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Par Anne-yes le 2 Février 2021 à 09:12
Pitchipoï c'est "trou perdu" en yiddish. C'est ainsi que les internés à Drancy désignaient Auschwitz : "Plus tard seulement, je sus qu'il revenait de ce lieu que nous appelions Pitchipoï, et dont le véritable nom était Auschwitz-Birkenau".
Jean-Claude Moscovici est né en 1936. Son père est médecin dans un village du Maine-et-Loire. Avec la mise en place des lois antisémites de Vichy l'exercice de la médecine lui est interdit puis il est arrêté le 15 juillet 1942 et déporté vers Auschwitz dont il ne reviendra pas. Début septembre les Allemands viennent chercher la mère et les grands-parents. La mère arrive à s'enfuir et restera cachée jusqu'à la fin de la guerre. Jean-Claude et sa soeur Liliane, deux ans, sont confiés à des voisins. Enfin, le 9 octobre, les enfants sont arrêtés à leur tour et envoyés à Drancy. Dans ce camp une Polonaise veille sur eux et Jean-Claude prend soin de sa petite soeur. De nombreux enfants sont là sans leurs parents, entassés les uns sur les autres, couchés sur le sol en ciment recouvert de paille sale, soufrant du froid, de la faim, de maladie. Il dit les cauchemars, les cris, les pleurs des petits terrorisés.
Environ un mois après leur arrivée à Drancy Jean-Claude et Liliane sont envoyés dans un asile de l'UGIF (Union Générale des Israëlites de France). Des proches en sont avertis, les enfants sont exfiltrés et cachés jusqu'à la fin de la guerre, avec leur mère à partir de janvier 1943.
Sur la couverture du livre nous voyons Jean-Claude et Liliane peu après leur sortie de Drancy. C'est une photo posée mais je trouve que le geste très doux qu'il a pour sa petite soeur résume bien la façon dont il a été attentif à elle dans le camp alors que lui-même n'avait que six ans. De ma première lecture qui remonte à plus de vingt ans c'est ce dont je me souvenais. Comment oublier en effet que des enfants aussi jeunes ont été forcés de grandir trop vite. Le traumatisme est bien montré. Jean-Claude Moscovici dit qu'après il était devenu grossier et agressif. Il raconte que sa soeur jouait au camp avec des soldats de plomb et qu'elle était attentive aux moments agréables "pour avoir de bons souvenirs quand nous retournerons au camp".
Le style est simple et dépouillé ce qui rend le récit encore plus poignant. C'est un livre qui doit pouvoir se lire à partir de douze-treize ans, il me semble.
Je participe au projet Lectures communes autour de la shoah organisé par Et si on bouquinait un peu et Passage à L'Est.
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Par Anne-yes le 31 Janvier 2021 à 08:55
"Seuls les enfants "spéciaux" portent une étoile,
On me remarque de près comme de loin.
Ils ont mis un signe sur mon coeur,
Je le porterai avec fierté, dès le départ."
Inge Auerbacher est née en 1934 à Kippenheim, un village du sud de l'Allemagne. Le 22 août 1942 elle est déportée à Terezin avec ses parents. Terezin -en allemand Theresienstadt- est un camp de concentration situé à une soixantaine de kilomètres au nord de Prague, en Tchécoslovaquie. C'est un camp de transit pour les Juifs avant les centres de mise à mort plus à l'est. Pour dissimuler leurs crimes les nazis l'ont qualifié de "ghetto modèle". En juin 1944 la Croix Rouge a visité Terezin qui avait été soumis auparavant à un programme "d'embellissement". Un film fut même tourné à cette occasion pour montrer les "bonnes " conditions de vie des Juifs.
Inge Auerbacher raconte la crasse, la promiscuité, la faim, la maladie, la mort. Le camp de Terezin est libéré le 8 mars 1945 par l'armée britannique. Inge et ses parents font partie des survivants. De retour en Allemagne ils constatent que leur maison est occupée et que leurs biens ont été pillés :
"Le maire nous invita à le rencontrer à la mairie. Dès que nous entrâmes dans son bureau, maman remarqua le tapis oriental : c'était le nôtre. Le carillon de la pendule nous était aussi familier; elle nous avait aussi appartenu".
