• Sue Hubbell, Une année à la campagne, FolioSue Hubbell (1935-2018) a été, dans une première vie, bibliothécaire à l'université Brown à Rhode Island. En 1972 elle et son mari s'installent à la campagne dans les monts Ozarks, dans le sud du Missouri, pour y vivre de l'apiculture. Après que son mari l'a quittée Sue Hubbell continue de vivre dans cet endroit isolé à s'occuper de ses abeilles et à observer la nature. Dans cet ouvrage, divisé en parties correspondant aux quatre saisons, elle décrit ses activités sur la ferme et ses observations.

     

     

    Sue Hubbell rend visite à ses ruches installées sur les terres de voisins, récolte le miel puis va le vendre à travers le pays. Elle entretient elle-même son camion et sa maison, retape le toit de la grange. Elle coupe du bois. Elle observe la flore et la faune, les serpents, les araignées, les oiseaux. Ses descriptions sont un mélange d'informations scientifiques et de remarques humoristiques qui prêtent aux animaux des réactions humaines. Elle mène une vie simple, au rythme des saisons. J'ai apprécié ce rythme tranquille. J'ai trouvé que c'était un ouvrage plaisant et reposant à lire.

     

     

    L'avis de Keisha.

     


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  • William S. Allen, Une petite ville nazie, 10-18 William Sheridan Allen (1932-2013) était un historien américain. Une petite ville nazie, paru en 1965, est son premier livre, dans lequel il étudie la façon dont les nazis ont, entre 1930 et 1935, conquis l'opinion de la petite ville de Northeim -appelée Thalburg dans le livre. Il s'est appuyé pour cela sur des archives et sur des entretiens avec des témoins de ces faits encore récents au moment de la parution.

     

     

    Thalburg est une petite ville d'environ 10000 habitants située au centre de l'Allemagne (Basse-Saxe). Dans la première partie qui va jusqu'à l'arrivée au pouvoir d'Hitler (30 janvier 1933) l'auteur analyse la façon dont une population qui votait nationaliste ou socialiste (SPD) est passée au nazisme. Je découvre que chaque parti à l'époque avait son association de jeunesse, son association d'anciens combattants, sa fanfare... Aux SA des nazis le SPD peut opposer le Reichsbanner. J'ai cherché des photos sur internet et il m'a semblé que cette organisation para militaire utilisait pour sa devise, ses symboles, les mêmes codes que les nazis. Ce sont peut-être plutôt les nazis qui ont copié sur les socialistes mais je trouve que la ressemblance est problématique: cela devait être confus pour un certain nombre de contemporains.

     

     

    Cette période est celle d'une grande effervescence politique qui va parfois jusqu'à la violence. Les meetings sont suivis de spectacles récréatifs donnés par la chorale du parti, la troupe théâtrale du parti ou l'équipe de gymnastique du parti, quel qu'il soit. On s'invective via la presse et on fait régulièrement le coup de poing avec l'adversaire.

    Les socialistes ne voient pas la réalité du danger nazi: ils pensent qu'Hitler tentera d'arriver au pouvoir par un coup d'Etat et se préparent donc à riposter à un coup d'Etat. Sa nomination comme chancelier les laisse démunis. Les nationalistes traditionnels soutiennent le nazisme par haine des socialistes. Ils en seront eux aussi victimes.

    Pour cette première partie William S. Allen a étudié l'évolution des résultats des élections à Thalburg qu'il détaille de façon minutieuse. C'est intéressant mais parfois un peu fastidieux à lire.

     

     

    La seconde partie débute avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler.Je l'ai trouvée beaucoup plus accessible et souvent passionnante. L'auteur montre comment, très rapidement, en six mois, la dictature se met en place au niveau local. Les opposants perdent leur emploi, leurs maisons sont perquisitionnées régulièrement et eux-mêmes convoqués au poste tout autant. Les administrations locales et les associations passent sous le contrôle du parti nazi. Toutes ces mesures ont pour résultat de détruire les anciennes relations sociales. Les Thalbourgeois comprennent bien où est leur intérêt: le nombre de membres du groupe local nazi passe de moins de 100 en janvier 1933 à 1200 le premier mai.

    J'ai trouvé très éclairant de voir comment la politique nationale des nazis a été déclinée au niveau local. Au total c'est une lecture qui m'a bien intéressée.

