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Par Anne-yes le 24 Mars 2020 à 17:18
En ces temps de confinement, quand les cinémas sont fermés et que la sortie de l'adaptation de La Daronne est remise à une date ultérieure, qu'est-ce qu'on peut faire? Patienter en lisant le dernier ouvrage de Hannelore Cayre !
Blanche de Rigny, la narratrice, est une jeune femme handicapée après un grave accident à l'adolescence. Elle est employée à la reprographie judiciaire du palais de justice de Paris. Fortuitement, Blanche découvre qu'elle est apparentée, par son arrière-grand-père à la très riche famille des de Rigny, chefs d'entreprise voyous, artistes usurpateurs, riches qui se croient tout permis et qui en veulent toujours plus. Elle va utiliser les informations qui passent entre ses mains dans le cadre de son travail pour débarrasser la terre de ces malfaisants qui contribuent activement à la destruction de l'environnement.
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Par Anne-yes le 22 Mars 2020 à 11:21
En ces temps de confinement, quand le télétravail est terminé ou que les yeux brûlent à cause de trop d'ordinateur, qu'est-ce qu'on peut faire ? De la cuisine !
J'ai acheté ce livre en 1981 lors de mon premier séjour en Angleterre. J'avais 18 ans alors et j'ai été (très bien) accueillie chez une famille d'un petit village du Kent dont la mère était un véritable cordon bleu. Depuis cet ouvrage a accompagné ma vie d'étudiante puis mes divers déménagements et j'ai toujours gardé une tendresse pour la cuisine britannique. Mais oui.
Cet ouvrage est partagé en 6 parties : Cakes, Luxury cakes and gateaux (où on peut trouver la recette de la maison en pain d'épices), Scones and tea breads, Yeasted breads, Pastries et Biscuits and cookies. Il y a de nombreuses photos et je trouve que la plupart sont bien appétissantes. Les quantités sont données en Imperial et en Metric ce qui évite de se compliquer la tâche en conversions.
Essayons les Potato scones :
Ingrédients : 150 g de farine
2 cuillères à café de poudre à lever
1 demie cuillère à café de sel (j'en mets beaucoup moins)
50 g de margarine
100 g de pomme de terre écrasée (j'ai pesé : ça fait le même poids cru que cuit)
quelques cuillères à soupe de lait (j'en ai mis 4)
oeuf battu pour le glaçage (je ne le mets pas)
Recette : pour une dizaine de scones
Mélanger ensemble la farine, la poudre à lever et le sel. Ajouter la margarine en petits morceaux. Ajouter la pomme de terre et bien mélanger. Ajouter ensuite suffisamment de lait pour obtenir une pâte souple.
Placer sur une surface farinée, étaler sur une épaisseur d'1,5 cm et découper en triangles (ou autres formes). Placer sur une plaque à four recouverte de papier cuisson et passer un peu d'oeuf battu sur chaque scone. Cuire à four chaud (thermostat 7 / 210°) pendant environ 10 mn ou jusqu'à ce que ce soit bien doré.
Les scones ne sont pas du tout sucré. A manger encore chauds, ouverts en 2 avec un morceau de beurre. C'est bien aussi avec du fromage. Je trouve qu'on ne sent pas le goût de la pomme de terre.
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Par Anne-yes le 16 Mars 2020 à 15:55
"Nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager que je sache, dit Camier, nous sommes cons, mais pas à ce point là." Samuel Beckett
En 2018 Patrick Deville voyage de nouveau en Amérique latine. Cette fois il a entrepris la traversée de l'Amazonie d'est en ouest, de Belém au Brésil à Guayaquil en Equateur en passant par le Pérou et il est accompagné de son fils Pierre, 29 ans. Il donne des descriptions de lieux qui me paraissent fantastiques comme le canal de Casiquiare, énigme orographique qui relie le rio Negro à l'Orénoque. A Manaus il est question de l'exploitation du caoutchouc qui fit de ce village la ville la plus riche du monde à la fin du 19° siècle, où fut construit un théâtre luxueux tandis que les pavés de la place qui le borde étaient recouverts de caoutchouc pour atténuer le bruit des fiacres pendant les représentations. A Iquitos au Pérou il est question de la Casa de fierro, maison de fer construite par Eiffel, exposée à l'exposition internationale de Paris en 1889 et acheminée jusque là en pièces détachées. Moi qui ai eu la chance de voyager un peu en Equateur je retrouve avec plaisir des endroits où je suis passée.
