• Dubravka Ugrešić, Baba Yaga a pondu un oeuf, Christian Bourgois L'écrivaine de langue croate Dubravka Ugrešić est morte le 17 mars 2023 à Amsterdam. Elle était née en 1949 en Yougoslavie d'un père croate et d'une mère bulgare et se définissait comme transnationale. Quand la guerre éclate en 1991 ses prises de position antinationalistes font d'elle la cible d'une violente campagne de harcèlement. Elle est accusée d'être une sorcière et doit s'exiler.

     

     

    Dubravka Ugrešić, Baba Yaga a pondu un oeuf, Christian Bourgois Baba Yaga a pondu un oeuf. Ce roman qui met en scène des vieilles femmes est découpé en trois parties bien différentes mais pourtant liées comme on le découvre dans la troisième.

    Dans la première partie la narratrice -qui pourrait bien être l'autrice- raconte les derniers jours passés avec sa mère vieillissante qui commence à perdre la mémoire et à confondre des mots. C'est le récit d'une relation pas toujours facile entre mère et fille. Je l'ai trouvé émouvant et nostalgique.

     

     

    La deuxième partie raconte l'histoire de trois amies, trois vieilles femmes, Pupa, Beba et Kukla, qui séjournent dans un hôtel de luxe d'une station balnéaire tchèque. Elles y font la connaissance d'un jeune masseur bosnien, d'un américain qui a fait fortune en vendant des compléments alimentaires, d'un médecin passionné par la longévité et d'un avocat retraité. Elles y vivent des aventures inattendues et découvrent que la vie a encore de bonnes surprises à leur offrir. Il y a une critique du commerce du bien-être et de la jeunesse éternelle, du nationalisme et tout un passage où l'autrice décrit et analyse des tableaux représentant une femme accompagnée d'un perroquet ! J'ai été conquise par son imagination et son positionnement résolument féministe. Le ton est souvent caustique avec un humour mordant par moments.

     

     

    Enfin la troisième partie se présente comme un Baba Yaga pour les nuls. Une spécialiste en folkloristique y liste les nombreux attributs et caractéristiques de la sorcière slave selon les pays ou les territoires où elle apparaît. Ils sont très variés et divers, parfois même contradictoires. Ce catalogue un peu fastidieux donne l'impression que, en période de chasse aux sorcières, n'importe quelle femme pouvait être accusée d'être Baba Yaga. C'est bien le but de l'autrice comme le révèle la chute, réquisitoire contre toutes les violences sexistes. Par son côté répétitif c'est la partie qui m'a néanmoins la moins accrochée.

     

     

    Je découvre Dubravka Ugrešić à l'occasion de sa mort qui me navre car j'ai l'impression d'une personne et d'une autrice qui mérite d'être connue. Dans ce roman j'ai aimé le ton ironique, l'imagination et l'invention, l'engagement féministe.

     

    L'avis de Luocine.

     

    Je participe au Mois de l'Europe de l'Est organisé par Et si on bouquinait un peu.

     

    Dubravka Ugrešić, Baba Yaga a pondu un oeuf, Christian Bourgois

     


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    Hans Magnus Enzensberger, Le bref été de l'anarchie, Gallimard L'écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger est mort le 24 novembre 2022. Il était né en 1929 dans une famille bourgeoise que ses valeurs tenaient à distance du nazisme. Enrôlé de force dans la Volkssturm à 16 ans, il déserte six mois plus tard. Il garde de cette expérience une aversion pour l'autoritarisme.

     

    Hans Magnus Enzensberger, Le bref été de l'anarchie, Gallimard Le bref été de l'anarchie est une biographie de Buenaventura Durruti (1896-1936), leader anarchiste espagnol. Le mouvement anarchiste se répand en Espagne dans les années 1870. "L'Espagne est le seul pays au monde où les théories révolutionnaires de Bakounine sont devenues une puissance matérielle. Jusqu'en 1936, les anarchistes ont eu un rôle prédominant dans les mouvements des travailleurs espagnols". L'histoire de l'anarchisme espagnol est parallèle à celle de Durruti dans les années 1920 et 1930. Pour les raconter l'auteur a assemblé des fragments de divers documents qui forment la matière de son récit, tel un patchwork : reportages de journalistes, discours, mémoires de participants aux évènements, entretiens avec des témoins rencontrés en 1971 -l'ouvrage est paru en 1972. Les points de vue sont croisés ce qui donne petit à petit une impression – comme on dirait pour un tableau impressionniste- de ce qu'a pu être la révolution espagnole. Huit chapitres, appelés "gloses" sont des mises au point personnelles de l'auteur qui permettent de contextualiser les évènements.

