• Peter Robinson, Saison sèche, Livre de pocheDans le Yorkshire, un été de canicule a asséché le réservoir de Thornfield et mis à jour le village de Hobb’s End, englouti depuis une cinquantaine d’années. Alors qu’il joue dans les ruines, le jeune Adam Kelly tombe sur un squelette humain, enterré dans la remise d’une maison. L’inspecteur Alan Banks est chargé de l’enquête par un chef qui ne l’apprécie pas et qui compte bien qu’il échouera sur ce cold case. On lui adjoint le major Annie Cabbot, elle aussi mal vue de ses supérieurs. Le troisième personnage majeur est Vivian Elmsley, autrice à succès de romans policiers, autrefois liée à la victime de Hobb’s End. A quel point ? Le lecteur le découvre petit à petit à la faveur d’une narration qui alterne l’histoire d’une famille de Hobb’s End durant la seconde guerre mondiale et l’enquête de Banks et Cabbot qui nouent une relation qui n’en reste pas à la sphère professionnelle.

     

     

    J’ai trouvé plutôt plaisante la lecture de cet ouvrage. Avec un meurtre remontant à un demi siècle l’enquête est plutôt tranquille, les investigations se faisant pas mal au moyen d’archives. Le volet historique est intéressant ainsi que la vie personnelle des enquêteurs, traversant tous les deux une mauvaise passe : lui sortant d’une phase dépressive après son divorce, elle traumatisée par une agression vécue dans le cadre du travail. Ce roman est un épisode d’une série mais peut se lire séparément, comme je l’ai fait.


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  • L’écrivain serbe David Albahari est mort le 30 juillet 2023. Il était né en Yougoslavie en 1948. Il a quitté son pays en 1994 et s’est installé au Canada, à Calgary. Malgré son exil et son rejet du nationalisme il est resté très attaché à la culture serbe et a toujours écrit en serbe. D’origine juive il était aussi attaché à cette culture. Il me semble que sa mort est passée relativement inaperçue dans la presse française. Aucune rubrique nécrologique dans Le Monde, en tout cas. J’en ai eu connaissance par Passage à l’Est!

     

     

    Hitler à Chicago. Dans ce recueil de 16 nouvelles les personnages sont quasiment tous, comme l’auteur, des exilés de l’ex-Yougoslavie installés à Calgary, Canada.
    Dans Hitler à Chicago, le narrateur, un écrivain originaire de l’ex-Yougoslavie, discute dans un avion avec sa voisine qui lui raconte comment elle a croisé Hitler à Chicago et comment cette histoire qu’elle a ensuite confiée à Isaac Bashevis Singer a inspiré ce dernier pour une de ses nouvelles. « Tout un chacun doit voir Hitler une fois dans sa vie (…). Il n’est pas nécessaire pour cela d’aller à Chicago ».

    Dans L’autre langue, Zoran a quitté Belgrade pour Calgary. Il suit des cours d’anglais pour migrants. Il commence à rêver de Cindy, une de ses professeures, puis se met à la suivre dans la rue, jusqu’à chez elle.

    Dans Sous la lumière d’une lune d’argent, le narrateur, Adam, exilé au Canada, essaie de faire de l’endroit où il vit un foyer. Alors qu’il neige il s’assied sur son balcon et ferme les yeux : « Je me suis assis sur la chaise, j’ai croisé les jambes, serré mon torse dans mes bras, fermé les yeux. Sous mes paupières baissées je me voyais marchant dans l’étendue blanche : je m’éloignais sans laisser la moindre trace derrière moi. J’ai tendu le bras, sans ouvrir les yeux, et j’ai tenté de trouver le bord de l’autre chaise. Je n’y suis pas parvenu. J’ai tendu aussi l’autre bras, encore une fois sans succès, et je suis resté assis ainsi, comme un aveugle, tandis qu’une voix dans l’étendue blanche criait des mots en différentes langues dont aucune n’était la mienne ».

     

     

    Comme Adam tous les personnages souffrent de solitude et de difficultés à communiquer. Avec les habitants de leur pays d’accueil, du fait de la barrière de la langue, mais aussi avec leurs proches, leur famille : l’exil est un traumatisme. Quant à moi j’ai été souvent déconcertée par des chutes abruptes donnant une impression d’histoire inachevée. Comme celles des personnages ?


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  • Lexie, Une histoire de genres, MaraboutGuide pour comprendre les transidentités

    Un livre rédigé en écriture inclusive avec le x comme marque du neutre -non binaire-, écriture que je reprends dans mon compte-rendu.