Le théâtre de Manaus
Comme à son habitude il convoque aussi le souvenir de ceux qui ont arpenté ce territoire avant lui : vrais héros, aventuriers improbables et perdants magnifiques. Je fais la connaissance de Luis Carlos Prestes, chef de l'insurrection militaire Paulista, en 1924 au Brésil et de Virgulino Ferreira da Silva, connu sous le nom de Lampiao, bandit enrôlé par l'armée pour lutter contre la colonne Prestes. Le premier fini mieux que le second. Celui qui me plaît le plus c'est Alexandre de Humboldt, immense savant, anticolonialiste, anticlérical et abolitionniste. Au Mexique, avec le botaniste Aimé Bonpland, ils établissent un lien entre l'exploitation coloniale et la destruction environnementale, les terres rendues stériles par les monocultures. Cela se passe au début du 19° siècle. Voici un personnage sur lequel j'en lirais volontiers plus.
La maison de fer d'Iquitos
Ce temps passé avec son fils est surtout pour l'auteur l'occasion de s'interroger sur les relations père-fils. Il nous présente donc des duos familiaux littéraires ou réels comme Jean, dans Le superbe Orénoque de Jules Verne, qui recherche son père disparu au Vénézuela ou Edgar Maufrais, modeste comptable à l'arsenal de Toulon, qui arpenta l'Amazonie de 1952 à 1964 dans l'espoir d'y retrouver son fils Raymond, aventurier malheureux. Patrick Deville se remémore des voyages faits avec Pierre enfant, observe l'homme qu'il est devenu, s'interroge sur leur ressemblance et leur relation, sur ce que c'est que d'être un père acceptable, sur cette part de nos enfants qui nous échappera toujours. Je trouve ces passages particulièrement touchants. Il me semble que c'est une belle preuve d'amour paternel qui est apportée là. Il répète le propos d'un psy pour lequel la note idéale pour un père serait celle de 12/20. Attention, M.Deville, vous êtes en risque de passer au-dessus avec ce livre.
Il est pas mal question de ses anciens voyages en Amérique du sud, en Afrique, en Asie, en France. Ce sont des choses que j'ai déjà lues et que je retrouve sans trop de déplaisir même si il me semble que ça pourrait lasser. Mais c'est bien écrit et c'est intelligent et pour l'instant j'ai toujours plaisir à lire les beaux récits de Patrick Deville.
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Par Anne-yes le 8 Mars 2020 à 18:51
La planète, ma chaudière et moi
Jade Lindgaard est journaliste à Mediapart. Dans cet ouvrage elle étudie l'impact de nos consommations quotidiennes sur le changement climatique et cherche à comprendre pourquoi il est si difficile de se comporter différemment. L'ouvrage date de 2014, les chiffres les plus récents sont de 2013 donc il y aurait sans doute besoin de mises à jour mais cela n'invalide pas la réflexion qui en découle.
Nos consommations quotidiennes : Le chauffage domestique (il y a une intéressante histoire du chauffage où j'apprends que "le confort thermique est une notion très récente, apparue en Europe après la seconde Guerre Mondiale") ; les déplacements en voiture ou en avion ; l'utilisation des écrans ("les usages d'internet en 2013 consomment autant d'électricité que toutes les dépenses mondiales d'éclairage en 1985") ; nos courses à l'hypermarché, le gaspillage alimentaire et le tri des déchets sont étudiés successivement et leur impact sur l'environnement et les populations rappelé : nous émettons deux fois plus de rejets de gaz à effet de serre que notre écosystème peut en absorber et le changement climatique accroit systématiquement les risques de conflits.