Dès que possible, en mai 1946, la famille émigre pour les Etats-Unis.
Dans cet ouvrage pour la jeunesse Inge Auerbacher raconte son histoire et apporte des explications historiques sur l'antisémitisme et la shoah. Le propos est simple, il me semble que ça doit pouvoir se lire dès onze-douze ans. Une information à actualiser : elle chiffre à quatre millions le nombre de personnes mortes à Auschwitz, chiffre qui avait encore cours à l'époque de la rédaction du livre (1986). Aujourd'hui on estime le bilan entre 1.2 et 1.5 million de morts. Je suis surprise de découvrir que la mise au point des chiffres date de la fin du 20° siècle.
Pour moi l'originalité de l'ouvrage réside dans le fait que le récit est enrichi de poèmes rédigés par l'autrice sur les différentes situations qu'elle a affrontées. Ils lui permettent de transmettre ses sentiments et sont souvent émouvants.Dans mon édition de poche cependant ces poèmes sont placés au milieu du récit, coupant parfois une phrase en deux, ce qui peut être un peu déconcertant, surtout pour le jeune lecteur. Ils sont heureusement imprimés en italique. Enfin le tout est illustré de dessins d'Israël Bernbaum (cf couverture).
La berceuse de ma grand-mère
Dans un pays étrange et lointain,
Un petit geste de la main éteint une vie.
J'entends le coup, je sens la douleur,
Ma grand-mère n'est pas morte en vain.
Je lis de temps en temps sa dernière carte postale,
"Si Dieu nous aide, nous serons de nouveau réunis."
Son anniversaire est devenu notre jour des morts,
Pour nous rappeler l'amour et la haine de l'homme.
Elle m'endormait en me chantant une berceuse,
Mon enfant sois heureuse, ne pleure pas.
Ses bougies de sabbath avaient une lumière particulière,
J'espère qu'elle savait combien je l'aimais.
Elle savait, comme nul autre, préparer
Le pain des jours de fête et les gâteaux; c'était son secret.
Je me souviendrai toujours de son dernier regard,
Ses yeux, la douceur de son sourire, son beau visage.
Son âme rayonne toujours d'un amour éternel,
Je sais qu'elle me regarde de là-haut.
Elle m'endormait en me chantant une berceuse,
Mon enfant sois heureuse, ne pleure pas.
Avec cette lecture je participe au projet Lectures communes autour de la shoah organisé par Et si on bouquinait un peu et Passage à l'Est.
Et aussi au défi Voix d'autrices, catégorie Poème ou recueil de poèmes.
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Par Anne-yes le 29 Janvier 2021 à 09:05
Extraits d'Une vie
A l'occasion du projet de lectures communes autour de la shoah organisé par Et si on bouquinait un peu et Passage à L'Est, je découvre dans ma bibliothèque ce livre dont je ne sais pas comment il y est parvenu. La quatrième de couverture indique que "ce livre vous est offert gracieusement et ne peut être vendu". Il s'agit d'extraits de l'autobiographie de Simone Veil, à destination de la jeunesse. L'édition est complétée de nombreuses notes qui explicitent les points historiques évoqués. C'est donc un ouvrage tout à fait accessible, aux enfants à partir de quatorze-quinze ans, il me semble, et à tous ceux qui ignoreraient ce dont il est question : la politique antisémite du régime de Vichy, l'extermination des Juifs d'Europe, les conditions de survie à Auschwitz et le difficile retour à une vie "normale" après la guerre.
Simone Veil (1927-2017) est née Jacob dans une famille juive attachée à la laïcité et non croyante. Petite dernière d'une fratrie de quatre elle vit à Nice une enfance protégée et heureuse. Elle passe pour une enfant gâtée au point qu'une amie de sa soeur Milou a dit à celle-ci à leur retour des camps : "J'espère qu'au moins la déportation aura mis un peu de plomb dans la cervelle de Simone !" Je suis sidérée par cette remarque totalement inappropriée. Simone Veil n'a pas pardonné. Je le comprends.
