur est curieux du numéro tatoué sur l'avant-bras gauche de son grand-père. Celui-ci prétend qu'il s'agit de son numéro de téléphone, le jeune garçon, de son côté, imagine différentes scènes dans lesquelles le grand-père reçoit ce numéro. Des années plus tard, alors que le narrateur est en train de boire un verre de whisky avec son grand-père celui-ci lui raconte l'histoire de son numéro et du boxeur polonais qui lui a sauvé la vie: "Ca s'est passé à Auschwitz".

    Dans la seconde nouvelle, Allocution de Póvoa, alors qu'il réfléchit au thème d'une conférence: "La littérature gratte, écorche la réalité", le narrateur repense à l'histoire de son grand-père qui a tu si longtemps la réalité de ce qu'il avait vécu à Auschwitz.

     

     

     

    A travers le cas du grand-père il me semble que Eduardo Halfon pose la question de comment se reconstruire et vivre après Auschwitz. J'ai apprécié la description de la relation d'amour et de tendresse entre le narrateur et son grand-père. Trois photographies du grand-père de l'auteur sont incluses dans l'ouvrage.

    Eduardo Halfon est Guatémaltèque. Son grand-père, d'origine polonaise, est venu s'installer au Guatémala après la seconde guerre mondiale. Cette lecture est donc ma modeste participation au mois latino-américain organisé par Ingannmic.

     

    Eduardo Halfon, Le boxeur polonais, La table ronde

     


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  • Lilian Thuram, La pensée blanche, Philippe ReyCe que Lilian Thuram appelle la pensée blanche c'est la conception de soi et du monde qui a permis et qui permet encore la domination et l'exploitation du reste de la planète par les populations d'origine européenne (= Blancs). L'auteur remonte à la "découverte" de l'Amérique pour montrer comment, à travers le temps, les occidentaux ont justifié leur conquête du monde par leur prétendue supériorité "raciale". Le résultat en a été de nombreux abus et crimes : extermination des Amérindiens, esclavage et traite négrière, colonisation, néocolonialisme, exploitation des richesses des pays pauvres par les grandes firmes occidentales. Même si, à toutes les époques, il y a eu des voix divergentes -las Casas, défenseur des Amérindiens; Clémenceau s'opposant à la colonisation- l'histoire construite par les vainqueurs a souvent minimisé ou même passé sous silence ces faits et un grand nombre de nos contemporains en sont encore ignorants. L'objectif de Lilian Thuram est de faire prendre conscience au lecteur de la prégnance de cette pensée blanche et de la façon dont elle imprègne notre vision du monde -parfois à notre insu.

     

     

    Il est question du privilège blanc, le fait que quand on est Blanc on n'est pas amené à penser quotidiennement à sa couleur. En fait on est juste... "normal" comme répond Pierre, ami d'enfance -blanc- de Lilian Thuram à la question de ce dernier : "Si moi je suis Noir, toi tu es quoi?

    - Ben, ... je suis normal."

    Le philosophe Pierre Tevanian dit que être Blanc c'est "être élevé dans cette double imposture: le bénéfice d'un privilège, et la dénégation de ce privilège". Il me semble que le déni -ou l'ignorance- de ce privilège se cache bien souvent derrière les accusations de wokisme faites aujourd'hui à ceux qui parlent de racisme systémique, qui veulent déboulonner les statues des complices de l'esclavage ou se réunir en non-mixité. Je relève cette citation du philosophe Souleymane Bachir Diagne pour qui l'universalisme est "la position de celui qui déclare universelle sa propre particularité en disant: "J'ai la particularité d'être universel".

     

     

    Il me semble difficile de nier le lien entre esclavage, colonisation et racisme. Par contre je reconnais que j'ai été dubitative en lisant que les méfaits du capitalisme étaient aussi à mettre au compte de la pensée blanche: les prix des matières premières sont fixés en bourse selon des décisions imposées par la pensée blanche; "les 800 millions de personnes qui vivent avec moins de 1,90 dollar par jour sont toutes non blanches; (...) les 10 % de la population mondiale qui n'ont pas accès à l'eau potable sont tous des non-Blancs (...)". J'ai d'abord pensé que cela n'avait pas de lien avec la couleur. Je n'ai pas fini d'y réfléchir et je crois que c'est le but de l'auteur: nous inviter à décaler notre regard et à envisager les choses différemment. Il fait à plusieurs reprises la comparaison entre ce que dit la pensée blanche des non-Blancs et les cases dans lesquels elle les met et le regard que porte le patriarcat sur les femmes et les rôles auxquels il les assigne. C'est une comparaison qui touche pour moi qui suis sensibilisée à la cause des femmes et qui vois que tout le monde n'a pas conscience de la domination du patriarcat. Cela m'aide à considérer positivement les positions de l'auteur.