Pourquoi c'est difficile de changer ses consommations ? Parce que nos consommations participent de notre identité et que ceux qui nous fournissent les biens et services que nous utilisons font tout pour que nous ne nous posions pas trop de questions. Il n'existe pas de classification des chaudières pour savoir lesquelles sont plus écologiques car les vendeurs d'électricité et de gaz veulent que le consommateur oublie comment il se chauffe et même combien il consomme. Cela passe par l'illisibilité des factures et les prélèvements mensuels.
De son côté l'industrie automobile a su créer un besoin de voiture artificiel qui n'est même plus interrogé. Si on tient compte du temps que nous passons à travailler pour nous payer la voiture, l'essence, l'entretien, l'assurance... alors les autos roulent moins vite que les bicyclettes.
Le déplacement en avion, scandale écologique et social (il est l'apanage des plus riches, seuls 11,5% des Français prennent l'avion pour partir en vacances à l'étranger) est au coeur de la résistance individualiste à la morale écologique. La possibilité de voyager est vue comme une liberté à laquelle il apparaît douloureux de renoncer. Pourtant l'autrice nous dit que les seuls moyens de transport écologiques sont le train, le vélo et les pieds.
Qu'est-ce qu'on peut faire ? Les responsabilités des entreprises à qui profite le crime sont clairement montrées. Pour autant Jade Lindgaard ne dédouane pas le consommateur de base de ses propres responsabilités. Il ne s'agirait pas de dire, comme je l'ai parfois entendu, que nos actions individuelles ne sont d'aucun poids à côté des gros pollueurs de la planète. Au contraire, pense-t-elle, les écogestes fabriquent de la société en développant une culture alternative au consumérisme passif et à la dépendance individuelle. Car c'est bien un projet de société alternatif que nous propose l'autrice quand elle nous invite à interroger toutes nos consommations, surtout celles qui semblent aller de soi. La question de la difficulté à faire la différence entre nécessaire et superflu, vrais et faux besoins est posée. En conclusion elle reprend le propos de la philosophe Agnès Heller qui propose de faire changer les gens en s'appuyant sur "le besoin fondamental qu'a l'homme des autres hommes".
J'ai trouvé cette lecture fort intéressante. Elle est facile d'accès parce que l'autrice s'appuie sur son cas personnel et sur des anecdotes qui rendent son propos vivant. J'ai ce désir d'une existence plus autonome qui, pour moi interroge aussi la place du travail dans nos vies et la façon dont nous occupons notre temps. Finalement, alors que je suis très pessimiste sur l'avenir proche de la vie humaine sur terre, il m'a semblé qu'il y avait là des raisons d'espérer. D'un point de vue très concret cela me convainc de m'occuper enfin sérieusement de faire installer un chauffage d'appoint au bois chez moi, de renoncer à acheter un smartphone dans l'immédiat et de me contenter de mon vieux dumbphone tant qu'il fonctionne, d'éteindre la veille de mon téléviseur (si vous regardez la télé trois heures par jour, sa dépense d'électricité en veilleuse dépasse celle de votre usage actif).
L'avis d'Henri.
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Par Anne-yes le 1 Mars 2020 à 10:51
Hubert Mingarelli est mort le 26 janvier 2020. Né en 1956, il arrête ses études en seconde et s'engage à 17 ans dans la marine nationale. Il y reste trois ans puis fait différents petits boulots. Il écrit d'abord pour la jeunesse, son premier roman adulte date de 1999.
Un repas en hiver. En Pologne, pendant la seconde guerre mondiale, ce sont trois soldats allemands, trois camarades, trois amis. Parce qu'ils répugnent à participer une fois de plus à un massacre de Juifs, ils se sont portés volontaires pour tâcher d'en débusquer un qui se cacherait dans les environs. Une fois le travail accompli ils s'arrêtent dans une maison abandonnée, dans l'idée de s'y réchauffer et d'y manger un peu. Plus de la moitié du roman est occupée par la préparation et la consommation du repas. Il faut trouver du bois pour le feu, l'eau chauffe très lentement. Arrive un Polonais qui passait par là et qui semble en vouloir très violemment au prisonnier juif.