    Voici un livre très complet sur la transidentité et les questions de genre. Jeune femme trans, l’autrice s’est donnée comme objectifs d’expliquer la transidentité à ceux qui se posent des questions, d’offrir des connaissances concrètes aux personnes trans, de questionner la notion de genre dans notre société, de porter les revendications des militant.es.x et associations pour les personnes trans. Et elle y réussit très bien, il me semble.

     

     

    Être trans, c’est quoi ? En répondant à cette question Lexie a à coeur de montrer la diversité des parcours trans. Comme les personnes cis (non trans), les personnes trans sont diverses et pas réductibles à leur identité de genre : elles sont d’abord des personnes et restent les mêmes personnes avec les mêmes goûts après la transition. De même les parcours de transition sont divers : chacun.e.x peut ressentir le besoin d’aller plus ou moins loin dans cette transition, de franchir, ou non, telle ou telle étape. L’autrice dit l’importance de laisser les personnes trans s’exprimer sur leur vécu et leur ressenti et de ne pas parler à leur place. Elle aborde l’importance du vocabulaire, « arme de bienveillance ou de violence massive », dessine une anatomie de la transphobie et montre que la transidentité n’est pas, comme certain.es.x le pensent, une mode contemporaine en présentant rapidement les transidentités autour du monde et à travers siècles. Les mentions les plus anciennes de personnes trans remontent à 4000 ans.

    L’ouvrage aborde aussi les possibilités de transition médicale, hormonale ou chirurgicale.

     

     

    Il m’a semblé que cet ouvrage très riche abordait à peu près tous les aspects du sujet. La volonté de l’autrice est de traiter de façon non misérabiliste la question de la transidentité. Sans occulter les agressions transphobes dont sont victimes des personnes trans et le fait que le taux de suicides soit plus important chez les personnes trans que cis, elle insiste sur le sentiment de libération que peut procurer le coming out et sur le soutien que constitue la communauté LGBTIA+ et trans. Au passage elle en profite pour pourfendre la « peur construite » des communautés en France. C’est une lecture que j’ai trouvée très intéressante et qui m’a donné à réfléchir. J’ai apprécié l’engagement de l’autrice, sa capacité de vulgarisation mais aussi le fait qu’elle dise de façon ferme quels sont les propos ou attitudes qui ne sont pas acceptables dans une optique de relation bienveillante avec une/des personne.s trans. Vous vous posez des questions sur la transidentité, sur le genre ou sur votre genre ? Mon conseil : lisez cet ouvrage !


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  • Martin Walser, Ressac, Robert Laffont Martin Walser est mort le 28 juillet 2023 au bord du lac de Constance, une région où il était né en 1927 et qu’il n’a jamais quittée. Pour Le Monde il était l’un des plus grands écrivains allemands de l’après-guerre. C’était un auteur engagé qui a été observateur au procès d’Auschwitz (1963-1965), a manifesté contre la guerre au Vietnam et, plus récemment, a soutenu Angela Merkel dans sa politique d’accueil des exilés (2015). Pourtant il a aussi fait scandale en dénonçant le lancinant travail de rappel de la shoah devenu à ses yeux « une ritualisation sans plus de valeur que des prières marmonnées du bout des lèvres ».

     

     

    Martin Walser, Ressac, Robert Laffont Ressac. Helmut Halm, quinquagénaire professeur de littérature à Stuttgart, est invité par un ancien camarade d’université, Rainer Mersjohann, aujourd’hui installé aux Etats-Unis, à enseigner comme lecteur pendant quatre mois à l’Université de Californie où Rainer dirige le département d’allemand. En Californie Halm est enthousiasmé par la lumière, la chaleur, le sentiment de nouveauté. Il fréquente un petit cercle de professeurs germanophones qui boit sec et joue au skat. A l’université il tombe amoureux d’une étudiante d’une vingtaine d’années, Fran Webb, qui suit son cours de conversation et lui demande des conseils pour rédiger des dissertations pour un autre professeur. En parallèle il prend conscience de son vieillissement.

     

     

    J’ai trouvé ce roman bien écrit avec de jolies descriptions de petits moments de la vie quotidienne -je pense par exemple à l’amitié entre Halm et une jeune chatte- et une ironie amusante :

    « Comment faire à présent pour s’endormir dans l’état de perturbation où il était, il n’en savait rien. Il décida de rester éveillé. Cela fut efficace. Il dut ensuite s’endormir assez vite ».

