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Par Anne-yes le 16 Avril 2021 à 10:14
Ce recueil rassemble neuf nouvelles dont la plupart font intervenir des personnes âgées comme personnages principaux. Il y a une touche de fantastique dans certaines d'entre elles, ce qui justifie le titre français. Le titre original est Stone mattress -Matelas de pierre-, titre d'une des nouvelles. Pour moi c'est la vieillesse qui est le sujet, beaucoup plus que le merveilleux. Je trouve que c'est bien de donner une visibilité aux personnes âgées que l'on ne voit pas souvent en place centrale dans la fiction, il me semble, et de les traiter en personnes plutôt qu'en vieux. Les personnages se situent dans la classe d'âge de l'autrice.
Pour les protagonistes, 70 ans est l'âge des bilans, de la vengeance ou au contraire du pardon. Dans La dame en noir, Constance et Marjorie se rencontrent à l'enterrement de Gavin qui fut leur amant 50 ans plus tôt. Chacune prend alors conscience que l'autre femme n'était pas la responsable de l'échec de sa relation et ce constat est une libération.
Dans Matelas de pierre c'est de façon beaucoup plus violente que Verna se libère en se vengeant de l'homme qui a détruit sa vie quand elle n'avait que 14 ans.
J'ai bien aimé Les vieux au feu où les activistes violents de Notre tour s'attaquent impunément à des maisons de retraite, les autorités étant dépassées par la gestion des nombreuses catastrophes climatiques. Ca a un petit goût d'effondrement, sujet plus développé par Margaret Atwood dans la trilogie de Maddaddam (Le dernier homme, Le temps du déluge).
Je rêve de Zénia aux dents rouges et brillantes est un épisode de la vie de Charis, Tony et Roz, amies depuis des décennies. Tony et Roz ont offert à Charis la chienne Ouida dont elles espèrent qu'elle pourra la protéger des intentions de Billy, ex-mari de Charis.
Si, dans ces nouvelles, les hommes sont souvent des personnages peu glorieux (mais pas toujours), vivant aux crochets des femmes, les vieilles dames, elles, ne sont pas décidées à se laisser abattre.
Je participe au défi Voix d'autrices, catégorie Une histoire d'amitié entre femmes (pour Je rêve de Zénia aux dents rouges et brillantes).
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Par Anne-yes le 13 Avril 2021 à 15:33
Larry McMurtry est mort le 25 mars 2021. Né en 1936 cet écrivain américain était aussi scénariste. Il avait par exemple coécrit le scénario du Secret de Brokeback Mountain. Sa série Lonesome Dove, nous dit la nécro du Monde, "s'est attachée à démythifier le far west et ses cow-boys héroïques tout en maintenant vivace et en régénérant la tradition du western littéraire outre-Atlantique". Il a reçu le prix Pulitzer pour le premier volet de cette quadrilogie.
Lonesome Dove, épisode 1. Augustus McCrae et Woodrow Call, dit le Capitaine, anciens rangers, sont les copropriétaires d'une entreprise d'élevage de bétail à Lonesome Dove, Texas. Ils y végètent tranquillement entre le ranch où travaille une poignée d'hommes et le saloon -pour Augustus- où officie la belle Lorena, prostituée qui attire les hommes à 50 km à la ronde. Survient Jake Spoon, qui n'avait plus donné signe de vie depuis dix ans. De passage à Fort Smith, Arkansas, il en a accidentellement tué le maire. Il propose à Call de partir avec un troupeau pour le Montana où, pense-t-il, ils feront fortune facilement. Nos cow-boys franchissent le Rio Grande pour voler du bétail au Mexique et les voilà en route. Ils sont accompagnés de Lorena qui s'est entichée de Jake et suivis par July Johnson, sheriff de Fort Smith.