     

     

    A la lecture j'ai conscience que je connais bien mal la période dont il est question. Il faudrait que je lise un ouvrage de fond sur la guerre civile espagnole. J'ai pensé à La guerre d'Espagne d'Anthony Beevor dont je dispose chez moi. Le bref été de l'anarchie est néanmoins une lecture qui m'a donné à réfléchir.

    Durruti, homme intègre, très charismatique, apparaît comme un véritable héros même si je me demande si une telle figure est bien compatible avec les idées anarchistes.

    Je note la très faible présence des femmes dans cette révolution. La française Emilienne Morin, compagne de Durruti, le remarque comme moi : "Qu'est-ce qu'ils ont, tes camarades ? Sont-ils tous célibataires ?". Ceci dit, à la maison, Durruti fait sa part des tâches ménagères. Il y a aussi un épisode un peu malaisant de racisme anti-Roms où Durruti astreint des Gitans au travail forcé : "Il s'amusait royalement d'avoir obligé les bohémiens à se servir de leurs mains".

    A l'occasion des nombreux épisodes qui se déroulent à Barcelone je suis frappée par la volonté d'autonomie des Catalans.

    Dans un témoignage de Simone Weil je trouve même une explication à l'enrôlement de certains volontaires étrangers dans la guerre en Ukraine : "En juillet 1936, j'étais à Paris. Je n'aime pas la guerre; mais ce qui m'a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c'est la situation de ceux qui se trouvent à l'arrière. Quand j'ai compris que, malgré mes efforts, je ne pouvais m'empêcher de participer moralement à cette guerre, c'est-à-dire de souhaiter tous les jours, toutes les heures, la victoire des uns, la défaite des autres, je me suis dit que Paris était pour moi l'arrière et j'ai pris le train pour Barcelone dans l'intention de m'engager".

    Enfin la fin tragique de l'anarchisme espagnol pose la question de la possibilité de gagner pour un tel mouvement.

     

     

    L'avis d'Henri.

     

     


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  • Philibert Humm, Roman fleuve, Equateurs Philibert Humm, auteur et narrateur, et deux camarades, Samuel Adrian dit Bobby et François Waquet, ont, il y a quelques années, descendu la Seine en canoë de Paris à la mer. C'est une version romancée de cette aventure qui nous est racontée ici sur un ton très humoristique et plein d'auto dérision. Mal équipés et néophytes en navigation les trois jeunes gens se jettent néanmoins à l'eau sans hésiter. Il en résultera un ou deux chavirements; la perte d'une sandalette, d'un réchaud Eva-sport et d'autres accessoires plus ou moins utiles; des disputes entre compagnons de route mais aussi de belles rencontres et de nombreux toasts portés à la cohésion de l'équipe.

     

     

    Le récit est souvent très drôle. En commençant ma lecture j'ai craint que les ficelles ne se répètent au bout d'un moment et que je me lasse. Finalement, si je n'ai pas ri en permanence j'ai ri jusqu'à la fin. L'auteur écrit bien et il est cultivé ce qui est plaisant également. Une lecture distrayante pour un moment agréable.

     

    Philibert Humm, Roman fleuve, Equateurs

     

    L'avis de Keisha.

     


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  • Romain Bertrand (dir), L'exploration du monde, Seuil Une autre histoire des Grandes découvertes

    Quand on parle de Grandes découvertes on pense à Christophe Colomb, Vasco de Gama, Magellan... Cet ouvrage collectif nous invite à un regard moins européocentré. En suivant un découpage chronologique en 88 chapitres, de "645, Xuanzang sur les traces de Bouddha" à "1938, la leçon d'écriture du Nambikwara Júlio à Claude Lévi-Strauss", 80 historien.ne.s, spécialistes des questions qu'ils traitent, proposent d'aborder l'exploration du monde de façon décalée. C'est l'occasion pour le lecteur de découvrir des voyageurs asiatiques comme le Bagdadien Ibn Fadlān qui, en 921-922, s'en va chez les Bulgares de la Volga pour leur enseigner l'islam ou africains comme Muhammad ʽalī "Nicholas" Saʽīd qui, en 1863, s'engage dans l'armée de l'Union mais aussi des Européens moins connus que les grands découvreurs telle Maria Sibylla Merian qui part observer fleurs et insectes dans les forêts du Surinam en 1699. Les grandes figures ne sont pas oubliées cependant, mais leurs exploits sont remis en perspective avec une volonté d'élargissement des points de vue. Ainsi "avant Gama et ses équipages, des religieux occidentaux, des marchands musulmans et des voyageurs russes, toscans et vénitiens, avaient déjà foulé le sol indien".