     


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  • Ragnar Jónasson, La dame de Reykjavik, PointsHulda Hermansdóttir est inspectrice de police à Reykjavik. Elle est veuve et son travail est toute sa vie. A l'approche de ses 65 ans on lui a cependant signifié qu'il était temps de prendre sa retraite. Et voici que son chef la pousse dehors beaucoup plus tôt que prévu pour faire de la place à son successeur. Il lui laisse juste deux semaines pour résoudre une affaire classée, au choix, si elle y tient. Hulda s'intéresse alors à une demandeuse d'asile russe, Elena, retrouvée morte sur une plage un an auparavant. L'enquête avait conclu au suicide.

     

     

    Voici une lecture que j'ai trouvé très moyenne. Une policière qui trimballe ses propres traumatismes que nous découvrons petit à petit. C'est du lourd, un peu beaucoup pour une seule femme. Une enquête pas hyper originale et une construction de même qui fait des aller-retour entre passé et présent. Enfin une écriture plate dont je me demande si elle est d'origine ou si elle résulte de la double traduction puisque ce roman est "traduit de la version anglaise depuis l'islandais". Je dois dire que ce procédé me choque un peu. Ca se lit si on n'a rien d'autre sous la main mais je ne crois pas que j'irai plus loin dans les aventures de Hulda qui composent une trilogie.

     


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  • Je suis de retour depuis une semaine d'un superbe voyage en Islande. Quelques photos des merveilles que j'ai vues là-bas.

     

    En Islande

    Dans le quartier touristique de Reykjavik les vieilles maisons sont recouvertes de tôle ondulée peinte de couleurs vives.

     

    En Islande

    Excursion à Geldingadalur où le volcan est entré en éruption en 2021. C'est terminé aujourd'hui.

     

    En Islande

    A Thingvellir, faille formée par la jonction des plaques tectoniques européenne et nord-américaine.

     

    En Islande

    Le refuge de Landmannalaugar est le point de départ d'un fameux trek de quatre jours.

     

    En Islande

    On traverse d'abord une région encore beaucoup enneigée -et il a neigé tout l'après-midi du 26 juin.

     

    En Islande

    Puis un désert volcanique (le vert, c'est de la mousse).

     

    En Islande

    Gorges de la Markafljot.

     

    En Islande

    Vue depuis Thorsmörk.

     

    En Islande

    Le trek prend fin à Thorsmörk où on retrouve des arbres.


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  • Ruth Zylberman, 209 rue Saint-Maur, Paris 10°, PointsAutobiographie d'un immeuble

    "Regarde! De tous tes yeux regarde!" Georges Perec

    Le 209 rue Saint-Maur est un grand immeuble constitué de quatre bâtiments de six étages autour d'une cour. Environ 300 personnes y vivaient en 1936. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, neuf enfants juifs qui vivaient là ont été déportés. L'écrivaine et documentariste Ruth Zylberman décide d'enquêter sur cet immeuble et ses habitants à travers les temps. Grâce aux archives l'autrice retrouve la trace de certains des premiers habitants de l'immeuble après sa construction au 19° siècle. C'est l'occasion de nous donner un aperçu du Paris populaire de l'époque. Ruth Zylberman croise des éléments de la vie quotidienne de ses personnages avec les événements historiques: les barricades de 1848, la Commune, la Première Guerre Mondiale.

     

     

    Mais le gros de l'ouvrage tourne autour de la déportation des enfants qui est le point de départ du projet. Ces neuf enfants, qui étaient leurs parents? Des membres de leur famille ont-ils survécu, quelqu'un se souvient-il encore d'eux? Il y avait au 209 dans les années 1940 d'autres habitants juifs, souvent originaires d'Europe de l'Est. Que sont-ils devenus? Un travail de fourmi et quelques heureux hasards permettent de retrouver des témoins, certains très âgés.

     

     

    J'ai trouvé cette enquête -qui s'est étalée sur cinq ans- passionnante et très intelligemment menée. En s'attachant aux petits détails du quotidien et à leurs traces encore présentes dans l'espace l'autrice tente de redonner vie et chair aux disparus. Son travail est aussi réparateur, il me semble, quand elle rencontre des personnes qui n'avaient jamais parlé de leur passé, des anciens enfants cachés qui ne savaient rien de leurs parents. Un des objectifs de l'autrice est aussi de faire le lien entre passé et présent. Pour cela elle rencontre des habitants actuels de l'immeuble. Depuis le début du 21° siècle le quartier est en voie de gentrification. Au 209 on trouve encore des locataires qui habitent de tous petits appartements, comme autrefois, à côté de nouveaux arrivants qui ont acheté plusieurs de ces appartements pour en faire de plus grands.

    C'est un ouvrage que j'ai trouvé excellent à tous points de vue: par son contenu, par son écriture, par la sensibilité dont fait preuve Ruth Zylberman, son attention à tous ses personnages.