Le récit commence tout doucement, à l'image de la vie quotidienne routinière des protagonistes. Les Indiens ont été tués ou chassés du Texas depuis longtemps déjà. L'annonce du départ vers le Montana, espace encore peu peuplé par les Blancs en 1880, éveille diverses angoisses chez les hommes mais aussi l'espoir d'être enfin traité en adulte pour les plus jeunes comme Newt, 17 ans. Le convoi va affronter la nature hostile (tempêtes de sables, orages, cours d'eau en crue, serpents venimeux, mesquites épineux...) et croiser la route de Blue Duck et sa bande d'assassins.
mesquite
Larry McMurtry fait preuve d'une imagination inventive en matière de péripéties. Il y a de l'humour et des personnages originaux et attachants. Les cow-boys sont mélancoliques. Call et Gus vivent tous deux avec le souvenir d'une femme à laquelle ils n'ont pas su dire oui au bon moment et le spectacle de la nature est une consolation pour eux. Ils vont découvrir que leurs exploits de rangers, vingt ans plus tôt, font maintenant partie du passé et n'impressionnent plus les jeunes générations.
"Ca va être nous les Indiens si on est encore là dans vingt ans, dit Augustus. Vu comment cet endroit se développe, sous peu il y aura plus que des églises et des boutiques. Ensuite, il leur restera plus qu'à encercler les vieux bagarreurs comme nous et à les foutre dans une réserve pour qu'ils effraient pas les vieilles dames".
Les femmes quant à elles sont fortes et décidées. Lorena s'impose dans le convoi pour s'extraire de Lonesome Dove. J'aime bien aussi la jeune Janey, gamine malingre capable de suivre un cheval à pied et d'abattre à coup de pierres gibier et malfaiteurs. La fin de l'épisode me laisse en plein suspense, je file à la bibliothèque chercher la suite.
L'avis de Kathel.
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Par Anne-yes le 10 Avril 2021 à 12:03
Nguyên Huy Thiêp est mort le 20 mars 2021. Né en 1950 cet écrivain vietnamien a surtout écrit des nouvelles. Ses textes qui évoquent les souffrances de la population ont fait de lui un opposant et ont parfois été interdits par le régime.
Mon oncle Hoat. Ce court recueil regroupe quatre nouvelles qui mettent en scène la vie quotidienne du petit peuple. Dans Mon oncle Hoat, le narrateur raconte l'histoire de sa famille modeste dont le père est instituteur. "Quant à ma mère, chaque fois qu'elle remplissait la fiche de renseignements, à la case profession, elle inscrivait : "femme au foyer". Mais au regard de la situation intrinsèque, je me demande si elle a jamais été "au foyer", ma mère : elle était soit à la rizière, soit en train de planter des légumes, de les vendre au marché ou encore de ramasser du bois. Tout travail était bon à prendre pour faire bouillir la marmite.
J'ai deux soeurs plus âgées que moi, qui n'ont pas dépassé l'école primaire. Une fois leur scolarité terminée, elles rejoignirent ma mère "au foyer".
La famille héberge aussi l'oncle Hoat, frère cadet du père et infirme. Quand Hoat se pique d'écrire de la poésie, le père le met à la porte.
J'ai plus particulièrement apprécié Quan Am montre le chemin. Le narrateur, un écrivain, est invité par des amis dont le mari est un haut fonctionnaire, à passer le nouvel an dans le village montagneux de Sa Pa, région de minorités ethniques. Il y fait la connaissance des institutrices, deux jeunes filles venues de la ville. Elles sont comme en mission et me font penser à leurs homologues en France sous la 3° République. Le narrateur rencontre aussi une famille misérable dont le père est opiomane au dernier degré et découvre des aspects peu sympathiques de son ami Lai et de sa femme.
Un recueil facile et rapide à lire qui est une petite ouverture sur la culture vietnamienne que je ne connais pas. De ce point de vue c'est intéressant mais en même temps je suis consciente qu'il est fort possible que des choses me passent à côté.
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Par Anne-yes le 7 Avril 2021 à 17:18
Vicki Baum (1888-1960) était une écrivaine américaine d'origine autrichienne. Elle a écrit de nombreux romans dont plusieurs s'inspirent de ses voyages à travers le monde. J'ai découvert son existence en lisant Shanghaï la magnifique car elle a séjourné au Cathay hôtel, transformé en Shanghaï hôtel dans Bombes sur Shanghaï. Et voilà qu'à l'occasion d'une visite à ma mère je découvre que celle-ci a dans sa bibliothèque plusieurs ouvrages de cette autrice dont elle ne sait pas comment ils sont arrivés là. Les initiales portées en première page me laissent penser qu'ils devaient appartenir à ma grand-mère paternelle. L'édition de Bombes sur Shanghaï date de 1968. Le roman était d'abord paru en 1939. Il a été réédité en 2012 chez Libretto sous le titre de Shanghaï hôtel.