    Si la lecture m’a d’abord plu, à mesure que j’avançais le personnage de Halm m’est de plus en plus apparu comme pathétique avec sa façon de projeter sur ses rencontres avec Fran des choses que manifestement elle-même n’y mettait pas. A partir de la moitié du livre cela m’a ennuyée et je me suis mise à lire certains passages en diagonale. Le texte est aussi très compact, sans pratiquement aucun alinéa, ce qui ne facilite pas la lecture.


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  • David Graeber et David Wengrow, Au commencement était…, Les liens qui libèrentUne nouvelle histoire de l’humanité

    Je viens enfin à bout de ce gros pavé de plus de 700 pages que j’ai traîné tous l’été à tel point qu’il s’est à présent désolidarisé en plusieurs morceaux. Les auteurs, de sensibilité anarchiste, se sont donné pour objectif d’apporter une réponse nouvelle à la question souvent posée de l’origine des inégalités sociales. Dans ce but ils montrent que c’est une erreur de croire que l’histoire de l’humanité à été linéaire. On serait passé des chasseurs-cueilleurs aux agriculteurs avec la fameuse révolution néolithique, sorte de point de non retour. Avec l’agriculture viendraient la propriété privée -et donc les inégalités- les villes et enfin l’État. En fait, nous disent-ils, les archéologues et anthropologues occidentaux ont trop souvent analysé les sociétés qu’ils étudiaient au prisme de celle dans laquelle ils vivaient. Mais les êtres humains ont été, à travers les temps, capables d’une grande imagination sociale et ce n’est pas parce qu’un mode de vie n’existe plus qu’il n’a jamais existé. Les auteurs prennent leurs exemples chez des peuples de la préhistoire, de l’antiquité ou chez des peuples premiers.

     

     

    J’ai été particulièrement intéressée par ce qui est dit de ces organisations sociales originales et diverses. J’ai trouvé fascinante la variété qui nous est présentée. J’apprends ainsi que certains peuples ont été socialement et politiquement organisés de façon saisonnière : vivant une partie de l’année en petits groupes autogérés, l’autre en grands rassemblements sous l’autorité d’un chef tout puissant capable d’organiser la construction de monuments d’envergure (Stonehenge). Les grandes vacances à la française sont présentées comme une survivance de cette organisation.

     

    L’inéluctabilité de la révolution néolithique est remise en question : des peuples qui auraient pu le faire ont refusé d’adopter l’agriculture, d’autres l’ont fait puis sont revenus en arrière. Dans le Croissant fertile le passage à l’agriculture est un processus qui dure 3000 ans, elle est d’abord saisonnière à la saison des pluies en complément de la chasse et de la cueillette. Enfin l’agriculture n’est pas née dans le seul Croissant fertile. Il existe de nombreux berceaux indépendants de la domestication des plantes et des animaux et on en découvre encore de nouveaux.

     

     

    J’apprécie que les auteurs aient à coeur de questionner le regard occidentalocentré des historiens et anthropologue du temps passé. C’est une critique décoloniale que j’ai croisée à plusieurs reprises dans mes lectures cette année (Les femmes aussi sont du voyage, Une femme à la mer, L’exploration du monde) et que je trouve très intéressante. Il existe de sérieuses raisons de penser, nous disent les auteurs, que les penseurs des Lumières ont puisé les idées de liberté individuelle et d’égalité dans les récits de débats avec des Amérindiens écrits par des missionnaires.

    Il est aussi question dans cet ouvrage des premières villes, qui sont plus anciennes qu’on ne le croyait et de la façon dont elles étaient gérées, qui n’était pas nécessairement verticale ; de sociétés qui s’organisent pour éviter les différences sociales.

     

     

    C’est une lecture que j’ai appréciée. Si les auteurs revendiquent d’avoir placé au coeur de leur réflexion des civilisations insolites, habituellement considérées comme marginales, leurs thèses sont étayées par de nombreuses sources et donnent à réfléchir. C’est une mise au point bienvenue sur l’état de la recherche contemporaine en archéologie.

     

     

    L’avis de Sunalee.
    Avec cette lecture je participe aux défis Pavés et Epais de l’été.