La déportation, donc. Simone, Milou, leur frère Jean et leur mère sont arrêtés le 30 mars 1944 puis internés à Drancy. Jean est déporté de son côté, il sera assassiné en Lituanie avec son père. Le 13 avril les trois femmes partent pour Auschwitz-Birkenau. Elles sont affectées au commando de Bobrek où elles travaillent pour Siemens. Je retiens cette anecdote : "j'ai été affectée à des travaux de maçonnerie parce qu'il fallait construire un mur dont j'ai toujours ignoré à quoi il pouvait bien servir. J'ai souvent repensé à cet apprentissage de la truelle lorsque j'ai eu à poser des premières pierres". A l'occasion de sa panthéonisation j'avais vu un documentaire sur la vie de Simone Veil à la télévision. On l'y voyait dans un document d'archives poser une première pierre. A quelqu'un qui la félicitait pour son maniement de la truelle elle répondait qu'elle avait appris à Auschwitz. Le documentaire précisait que c'était la première fois qu'elle évoquait sa déportation en public.
Le 18 janvier 1945, devant l'avancée des troupes soviétiques, le commando de Bobrek est évacué. D'abord à pied -marche de la mort- puis en train, les Jacob arrivent à Bergen-Belsen où la mère meurt du typhus.
La fin de l'ouvrage raconte la libération, la reprise des études -Simone Veil a passé son bac à la veille de son arrestation-, ses premiers pas de toute jeune femme mariée et mère jusqu'au moment où elle devient magistrate. Elle aborde les difficultés à se réinsérer à une époque où les déportés politiques sont traités en héros et les déportés juifs ignorés. Il lui arrive même d'avoir à affronter des réactions antisémites. Ce n'est pas très bien vu non plus dans son milieu bourgeois qu'une jeune mère de famille veuille travailler.
Initiatrice de la loi qui porte son nom Simone Veil reste pour moi une héroïne. En la lisant cependant je ne peux que constater que je ne suis pas toujours d'accord avec elle. Je suis d'abord gênée par un passage qui semble dire que le régime de Vichy aurait sauvé des Juifs :
"Aucun événement historique, aucun choix politique des gouvernants, surtout dans des périodes aussi troubles, n'entraîne des conséquences uniformément blanches ou noires. Nul ne peut nier que la collaboration, consacrée par les sept étoiles de Pétain, ait induit en erreur nombre de nos concitoyens. J'ai cependant été frappée par la réponse que m'a faite, bien des années plus tard, la reine Béatrix des Pays-Bas, un jour où j'évoquais avec admiration le départ de la reine Wilhelmine et de son gouvernement pour Londres dès l'invasion de son pays, en 1940. "Ne croyez pas que ce soit aussi simple, m'a confié la reine. On a beaucoup critiqué l'attitude de Wilhelmine, regrettant qu'elle ait "abandonné son peuple". Et c'est ce qui se dit encore aujourd'hui dans notre pays". On ignore souvent en France que, compte tenu du vide politique qui régnait aux Pays-Bas, les Juifs y ont été très souvent dénoncés. Ce fut le cas d'Anne Frank".
Il me faut donc rappeler que la France est le seul pays d'Europe qui a déporté des Juifs à partir d'endroits où il n'y avait pas d'Allemands : la zone dite libre avec le concours actif des autorités françaises. Sur d'autres sujets je trouve à plusieurs reprises ses jugements péremptoires et manquant de nuance. Je me suis demandée si les coupes faites dans son autobiographie pour produire cet ouvrage avaient pu déformer ses propos. Il faudrait comparer avec la version complète pour en savoir plus. Je suppose cependant qu'au minimum la présente version a obtenu l'assentiment de Simone Veil puisqu'elle est précédée d'un mot explicatif de celle-ci.
Avec cette lecture je participe également au challenge Voix d'autrices, catégorie Tranche de vie.