Le 14 août 1938, le centre-ville de Shanghaï est victime d'un bombardement meurtrier qui marque le début de l'attaque du Japon contre la ville. Dès l'introduction Vicki Baum nous annonce que ce bombardement a fait neuf morts à l'intérieur du Shanghaï hôtel. C'est l'histoire de ces neuf personnes qui va nous être racontée : "Nous nous proposons de raconter quelles routes amenèrent à Shanghaï ces neuf personnes, quelle avait été leur vie et comment elles moururent".
La première moitié du roman est donc divisée en neuf chapitres, chacun consacré à un des personnages, depuis son enfance. L'autrice insiste sur les ruptures et les traumatismes précoces qui ont fait de ses héros les adultes qu'ils sont devenus. L'analyse psychologique est finement menée. Ainsi, Jelena Trubova est la fille d'une famille de la bonne bourgeoisie russe. Perdue -ou abandonnée ?- toute petite alors que ses parents fuyaient la révolution, elle a été recueillie par des réfugiés qu'elle méprise et s'est inventée des origines nobles. Plus tard elle a tenté de s'élever en se faisant entretenir par des hommes riches mais elle a le sentiment d'avoir toujours misé sur le mauvais cheval ce qui l'a rendue froide et insensible.
Les origines des personnages sont variées socialement et géographiquement ce qui permet de survoler des événements marquants du début du 20° siècle. Avec les Allemands Emmanuel Hain, Juif converti au christianisme et Kurt Planke, son protégé, ayant brièvement appartenu au Parti Communiste, on a un aperçu de la montée du nazisme, de son emprise et de ses exactions. L'autrice a bien saisi ce qui se tramait là : "bien des gens, qui jusque-là n'avaient rien été, étaient maintenant quelque chose, dont ils pouvaient être fiers : ils étaient aryens allemands".
Avec les Chinois BG Chang et Lung Yen, on découvre la vie des misérables coolies. Ils ont une trajectoire inverse. BG Chang, fils de pauvres mariniers, est devenu un riche banquier tandis que Lung Yen, après la ruine de la ferme familiale, est parti faire le tireur de ricksha à Shanghaï.Il supporte la misère en se droguant à l'opium. Il y a aussi les Américains Ruth Anderson et Frank Taylor qui permettent d'évoquer la crise économique de 1929 et le Japonais Yoshio Murata, la montée du nationalisme dans son pays. Il arrive à certains des personnages de se croiser. J'ai trouvé cette façon de procéder originale et intéressante.
La seconde partie se déroule à Shanghaï dans les jours qui précèdent le bombardement et prend fin le 14 août 1938. Tous les personnages, exilés ou déracinés d'une façon ou d'une autre, se retrouvent dans la ville.Dans la concession internationale les occidentaux vivent en maîtres. Même un simple commis de magasin comme Frank Taylor, obligé de vivre en colocation dans un modeste meublé, peut se payer les services d'un boy. Un personnage reconnaît qu'il ne pourrait plus retourner dans son pays : sa femme s'est habituée à être servie par six domestiques. BG Chang, actionnaire majoritaire du Shanghaï hôtel, accède à ses appartements par un ascenseur réservé : les Chinois ne sont pas admis dans le hall principal. Une vraie situation coloniale où la plupart des Blancs se considèrent -et se comportent- comme supérieurs aux autres. Et je remarque que l'autrice elle-même n'est pas dénuée de préjugés racistes. Elle est moins atteinte cependant que certains de ses personnages. En toile de fond la Chine de l'époque est dirigée par Tchang Kaï-Chek qui souhaite réformer la société avec le mouvement de la vie nouvelle. Yutsing Chang, le fils de BG Chang, est un proche du régime. Il est en désaccord complet avec son père sur ses choix de vie et habité par un sentiment anti-japonais de plus en plus important.
