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Par Anne-yes le 15 Décembre 2023 à 14:54
L’écrivaine britannique Antonia Susan Byatt est morte le 16 novembre 2023. Elle était née en 1936. Elle avait été lauréate du Booker prize en 1990 pour son roman Possession et elle était traduite en plus de 30 langues. Elle aimait « les romans avec un grand nombre de personnes et de perceptions, pas ceux qui adoptent un seul point de vue étroit, celui de l’auteur ou d’un personnage ».
Possession. Roland Michell est un jeune universitaire, assistant du professeur Blackadder, spécialiste du poète victorien Randolph Henry Ash. Quand Roland découvre deux lettres inédites adressées par Ash à la poétesse Christabel LaMotte il veut en savoir plus sur la relation entre les deux personnages. Avec la professeure Maud Bailey, spécialiste de LaMotte, ils vont mener l’enquête sur les lieux mêmes de vie des deux poètes et déterrer un secret qui pourrait bien bouleverser l’approche de l’oeuvre de ces auteurs.
Ce roman voit nos héros du présent, Roland et Maud, lancés dans une véritable enquête sur les traces des héros du passé, Ash et LaMotte. Les indices sont à trouver dans l’oeuvre de ces derniers mais aussi dans d’autres documents du 19° siècle qui révèlent leurs secrets quand on sait ce qu’on y cherche. L’autrice intègre de longs extraits de ces documents (fictifs, comme Ash et LaMotte) dans son ouvrage : correspondance, journaux intimes, poèmes… S’ils me semblent bien imités je les ai souvent trouvés trop longs et lus en diagonale. Y sont évoqués les sujets qui occupent les intellectuels de l’époque : religion, spiritisme, évolution des espèces… A travers le cas de LaMotte et d’autres aspirantes femmes de lettres est abordée la difficulté pour une autrice d’être prise au sérieux au 19° siècle mais aussi au 20° siècle puisque LaMotte passe encore pour une écrivaine mineure aux yeux de beaucoup d’universitaires, uniquement étudiée par les féministes.
A. S. Byatt s’attaque avec ironie au monde universitaire et à la concurrence à laquelle se livrent les chercheurs car Roland et Maud ne sont pas les seuls à s’intéresser aux lettres perdues. Le professeur Mortimer Cropper, un Américain collectionneur de tout ce qui touche de près ou de loin à Ash est résolu à dépenser beaucoup d’argent, voire même à utiliser des moyens illégaux pour mettre la main sur la précieuse correspondance.
J’ai aimé l’aspect de roman gothique, la course au trésor et son dénouement qui m’a mis la larme à l’oeil mais j’ai trouvé ce roman un peu long (668 pages à mon édition).
Possession a été adapté au cinéma en 2002 par Neil LaBute avec Jennifer Ehle (Christabel LaMotte), Jeremy Northam (Randolph Ash), Gwyneth Paltrow (Maud Bailey) et Aaron Eckhart (Roland Michell). Pour faire tenir plus de 600 pages dans une heure et demie il a fallu simplifier l’intrigue et supprimer quelques personnages secondaires. Le résultat est gentil mais ne laissera pas un souvenir impérissable. Le film pâtit sans doute d’avoir été visionné peu après avoir lu le livre. La bande annonce s'est focalisée sur la romance.
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Par Anne-yes le 12 Décembre 2023 à 15:09
Londres, 1949 . Deux semaines après le dénouement de l’affaire du Cercle de Farthing, l’inspecteur Carmichael de Scotland yard est appelé sur les lieux de l’explosion d’une villa, qui a entraîné la mort de son occupante, l’actrice Lauria Gilmore, et d’un homme méconnaissable. Un attentat fomenté par les Juifs et les communistes ? L’inspecteur arrive cependant rapidement à la conclusion que Gilmore et son compagnon ont été tués par la bombe qu’ils étaient en train de fabriquer. Mais dans quel but ? Le lecteur, lui, le sait bien avant la police car, si un chapitre sur deux est consacré à l’enquête de Carmichael, l’autre est la confession de l’actrice Viola Lark, impliquée dans le complot dont il est question ici, un procédé déjà utilisé dans le précédent tome de cette série.