     

     

    Avant d'écrire ce livre Ruth Zylberman a réalisé un documentaire Les enfants du 209 rue Saint-Maur. Il est disponible en replay sur Arte. Comme son nom l'indique il se concentre plus particulièrement sur les enfants juifs. Je l'ai trouvé bien fait. Il est émouvant et complète bien la lecture.

     

     

     

    L'avis de Keisha.

     


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  • Philip Roth, Némésis, FolioA l'été 1944 une épidémie de polio frappe la ville de Newark. A une époque où il n'existe pas de vaccin contre la polio et où on ne sait pas très bien comment elle se transmet, la maladie touche principalement les enfants ce qui entraîne des réactions de peur et de colère chez les parents. Dans le quartier juif de Weequahic, Bucky Cantor est un jeune professeur de sport très investi. Pendant l'été il occupe le poste de directeur du terrain de jeu. Quand plusieurs garçons qui fréquentent le terrain tombent malades, que certains même meurent, Bucky est un des rares à réagir de façon posée et rationnelle. Pour les garçons qu'il encadre il est un repère solide.

    Pendant ce temps la guerre continue en Europe. Les deux meilleurs amis de Bucky se sont engagés mais lui a été refusé du fait de sa mauvaise vue. Cet homme de devoir en ressent de la honte et s'investit d'autant plus dans sa fonction, considérant que permettre aux enfants de faire du sport malgré l'épidémie est une sorte de combat.

    Marcia, la fiancée de Bucky, est monitrice dans un camp de vacances des Pocono Mountains. Elle insiste pour que ce dernier y vienne aussi et s'y mette à l'abri de la polio qui frappe la ville.

     

     

    Dans ce roman Philip Roth décrit les réactions face à la maladie et au handicap. J'apprends qu'il y avait des poussées de polio tous les étés. Mais en 1944 cela prend l'ampleur d'une épidémie et la peur pousse les gens à chercher des responsables à blâmer. La multiplications des cas à Weequahic provoque des réactions antisémites. Bucky, quant à lui, se détourne d'un dieu qui permet que des enfants meurent.

    A partir de deux cas, l'auteur montre aussi les réactions très différentes de personnes touchées par le handicap: continuer de vivre malgré tout ou se refermer sur soi-même et se couper des autres ? Le caractère mais aussi les circonstances et les rencontres jouent un rôle et ce n'est pas forcément celui qui avait l'air le mieux armé qui s'en sort le mieux.

     

     

    J'ai apprécié cette lecture. Les sentiments et les sensations des personnages sont bien décrits.

    J'ai trouvé intéressant ce que j'ai appris sur la vie quotidienne dans le quartier juif de Weequahic et au camp de vacances Indian Hill. Là le directeur du camp, passionné par les cultures amérindiennes, fait vivre les enfants à la mode indienne. Personne ne semble avoir conscience que ceux dont on copie les coutumes ont été au préalable exterminés. Je pense que dans les années 1940 ce n'était pas une question qui souciait grand monde.

     

    C'est une lecture commune autour du handicap organisée par Et si on bouquinait un peu ? et avec la participation de Ingannmic.

     

    Philip Roth, Némésis, Folio

     

     


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  • Benoît Vitkine, Donbass, Le livre de poche2018. A Avdiïvka, petite ville du Donbass proche de la ligne de front, un gamin de six ans est retrouvé assassiné, cloué au sol par un poignard planté dans son ventre. Le colonel Henrik Kavadze, chef de la police locale, mène l'enquête. Henrik est un multi-traumatisé: vétéran d'Afghanistan il a de plus perdu sa fille unique, morte accidentellement. Il gère tout cela en s'alcoolisant. Il est beaucoup question des conséquences de l'intervention soviétique en Afghanistan. Pour les vétérans comme Henrik mais aussi pour les familles des soldats morts là-bas, la guerre qui débute en 2014 réactive des souvenirs douloureux.

     

     

    L'enquête policière est ici un prétexte pour nous présenter la situation du Donbass en guerre que Benoît Vitkine semble bien connaître. Les habitants de cette région ont souffert sur plusieurs générations. L'auteur nous rappelle qu'on est ici au coeur des Terres de sang: "Les massacres étaient une spécialité locale:chaque époque avait offert les siens. Les fosses communes creusées par les communistes dans les années trente n'avaient pas toutes été découvertes, pas plus que celles utilisées par les nazis pour assassiner les Juifs durant la guerre. Les os pouvaient aussi être ceux d'un paysan parti mourir dans la forêt pendant la grande famine provoquée par Staline en 1932-1933. Ou ceux d'un combattant mort en 2014".