J'ai plutôt apprécié cette lecture. Il me semble que Vicki Baum est bien documentée sur les événements qu'elle relate. L'analyse des sentiments qui sont les ressorts des personnages me paraît bien vue et de nombreuses situations n'ont pas pris une ride. La première partie m'a plus plu que la seconde où j'ai trouvé parfois des longueurs.
Avec cette lecture je participe au défi Voix d'autrices, catégorie Une traduction.
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Par Anne-yes le 29 Mars 2021 à 18:43
Jules Vallès (1832-1885) était un journaliste, écrivain et homme politique d'extrême gauche. L'Insurgé est d'abord paru dans la presse à partir de 1882 avant de sortir en livre en 1886. Ce roman très autobiographique est la suite de L'Enfant et du Bachelier. On retrouve Jacques Vingtras -double de Jules Vallès- avant et pendant la Commune. Dans les années 1860 ce révolté permanent est pion dans un collège, employé de mairie, parfois journaliste. Ecartelé entre son besoin de manger et son désir de liberté il ne garde pas longtemps un poste : il est renvoyé à cause de ses idées et fait même de la prison pour un article. Ces vicissitudes occupent les deux-tiers de l'ouvrage avant qu'on n'en arrive enfin à la Commune.
C'est en effet parce que je voulais en apprendre plus sur la Commune à l'occasion de son 150° anniversaire que j'ai lu L'Insurgé. En fait Jules Vallès raconte très peu les événements. Il s'agit plutôt de présenter des portraits physiques et moraux de révolutionnaires, parfois avec des accents mystiques. J'imagine que les lecteurs de la fin du 19° siècle connaissaient les personnages dont il est question mais en ce qui me concerne les noms que j'ai déjà entendu sont rares. La fiche Wikipédia de Jules Vallès me donne un cadre, cependant ce texte est aujourd'hui un document historique et une édition commentée serait bienvenue. Si j'ajoute à ça un recours fréquent aux allusions et l'utilisation d'images qui n'ont plus cours de nos jours, il y a des passages que je peine à comprendre. Je pense particulièrement, au moment de son incarcération, à un chapitre dont je fini par saisir qu'il traite d'un pot de chambre mais sans comprendre s'il y a un sens politique qui m'échappe ou s'il s'agit juste de faire de l'humour -ou les deux ? Sinon je trouve que c'est très bien écrit.
Ce qui m'intéresse le plus dans cet ouvrage c'est le personnage de Jacques Vingtras. De sensibilité anarchiste, il se fait une image romantique du peuple et de la révolution. Il se bat en duel, il est prêt à faire le coup de poing mais c'est un pacifiste qui manifeste contre la guerre en 1870 et s'oppose aux exécutions d'otages pendant la Commune. Son enfance malheureuse a fait de lui un écorché vif avec un fond dépressif. La révolution lui met un peu de baume au coeur, même si elle échoue : "mon nom restera affiché dans l'atelier des guerres sociales comme celui d'un ouvrier qui ne fut pas fainéant.
Mes rancunes sont mortes -j'ai eu mon jour.
Bien d'autres enfants ont été battus comme moi, bien d'autres bacheliers ont eu faim, qui sont arrivés au cimetière sans avoir leur jeunesse vengée.
Toi, tu as rassemblé tes misères et tes peines, et tu as amené ton peloton de recrues à cette révolte qui fut la grande fédération des douleurs.
De quoi te plains-tu ?.."
Il apparaît comme un homme intègre qui a mis ses actes en conformité avec ses idées exigeantes et qui du coup n'a pas eu une vie facile.
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Par Anne-yes le 24 Mars 2021 à 18:07
Jeanne Burgart Goutal est agrégée de philosophie et professeure de yoga. Depuis une dizaine d'années elle mène une recherche sur l'écoféminisme. Elle en présente les résultats dans cet ouvrage ainsi que les réflexions que cela a suscité en elle. La première partie est consacrée à l'histoire de l'écoféminisme. L'écoféminisme c'est l'idée qu'il y a un lien entre les violences faites aux femmes et la destruction de la nature. Ce n'est pas être à la fois écologiste et féministe : on peut être les deux sans être écoféministe.