Hubert Mingarelli nous raconte une histoire d'amitié entre trois soldats que les violences de la guerre ont rapprochés au point qu'ils sont devenus comme des frères. Ils partagent inquiétudes au sujet de la famille dont ils sont séparés, relations difficiles avec un lieutenant peu compréhensif et -ce qui est évoqué dès le début mais nommé tardivement- participation à la shoah par balles. C'est ce dernier point qui me met mal à l'aise. Parce que, manifestement, ça ne leur plaît pas à ces trois hommes de devoir massacrer des personnes. Alors ils essaient de trouver des moyens acceptables de se défiler. Sinon ils essaient d'oublier que leurs victimes sont des personnes. Surtout ne pas voir le détail qui montre qu'une main aimante a arrangé ce vêtement ou coiffé ces cheveux. Pas question en tout cas de refuser clairement de faire le travail par crainte de se mettre à dos le reste du régiment.
Ce que l'auteur nous présente c'est ce qui est étudié dans Des hommes ordinaires. Comme dans l'ouvrage de Christopher Browning, les personnages d'Hubert Mingarelli sont des réservistes d'une quarantaine d'années. Ce ne sont pas des nazis fanatiques mais ils sont devenus des tueurs par esprit de camaraderie.
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Par Anne-yes le 26 Février 2020 à 18:04
Et si ce n'était pas les Européens qui avaient découvert l'Amérique mais les Incas qui avaient découvert l'Europe ? Laurent Binet part de ce postulat pour écrire cette réjouissante uchronie. Débarqué à Lisbonne le 26 janvier 1531 -jour d'un important tremblement de terre- Atahualpa va s'appuyer sur les divisions de l'Europe pour prendre le pouvoir. En Espagne il gagne le soutien des persécutés de l'inquisition : hérétiques, Juifs et musulmans convertis de force au catholicisme mais toujours suspects. En Allemagne il peut compter sur les paysans dont la révolte a été écrasée dans le sang avec l'approbation de Martin Luther. Aussi il profite de l'arrivée de grandes quantités d'or et d'argent en provenance de l'Ancien monde pour prendre des mesures très populaires comme l'abolition de l'impôt. Il règne en despote éclairé avant l'heure. Je reconnais que c'est parfois jubilatoire de voir défaits les anciens maîtres.
J'ai trouvé très plaisante cette lecture fort amusante. Laurent Binet montre qu'il aurait fallu peu de choses pour que l'histoire tourne différemment. Les Incas ne connaissaient pas le cheval, ne maîtrisaient pas le fer ni la navigation transocéanique ? L'auteur trouve des moyens crédibles de leur fournir tout cela. Il s'appuie sur des événements et des personnages réels pour leur imaginer d'autres destins et je découvre certains faits historiques que j'ignorais et qui m'intéressent. Atahualpa porte sur le Nouveau monde un regard de Candide. J'ai particulièrement apprécié la critique qui est faite ainsi de l'Eglise et des autorités religieuses du 16° siècle. C'est enfin fort bien écrit avec des tournures qui imitent les textes d'époque.
L'avis de Maggie.
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Par Anne-yes le 22 Février 2020 à 12:01
Mary Higgins Clark est morte le 31 janvier 2020. Cette reine du suspense, née en 1927 à New York, s'est mise un peu tardivement à l'écriture : son premier roman date de 1968, le succès de 1975. Depuis elle s'est bien rattrapée : en moyenne elle a écrit plus d'un livre par an.
Quand reviendras-tu ? Trouvé pour 50 centimes chez un bouquiniste et choisi d'après sa quatrième de couverture et son titre qui me fait penser à une chanson de Barbara.