Je retrouve avec plaisir l’Angleterre de plus en plus fasciste et antisémite d’une uchronie où l’Allemagne nazie domine l’Europe -ce n’est pas cette situation fictive qui me fait plaisir mais l’histoire palpitante et l’envie d’en connaître le dénouement. Le nouveau premier ministre, Mark Normanby, vient de rendre obligatoires les cartes d’identité avec mention de la religion et s’apprête à mettre en place une sorte de Gestapo britannique. Le personnage de Viola Lark, au départ ne se posant pas de questions sur la situation politique puis prenant conscience de ce qui se passe, est intéressant. Cette fille de la grande noblesse a rompu avec sa famille en devenant actrice. Elle est l’une des six célèbres sœurs Larkin dont l’une est communiste et une autre nazie (elle a épousé Himmler), inspirées des sœurs Mitford, semble-t-il. J’ai donc beaucoup apprécié ce deuxième épisode de la trilogie du subtil changement. Le troisième vient d’arriver de chez le libraire.
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Par Anne-yes le 2 Décembre 2023 à 10:00
Angleterre, 1949. Huit ans auparavant, à l’instigation d’un groupe d’hommes politiques nommé le « Cercle de Farthing », le pays a signé avec l’Allemagne nazie une paix séparée, la « paix dans l’honneur ». Depuis, les frontières du Reich s’arrêtent à la Manche. Aujourd’hui, lady Eversley convie les membres du Cercle à un week-end dans la propriété familiale de Farthing. Parmi les invités, Lucy et David Kahn. Fille de lady Eversley Lucy a, au grand déplaisir de sa mère, épousé un Juif. Mais voici que sir James Thirkie, principal artisan de la paix avec Hitler, est retrouvé assassiné, une étoile en tissu jaune comme en portent les Juifs sur le continent, plantée sur sa poitrine à l’aide d’un poignard. Pour la plupart il ne fait aucun doute que seul un Juif peut être l’auteur de ce crime misérable. David Kahn fait donc un coupable tout trouvé. Chargé de l’enquête, l’inspecteur Carmichael de Scotland yard ne croit pas aux « indices » trop évidents que l’on sème sur son chemin. David peut aussi compter sur le soutien de sa femme.
J’ai apprécié la description de cette aristocratie britannique très imbue de sa classe. Pour en être issue, Lucy comprend de quoi ces gens sont capables pour préserver leurs privilèges. David, lui, croit qu’il peut se faire accepter dans ce monde en se montrant plus Anglais que les Anglais.
Dans cette uchronie la guerre se poursuit en URSS tandis que c’est Charles Lindbergh qui est le président des Etats-Unis. En Grande-Bretagne règne un antisémitisme d’atmosphère. Ainsi on ne parle pas de seconde guerre mondiale mais de « guerre des Juifs ».
En partant de faits historiques l’autrice a très habilement opéré un léger décalage avec la réalité et rendu fort crédible le cadre de son roman. La narration alterne un chapitre du journal de Lucy sur les événements et un chapitre de l’enquête de Carmichael en focalisation externe. Ce procédé bien mené permet au lecteur d’avoir accès à divers aspects de l’affaire.
Je découvre Jo Walton avec cet excellent roman. Nul doute que je reviendrais vers cette autrice en commençant par lire la suite de la trilogie du subtil changement dont Le Cercle de Farthing constitue le premier volet.
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Par Anne-yes le 29 Novembre 2023 à 14:42
L’écrivain congolais Henri Lopes est mort le 2 novembre 2023. Il était né en 1937 à Léopoldville (Congo belge, aujourd’hui Kinshasa) mais c’est au Congo-Brazzaville, le pays de sa mère, qu’il a grandi et choisi de revenir s’installer à l’âge adulte. Il y a fait carrière aux plus hautes responsabilités mais il a toujours placé au-dessus des autres le métier d’écrivain. Il est l’auteur d’une douzaine de livres, majoritairement des romans.
Il est déjà demain est un récit autobiographique paru en 2018. Métis, fils de deux métis, Henri Lopes remonte sa généalogie jusqu’à ses deux grands-pères blancs, l’un Belge, l’autre Français. Malgré le patronyme, aucun Portugais à l’horizon : l’auteur explique la façon dont le colonisateur modifiait le nom des métis.