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Par Anne-yes le 27 Janvier 2021 à 12:50
Deux familles juives, à des époques et en des lieux différents. A Washington DC, au début du 21° siècle, les Bernstein possèdent une grosse entreprise familiale de friperie. Désireux de s'étendre à l'international ils recrutent, à Iaşi en Roumanie, une jeune femme volontaire, Suzy. Elle épouse rapidement le fils aîné de la famille, Ben, se convertit au judaïsme et donne à l'entreprise une nouvelle ampleur.
A la fin des années 1930, à Iaşi en Roumanie, Jacques Oxenberg est un obstétricien renommé. Sa famille vit confortablement et est peu consciente de la montée de l'antisémitisme. Le lecteur se doute dès le début que les histoires de ces deux familles vont se rejoindre et j'avais compris comment assez vite.
Ce roman aborde de nombreux sujets. J'en ai appris sur le commerce de la fripe, sur les écrivains classiques roumains et même sur Gérard Lenorman -tous sujets sur lesquels je ne connaissais pas grand chose, il faut le dire. Mais l'acmé de l'ouvrage c'est le pogrom de Iaşi, le 29 juin 1941, lors duquel près de 15 000 Juifs ont été assassinés par les forces de l'ordre locales assistées de nombreux civils. Ceci sur l'ordre explicite de Ion Antonescu, dirigeant du pays. Ce crime est longtemps resté occulté en Roumanie. Après la guerre une minorité de participants ont été jugés et condamnés. Sous la période communiste la version officielle était que la bourgeoisie fasciste avait massacré quelques centaines de travailleurs. Ce n'est qu'au début du 21° siècle que la vérité a commencé à émerger. Ce livre y a participé, semble-t-il.
Le style est volontiers caustique et la critique mordante n'épargne personne, bourreaux ou victimes. Ceci dit les responsables sont clairement désignés. Au début j'ai trouvé cela amusant. Puis parfois un peu systématique. Enfin, à propos des trains de la mort, l'ironie évolue vers le grotesque, les scènes ont un côté allucinatoire et il me semble que c'est parfaitement choisi pour faire ressentir l'horreur de la situation. C'est donc un roman riche et que j'ai grandement apprécié, sur un épisode de la shoah que j'ignorais.
A la recherche d'informations complémentaires sur le pogrome de Iaşi j'ai découvert aussi le documentaire La mort en face qui donne la parole à des survivants. Son visionnage confirme que Cátálin Mihuleac s'est bien documenté.
L'avis de Keisha.
Nous sommes le 27 janvier, journée internationale de commémoration de la shoah. Je participe au projet de lectures communes autour de la shoah organisé par Et si on bouquinait un peu et Passage à l'Est.
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Par Anne-yes le 24 Janvier 2021 à 14:16
Matthew et Marilla Cuthbert sont un frère et une soeur vieillissants et célibataires qui vivent dans la ferme familiale de Green Gables (les Pignons Verts), sur l'île du Prince Edouard au Canada. Comme les travaux agricoles demandent de plus en plus d'efforts à Matthew il se décide à engager un orphelin (un garçon placé par un orphelinat) pour l'aider à la ferme. Nous sommes au début du 20° siècle. Une erreur dans la transmission de l'information fait que c'est Anne, onze ans, qui débarque chez les Cuthbert au début du roman. Anne est une gamine intelligente et extrêmement attachante qui conquiert rapidement le coeur des Cuthbert. Ils décident de la garder.
"elle sait se faire aimer, et j'aime ceux qui se font aimer; cela m'évite la peine de me forcer à le faire"
Ce roman paru en 1908 est le premier d'une série qui en compte onze. Il nous raconte l'histoire de Anne de onze à seize ans.