Alexandra Zan Moreland est une jeune architecte d'intérieur talentueuse. Après la disparition mystérieuse de son fils deux ans plus tôt elle s'est lancée dans le travail à corps perdu pour tenter d'oublier sa douleur. Mais voilà qu'elle est accusée d'avoir elle-même organisé l'enlèvement du petit Matthew. Tandis que la police la prend pour une menteuse et une comédienne de talent, ses amis les plus fidèles la croient victime d'un dédoublement de personnalité. Zan est bien la seule à penser qu'elle est la cible d'un complot. Elle est surtout persuadée que son fils est toujours vivant.
Assez rapidement en lisant ce livre on comprend que tout finira bien : le petit Matthew est en effet bien vivant. Le suspense réside dans la découverte du coupable. J'ai arrêté de lire la série de Camilla Läckberg parce que je trouvais trop systématique -et déprimant- le fait que l'auteur de crimes atroces soit mis hors d'état de nuire deux secondes après avoir tué sa dernière victime. Ici le méchant est neutralisé deux secondes avant son premier meurtre. J'imagine que c'est cette alliance du suspense et de la happy end -Zan trouve aussi l'amour- qui a fait le succès de Mary Higgins Clark. Il y a aussi de nombreux personnages féminins. Quant à moi je l'ai lue sans déplaisir mais sans enthousiasme particulier non plus.
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Par Anne-yes le 19 Février 2020 à 16:18
Philippe Sands est un juriste international spécialisé dans la défense des droits humains et qui a travaillé pour le Tribunal Pénal International. En 2010 il est invité à Lviv, en Ukraine, pour y faire une conférence sur ses travaux concernant le génocide et les crimes contre l'humanité. Avant la seconde guerre mondiale la ville s'appelait Lemberg et elle appartenait à la Pologne. C'est à l'université de Lemberg que Hersch Lauterpacht (1897-1960), créateur du concept de crime contre l'humanité, et Raphaël Lemkin (1900-1959), inventeur de la notion -et du mot- de génocide, ont fait leurs études. C'est aussi à Lemberg qu'est né Léon Buchholz (1904-1997), grand-père maternel de l'auteur. La conférence est pour Philippe Sands l'occasion d'enquêter et d'en apprendre plus sur ces trois hommes. Le quatrième personnage important du livre est Hans Frank (1900-1946), Allemand et nazi, gouverneur général de la Pologne occupée et qui fut condamné à mort au procès de Nüremberg.
Léon Buchholz ne parlait pas de sa jeunesse et de sa famille. Sa fille, la mère de l'auteur, était ignorante de beaucoup de choses concernant l'histoire de ses parents et la sienne propre quand elle était toute petite. Léon est né à Lemberg mais, quand il a dix ans, son père meurt et sa mère s'installe alors à Vienne où vit déjà sa fille aînée. Après l'Anschluss, en 1938, Léon quitte l'Autriche pour Paris. Sa fille l'y rejoint en 1939, sa femme en 1941, à la veille de la fermeture des frontières au Juifs. Pourquoi ces départs en ordre dispersé ? En s'appuyant sur des documents de famille conservés par sa mère, en les complétant par des recherches en archives et en faisant appel à une détective privée, l'auteur découvre une nombreuse famille presque entièrement disparue lors de la shoah, un secret de famille et l'existence d'une Miss Elsie Tilney qu'il a fait reconnaître plus tard comme Juste parmi les nations.