    Il s'agit aussi de rendre justice aux assistants indigènes, porteurs, guides, interprètes, souvent passés sous silence et pourtant indispensables à la réussite d'une expédition.

     

     

    J'ai trouvé ce gros ouvrage fort intéressant. Le format des courts chapitres qui racontent chacun une histoire différente permet de le lire par petits morceaux. En même temps il y a bien un fil conducteur, celui d'une vision globale de toutes ces aventures.

     


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  • Bedřich Fritta et Hélios Azoulay, Pour Tommy, 22 janvier 1944, Editions du RocherBedřich Fritta (1906-1944), de son vrai nom Fritz Taussig, était un caricaturiste tchèque. En novembre 1941 il est déporté à Theresienstadt en tant que Juif. Sa femme Johanna et son fils Tomáš (1941-2015) y sont envoyés à leur tour en avril 1942. Tommy a un an. A Theresienstadt, Fritta est nommé directeur du bureau de dessin du département technique. Avec d'autres dessinateurs ils produisent plans et graphiques pour illustrer les rapports produits par le commandement du camp. Clandestinement les peintres utilisent aussi le matériel mis à leur disposition pour dessiner la réalité du camp. Découverts, ils sont torturés et envoyés à Auschwitz où Fritta meurt. Dessins et peintures sont cachés et ont été retrouvés après la guerre. Johanna est morte en février 1945 à Theresienstadt, Tommy a survécu.

     

     

    Pour les trois ans de Tommy, le 22 janvier 1944, Bedřich Fritta réalise un livre d'enfant composé de 52 petites aquarelles, certaines représentant Tommy dans diverses situations -Tommy peint, Tommy fait pipi, Tommy fait des bêtises, Tommy voyage...-, d'autres s'apparentant plutôt à un imagier. Il n'y a quasiment aucune allusion à Theresienstadt dans ces images, à part dans la dédicace où l'on voit Tommy debout sur la valise portant son matricule de prisonnier et une autre où Tommy se promène dans un champ de fleurs, ayant franchi un mur en ruine. En légende : "Ce n'est pas un conte de fées, c'est la vérité !". Ce livre est un témoignage d'amour d'un père à son fils, seul souvenir personnel qui soit resté à Tommy. Retrouvé après la guerre avec d'autres oeuvres de Bedřich Fritta, c'est ce petit livre qui est ici édité en français.

     

    Bedřich Fritta et Hélios Azoulay, Pour Tommy, 22 janvier 1944, Editions du Rocher

    Pour Tommy
    pour son 3° anniversaire
    à Terezin- 22.I.1944 !

     

    La seconde partie de l'ouvrage est assurée par Hélios Azoulay, compositeur, clarinettiste, écrivain, comédien. Dans un texte poignant et engagé il présente le camp de Theresienstadt et le sort de la famille Fritta. L'auteur ne mâche pas ses mots pour dire sa haine et son mépris des nazis et de leurs complices. Cette partie est illustrée de quelques dessins de Fritta qui représentent la réalité de la déportation. C'est d'une toute autre facture que les images Pour Tommy.

     

     

    Bedřich Fritta et Hélios Azoulay, Pour Tommy, 22 janvier 1944, Editions du Rocher

    La vie dans une ancienne boutique

     

     

    Je participe au Mois de l'Europe de l'est organisé par Et si on bouquinait un peu.

     

    Bedřich Fritta et Hélios Azoulay, Pour Tommy, 22 janvier 1944, Editions du Rocher

     


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  • Zygmunt Miłoszewski, Inestimable, Pocket La professeure polonaise Zofia Lorentz, historienne de l'art, a été recrutée par le biologiste Bogdan Smuga pour retrouver un artefact aïnou. Les Aïnous sont un peuple qui vivait autrefois sur l'île de Sakhaline et au Japon. Bogdan prétend être motivé par le fait que son lointain oncle Benedykt Czerski s'était installé chez les Aïnous après sa déportation en Sibérie à la fin du 19° siècle. Zofia s'embarque donc avec Bogdan mais au cours de leurs recherches qui les conduisent jusqu'à Paris elle découvre que celui-ci a des motivations cachées bien différentes de ce qu'il lui a dit. Il est question de changement climatique, d'un secret de longévité et de groupes antagonistes prêts à tout pour s'en emparer. Peut-on faire le bien de l'humanité malgré elle ?