    C'est donc une lecture qui m'a donné à réfléchir.

     

     

    L'avis d'Henri.

     

     

     

     


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  • Edith Wharton, Les entremetteurs et autres nouvelles, La découverteCe recueil comporte huit nouvelles parues d'abord entre 1900 et 1919 et qui se déroulent dans le cadre de la bonne société américaine du début du 20° siècle.

     

    Dans Les entremetteurs un jeune homme et une jeune femme de bonne famille mais désargentés sont employés comme secrétaires par des nouveaux riches. Leur fonction est en fait plutôt celle de coaches qui doivent apprendre à leurs patrons à bien se comporter dans la société qu'ils fréquentent maintenant. On attend aussi d'eux qu'ils offrent des opportunités de bon mariage. Frederick Tilney et Belle Grantham, les deux jeunes entremetteurs, apparaissent comme tiraillés entre le désir d'assoir une position qui leur permette d'être à l'abri du besoin et leur aspiration à une vie plus désintéressée. Le problème c'est que manifestement il n'est pas question de travailler vraiment.

     

    On retrouve ce conflit entre l'argent et les valeurs dans Sables mouvants. Une jeune femme est amoureuse d'un jeune homme qui est le propriétaire et le directeur d'un journal de ragots à scandale, sorte de tabloïd de l'époque. Elle hésite à accepter sa demande en mariage car elle réprouve son métier. C'est finalement la mère du jeune homme qui lui permettra, de façon un peu surprenante, de trancher.

    "Bien que n'étant pas du genre fantasque, Mrs Quentin se rendait parfois compte qu'elle possédait un sixième sens la rendant capable de détecter jusqu'au moindre mouvement instinctif de son fils. Elle était trop fine pour s'abandonner à l'idée qu'elle était la seule mère en possession de cette faculté, mais elle s'autorisait à penser que peu d'entre elles étaient capables de l'exercer aussi discrètement. Si elle ne pouvait s'empêcher d'entendre malgré elle les pensées d'Alan, elle avait le courage de garder ses découvertes pour elle-même, et le tact de ne jamais tenir pour certain ce qu'elle devinait sous la surface de leur conversation; elle savait que la plupart des gens préfèreraient qu'on lise leur courrier plutôt que leurs pensées."

     

    De même, dans La descendance de l'homme le professeur Linyard qui a longtemps tiré le diable par la queue découvre le confort d'une vie sans souci d'argent après avoir écrit un livre à succès.

    "Le professeur, durant les cinquante ans d'une vie vertueuse, n'avait eu connaissance que de deux types de femmes: les femmes tendres et stupides que l'on épousait, et les femmes sérieuses et intellectuelles que l'on n'épousait pas. Des deux, il préférait de loin les premières, y compris pour les plaisirs de la conversation."

     

     

    L'autre thème qui revient à plusieurs reprises est celui des aspirants artistes ou artistes convaincus de leur génie. Dans Giboulées de mars une jeune fille attend avec impatience la publication du roman qu'elle a envoyé à une revue littéraire en vue et qui sera, à n'en pas douter, un succès. La fin est touchante.

    Dans L'art d'écrire un roman de guerre Miss Ivy Spang, infirmière de guerre, décide de coucher par écrit les récits de combat que lui ont fait les soldats qu'elle soigne. Plus facile à dire qu'à faire.
    Dans La guérison Edith Wharton montre comment, en se convaincant de la qualité d'un peintre médiocre, le public le renforce dans son sentiment d'autosatisfaction -et vice-versa.

     

     

    L'autrice pointe avec humour les contradictions de ses personnages en même temps qu'elle les analyse et en montre les motivations. C'est excellemment écrit et j'ai trouvé très plaisante la lecture de cet ouvrage.