     

    David Graeber et David Wengrow, Au commencement était…, Les liens qui libèrent

     David Graeber et David Wengrow, Au commencement était…, Les liens qui libèrent


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  • Deborah Levy, Le coût de la vie, Editions du sous-solAprès son divorce Deborah Levy s’installe avec ses deux filles dans un appartement vétuste du nord de Londres : l’évier est bouché, la chaudière ne fonctionne pas et il n’y a pas de pièce où elle puisse s’installer tranquillement pour écrire. Heureusement son amie Celia lui prête son cabanon de jardin pour en faire son bureau. A 50 ans l’autrice prend conscience qu’elle a consacré sa vie de femme mariée et une grande partie de son énergie créative au bonheur des siens, tâche peu valorisée socialement :

    « Arracher le papier peint de ce conte de fées qu’est la maison familiale où le bonheur des hommes et des enfants ont été prioritaires, c’est trouver en dessous une femme épuisée, qui ne reçoit ni remerciements ni amour et qu’on néglige ».

    C’est l’occasion pour elle de réfléchir aux relations entre les hommes et les femmes, à l’habitude qu’ont les hommes de se considérer comme le personnage principal dans une relation, aux images de la féminité. Je trouve ces réflexions pertinentes et intéressantes.

    Enfin, pour être passée par une situation similaire avec mon père, je suis émue de ce qu’elle dit de sa relation à sa mère au moment de la maladie et de la mort de celle-ci.

     

    Après Ce que je ne veux pas savoir, j’ai apprécié ce deuxième tome des souvenirs de Deborah Levy. C’est joliment écrit et tout en douceur, lu avec plaisir en une journée de pluie.

     

    Les avis de Keisha et Lily.


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  • Herbjørg Wassmo, Ciel cruel, BabelA la fin du tome précédent Tora, violée par son beau-père, a accouché seule d’un enfant qui est mort et dont elle a dissimulé le corps. La honte et la culpabilité la mènent au bord de la folie. La visite de sa tante Rakel à qui elle arrive enfin à confier les abus dont elle a été victime pendant des années lui permet de reprendre pied. Son expérience traumatique lui vaut de porter un regard d’une lucidité implacable sur les gens qu’elle côtoie.

    La tante Rakel est le second personnage important de ce volume. Elle souffre d’un cancer de l’intestin mais son mari, Simon, est incapable d’accepter la maladie de sa femme. Rakel se soigne donc seule, dissimule ses douleurs et console Simon quand c’est elle qui aurait besoin de soutien. De même Jon, le petit ami de Tora, n’est d’aucun secours à celle-ci. Les hommes nous sont ici présentés comme de grands enfants.

     

     

    Après deux tomes où je me suis attachée à l’héroïne, une jeune fille courageuse et volontaire, j’avais espéré un dénouement positif pour elle mais la fin est terrible. Malgré la grande noirceur de ce roman j’en ai apprécié la lecture. L’autrice écrit excellemment et manie des images insolites pour donner à ressentir les sentiments et les sensations de ses personnages :

    « C’est alors que parut le soleil du soir. Non pas brusquement entre deux nuages, comme d’habitude. Mais lentement, hésitant, rayon après rayon jusqu’à ce que le disque entier éblouisse la vue et la fenêtre. La chaleur recouvrit son visage comme une peau. Puis il disparut derrière les rideaux et le mur de l’appentis aussi lentement qu’il était venu. Elle remarqua à peine le changement avant qu’il disparaisse complètement. La pièce se dessina clairement et la fraîcheur de son vide se referma sur elle. Elle fut touchée par les plantes devant la fenêtre qui recherchaient désespérément leur propre ombre. »

     

     

    C’est une lecture commune avec Ingannmic et Doudoumatous et une nouvelle lecture pour le défi Auteurs des pays scandinaves.

     

    Herbjørg Wassmo, Ciel cruel, Babel


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  • Michela Murgia, Leçons pour un jeune fauve, Seuil L’écrivaine sarde Michela Murgia est morte le 10 août 2023. Née en 1971, cette romancière très attachée à son île était une militante féministe et une catholique convaincue. Dans son œuvre elle s’est intéressée au thème de la transmission. Elle considérait que les « familles » les plus authentiques sont celles qui sont fondées sur les relations amicales et non sur les liens du sang.

     

     

    Michela Murgia, Leçons pour un jeune fauve, Seuil Leçons pour un jeune fauve. Eleonora, la narratrice, est une actrice sarde de 38 ans, une femme indépendante. Quand elle fait la connaissance de Chirú, 18 ans, qui étudie le violon au conservatoire, elle accepte de devenir son mentor. Il s’agit de faire profiter Chirú de ses relations et de sa connaissance du monde de la culture, de lui enseigner comment se comporter en société et comment saisir les opportunités. La relation qui se noue entre les personnages est ambiguë. Si Eleonora souhaite modeler Chirú, lui aussi va avoir une influence sur son existence.