    La chute de l'URSS a entraîné une crise économique. L'industrie et les mines de charbon qui faisaient la fierté du Donbass ont été bradées au profit de quelques oligarques mafieux. La corruption, déjà présente à l'époque communiste, s'est généralisée. La guerre entre les séparatistes pro-Russes et l'Ukraine a fini d'achever cette région où restent essentiellement ceux qui n'ont pas pu partir, beaucoup de vieilles femmes et des paumés.

     

     

    Je trouve que tout ceci est très bien expliqué et dans la nuance. L'auteur ne juge pas les choix de ses personnages, il nous donne des éléments pour les comprendre. C'est un roman qui date de 2020 et dont la lecture est tout à fait d'actualité avec la guerre en Ukraine. Cette lecture m'a intéressée.

     


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  • Mohamed Mbougar Sarr, La plus secrète mémoire des hommes, Philippe Rey De nos jours Diégane Latyr Faye est un jeune écrivain sénégalais installé à Paris où il fréquente un cercle d'intellectuels africains. Le labyrinthe de l'inhumain, un livre écrit en 1938, arrive entre ses mains. C'est un livre mythique qui avait disparu de la circulation: son auteur, le Sénégalais T. C. Elimane, a été accusé de plagiat, sa maison d'édition a fait faillite, l'ouvrage a été retiré de la vente et plus personne n'a jamais entendu parler d'Elimane. Mais c'est "un livre unique, jamais vu, profondément original", un livre qui change la vie de ceux qui le lisent. Diégane se met alors à la recherche d'Elimane et d'une suite éventuelle qu'il aurait écrite au Labyrinthe. Il rencontre différentes personnes qui ont connu l'auteur et les interroge sur cet inquiétant personnage.

     

     

    Un grand talent méconnu, un auteur mystérieux, un jeune écrivain qui se lance sur ses traces, tout cela m'a fait penser à Oeuvres vives. Je dois donc dire maintenant que le livre ultime, celui qui rend inutile tous les autres par la seule force de la littérature, sans même raconter une histoire, je ne crois pas que ça existe. Je n'étais donc pas le public idéal pour ce roman. De même je n'ai pas été convaincue par l'écrivain maudit qui exprime ses sentiments tumultueux sans un mot: "A quelques centimètres de lui j'avais l'impression très confuse d'être à la fois devant un mur, mais aussi devant une mer verticale, une sorte de vague debout dont j'entendais les furieux remous intérieurs". Il m'apparaît plutôt comme un homme toxique dont il vaut mieux éviter de croiser la route.

     

     

     

    A côté de ça j'ai trouvé intéressante la réflexion qui est menée par Diégane et ses amis sur la place de la littérature africaine francophone et ce qu'elle doit être, elle à qui les critiques reprochent soit d'être trop africaine, soit de ne l'être pas assez. Il est question ici aussi de l'héritage de la colonisation. L'auteur montre l'attrait de la culture française pour certains Africains, la façon dont cela les a coupés de leurs origines et la façon dont l'intelligentsia française les a bien mal remerciés de leur admiration.

    Tout ceci est fort bien écrit, Mohamed Mbougar Sarr est cultivé et a beaucoup d'imagination ce qui fait que la lecture avance facilement et que j'ai envie de connaître la suite mais il y a aussi des passages qui se trainent et où je m'ennuie un peu. Mon avis global est donc mitigé.

     


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  • Jeroen Brouwers, Le bois, Gallimard L'écrivain néerlandais Jeroen Brouwers est mort le 11 mai 2022. Il était né en 1940 à Batavia (aujourd'hui Djakarta), Indonésie, alors colonie des Pays-Bas. Pendant l'occupation japonaise il a passé deux ans dans un camp de détention. Après le retour de la famille aux Pays-Bas il a été scolarisé en internat catholique, expérience dont il s'est servi pour écrire Le bois.

     

     

     

    Jeroen Brouwers, Le bois, Gallimard Le bois. Le pensionnat franciscain Sint Jozef ter Engelen se situe au fin fond du Limbourg, à la frontière allemande. Nous sommes en 1953. Le narrateur est un jeune moine, frère Bonaventura, témoin des mauvais traitements infligés aux garçons scolarisés là: humiliations, coups, abus sexuels... Ces violences ont toujours existé mais ont gagné en intensité et en fréquence avec l'arrivée d'un nouveau directeur du collège, Mansuetus, surnommé le Sanglier, un pervers sadique qui en a fait la base de l'éducation donnée dans cette institution.