"Pour les écoféministes, le patriarcat, la domination des femmes par les hommes, est lié à la tentative de dominer la nature. Pour justifier leur exploitation, femmes et nature ont été réduites à des objets, placées dans la catégorie de "l'Autre"; on a nié la connexion de l'humain avec le monde naturel, ainsi que le féminin dans la nature de l'homme". Barbara Epstein
Le mot écoféminisme est créé en France en 1974 par Françoise d'Eaubonne mais le mouvement français n'émerge pas alors qu'aux Etats-Unis il y a de nombreuses actions de masse à la fin des années 1970 et dans les années 1980. Aux Etats-Unis, l'idée de nature a des sonorités rebelles et émancipatrices tandis qu'en Europe l'écoféminisme est souvent accusé par les féministes d'essentialiser les femmes en mettant en avant leur lien supposé avec la nature et d'être donc réactionnaire. Cela va avec une méfiance concernant les aspects spirituels de l'écoféminisme :magie, rituels, culte de la Déesse... L'autrice montre qu'en fait les mouvements ou groupes écoféministes à travers le monde (il est question aussi des pays du Sud) sont très divers et elle considère cette absence d'unité comme une richesse. Dans les années 1995-2015, l'écoféminisme est victime de polémiques et attaqué de toutes parts, le mouvement décline. Depuis peu il revient sur le devant de la scène et suscite même une sorte de mode.
Après avoir expliqué pourquoi elle ne se reconnaissait pas comme écoféministe, Jeanne Burgart Goutal passe à la pratique en seconde partie : elle va faire des stages chez des écoféministes. Celui sur lequel elle s'étend le plus se déroule à Navdanya, ONG créée par Vandana Shiva qui se réclame clairement de l'écoféminisme, à l'occasion d'un séjour de trois mois en Inde. Avant de partir l'autrice a lu des prises de position très tranchées sur Vandana Shiva. Alors, "Fanatique ou fantastique" ? Sur place, elle ne peut s'empêcher de noter un décalage entre le discours -notamment à destination des occidentaux-et la pratique.En fin de compte elle explique ce hiatus par le contexte -on doit tenir compte de la culture locale- et par le fait que Vandana Shiva a été mal comprise en Occident. Elle a été mal traduite, nous dit-elle, car elle utilise certains mots dans un sens qui lui est propre. Et "maltraiter le langage dominant en utilisant ses mots de travers, c'[est] sans doute de bonne guerre". Il me semble quant à moi que c'est une conclusion un peu trop complaisante.
Si je ne suis pas convaincue par Vandana Shiva j'ai apprécié le voyage en Inde de Jeanne Burgart Goutal, sa volonté de comprendre et de nous faire profiter de son cheminement. Avec Jagori, une autre ONG, elle a l'occasion de rencontrer des femmes ou des familles et évolue dans son approche : "je laissais de plus en plus tomber mes propres questions, et passais de plus en plus de temps à me taire et à écouter, surprise et émerveillée non plus de ce qu'elles ne disaient pas et que j'aurais eu l'idée de demander, mais bien de ce qu'elles disaient et que je n'aurais jamais eu l'idée de demander".
J'ai donc trouvé plutôt intéressante la lecture de cet essai qui m'a permis de découvrir ce qu'est l'écoféminisme et qui pose des questions qui me semblent d'actualité quand il s'agit de féminisme postcolonial et d'eurocentrisme.
Je participe au défi Voix d'autrices, catégorie Un essai.
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Par Anne-yes le 18 Mars 2021 à 14:20
Ce recueil rassemble dix nouvelles dont l'action se déroule au Canada entre la fin de la Seconde Guerre Mondiale et la fin des années 1980. Cela donne un petit aperçu de la vie dans le pays notamment avec les vacances au bord d'un lac, en camp ou dans une maison de famille, à faire du canoë ou des randonnées.