     

     

    Ayant grandi dans une famille dysfonctionnelle avec un père toxique, Eleonora a très vite saisi les rapports de pouvoir entre les personnes et fait preuve d’une grande lucidité sur ses motivations et celles des autres. Les passages sur l’enfance de la narratrice et l’analyse psychologique fine sont ce que j’ai le plus apprécié dans ce roman que j’ai trouvé très bien écrit.


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  • Caryl Férey, Lëd, Pocket

    (Lëd = glace en russe. Prononcer liot)

    A Norilsk, en Sibérie, lors d’une tempête glacée avec des températures à -60° et des rafales de vent à décorner les rennes, le toit d’un gostinka, un foyer de travailleurs construit pendant la période soviétique, s’envole. Dans les décombres on découvre le corps congelé d’un Nenets, un éleveur de rennes autochtone. L’homme ayant manifestement été assassiné l’enquête est confiée à Boris Ivanov, policier affecté à Norilsk par mesure de rétorsion : il avait tenté de dénoncer un juge corrompu.

     

     

    Ici encore l’enquête policière n’est qu’un prétexte à nous présenter les conditions de vie dans le lieu où se déroulent les faits. Caryl Férey a séjourné à Norilsk, y a rencontré la jeunesse locale qui l’a manifestement impressionné et qu’il a utilisée comme modèle pour ses personnages. Chacun est présenté avec son contexte qui permet de traiter de nombreux sujets : outre le climat redoutable il est question de la corruption, de la pollution, du dur travail dans les mines de nickel, du sort des autochtones, du sport de combat local, de l’homophobie en Russie, du goulag, de l’intervention soviétique en Afghanistan… C’est dire si tous les prétexte sont bons à l’auteur pour partager sa documentation. On est parfois à la limite du reportage.

     

     

    Si tous ces sujets sont intéressants, aucun n’est de nature à susciter l’optimisme d’autant plus que l’auteur a manifestement un goût pour les détails violents ou sordides à un point que parfois le propos m’a semblé exagéré. C’est peu de dire que l’ambiance est noire. Âmes sensibles, s’abstenir.

    C’est un roman que j’ai trouvé inégal : un ou deux passages m’ont semblé un peu longs (notamment la description étape par étape d’une soirée alcoolisée dans un bar du coin) mais l’ensemble est plutôt prenant et j’en ai généralement apprécié la lecture.

     

     


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  • Diane Wei Lang, Le secret de Big Papa Wu, 10-18A Pékin, au début des années 2000, Mei Wang a monté son agence de détective privée, officiellement un cabinet de conseil. Elle est contactée par l’Oncle Chen, vieil ami de sa mère, qui est à la recherche d’un sceau de jade datant de la dynastie Han au 2° siècle après JC.

     

     

    L’enquête policière cependant est très secondaire dans ce roman. Le sujet ici c’est plutôt la vie à Pékin au début du 21° siècle et les traumatismes de la Révolution culturelle. Mei a perdu toute jeune son père, disparu dans un camp de rééducation. Sa mère lui répète qu’elle s’est sacrifiée pour élever seule ses deux filles. La cadette, Lu, a épousé un riche homme d’affaire et profite de tous les avantages du développement économique. Mei, au contraire, a refusé tous les bons partis qu’on lui proposait et a démissionné du ministère de la sécurité publique pour ouvrir son agence, ce que mère et sœur lui reprochent à chaque occasion. Quand sa mère est victime d’une attaque, Mei réalise à quel point elle lui est attachée. C’est aussi l’occasion de découvrir le secret de sa mère.

     

     

    Cette Chine en plein développement c’est celle de la corruption et des inégalités grandissantes. A côté des happy few comme Lu et son mari il y a les travailleurs migrants venus des provinces « qui ne demand[ent] qu’à travailler seize heures par jour ». Lors de l’hospitalisation de leur mère, Mei et Lu engagent une aide soignante privée qui la veille et s’occupe d’elle à l’hôpital. Il faut des relations -du guanxi- dès qu’on a besoin d’obtenir quelque chose d’une administration.

     

     

    J’ai trouvé l’héroïne sympathique et j’ai aimé le cadre de ce roman.

    L'avis d'Henri.


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