     


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  • Stefan Hertmans, Une ascension, Gallimard Stefan Hertmans a vécu pendant vingt ans dans une grande demeure du quartier populaire de Patershol à Gand. Ce n'est qu'après avoir quitté cette maison qu'il a pris conscience qu'elle avait aussi été celle d'un collaborateur et SS flamand, Willem Verhulst. Autre coïncidence, Adriaan Verhulst, le fils de Willem, a été le professeur d'histoire à l'université de Stefan Hertmans qui décide de mener l'enquête sur cette famille. Nous faisons ainsi la connaissance de Willem Verhulst, devenu nazi par nationalisme flamand. Collaborateur zélé il dirige un service d'espions qui lui permettent de dresser des listes de personnes à arrêter, interner, torturer ou déporter: francophones, anglophiles, francs-maçons, Juifs... D'après ce que dit l'auteur je comprends que la collaboration en Belgique a plutôt été le fait de flamingants, par nationalisme et pangermanisme. Ce cadre historique de l'occupation de la Belgique par les Allemands est peu détaillé et j'aimerais maintenant en savoir plus sur ce sujet.

     

     

    Mientje, la femme de Willem, est une Néerlandaise, chrétienne protestante et pacifiste convaincue. Son mari lui cache beaucoup de ses activités, refuse de lui répondre quand elle l'interroge à ce sujet cependant elle ne peut pas tout ignorer et, à la maison, elle résiste à sa mesure. Elle interdit à son mari de porter son uniforme de SS au domicile familial. Il a un costume civil dans une pièce où les enfants n'ont pas le droit d'entrer et doit se changer en arrivant. Elle jette dans le canal un poignard des jeunesses hitlériennes que le père a apporté pour son fils. En ces périodes de restriction les enfants ne mangent pas à leur faim car, si Willem s'est enrichi avec son activité, il en fait peu profiter sa famille mais plutôt ses nombreuses maîtresses. La dernière en date, Griet Latomme, me fait penser aux Femmes de nazis. Elle-même nazie convaincue elle garde une photo d'Hitler dans son séjour jusqu'à la fin de sa vie.

     

    Stefan Hertmans, Une ascension, Gallimard

    Le Symphonion

    Une ascension repose sur des faits historiques et une ample documentation. L'auteur a eu accès aux mémoires rédigés par certains protagonistes et s'est entretenu avec une des filles de Willem et Mientje ainsi que d'autres témoins. La forme est cependant celle du roman, les propos et les pensées des personnages sont imaginés. Par petites touches, de façon impressionniste, Stefan Hertmans dépeint aussi les conditions de vie matérielles dans les années 1940 et 1950, en présentant notamment des objets que l'on n'utilise plus comme le Symphonion, ancêtre du tourne-disques ou du juke box. L'ouvrage est illustré d'un certain nombre de photos des objets, lieux et personnes cités. C'est une lecture que j'ai trouvée passionnante.

     


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  • Annette Hess, La maison allemande, Actes sudFrancfort, 1963. Eva Bruhns a 25 ans. Elle habite chez ses parents, propriétaires du restaurant Deutsches Haus -la Maison allemande- et travaille comme traductrice du polonais pour des entreprises (traduction de contrats, de modes d'emploi...) en attendant que son petit ami, Jürgen, se décide à la demander en mariage. Jürgen est le fils et l'héritier d'un chef d'entreprise prospère et il est bien entendu avec lui que sa femme ne doit pas travailler. Eva se satisfait de l'idée d'être bientôt "dirigée" par son mari quand on lui demande d'assurer la traduction des dépositions des témoins polonais au "second procès d'Auschwitz" qui va s'ouvrir à Francfort. A ce procès ont été jugé des Allemands qui avaient participé au fonctionnement du camp d'Auschwitz. Cette expérience va être un bouleversement complet pour Eva. D'abord elle s'oppose à ses parents et à son fiancé qui pensent soit qu'il ne faut pas remuer le passé soit que ce n'est pas sa place. Ensuite elle découvre le crime de génocide dont elle n'avait aucune idée et commence à se poser des questions sur ce qu'ont fait ses parents pendant la guerre.

     

     

    En s'appuyant sur les archives de ce procès historique Annette Hess présente les très grandes violences qui se sont déroulées dans le camp d'Auschwitz. Son sujet est aussi le retour de la mémoire. Si beaucoup, avant le procès, disent comme les parents d'Eva qu'il ne sert à rien de remuer le passé, l'affluence aux audiences (on dut refuser du monde) montre l'intérêt du public pour la question. Dans les années 1960 toute une génération née juste avant ou pendant la seconde guerre mondiale s'est interrogée sur la façon dont ses parents avaient pu tremper dans les crimes du régime nazi.