     

     

     

    Le narrateur réprouve ces agissements et a toujours refusé d'y participer mais il est dans l'impossibilité de les empêcher ou de quitter le monastère: entré à Sint Jozef en tant que professeur laïc il a subi peu à peu une forme de lavage de cerveau qui l'a amené à se faire moine sans l'avoir vraiment choisi. Sa rencontre avec une jeune femme à l'occasion d'une sortie lui a permis de prendre conscience de l'emprise qui s'exerce sur lui et il a mis en place des stratégies de résistance passive. Il s'agit de mensonges, de petites désobéissances, de pensées iconoclastes: les croyances et le rite catholique sont tournés en ridicule.

    "Une colombe se pose sur le rebord de ma fenêtre, creator spiritus, juste le temps de chier, puis elle repart en claquant des ailes."

     

     

    C'est à une véritable opération de dézingage de l'Eglise catholique à laquelle s'attelle Jeroen Brouwers par la voix de son narrateur. La critique est caustique, les attaques violentes, à la mesure des violences subies par les victimes des bons frères. Les faits se déroulent peu après la seconde guerre mondiale et la comparaison est filée tout du long avec le nazisme.

    "Il y a des siècles que le clergé abuse sexuellement des enfants et des jeunes, et ces pratiques se perpétueront. Tout le monde sait, et tout le monde se tait par crainte du pouvoir de cette Gestapo qu'est l'église".

    L'auteur touche juste et j'ai trouvé ça assez réjouissant. La fin est particulièrement bien trouvée et jubilatoire. J'ai apprécié aussi l'écriture qui sert parfaitement le propos avec des phrases hachées dans les moments de confusion ou d'hésitation des personnages. C'est une lecture qui me donne envie de découvrir d'autres titres de Jeroen Brouwers.

     

     

     


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  • Linda Lê, Oeuvres vives, Christian Bourgois Linda Lê est morte le 9 mai 2022. Elle était née au Vietnam le 3 juillet 1963, juste un jour après moi. Ca m'a fait un petit choc de le découvrir, il me semble que c'est un peu jeune pour mourir. Elle a grandi dans une famille francophone qui a fui la guerre pour la France en 1977.

     

     

     

    Linda Lê, Oeuvres vives, Christian Bourgois Oeuvres vives. De passage au Havre le narrateur, un jeune journaliste culturel, découvre un livre d'un écrivain local, Antoine Sorel, dont la lecture le bouleverse. Le lendemain il apprend dans la presse la mort de Sorel qui vient de se suicider à 45 ans. Après avoir lu toute l'oeuvre de Sorel, romans et poèmes, il décide d'écrire un livre sur cet auteur injustement méconnu. Pour cela il entreprend de rencontrer et d'interroger les proches de Sorel: son père, son frère, ses femmes.

     

     

    Le roman trace le portrait d'un homme complètement étranger aux contingences matérielles, vivant dans des taudis ou même à la rue, fréquentant des clochards et de plus en plus souvent alcoolisé à la fin de sa vie. Mais un écrivain qui ne laissait pas indifférent. Jugé trop noir voire même toxique par certains il est pour d'autres lecteurs celui qui leur a ouvert les yeux sur la réalité du monde:

    "chaque fois que j'ouvrais un de ses livres j'avais aussitôt l'extraordinaire impression qu'un monde inexploré s'ouvrait à moi".

    "elle s'était aperçue que ses livres l'avaient entraînée dans une sorte de voyage initiatique et qu'une transformation s'était opérée en elle".

    Mais hélas le lecteur de Linda Lê, lui, ne lit pas Antoine Sorel et est obligé de croire ses admirateurs sur parole.

     

     

    J'ai apprécié les descriptions des personnages que rencontre le narrateur et qui forment autant de tranches de vie très fouillées et détaillées. Mention spéciale pour Martin Tran, le père de Sorel -c'est un nom de plume- fils d'un jeune Vietnamien venu en France en 1940 pour y contribuer à l'effort de guerre, raciste forcené qui nie ses origines asiatiques et se voit comme un Normand pur jus. Sorel et plusieurs autres personnages sont des révoltés contre leurs parents qui ont fait des choix de vie en opposition avec les leurs. Pour interroger ses témoins le narrateur fait des aller-retour entre Paris et le Havre et est charmé peu à peu par cette ville dont l'autrice nous donne de belles descriptions. Elle y a vécu et la connaissais bien, semble-t'il. J'ai trouvé enfin qu'elle écrivait fort bien. Mon avis n'est pas enthousiaste cependant car il ne se passe pas grand chose et que je me suis parfois un peu ennuyée.

     


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