Dans Mort en lisière, Loïs se souvient de sa jeunesse et des étés dans un camp de vacances où elle retrouvait chaque année son amie Lucy. Le dernier séjour a marqué Loïs à tout jamais.
Dans Isis dans les ténèbres, Richard, jeune étudiant en lettres et poète amateur fait la connaissance de Selena qui l'éblouit par son talent de poétesse. Il s'imagine qu'une relation avec elle pourrait faire de lui un autre homme mais elle le tient à distance. Les années passent et il la revoit de loin en loin.
Ce sont des récits doux-amers où les personnages -majoritairement des femmes- se retournent sur leur passé et en font le bilan. Il est question de souvenirs réarrangés par le temps ou réinterprétés à l'occasion d'un événement perturbateur. Les protagonistes portent généralement un regard lucide sur eux-mêmes et tout cela est empreint de nostalgie. Dans ces petites tranches de vie Margaret Atwood arrive à donner de l'épaisseur à ses personnages, malgré le format de la nouvelle. J'ai apprécié cette lecture.
L'avis de Keisha.
Je participe au défi Voix d'autrices, catégorie Un recueil de nouvelles.
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Par Anne-yes le 15 Mars 2021 à 17:41
A la fin des années 1930 Eugenia Rădulescu, la narratrice, est une jeune étudiante roumaine de Jassy (Iaşy). Ses parents sont commerçants et la famille ressasse sans les questionner les thèmes antisémites de l'époque. Au moment où son frère Stefan se radicalise en adhérant à la Garde de fer -légion fasciste roumaine- Eugenia prend conscience, grâce à sa professeure de littérature, que les Juifs sont des êtres humains comme les autres. Elle prend alors ses distances avec sa famille et monte à Bucarest où elle devient journaliste pour une agence de presse. Elle fait la connaissance de l'écrivain juif Mihail Sebastian (1907-1945) dont elle tombe amoureuse.
Le roman présente à la fois l'histoire de la Roumanie avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale et la façon dont Mihail Sebastian a vécu l'antisémitisme forcené qui gangrenait son pays à cette époque. Officiellement neutre, la Roumanie était en fait alliée avec l'Allemagne nazie. La Garde de fer et une partie de la population civile se sont livrées sur les Juifs à des violences inouïes. Une place importante est accordée au pogrome de Jassy que j'avais découvert en lisant Les Oxenberg et les Bernstein. J'ai été particulièrement intéressée par tous les aspects historiques. La Garde de fer est un coup au pouvoir, un coup pourchassée mais ses idées nauséabondes sont toujours populaires. Des intellectuels qui se prétendent les amis de Mihail Sebastian n'hésitent pas à tenir devant lui des propos antisémites délirants. Mircea Eliade et Emil Cioran en prennent pour leur grade. Il me semble que Lionel Duroy s'est bien documenté. A propos du pogrome de Jassy il écrit cependant que Ion Antonescu a laissé faire tandis que Cátálin Mihuleac dit qu'il en a donné l'ordre (Wikipédia aussi).
Comment réagir face au crime de génocide qui se déroule sous vos yeux ? Cette question agite Eugenia après sa rencontre avec l'écrivain italien Curzio Malaparte. Celui-ci pense qu'il faut donner la parole aux bourreaux pour comprendre ce qui les motive, les écouter et au besoin aller dans leur sens pour obtenir qu'ils se confient. Cette position me met d'abord mal à l'aise car il me semble qu'elle fait de l'auditeur un complice. Dans le Corriere della Serra Malaparte rapporte même les mensonges antisémites utilisés alors pour justifier les massacres de Jassy. Dès 1944 cependant il publie Kaputt dans lequel il rapporte ses rencontres avec quelques uns des grands criminels de l'époque et rétablit la vérité sur le pogrome de Jassy qu'il est un des premiers à faire connaître au monde. Disons qu'ici la fin a justifié les moyens.
Ce qui m'a le plus intéressée dans cette lecture ce sont donc les apports historiques. Mis à part le pogrome de Jassy je ne connaissais rien de l'histoire de la Roumanie pendant la Seconde Guerre Mondiale. J'ai trouvé cependant que le début du roman était un peu poussif. Il m'a fallu attendre la moitié de l'histoire pour être prise. La fin, de nouveau, se traine.