    Je suis choquée par ce que je découvre du comportement des accusés durant le procès. Non seulement ils nient tout mais ils se moquent ouvertement des témoins : ils ricanent entre eux, un prévenu lit le journal durant une déposition. Annette Hess salue en fin d'ouvrage le grand courage qu'il a fallu aux survivants pour déposer dans ces conditions.

     

     

    J'ai apprécié la lecture de ce roman qui décrit aussi l'affirmation d'une jeune femme. L'écriture est très vivante avec de nombreux personnages secondaires qui ont eux-mêmes leurs histoires. Annette Hess est scénariste de séries télévisées. J'avais apprécié sur Arte Berlin 56 et Berlin 59 où est aussi abordée la question de la complicité des Allemands à la shoah.

     

    L'avis de Kathel.
    Je participe aux lectures autour de la shoah organisées par Et si on bouquinait un peu et Passage à l'est.

     

    Annette Hess, La maison allemande, Actes sud

     

     

     

     


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  • Clara Marchaud, Le printemps viendra, Editions RacailleFemmes iraniennes, entre dedans et dehors

    Lauréate d'une bourse Zellidja à 19 ans, Clara Marchaud a passé un mois en Iran en juillet 2017. Elle y a partagé, pour un court moment, la vie de quatre femmes avec qui elle s'est entretenue de leurs aspirations et qu'elle a prise en photos.

    A Téhéran Azadeh, 28 ans, gérante d'une pharmacie, se pose des questions sur son mariage. Son mari passe trop de temps au travail et elle envisage de divorcer. Golnaz, 34 ans, est une amie d'Azadeh. Elle est croyante mais non pratiquante, elle pense que Dieu de se soucie pas des interdits religieux. Firouzeh, 27 ans, est au contraire une femme très pieuse qui fait ses cinq prières par jour. Enfin Niloufar, 23 ans, mène sa vie comme elle l'entend, "comme un homme le ferait".

     

     

    Ces femmes sont des urbaines, appartenant aux classes moyenne ou aisée. Elles ne peuvent donc pas représenter toutes les femmes iraniennes. Cependant ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant c'est de constater le gouffre qui existe entre les exigences du régime et la vie réelle que mène une partie de la population -cela ne concerne pas Firouzeh qui suit les normes. C'est quelque chose que j'avais déjà lu ailleurs. La jeunesse mondialisée et qui en a les moyens organise des soirées où garçons et filles se côtoient et où on boit de l'alcool. Les études ou les voyages à l'étranger permettent aussi de souffler.

     

    Clara Marchaud, Le printemps viendra, Editions Racaille

     

    Clara Marchaud a gardé le contact avec des quatre femmes et nous dit en épilogue ce qu'elles sont devenues au moment de l'édition du livre en 2020. La situation n'est plus la même qu'en 2017 en Iran. Les crises économique et sanitaire ont renforcé le pouvoir des forces conservatrices, l'exil est devenu le seul horizon pour de nombreux Iraniens de la classe moyenne.

    C'est une lecture qui m'a intéressée. L'ouvrage est illustré de nombreuses photos.

     

    Clara Marchaud, Le printemps viendra, Editions Racaille

     

     


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  • Robert Merle, La mort est mon métier, FolioNé en 1900, Rudolf Lang grandit traumatisé par son père, un fanatique religieux qui terrorise femme et enfants en leur imposant des pénitences quotidiennes. Après deux tentatives infructueuses du fait de son jeune âge Rudolf parvient en 1916 à s'engager dans l'armée. Il participe à des massacres de masse en soutien à l'armée turque. Après la guerre il mène une existence incertaine, connaît le chômage, s'engage dans les corps francs. Sa vie de chômeur me fait penser à celle d'Hitler à la même époque. Rudolf adhère au parti nazi en 1922. Sa situation matérielle commence à s'améliorer avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Il est nommé à l'administration du camp de Dachau puis commandant du camp d'Auschwitz en 1940.

     

     

    Dans ce roman rédigé à la première personne, sous la forme des souvenirs de Rudolf Lang, Robert Merle nous présente son personnage comme quelqu'un à qui le fait d'obéir à une discipline rigoureuse procure un sentiment de contentement et de paix. A l'armée, à l'usine, au camp de concentration, quand on lui donne un ordre il obéit sans discuter. Chargé de transformer le camp d'Auschwitz en usine de mise à mort il va s'atteler à cette tache avec le sens pratique et la conscience professionnelle qui le caractérisent. C'est assez glaçant de le voir réfléchir à la façon de "traiter" un maximum de "pièces" le plus efficacement possible. Il fait son métier sans affect, comme s'il n'avait pas affaire à des personnes. Le titre est particulièrement bien choisi.