Après la séparation de ses parents, Henri grandit à Brazzaville avec sa mère. Elle épouse un Français et, à 12 ans, Henri est envoyé poursuivre ses études au lycée de Nantes. J’ai trouvé passionnante la partie qui porte sur la petite enfance. Henri Lopes restitue de façon vivante et touchante les souvenirs de cette époque. Il grandit dans un Congo qui est encore colonie française et pendant la guerre. Ce qu’il dit de cette période me rappelle ce que me racontait un grand-oncle qui fut administrateur colonial en Afrique.
Une fois le bac en poche, l’auteur étudie l’histoire à la Sorbonne. Parallèlement il milite à la FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France) et au PAI (Part Africain de l’Indépendance), deux mouvements marxistes-léninistes. Il y fait la connaissance d’une bonne partie de la future élite de l’Afrique décolonisée. Lui-même, en 1965, devient professeur à l’ENS de Brazzaville puis ministre de l’éducation nationale du Congo (1969-1972), ministre des affaires étrangères (1972-1973) et premier ministre (1973-1975). Dans les années 1980 et 1990 il travaille pour l’UNESCO à Paris, enfin, en 1998, il devient ambassadeur du Congo en France.
J’ai été très intéressée par ce que l’auteur dit de sa formation et de sa carrière politique. Henri Lopes montre bien, à travers son cas, comment les dirigeants des pays nouvellement indépendants ne connaissaient pas grand-chose à la gestion d’un Etat et se sont, en quelque sorte, formés sur le tas. Quant à moi je découvre un pan de l’histoire de l’Afrique dont je ne connais pas grand-chose, il faut bien le dire.
C’est donc une lecture que j’ai grandement appréciée. De par les fonctions qu’il a occupées, Henri Lopes a eu l’occasion de croiser bon nombre de dirigeants et d’intellectuels d’Afrique mais aussi d’Europe et des pays communistes. Il a un vrai talent de conteur pour raconter des anecdotes liées à ces rencontres. Ca a parfois un côté très mondain mais c’est fait avec une forme de modestie qui fait que l’énumération de ces célébrités qui lui donnent du « cher Henri » ne m’indispose pas. Henri Lopes m’apparaît comme un homme attaché au Congo et aux Congolais, par delà à l’Afrique et aux Africains. Elevé dans deux cultures, marié à une Antillaise, il célèbre le brassage des cultures, le métissage. Il est enfin fidèle a ses amis et a pour sa famille et ses proches des mots très touchants. Tout ceci est écrit dans une langue généralement fort bien maîtrisée et plaisante à lire avec quelques formules désuètes qui m’enchantent.
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Par Anne-yes le 24 Novembre 2023 à 11:39
Berlin, 1922. Hulda Gold est sage-femme ambulante (libérale) dans le quartier populaire de Schöneberg. C’est au chevet d’une de ses patientes qu’elle entend parler de Rita Schönbrunn, une prostituée retrouvée noyée dans le canal de Landwehr. L’inspecteur Karl North mène l’enquête sur cette mort. Bien que Hulda ne soit pas insensible à son charme, elle ne peut s’empêcher de se demander s’il ne fait pas traîner exprès l’affaire. Elle décide d’enquêter de son côté.
J’ai trouvé très plaisante la lecture de ce policier. A la suite d’Hulda en visite chez les parturientes le lecteur découvre les logements ouvriers souvent insalubres et sans lumière et croise des enfants des rues victimes de la pauvreté ou de la guerre. Il arrive aussi à notre héroïne d’officier dans des secteurs plus bourgeois. Quelque soit le quartier j’ai aimé les descriptions vivantes de Berlin qui m’ont donné envie de visiter cette ville et ses cafés.