L'objet de l'ouvrage est aussi de présenter un aperçu de l'histoire de la défense des droits humains par le droit international. Les prémices en remontent aux traités de la première guerre mondiale mais les choses ont surtout avancé à partir du moment où les Alliés ont eu connaissance des crimes nazis. Je pensais que le génocide était "le crime des crimes" et se situait, en matière de gravité, un cran au-dessus du crime contre l'humanité. En fait ce n'est pas ainsi que l'ont pensé les concepteurs de ces notions. Les juristes juifs Lauterpacht et Lemkin ont cherché tous les deux une réponse à la même question : "comment le droit peut-il faire en sorte de prévenir les assassinats de masse", comment faire pour que les Etats ne puissent plus maltraiter impunément leurs populations ? Pour Lauterpacht il faut placer la protection de l'individu au coeur de l'ordre juridique international en s'appuyant sur une charte ou des conventions des droits de l'homme. Pour Lemkin les Arméniens, les Juifs, ont été assassinés parce qu'ils étaient Arméniens ou Juifs. Il faut donc protéger les groupes. Ces deux conceptions se sont affrontées. Les défenseurs de la notion de crime contre l'humanité pensaient que parler de génocide c'était adopter une pensée biologisante et enfermer les individus dans leur groupe, ainsi que l'avaient fait les bourreaux. Ils craignaient aussi une concurrence entre victimes. L'opposition entre ces deux conceptions est due aussi aux personnalités de leurs auteurs : Lauterpacht était rigoureux tandis que Lemkin était plus expansif, avait tendance à embellir des épisodes de sa vie et parlait parfois à tort et à travers, choses pas toujours appréciées chez les juristes.
Lauterpacht et Lemkin ont chacun tenté de faire prévaloir leur conception lors du procès de Nüremberg qui se déroule de novembre 1945 à octobre 1946. Les principaux chefs nazis encore en vie -et sur lesquels on a pu mettre la main- y sont jugés par les Alliés américains, britanniques, français et soviétiques. Les accusations de crime contre l'humanité et de génocide y apparaissent toutes les deux bien que la seconde ne soit utilisée que de façon très limitée. Ce procès -et auparavant son organisation- apparaît comme un moment clé de la mise en place d'une justice internationale. Les débats d'idées qui ont accompagné la construction de cette justice, la quantité de travail et l'importance du droit sont bien montrés.
Au cours de son enquête Philippe Sands a visité les lieux où les événements dont il parle se sont déroulés et il a tenu à rencontrer des témoins quand ils étaient encore en vie ou des personnes qui les avaient connus. Sa rencontre la plus intéressante est celle avec Niklas Frank, le fils de Hans Frank, avec qui il s'est lié d'amitié. Niklas Frank est un des premiers enfants de dirigeant nazi à avoir écrit un livre très critique sur son père. Il dit : "Je suis contre la peine de mort, sauf pour mon père". L'auteur a aussi beaucoup échangé avec Horst von Wächter, le fils de Otto von Wächter, un autre criminel nazi, mais qui lui cherche à excuser son père. Quels que soient ses interlocuteurs Philippe Sands apparaît comme à l'écoute et capable d'empathie mais sans renoncer à son but. C'est son talent de s'appuyer sur les histoires personnelles de ses personnages, sur l'histoire de sa propre famille, sur les péripéties de son enquête et sur ses rencontres pour rendre vivant et accessible le récit de la construction de la justice internationale. J'ai trouvé cette lecture fort intéressante.
L'avis de Keisha.
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Par Anne-yes le 12 Février 2020 à 10:47
Pendant la guerre de Sécession le docteur March s'est engagé dans l'armée laissant ses quatre filles à la garde de leur mère. La situation financière de la famille est un peu difficile et les deux aînées, Meg, 16 ans et Jo, 15 ans, doivent travailler tandis que les petites, Beth, 13 ans et Amy, 12 ans, poursuivent leur scolarité. Toutes s'efforcent de grandir en bonnes chrétiennes et de s'amender de leurs petits travers pour faire honneur à leur père. Elles peuvent compter pour les y aider sur l'autorité bienveillante de leur mère qui responsabilise ses filles et refuse les châtiments corporels. Le père Alcott avait des principes éducatifs novateurs pour l'époque.
Les quatre filles du docteur March, roman paru en 1868, est fortement inspiré de la vie de l'autrice, Louisa May Alcott (1832-1888). Deuxième de quatre filles elle est représentée dans le roman par Jo, le garçon manqué qui court, qui jure, qui veut devenir écrivaine et qui est le meilleur ami de leur jeune voisin Laurie. Dans la vraie vie Louisa May Alcott s'est engagée comme infirmière de guerre, a choisi d'être une femme indépendante et a refusé de se marier.