Anne est une hypersensible capable de passer du rire aux larmes, et inversement, en un instant. Elle peut être très affectée par l'échec, la méchanceté ou l'injustice dont elle est victime mais elle est aussi douée d'une vive imagination qui lui permet de voir le bon côté des choses en de nombreuses circonstances. Le spectacle de la nature l'émerveille. Son imagination conduit aussi Anne à commettre ce que Marilla, qui est un peu rigide, qualifie de bêtises. J'imagine qu'aujourd'hui on penserait plutôt qu'on a affaire à une enfant vivante. Enfin Anne parle beaucoup, elle commente tout ce qu'elle fait et qui lui vient à l'esprit. Son arrivée va clairement bouleverser l'existence de Matthew et Marilla, tous deux plutôt taiseux.
"Marilla, tu ne trouves pas que c'est agréable de se dire que demain est un nouveau jour sans aucune bêtise dedans ?
- Je serais prête à parier que tu en feras. Tu n'as pas ton pareil pour ça, Anne.
- Oui, je le sais bien, se lamenta Anne. Mais tu n'as pas remarqué ce qu'il y a d'encourageant, Marilla ? Je ne commets jamais deux fois la même.
- Je ne vois pas en quoi c'est un avantage, puisque tu en fais toujours de nouvelles.
- Mais tu ne comprends pas ? Il doit forcément y avoir une limite au nombre d'erreurs qu'une personne peut commettre, et quand je l'aurai atteinte, j'en aurai fini avec elles. C'est une pensée très réconfortante."
J'ai trouvé très plaisante la lecture de ce roman plein d'humour et d'entrain. Difficile de ne pas être séduite par la petite orpheline enthousiaste qui n'a pas sa langue dans sa poche. Anne de Green Gables est aussi un roman féministe. Malgré l'avis d'une voisine qui considère que la place d'une femme est au foyer et qu'une scolarité primaire lui suffit, Anne est soutenue par sa famille d'accueil dans son choix de pousser ses études plus loin. Il est clairement dit à plusieurs reprises qu'en ce domaine les filles peuvent faire aussi bien voire mieux que les garçons.
La maison Monsieur Toussaint Louverture réédite dans une nouvelle traduction ce roman pour la jeunesse qui a eu un grand succès au Canada et à l'étranger dès sa sortie. Le résultat est un beau livre relié à couverture cartonnée recouverte de papier brillant. La sortie du numéro deux de la série, Anne d'Avonlea, est annoncée pour mars. Je le lirai sans doute.
Anne with an E. Après avoir terminé le roman j'ai commencé à regarder sur Netflix la série en trois saisons qui en est tirée. La jeune actrice Amybeth McNulty me paraît bien choisie pour le rôle de Anne. Elle est volubile à souhait. Je retrouve l'ambiance du roman même si les péripéties sont rendues plus dramatiques dans la série.
Avec cette lecture je participe au challenge Voix d'autrices dans la catégorie Roman jeunesse.
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Par Anne-yes le 22 Janvier 2021 à 18:38
Je découvre par hasard le blog Arcanes ouvertes et son challenge Voix d'autrices. Je trouve que c'est une très bonne idée de mettre ainsi la littérature féminine à l'honneur et j'ai donc décidé de me lancer. Cette année j'ai prévu aussi de participer à d'autres rendez-vous plus ponctuels initiés par d'autres blogs et du coup, pourquoi pas les décliner au féminin, me suis-je dit ? Je verrai au fur et à mesure à quel point c'est possible.
Pour Voix d'autrices il y a même une chouette liste avec des cases à cocher. Un argument de plus pour me séduire !
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Par Anne-yes le 18 Janvier 2021 à 16:40
John le Carré est mort le 12 décembre 2020, il était né en 1931. J'imagine que tout le monde a entendu parler de ce maître du roman d'espionnage qui travailla lui-même brièvement dans les services secrets britanniques. Signe de son envergure, le Monde lui consacre une nécrologie de deux pages, ce qui est peu courant. L'auteur de l'article, Franck Nouchi, me donne l'impression d'être un fan qui aurait lu toute l'oeuvre de John le Carré. Quant à moi je ne l'avais jamais lu. A ma bibliothèque, une semaine après sa mort, tous ses romans sont sortis. Ca aussi c'est peu courant. Je me rabats sur un bouquiniste où je n'ai pas l'embarras du choix : il n'y a que
Un traître à notre goût. Perry, professeur à Oxford, et Gail, avocate à Londres, s'offrent des vacances en amoureux sur l'île d'Antigua. Ils y font la connaissance de Dima, un Russe amateur de tennis comme eux, et de sa famille. Assez rapidement Dima se révèle être un membre important de la mafia russe, spécialiste du blanchiment d'argent sale à grande échelle. Il a une proposition à faire aux services secrets britanniques et compte sur Perry pour lui servir d'intermédiaire. Je serais bien embêtée si c'était à moi que cela arrivait. Heureusement, je ne joue pas au tennis. Plusieurs fois j'ai eu envie d'avertir Perry et Gail de fuir, vous ne voyez pas que cette affaire pue ? Il semble que si, ils le voyaient mais ils pensaient qu'ils pouvaient aider.