     

     

    J'ai été moyennement convaincue par ce roman que j'ai trouvé bien long par moments avant les révélations des dernières pages qui me paraissent assez peu crédibles. L'auteur est très critique par rapport aux agissements des groupes pharmaceutiques, intéressés uniquement par leurs profits et très inquiet quant aux conséquences du changement climatique. Il n'est pas du tout optimiste à propos de notre avenir et ce qu'il dépeint a de quoi faire peur. Malgré cette vision sombre il y a une volonté de faire de l'humour. C'est réussi à mon goût quand il s'agit de porter un regard caustique sur les choix du gouvernement polonais, notamment en matière de culture, ou de se moquer du sentiment de supériorité des Français, un peu moins quand les personnages se font des blagues pas très fines. J'apprécie aussi que Zygmunt Miłoszewski essaie de donner une épaisseur à ses personnages, même secondaires, et les traite généralement avec empathie.

     

     

    Je participe au mois de l'Europe de l'est organisé par Et si on bouquinait un peu.

     

    Zygmunt Miłoszewski, Inestimable, Pocket

     


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  • A Tallahassee, en Floride, au début des années 1960, Elwood Curtis, un adolescent noir sérieux et bon élève, s'apprête à entrer à l'université quand il est accusé d'un vol qu'il n'a pas commis et envoyé à la maison de correction Nickel academy. A Nickel les jeunes détenus blancs et noirs vivent séparément, les seconds étant victimes de graves sévices. Viols, coups de fouet, enfermement au cachot ou dans une "cage à sueur" sont monnaie courante. Un cimetière clandestin dissimule les conséquences des exactions les plus violentes. Pour tenir, Elwood s'appuie sur l'espoir de pouvoir reprendre ses études à la sortie, sur l'enseignement de Martin Luther King dont il est un admirateur et sur son amitié avec Turner, un autre détenu.

     

     

    J'ai trouvé particulièrement poignante et émouvante l'histoire de ces jeunesses gâchées et de ces vies brisées. On ne ressort pas indemne de Nickel et d'avoir été confronté aux conséquences d'un racisme totalement décomplexé. La fin inattendue nous dit aussi que ce roman est une très belle histoire d'amitié.
    Le texte est lu de façon vivante par Stéphane Boucher.


    Les avis de IngannmicKathel et Keisha.

     

     


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  • Johannes Krause et Thomas Trappe, Le voyage de nos gènes, Odile JacobComment les migrations ont fait de nous ce que nous sommes

    Johannes Krause est archéogénéticien, expert du décryptage de l'ADN ancien. Il dirige le département d'archéogénétique de l'institut Max Planck d'anthropologie évolutionniste à Leipzig. J'ai déjà entendu parler de cet institut dans des documentaires historiques sur Arte. Thomas Trappe est un journaliste scientifique.

     

     

    L'avancée de la science permet aujourd'hui de décrypter rapidement et à peu de frais le génome de nos lointains ancêtres dont on a découvert des ossements à travers la planète. Ces données permettent de reconstituer les déplacements des êtres humains. Dans cet ouvrage les auteurs présentent ce qu'on sait des migrations qui ont peuplé l'Europe à la préhistoire. L'archéogénétique complète les découvertes archéologiques (artéfacts), confirme des intuitions mais aussi infirme des théories qui avaient cours. Bien sûr, pour pouvoir séquencer l'ADN, il faut des restes humains. J'apprends en effet avec surprise que l'on n'a aucun ADN exploitable pour la période allant de 3000 à 2800 av. JC. en Europe centrale et très peu d'artéfacts. La population de l'Europe semble avoir été décimée à cette époque, peut-être par une épidémie de peste. Le continent a ensuite été repeuplé par des migrants venus de l'est.

     

     

    Je suis assez émerveillée par les avancées de la technique présentées ici, leur vitesse exponentielle et les découvertes qu'elles permettent, comme de confirmer l'origine des langues européennes ou de dater l'invention du patriarcat. Ce qui m'a le plus intéressée ce sont les chapitres sur les grandes épidémies. Le séquençage des agents infectieux retrouvés dans les os ou les dents des personnes qui en sont mortes confirme, ou non, que telle épidémie était bien la peste ou montre que la lèpre est sans doute une maladie originaire d'Europe.

    Un ouvrage fort intéressant et plutôt abordable.

     

    L'avis de Sunalee.

     


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  • Anne Rice, La momie, Pocket Quand j'ai trouvé ce roman dans une boîte à livres il m'a semblé me souvenir que Anne Rice était morte en 2022, c'était en fait le 11 décembre 2021. Cette romancière américaine aux plus de onze millions de livres vendus était née en 1941. Elle a écrit des romans historiques ou érotiques mais elle était surtout connue pour ses histoires de vampires. Son personnage de Lestat a ouvert la route à Twilight et à la bit-lit.