     

     

    Rudolf Lang a existé. Robert Merle nous annonce en préface qu'il s'agit en fait de Rudolf Höss, commandant du camp d'Auschwitz. A l'occasion du procès de Nüremberg il a été interrogé par le psychologue américain Gilbert qui fit un résumé de ces entretiens sur lequel s'est appuyé l'auteur en plus d'autres documents issus du procès. Le roman a été rédigé entre 1950 et 1952, c'est à dire peu de temps après les faits. La préface date de 1972. Bien avant Hannah Arendt et son concept de la "banalité du mal", Robert Merle montre que les bourreaux ne sont pas nécessairement des sadiques. "Il y a eu sous le Nazisme des centaines, des milliers de Rudolf Lang, moraux à l'intérieur de l'immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs "mérites" portaient aux plus hauts emplois. Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'Etat. Bref, en homme de devoir: et c'est en cela justement qu'il est monstrueux" dit-il dans sa préface. C'est cette étude psychologique qui fait pour moi l'intérêt majeur de ce bon roman.

     

     

    Vu la date de rédaction je relève quelques erreurs concernant les faits historiques. En préface on nous annonce un bilan de cinq millions de Juifs gazés à Auschwitz. Aujourd'hui ce bilan est estimé par les historiens entre 1.2 et 1.5 millions de morts. La présentation de Treblinka donne l'impression que ce centre de mise à mort fonctionnait comme Auschwitz avec un camp de prisonniers, ce qui n'était pas le cas: la grande majorité des victimes y ont été assassinées dès leur arrivée. Incarcéré en Pologne après Nüremberg, Rudolf Höss a écrit ses vrais souvenirs Le commandant d'Auschwitz parle, que j'ai maintenant envie de découvrir.

     

     

    Je participe aux lectures autour de la shoah organisées par Et si on bouquinait un peu et Passage à l'est. Le 27 janvier est la journée internationale de la mémoire des victimes de la shoah. A cette occasion Arte a diffusé un excellent documentaire, Les marches de la mort, qui vaut bien plus que ce titre que j'ai trouvé un peu racoleur. Il s'agit en fait de présenter la fin du système concentrationnaire nazi. La réalisatrice Virginie Linhart a fait intervenir des historiens qui sont à la pointe de la recherche sur la shoah. Elle a eu accès aussi à des témoignages de survivants. Il est disponible sur le site de la chaîne jusqu'au 25 mars.

     

    Robert Merle, La mort est mon métier, Folio

     

     

     

     


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  • Frédéric Paulin, La peste soit des mangeurs de viande, La manufacture de livresUn policier est retrouvé assassiné dans un abattoir de la région parisienne, un post-it collé sur la poitrine: "Peuvent-ils souffrir?" La victime faisait l'objet d'une enquête de l'IGPN pour des violences aussi le commandant Etienne Barzac de la police des polices est-il amené à enquêter sur cette affaire avec l'aide du lieutenant Salima Belloumi. Barzac et Belloumi vont s'intéresser aux agissements de La mort est dans le pré, un groupuscule d'activistes de la cause animale réuni autour d'un chef radicalisé.

     

     

    A la suite des militants antispécistes le lecteur est amené à pénétrer dans les abattoirs où les cadences de travail entraînent une très grande maltraitance des animaux -c'est à vous dégoûter de manger de la viande- mais aussi des employés. La critique du capitalisme décomplexé, intéressé par les seuls profits et prêt à tout pour les augmenter est virulente. La narration alterne les points de vue de différents personnages ce qui permet de varier les angles d'approche et de multiplier les sujets abordés car chacun de ces personnages est présenté dans le contexte de son histoire personnelle. Il est ainsi question des violences conjugales et de la répression du sommet altermondialiste de Gênes en 2001.

     

     

    C'est une lecture que j'ai appréciée même si certains passages sont un peu durs à lire -l'abattage des animaux. Je suis moins emballée cependant que par La nuit tombée sur nos âmes. Je n'ai pas été totalement convaincue par le fin mot de l'histoire.

     


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