Dans ce roman qui se déroule en 2009 on croise -outre la mafia russe- des banques peu regardantes sur l'origine des fonds du moment que cela leur permet de renflouer leurs caisses, des politiciens et des hauts fonctionnaires corrompus et des espions en roue libre qui prennent des distances avec leur hiérarchie. Pour défendre leur pays ou pour régler des comptes personnels ? Cela n'est pas clair.
L'histoire commence un peu lentement. Ca se lit mais sans enthousiasme excessif de ma part. Dans les derniers chapitres les choses s'accélèrent, je suis enfin ferrée et je me demande comment cela va se terminer même si je me doute que la morale et la justice n'en sortiront pas particulièrement grandies.
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Par Anne-yes le 15 Janvier 2021 à 14:29
Ce recueil se compose de trois aventures de Guilhem d'Ussel qui se déroulent en 1202-1203 : deux longues nouvelles et un court roman.
Les brutes de Torre di Astura. Alors qu'il se rend à Rome, Guilhem d'Ussel porte secours à une jeune femme que des hommes d'arme tentaient d'enlever.
La mort de Guilhem d'Ussel. De retour de Rouen, Guilhem d'Ussel est poursuivi par la haine implacable d'un ancien adversaire qui veut se venger de lui. Je découvre les malheurs de la ville d'Evreux -ou plutôt de ses habitants- objet de la convoitise des couronnes de France et d'Angleterre. En 1194 Jean sans Terre fait massacrer 300 chevaliers fidèles au roi de France qu'il avait conviés à un repas. En représailles Philippe Auguste attaque la ville, extermine la garnison britannique et tous les bourgeois qui n'avaient pas respecté leur foi envers lui. La cité est brûlée.
La revenante. C'est cette aventure que j'ai préférée. Elle est plus longue donc plus détaillée. Elle se déroule en partie à Marseille dont il y a des descriptions intéressantes. Ici aussi nous rencontrons un méchant prêt à tout pour se venger de notre héros. Pour le faire tomber dans son piège il lui envoie une messagère à qui Ussel ne pourra rien refuser.
Je lis toujours avec plaisir les aventures de Guilhem d'Ussel. C'est plein de péripéties, ça ne prend pas la tête et j'apprécie d'en apprendre sur les rudes conditions de vie en ces temps lointains.
Je participe au mois des nouvelles de Usva.
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Par Anne-yes le 12 Janvier 2021 à 13:35
Cora, 16 ans, est esclave sur la plantation de Géorgie où elle est née. Elle accepte la proposition de Caesar, un esclave nouvellement arrivé, de l'accompagner dans son évasion. Ils utilisent le "chemin de fer souterrain" -underground railroad- réseau de complicités et de passeurs qui aide les esclaves en fuite à gagner les Etats du Nord. Mais ils sont poursuivis par Ridgeway, un chasseur d'esclaves sans pitié, qui fait une affaire personnelle de la capture de Cora.