     

     

    Anne Rice, La momie, Pocket La momie. Egypte, 1914. Lawrence Stratford, riche homme d'affaires britannique féru d'égyptologie, met au jour un tombeau inviolé jusqu'à présent et qui serait celui de Ramsès le Grand -c'est ce qui est écrit sur la porte, en hiéroglyphes, assorti d'un avertissement à ne surtout pas ouvrir. Or la momie de Ramsès le Grand est déjà au musée du Caire. Or ce tombeau date de l'époque de Cléopâtre alors que Ramsès le Grand a régné mille ans avant elle. Stratford ouvre. Ramenée à Londres la momie de Ramsès revient à la vie et débute une relation passionnée avec Julie Stratford, la fille de Lawrence.

     

     

    Voici une histoire d'immortel, transformé un temps en momie mais qui ressuscite et devient sous nos yeux émerveillés un homme d'une très grande beauté, sorte de dieu vivant, qui suscite chez tous admiration et respect -sauf chez Henry Stratford, cousin de Julie et méchant de l'histoire. En ce qui me concerne c'est du talent d'Anne Rice que je suis admirative. Quelle imagination ! Elle a réussi à m'intéresser avec cette histoire aux multiples rebondissements, tous plus fantastiques les uns que les autres, ce qui n'était pas gagné d'avance. Non seulement je ne m'ennuie pas mais il y a aussi une critique du monde "contemporain" qui se croit moins barbare que les anciens Egyptiens. Ainsi quand Alex, le fiancé de Julie, parle à Ramsès de l'esclavage celui-ci lui oppose "vos taudis (...) pleins d'enfants qui meurent de faim" ou les ouvriers qui ont creusé le canal de Suez. J'apprécie qu'il y ait un peu de profondeur. Je n'en ferais sans doute pas mon quotidien mais pour un moment de détente, c'est parfait.

     


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  • Marie-Eve Sténuit, Une femme à la mer !, Editions du trésor Aventures de femmes naufragées

    Les femmes et les enfants d'abord ! Cette phrase date de 1852 et pourtant, sur 18 naufrages célèbres survenus entre cette date et 2011, 15% des enfants ont survécu, 25% des femmes et 37% des hommes. Dans une ruée vers les canots de sauvetage les femmes sont moins armées physiquement que les hommes, enfin, avant le 20° siècle, elles sont vêtues de larges robes qui se gonflent facilement d'eau et dont elles répugnent à se défaire par pudeur. Dans cet ouvrage Marie-Eve Sténuit présente les cas de huit naufrages impliquant des femmes, de celui du São João Battista qui transportait Donha Leonor de Sá et son mari en 1552 aux mésaventures de Mrs Eliza Fraser devenue la souffre-douleur d'aborigènes en 1835 après un naufrage sur les côtes de l'Australie en passant par les naufragées de la Méduse en 1816.

     

     

    J'ai été particulièrement intéressée par l'histoire terrible et scandaleuse du naufrage de la Méduse et de ses survivants, tous ne s'étant pas entassés sur le fameux radeau. J'ai apprécié aussi la critique que fait l'autrice des réactions racistes des Européens face aux "sauvages" africains qui ont recueilli certaines naufragées. C'est le cas des disparues du Grosvenor en 1782. Pendant des années après le naufrage des rumeurs circulent de femmes blanches qui se seraient intégrées dans des tribus hottentotes où elles auraient eu des enfants. Des expéditions sont alors montées pour délivrer ces malheureuses. L'une d'entre elles va croiser la route d'une femme blanche, recueillie enfant après un naufrage, devenue femme de chef, écoutée et estimée dans sa tribu d'adoption. Comme le dit l'autrice : "On est bien loin de "la plus vile et brutale prostitution" exercée par des "prédateurs sexuels" et du sort infamant imaginé par les journaux et la société soi-disant bien pensante de Londres". Un parallèle est fait entre le sort de la malheureuse Mrs Fraser, exhibée par des autochtones australiens et Saartjie Baartman, la "Vénus hottentote", montrée en spectacle en Europe à la même époque et dont le cas choque beaucoup moins les occidentaux.

     

     

    C'est un ouvrage intéressant et plaisant à lire car Marie-Eve Sténuit a un vrai talent de conteuse et raconte souvent avec une pointe d'humour.

     

    Marie-Eve Sténuit, Une femme à la mer !, Editions du trésor

    Dans l'église de Capbreton, souvenir de mort.e.s en mer

     


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