L'avis de Nicole.
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Par Anne-yes le 12 Mars 2021 à 11:53
Vera Barantsova est une jeune femme de la petite noblesse russe qui a grandit dans le domaine rural de ses parents. Leur voisin est un libéral assigné à résidence pour raisons politiques. Il devient le professeur de Vera. A son contact elle prend conscience du sort misérable du peuple et éprouve le désir d'être utile à la "cause" (révolutionnaire). Elle monte à Saint Pétersbourg et frappe à la porte de la narratrice pour lui demander conseil. Cela se passe dans les années 1860. Les nihilistes sont alors des contestataires qui rejettent l'autorité (des parents, de l'Eglise, de l'Etat) et donnent la priorité aux études scientifiques et à l'émancipation personnelle. La majorité d'entre eux sont des étudiants d'origine noble.
La majeure partie de ce court roman est consacrée à l'enfance et à la formation de Vera. Ses parents manquent de sens pratique, vivent sur un grand pied et dépensent plus que ne les y autorisent les revenus de leurs terres. L'abolition du servage fini de les mettre dans l'embarras. Cet épisode et ses répercussions sont présentés de façon détaillée. Vera est alors âgée d'une douzaine d'années et c'est la première fois qu'elle prend conscience d'une discordance entre le récit familial et le vécu des domestiques.
L'autre événement qui est bien décrit est un vaste procès politique de nihilistes où sont jugés 75 accusés que l'Etat veut faire passer pour de dangereux terroristes. C'est à l'issue de ce procès que Vera conçoit la façon dont elle peut s'engager au service des révolutionnaires. C'est un engagement quasi religieux -il s'agit d'être une sainte et martyre politique- qui correspond à son âme exaltée et renvoie au rêve qu'elle faisait, enfant, de partir comme missionnaire en Chine. J'ai trouvé très intéressants ces aspects historiques et politiques.
Sophie Kovalevskaïa (1850-1891) a mis un peu d'elle-même dans ses personnages féminins (la narratrice et Vera). Une intéressante préface me permet de découvrir le contexte politique de son temps et son existence peu commune. Elle fait des études de mathématiques malgré les difficultés que cela présente pour une femme à l'époque. Elle est la première femme à devenir docteure en mathématiques d'une université allemande, la première au monde à occuper une chaire de mathématiques (à l'université de Stockholm -"Une monstruosité telle qu'un professeur de mathématiques féminin est fâcheuse, inutile et désagréable" August Strindberg).
Elle participe à la Commune de Paris avec sa soeur Anna. Je découvre avec surprise que le Paris insurgé a été le rendez-vous de nombreux jeunes Russes aristocrates et révolutionnaires. C'est peut-être le moment de lire quelque chose sur ces événements vu que le 150° anniversaire en arrive. Je serais intéressée aussi par une biographie de Sophie Kovalevskaïa.
C'est donc une lecture que j'ai trouvée fort intéressante par de nombreux aspects. Le roman est en plus bien écrit (belles descriptions de la nature au printemps) et plaisant à lire avec une pointe d'humour ironique.
L'avis de Claudialucia.
Avec cette lecture je participe au mois de L'Europe de l'est, organisé par Eva, Patrice et Goran ainsi qu'au défi Voix d'autrices, catégorie Un roman d'apprentissage.
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Par Anne-yes le 9 Mars 2021 à 17:41
Antan est un village polonais situé au centre de l'univers et dont les quatre frontières, nord, sud, ouest et est, sont gardées par les archanges Raphaël, Gabriel, Michel et Uriel. Le roman suit la vie du village et de ses habitants de 1914 jusque vers la fin du 20° siècle. La narration tourne beaucoup autour de Misia, née au début de la Première Guerre Mondiale, et de ses proches. Chaque chapitre raconte une petite tranche de vie, le temps d'un personnage, ou d'un animal, ou d'une plante, ou d'un objet, ou... Certains de ces chapitres pourraient presque se lire comme de petites histoires indépendantes.
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