J'ai d'abord été surprise que le chemin de fer souterrain soit, dans ce roman, matérialisé par un vrai chemin de fer souterrain. Ensuite je m'y suis faite. L'auteur met l'accent sur les différentes formes de racisme générées par l'institution esclavagiste, que ce soit le racisme violent et haineux de propriétaires d'esclaves ou, plus insidieux, le paternalisme méprisant de certains qui prétendent vouloir aider les Noirs. Il montre bien également comment les Noirs ont été des acteurs importants de leur propre liberté : des Noirs libres sont passeurs ou cachent des esclaves en fuite. Cora trouve un temps refuge dans une ferme de l'Indiana où une communauté noire a développé un lieu de vie et de culture. J'ai trouvé cela particulièrement intéressant. J'ai découvert l'existence de la poétesse Phillis Wheatley dont une recherche complémentaire m'apprend la vie peu commune. Tout cela me donne envie d'en savoir plus sur l'histoire des Noirs aux Etats-Unis. C'est donc une lecture que j'ai appréciée.
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Par Anne-yes le 5 Janvier 2021 à 10:10
Grandeur et décadence dans la Chine des années 1930
Dans les années 1930 Shanghai est le Paris de l'Orient, une ville cosmopolite où les riches du monde, mais aussi des aventuriers, des écrivains et des artistes, se retrouvent dans les palaces et les boîtes de nuit de luxe. C'est aussi un lieu de refuge pour ceux qui n'ont plus de pays : Russes blancs puis Juifs allemands à partir de 1935. Ces derniers n'y viennent pas pour faire la fête et dépendent de la charité.
En 1935 Mickey Hahn (1905-1997), journaliste américaine, femme libre, débarque à Shanghai où elle va séjourner huit ans. Mickey Hahn a la plume facile : elle écrit et brode sur tout ce qui lui arrive -et il lui en arrive des choses. Courriers à sa famille, articles de journal, livres -52 durant toute sa vie- Taras Grescoe s'est appuyé sur ce riche matériau, complété par d'autres sources et des voyages sur place. Deux autres personnages ont droit à une place de choix dans cet ouvrage : l'homme d'affaires Victor Sassoon (1881-1961), propriétaire du Cathay Hotel et d'autres bâtiments prestigieux sur le Bund, boulevard de la concession internationale qui longe la rivière Huangpu, et Zau Sinmay (1906-1968), un poète chinois dont Mickey Hahn va devenir la maîtresse.
Le Bund dans les années 1930
L'auteur ne s'est cependant pas contenté de nous raconter les soirées de la jet set locale, ce qui m'aurait vite lassée. Il analyse la situation coloniale qui a rendu possible cette vie de plaisirs : les guerres de l'opium au milieu du 19° siècle ont permis aux Occidentaux (Britanniques, Français et Américains) de s'installer dans deux concessions étrangères à Shanghai où ils ont tous les droits. Pendant qu'ils se gobergent le petit peuple chinois vit misérablement : en 1935 le conseil municipal ramasse 5950 cadavres dans les rues de la concession internationale. La domination occidentale est également responsable d'une corruption systémique.
A travers le cas de Shanghai Taras Grescoe présente aussi les grands traits de l'histoire de la Chine au milieu du 20° siècle. Il est question de la période nationaliste sous Sun Yat-sen et Tchang Kaï-chek, de la conquête japonaise à partir de 1931. En 1937 la bataille de Shanghai dure treize semaines. Le centre ville est victime de bombardements meurtriers à deux reprises. Le 14 août (samedi noir) par des pilotes chinois qui ont mal visé des navires japonais et le 28 août (samedi sanglant) par le Japon. Ces événements marquent le début de la fin du gai Shanghai. L'occupation japonaise entraîne pour les Occidentaux des internements massifs à partir de 1943.
Mickey Hahn quitte Shanghai en 1943, Victor Sassoon en 1948, peu avant l'arrivée au pouvoir des communistes. Seul reste sur place Zau Sinmay dont la fin de vie est difficile : il est emprisonné un temps pour avoir fréquenté des Occidentaux et en ressort affaibli.
J'ai trouvé cette lecture intéressante. De Shanghai j'avais comme images le quartier des affaires de Pudong avec ses gratte-ciel modernes. Je découvre qu'une partie des bâtiments construits dans les concessions étrangères existent toujours.
Le Bund aujourd'hui
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