Sage-femme compétente, Hulda a acquis son expérience par la pratique de terrain. Il lui arrive à l’occasion de croiser la route de médecins obstétriciens qui lui apparaissent imbus de leur savoir théorique et trop peu à l’écoute du ressenti des femmes. Elle est ainsi en désaccord avec leur volonté d’imposer l’accouchement couché. Il lui apparaît que l’accouchement debout, comme il se pratique depuis toujours, est plus efficace et naturel. Un autre personnage, infirmière en psychiatrie, est aussi une femme de terrain qui constate le peu d’efficacité voire même la violence des méthodes préconisées par les médecins sous les ordres desquels elle travaille. Pendant la guerre son expérience l’a ainsi amenée à penser que les soldats revenus du front traumatisés n’étaient pas des simulateurs. J’ai apprécié la réflexion menée sur cette opposition entre femme de terrain et homme de science.
Il y a enfin une romance entre Hulda et Karl, tous deux des cabossés de la vie et, en toile de fond politique la montée de l’extrême-droite avec la haine de la république et le désir d’un Etat fort qui s’expriment de plus en plus ouvertement. Notre héroïne ne s’intéresse pas à ces questions. Pas sûr qu’elle puisse continuer longtemps à s’aveugler. Le tome 2 de cette nouvelle série est déjà paru, je l’achèterai dès qu’il paraîtra en poche (janvier 2024).
L’avis de Sacha.
Je participe au mois des Feuilles allemandes organisé par Et si on bouquinait un peu et Livr’escapades
et au défi Sous les pavés, les pages organisé par Ingannmic et Athalie.
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Par Anne-yes le 21 Novembre 2023 à 14:16
Comment un « visa pour Curaçao » permit de sauver des milliers de Juifs
En 1940 le Néerlandais Jan Zwartendijk est directeur de la filiale lituanienne de Philips à Kaunas quand il est nommé consul des Pays-Bas. La Lituanie est alors devenue un lieu de refuge pour des milliers de Juifs polonais fuyant le nazisme. Au mois de juin 1940, quand les troupes soviétiques envahissent la Lituanie, les réfugiés commencent à chercher une autre destination. C’est alors que Jan Zwartendijk a l’idée de signer des « visas » pour Curaçao, colonie antillaise des Pays-Bas. Complétés par un visa de transit au Japon, signé par Chiune Sugihara, consul du Japon à Kaunas, ils permettent à leurs détenteurs de traverser l’URSS en train, de s’embarquer à Vladivostok pour le Japon puis, de là, de chercher un nouveau point de chute. Curaçao n’est qu’une excuse. Les exilés n’y iront pas. La grande majorité passera le reste de la guerre à Shanghaï.
Pendant un mois, avant que leurs consulats soient fermés, Zwartendijk et Sugihara signent des visas à la chaîne, sauvant ainsi la vie à au moins 6000 Juifs. Jan Brokken a enquêté sur quasiment tous les aspects de cette filière d’évasion. En travaillant à partir d’archives et d’ouvrages d’historiens, en interrogeant les survivants ou leurs descendants, en se rendant sur les lieux, il a mis à jour la chaîne de solidarités et de complicités qui a permis cette vaste opération de sauvetage. Il montre aussi comment l’action de ces héros modestes a été tardivement reconnue : en 1963, quand le ministère des affaires étrangères des Pays-Bas découvre à quoi Jan Zwartendijk a occupé son poste de consul à Kaunas, il le convoque pour passer un savon au retraité.
J’ai trouvé cette lecture fort intéressante. Jan Brokken explore son sujet tous azimuts. Jan Zwartendijk a travaillé pour Philips ? Présentation de la politique de Philips sous le nazisme pour mettre à l’abri ses salariés juifs (dès 1932 des cadres juifs de Philips en Europe sont mutés en Amérique). Jan Zwartendijk conduit une Buick Roadmaster ? Rapide topo sur la Buick Roadmaster. Biographie des protagonistes de la naissance à la mort, autant que possible. En même temps l’auteur nous fait part du déroulement de ses recherches, de ses difficultés et de ses sentiments, ce qui est une façon de travailler que j’aime bien. L’Europe centrale d’avant la seconde guerre mondiale, héritière de l’empire austro-hongrois, où se déroulent une partie des événements racontés ici, m’apparaît comme un espace cosmopolite. Je ne peux m’empêcher de penser que l’Europe actuelle, avec la multiplication des Etats-nation, a perdu en richesse culturelle.