La sortie d'une nouvelle adaptation cinématographique de ce roman est pour moi l'occasion de le lire. Ou même de le relire, pensais-je, car j'étais persuadée de l'avoir lu étant enfant tellement les personnages de Jo et Laurie m'étaient familiers. De toute évidence c'était un faux souvenir. J'ai du en voir des adaptations télé à moins que je n'en aie lu une version raccourcie pour la jeunesse. Et on a bien fait de proposer des versions adaptées car quel ennui que cet ouvrage moralisateur où les personnages sont quasiment uniquement préoccupés de gagner le paradis. Louisa May Alcott est bien une fille de pasteur.
Alors qu'elle se relève à peine de la scarlatine qui a failli l'emporter, Beth, 14 ans, se met au piano pour chanter un psaume à l'occasion de Noël :
"Je me contente de ce que j'ai
Que ce soit peu ou beaucoup
Et si j'ai encore des désirs, Seigneur,
C'est pour que tu m'en délivres."
Tu parles d'un projet de vie à son âge ! Alors certes, Jo est enjouée et spontanée mais l'objectif c'est quand même qu'elle rentre dans le rang : "Garder ses distances et réfréner ses ambitions, tel est le sort des femmes et je dois m'y résigner". Et il semble bien qu'en effet elle s'y résignera tellement elle fait d'efforts en ce sens. Finalement la réalité se termine mieux que la fiction. Comme lecture pour la jeunesse datant de la même époque je préfère grandement la comtesse de Ségur. Louisa May Alcott est aussi l'autrice de Rose et ses sept cousins dont la lecture m'avait également ennuyée.
Les filles du docteur March, un film de Greta Gerwig. Le film s'inspire du roman mais aussi des suites qui en ont été écrites -et que je n'ai pas lues. La narration fait des allers-retours entre un présent où Jo (Saoirse Ronan) adulte se lance comme écrivaine et les épisodes de l'enfance en famille. Par moments c'est un peu déconcertant mais on peu se fier à la longueur des cheveux de l'héroïne pour se repérer dans le temps. C'est exactement l'ambiance dont je me souvenais : les personnages sont enjoués et chaleureux, le foyer de la famille March est un cocon protecteur contre les difficultés de la vie. En fait c'est le roman auquel on a enlevé le puritanisme qui bride élans et sentiments. Et du coup tout s'éclaire et prend les couleurs de la vie. Il y a aussi de beaux décors et des costumes superbes. Je prends volontiers la garde-robe de Jo March. Je vous conseille donc de privilégier le film plutôt que le livre.
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Par Anne-yes le 9 Février 2020 à 12:31
Marion Chesney est morte le 30 décembre 2019. Cette autrice de nombreux romans, notamment policiers, écrits sous son nom et sous plusieurs pseudonymes, était née à Glasgow en 1936.
Panique au manoir. Ce policier est le dixième des aventures d'Agatha Raisin, série qui compte 30 épisodes dont les 19 premiers sont déjà traduits en français. Elle en sortait un par an.
Agatha Raisin a une cinquantaine d'années, vit avec ses deux chats et mène l'enquête en amatrice quand des gens sont assassinés dans son entourage, ce qui arrive régulièrement, semble-t-il. Dans cet épisode elle a, suite à une déception amoureuse, quitté son village des Costwolds pour le même dans le Norfolk. A peine est-elle arrivée que le châtelain du coin est assassiné et qu'elle se retrouve en bonne place sur la liste des suspects. Elle appelle alors à la rescousse son ami et occasionnellement amant Charles Fraith. Tous deux vont mener l'enquête.
Voilà une série qui semble avoir du succès : à ma bibliothèque, peu de tomes restent en rayon. Je choisis le plus ancien des deux. C'est une déception. Si certains passages sont amusants la lecture est quand même plutôt ennuyeuse. L'héroïne est une femme décidée, ce qui est sympathique, mais l'enquête et son dénouement peinent à m'intéresser. Il y a aussi des mystères annexes -une histoire de fées- qui ne sont résolus que de façon assez peu convaincante.
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