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Par Anne-yes le 16 Novembre 2023 à 15:53
A la fin des années 1920 -le roman est paru en 1929- dans le Grand hôtel de Berlin, l’hôtel le plus luxueux de la capitale, différents personnages se croisent.
Il y a la Grousinskaïa, une danseuse classique vieillissante qui continue de se produire malgré un succès mitigé et une fatigue grandissante. Elle fait la connaissance du baron Gaigern, un très beau jeune homme qui finance son train de vie dispendieux en faisant le rat d’hôtel. Gaigern sert de guide des plaisirs berlinois à Kringelein, un provincial falot. Atteint d’une grave maladie, ce dernier a décidé de mener la grande vie en attendant la mort mais ne sait pas trop comment s’y prendre.
Au Grand hôtel Kringelein croise Preysing, le patron de l’entreprise textile dans laquelle il était employé comme comptable. Alors qu’il négocie la fusion de son entreprise avec les Produits tricotés de Chemnitz, Preysing loue les services de la jeune Flammèche, une secrétaire qui, pour arrondir ses fins de mois, pose nue ou se vend comme escort girl. Toutes ces allées et venues sont observées par le docteur Otternschlag, une gueule cassée qui soigne ses traumatismes à la morphine.
Gaigern vole, Flammèche se prostitue mais l’autrice ne porte aucun jugement moral sur ces agissements qui apparaissent comme des gagne pain. Ces deux personnages sont avant tout jeunes, beaux et capables de compassion. Le hall du Grand hôtel, nous dit Vicki Baum, est comme une métaphore de la vie dont il faudra bien sortir un jour par la porte toujours ouverte.
Mon avis sur ce roman est mitigé. Il m’a semblé inégal avec des passages ennuyeux -les trop longues négociations d’affaire de Preysing- et d’autres plus plaisants -la transformation de Kringelein une fois qu’il a enfilé un costume du meilleur tailleur.
Je trouve intéressante la présence des séquelles visibles de la guerre : le docteur Otternschlag, le liftier manchot et Gaigern, ancien combattant qui exprime ses difficultés de réinsertion.
« Au retour, cela n’a pas été tout seul. Quand l’un de nous disait « là-bas », c’est comme s’il disait « chez moi »… ou presque. Nous vivons maintenant, en Allemagne, comme dans un pantalon devenu trop étroit. On est devenu indiscipliné et on n’a pas de place »
Bientôt les nazis, dont il n’est pas encore question ici, n’auront plus qu’à saisir ce mal être.
Je participe au mois des Feuilles allemandes organisé par Et si on bouquinait un peu et Livr’escapades.
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Par Anne-yes le 10 Novembre 2023 à 09:21
La guerre sacrée de Poutine. Galia Ackerman est une journaliste et historienne française d’origine russe. Dans cet ouvrage publié en 2019, réédité en 2022 et 2023, elle décrit la façon dont la Russie post-soviétique a été transformée par Vladimir Poutine : falsification de l’histoire, création d’un nouveau récit national en s’appuyant sur des mythes déjà exploités aux époques tsariste et stalinienne, embrigadement de la jeunesse, militarisation de la société… Le Régiment immortel, c’est tout cela. Depuis les années 2010, à l’occasion des célébrations de la victoire du 9 mai, des millions de personnes défilent dans toute la Russie et même à l’étranger en portant les portraits de leurs parents et grands-parents qui ont vécu la Grande guerre patriotique (la Seconde guerre mondiale). Cette manifestation ultra-patriotique qui exalte le culte des héros morts, affirme la supériorité du peuple vainqueur du nazisme. Parce que les Russes ont versé leur sang pour cette victoire, ils auraient gagné le droit moral et quasi religieux de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale.
Il y a là une idéologie mortifère qui me fait froid dans le dos et il me semble bien que ce que fait Poutine à/de son peuple ressemble beaucoup à ce qu’Hitler avait fait en Allemagne. Dans la postface à la présente édition, Galia Ackerman n’est guère optimiste. Elle anticipe une période de troubles importants à la disparition de Poutine et même un éclatement de la Russie. En attendant, cet ouvrage éclairant et étayé de nombreux exemples et citations de propagandistes russes ma paraît une lecture importante pour comprendre le danger que représente aujourd’hui la Russie pour les démocraties européennes.
L’avis d’Henri.
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Par Anne-yes le 7 Novembre 2023 à 10:55
Née à la fin du 19° siècle, orpheline toute petite, Olga a été élevée en Poméranie par une grand-mère qui ne l’aimait pas. Elle se lie d’amitié avec Herbert, le fils des riches propriétaires voisins, une relation qui évolue en amour quand les jeunes gens grandissent. Tandis qu’Olga se bat pour devenir institutrice, Herbert rêve de participer à l’élan expansionniste de l’Allemagne. Il combat dans la guerre contre les Herero (1904), voyage puis décide de rallier le pôle nord.
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Par Anne-yes le 4 Novembre 2023 à 10:00
Lorsque Robert Peary (1856-1920) atteignit le pôle nord le 6 avril 1909, il était accompagné de Matthew Henson (1866-1955), son assistant afro-américain. En fait, si Peary et Henson ont bien atteint le pôle nord ce jour-là, ce qui est sujet à discussion, ce sont Henson et les quatre Inuits Ootah, Egingwah, Seegloo et Ooqueah qui y sont arrivés les premiers. L’histoire n’a longtemps retenu que le nom du « découvreur » blanc et Peary retira seul honneurs et richesse de l’exploit.
Né dans le Maryland, Matthew Henson est orphelin à huit ans. A douze ans il s’embarque comme garçon de cabine dans la marine marchande et navigue à travers le monde. Il s’instruit sous la houlette du capitaine Childs qui l’a pris sous son aile. Il fait ensuite la connaissance de Peary qu’il accompagne dans ses expéditions polaires à partir de 1891. A ces occasions il fait de longs séjours chez les Inuits de l’ouest du Groenland dont il apprend la langue, les coutumes et les techniques de survie par grand froid. Il devient ainsi un auxiliaire indispensable pour Peary. Après plusieurs tentatives de rallier le pôle nord, Peary y parvient finalement en 1909. C’est cette dernière expédition qui nous est racontée ici.
L’expédition dure plus d’un an car il faut arriver l’été sur la côte nord du Groenland, quand un bateau peut naviguer, puis y passer l’hiver en préparant traîneaux et provisions. La marche au pôle proprement dite débute le 1er mars 1909. Les explorateurs affrontent des températures glaciales (jusqu’à moins 45° C), des chutes de neige ou du blizzard qui les empêchent d’avancer, des courants d’eau qu’il faut franchir. Parfois ils doivent se frayer un chemin à la pioche dans les blocs de glace dentelés de la banquise. Matthew Hanson fait bien ressentir les très dures conditions de voyage et le rôle primordial qui est le sien. Il porte un regard critique sur les échanges commerciaux qui ont lieu entre ses « amis les Esquimaux » -comme on les appelait à l’époque- et Peary, qu’il juge parfois injustes pour les autochtones. Il est conscient que l’existence traditionnelle de ces derniers est menacée par l’introduction du tabac et de l’alcool et l’extermination du gibier.
Cet intéressant récit est traduit et préfacé par Kamel Boukir, sociologue. La longue préface (50 pages) contextualise la place de Matthew Henson, Noir au tournant des 19° et 20° siècles, et sa relation avec Robert Peary, personnage qui n’apparaît pas comme très sympathique, pilleur de ressources, fournisseur de zoos humains. Si le fond est éclairant, je déplore la forme qui abuse de citations et de formulations absconses : on aurait pu dire les choses plus simplement, il me semble. Cette volonté d’impressionner par son style tranche avec une traduction truffée d’erreurs de français : concordance des temps, conjugaison du passé simple (je battus, nous furent), orthographe (chapoter, le dégèle, la chaire humaine), vocabulaire (des provisions allongées sur le sol, habilité pour habileté)… Il a manqué un vrai travail de correction de la part de l’éditeur. C’est d’autant plus dommage qu’il y a un soin apporté à la forme de l’ouvrage avec la belle couverture et des photos grand format d’expéditions polaires de Henson et Peary.
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